Sleigh Bells – Treats

Gros coup de poing dans le ventre, quand même. Improbable collaboration entre une chanteuse teenpop et l’ex-guitariste de Poison the Well, Sleigh Bells frappe très fort, avec une alliance eau/feu entre gros beats, guitares hardcore et voix pop mielleuse. Derek E. Miller avait déjà produit un des rares morceaux écoutables du dernier M.I.A., et il fait ici équipe avec Alexis Krauss, dont la voix (généralement) angélique est découpée, refaçonnée, étalée en couches et généralement assez (mal)traitée.

Treats commence très fort, avec la rafale de beats AK-47 de Tell ‘Em, dont l’intro sorte de mix entre l’hymne national US de Jimi Hendrix et Refuse/Resist de Sepultura, avant que Krauss ne pose une voix aussi pop que n’importe quel bête groupe teenage interchangeable. Mais il y a évidemment quelque chose derrière tout ça, derrière une alliance apparemment contre nature, et qui fonctionne pourtant très bien. Car Miller ne laisse aucune concession : les morceaux sont durs, très produits, et loin des passages évidents à la radio. Malgré tout cela, on y retrouve une veritable recherche mélodique, et une construction souvent complexe même si on ne cherche pas à être bizarre juste pour être bizarre. Guitares et voix sont accompagnés par toutes sortes d’artifices de studio, comme synthés et boîtes à rythmes, mais sauf exception, c’est la guitare qui domine comme instrument majeur. Cependant, les beats n’ont rien à envier à je ne sais quel producteur hip-hop en vogue dans notre damnée époque.

On passe de « cinglé » à « totalement dingue », comme on le remarque dans la ligne de guitare de Riot Rhythm, et la voix de Krauss qui la suit : l’art du single efficace n’est pas perdu pour tout le monde, dans le monde de l’indie US. Infinity Guitars a besoin de rilatine pour calmer ses pulsions, alors que Run the Heart, plutôt basé synthé, est une sorte de shoegaze du 21ème siècle.

Autre bonne idée : les morceaux sont courts, l’album aussi : pas le temps de s’ennuyer, ou de seulement penser que la formule commence à se répéter. Rill Rill, d’ailleurs, tente de casser le moule, en apportant une sensibilité plus pop, plus douce, avec un sample de Funkadelic, d’ailleurs. Mais l’album reste délirant de bout, comme si on avait laissé deux gosses affamés dans un magasin de jouets avec un McDonalds au sous-sol. Straight As se la joue carrément hardcore tandis que A/B Machines pousse l’expérimentation à son paroxysme, et est le genre de morceau qui, si joué en club, pourrait même presque me faire sortir. Imaginez seulement. Le morceau-titre conclut l’album, avec des gimmicks exubérants (mais c’est un peu le cas partout), des cloches de Noël (clin d’oeil à leur nom) et des effets sonore tordus.

Si on devait trouver un défaut, ce serait justement que Sleigh Bells sonne très fort comme un groupe de studio. Là où d’autres duos (ceux qui ont une couleur dans leur nom) arrivent à assurer sur scène avec peu de moyens, Miller et Krauss n’ont pas la même dynamique, et il serait fort intéressant de voir ce que ça donne sur scène. Mais même s’ils sont à chier, Treats est un des albums les plus originaux et intéressants de 2010, année fragmentée s’il en est. Ils sont aussi une mise à jour contemporaine du mariage entre sensibilité pop et musique plus dure, une sorte de Ramones du vingt-et-unième siècle. Ce qui est une très bonne chose.

Spotify : Sleigh Bells – Treats

2 réflexions sur « Sleigh Bells – Treats »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.