Jet – Get Born

Déjà vu, déjà vu… Comme le chat noir deMatrix, un nouvel album rock’n’roll venant d’Océanie doit être traité avec la plus grande suspicion, car 2002 a vu arriver le meilleur (The Datsuns) comme le pire (The Vines). Au moins, ce nouveau groupe de jeunes très seventies n’a quand même pas osé s’appeler The Jets…

Lancé comme tant d’autres par le NME, Jet était attendu comme les nouveaux Strokes, mais finalement ce n’est jamais qu’un bon groupe de rock, sans plus (ni moins). Á l’inverse de leurs compères rockers 1973 (oups, 2003), Jet n’hésite pas à truffer leur album de ballades, mais on en reparlera.

Les morceaux rock sont énergiques et tout et tout, mais très peu originaux (vocaux Liamesques sur Rollover DJ, au message -tout aussi Liamesque- franchement dépassé, basse Lust for Life sur Are You Gonna Be My Girl), tandis que les ballades sont hit and miss, avec le très face b d’Oasis (ben tiens) Look What You’ve Done comme meilleur du lot. Le reste de l’album continue sur cette voie, deux tiers moyen AC/DC, un tiers balades chiantes.

Pas mauvais, mais assez inutile quand on a eu meilleur, et bien meilleur cette année, et les précédentes. Le NME ne peut pas toujours avoir raison…

IAM – Revoir un printemps

Le plus grand groupe hip-hop français de tous les temps (ce qui n’est pas très difficile) fait son come-back après 6 ans d’absence. Enfin, absence n’est pas le bon terme, car IAM, à l’instar du Wu-Tang, s’est dispersé en projets solo (Sol Invictus, Black Album pour Akhenaton,Où Je Vais pour Shurik’n, et albums aussi pour Kheops -la série des Sad Hill, Freeman, et Imhotep. Akhenaton s’est aussi lancé dans le cinéma, avec son premier long métrage,Comme un aimant. Le groupe s’est reformé, sept ans après le phénoménal succès de L’École du Micro d’Argent, et le résultat est cet album, Revoir un Printemps.

L’album délivre ses promesses, et arrive même à parfois surprendre. La principale particularité est, et ça commence à devenir une habitude, ce dont personne se plaindra, l’instrumentation live. En effet, les 18 morceaux ont tous été écrits via platines et boîtes à rythmes avant d’être rejoués par des musiciens : batterie, basse, guitare, claviers et même cordes et cuivres, ce qui confère une atmosphère particulière, chaude et mélancolique, qu’on avait plus retrouvé dans le rap depuis le premier solo d’Akh (Métèque et Mat). De plus, les ambiances sonores sont assez variées, passant allégrement du hip-hop old school aux mélodies arabisantes. Un très bon point donc pour les musiques, quid des textes ?

Eh bien de ce côté là rien n’a vraiment changé : lyrics ouvertement politiques (21/04 sur les présidentielles françaises, Armes de distraction massive, Bienvenue) et définitivement originales dans le hip-hop international (après un morceau sur la prostitution sur l’École, voici Fruits de la Rage, sur la violence domestique). Rien n’a changé, mais ces prises de positions sont nécessaires, même si hélas marginales. La principale innovation au point de vue voix est la présence affirmée (sur chaque morceau, contre deux sur l’École) de l’ex-danseur Freeman, à l’accent marseillais bien plus marqué que le chuintement caractéristique d’Akh. Freeman apporte pas mal au groupe, une troisième voix comme un troisième point du vue. Reste quand même les clichés fatigants propres à ce genre muscial, clichés nécessaires peut-être, mais parfois disgrâcieux.

Les featurings sont comme d’habitude peu nombreux, mais de grande qualité (commerciale mais aussi artistique): Method Man et Redman sur le single Noble Art et Beyoncé sur l’engagé Bienvenue.

Il est difficile de dire si cet album rencontrera l’immense succès du précédent, mais IAM n’a pas loupé son retour, en réussissant un bon album dans le cadre très fermé du rap français engagé. Plus une mise à jour réussie qu’une révolution, mais sans doute le meilleur album rap français de l’année.

Outkast – Speakerboxxx / The Love Below

Dans le petit monde du hip-hop, OutKast a toujours fait figure, justement, d’intrus, en tant qu’un des rares groupes à tenter d’évoluer et d’innover. Leur big break d’il y a trois ans (Ms Jackson) était d’autant plus justifié qu’ils existaient déjà depuis une dizaine d’années. L’an dernier sortait une compile, et cette année le très ambitieux nouveau matériel.

L’album est divisé en deux parties, chaque cd appartenant à un des deux membres du groupe. Il n’en a pas fallu plus pour répandre des rumeurs de séparation. En tout cas, il faut traiter cet album en deux parties, assez diverses l’une de l’autre, même si la démarche est similaire.

Le premier cd, Speakerboxxx, est celui de Big Boi. Il se caractérise par une atmosphère assez variée, mais relativement peu hip-hop contemporain, même si Outkast s’est toujours caractérisé par un refus du Bitch, Cars, Drugs n’ Guns du rap commercial actuel. Une part cuivres rhythm’n’blues et atmosphères Motown, une part rap détendu et non-violent et une part électro, le tout joué (tout comme l’autre cd) par des vrais musiciens. Le cd est assez intéressant, mais peut-être trop expérimental. Il est assez difficile de trouver des morceaux qui se détachent vraiment dans ce collage très varié. Ceci dit, des pistes comme The Way You Move, très groove, Bust et ses guitares Cypress Hilliennes trouveront leur place chez les amateurs de bon hip-hop.

Mais que dire alors du premier single, Ghetto Musick ? C’est peut-être le single de l’année, commençant comme un Prodigy début de carrière et se poursuivant comme un Barry White sur un sample de Patti LaBelle. C’est un morceau incroyable, et le reste de l’album, forcément, a du mal à suivre.

La deuxième partie (The Love Below) est encore plus dingue que la première, un voyage dans l’univers onirique surréaliste d’Andre 3000, fusion rhythm’n’blues (et non RnB), rock, pop, soul avec un petit peu de rap. Moins de collaborations que chez Boi, mais plus de qualité : Norah Jones et Kelis (pour un fantastiquement barje Dracula’s Wedding). Pas mal de guitares aussi, et surtout un univers très particulier, où Prince est le roi et Dieu une femme (cf God). Á retenir le super single Hey Ya ! (« Shake it like a Polaroid picture ») ou encore Happy Valentine’s Day, même si tout l’album est bourré de trouvailles géniales.

Ce double album est dur à digérer, 140 minutes quand même, et est forcément inégal, comme tous les doubles (The Beatles,Mellon Collie and the Infinite Sadness, Sandinista !). Ceci dit, dans un genre musical (le hip-hop) très conservateur, il est bon de constater que des génies comme Pharrell, et surtout OutKast tentent d’apporter quelque chose de nouveau.

The Strokes – Room on Fire

Le nouveau Strokes est sans aucun doute l’album le plus attendu de l’année. Après deux ou trois écoutes, on peut en ressortir deux choses : il existe un son Strokes, qui est vraiment inimitable et presque indescriptible ; ensuite, ce même son est parfois modifié, et évolue, dans des proportions variées.

L’album n’est pas à proprement parler très surprenant, et ne fera sans doute pas autant parler de lui que son prédécesseur (Is This It, donc). Des morceaux très Strokes (Between Love and Hate, Meet Me in the Bathroom, déjà joués à l’AB début 2002 ou encore What Ever Happened), certains moins (le single 12.51 et son son de guitare incroyable, mais qui a la très mauvaise idée de finir sur un fade-out) voire pas du tout (le très soul Under Control), Room on Fire est un très bon album, réalisé par de très bons musiciens, mais on peut lui reprocher une certaine froideur (aidée par les longs silences de 5 secondes entre les morceaux) voire une impression de facilité qui, il est vrai, fonctionnait très bien pour Is This It. Le son est souvent plus puissant, mais on pourrait quand même se demander ce qu’aurait donné l’album produit par Nigel Godrich (Radiohead), comme c’était prévu.

Ceci dit, si l’on fait abstraction du hype, ou du fait que les Strokes ne seraient jamais que d’honnêtes imitateurs, Room on Fire reste un excellent album, plein de trouvailles musicales qui se découvriront progressivement. Il n’y a pas vraiment de point faible, et le groupe a eu une fois de plus la très bonne idée de rester concis (33 minutes). La déception de cet album vient peut-être du fait qu’on attendait l’impossible d’un groupe qui nous l’avait promis.

Pearl Jam – Live 2003 New York/Mansfield

Pearl Jam a été critiqué plus que de raison tout au long de leur carrière. Il y a fort à parier que ces gens n’ont plus écouté le groupe après leur deuxième, voire troisième album (leur septième est sorti l’an dernier). Il faut dire que le groupe n’a sorti qu’un clip vidéo en 10 ans, et n’a quasi plus de passage radio. Néanmoins, chaque personne qui achète un album de Pearl Jam peut comprendre à quel point ce groupe est magnifique. Á ma connaissance, il n’existe pas de groupe musicalement meilleur que Pearl Jam aujourd’hui. Point final.

Pour éviter la prolifération d’enregistrement pirates de mauvaise qualité, le groupe a décidé de sortir en cd, comme en 2000, leurs 72 concerts sur un site internet, au prix de 13€ (pour un double, voire triple cd). Il faut savoir que le groupe a un répertoire d’environ 150 morceaux, et que deux concerts de Pearl Jam n’ont jamais été les mêmes. Seuls sept concerts sont sortis dans le commerce de détail, et très récemment deux concerts au Madison Square Garden de New York et un dans la banlieue de Boston.

Ces trois concerts résument bien une tournée extraordinaire, ou chaque morceau était en fait unique. Il est impossible de réunir les meilleurs moments du groupe en un seul concert, ces trois montrent une énergie phénoménale, et une sélection plus que correcte des morceaux. Outre ses propres titres, PJ a aussi l’habitude d’offrir à son public pas mal de reprises, telles que Gimme Some Truth (Lennon), Rockin’ in a Free World (Neil Young), I Believe in Miracles (Ramones) ou encore Know Your Rights (The Clash). Les particularités de ces albums sont la présence surprise de Ben Harper (NY1) ou encore un set plus calme d’une heure de Pearl Jam (avant la première partie), durant lequel le groupe a pu interpréter une douzaine de morceaux d’une manière quasi unplugged. Les morceaux originaux du groupe sont tour à tour enragés (Lukin, Go, Save You), mélancoliques (Indifference, Love Boat Captain) ou simplement rock (Even Flow et son solo de 2 minutes du guitariste Mike McCready)

Posséder au moins un de ces albums est un must absolu pour tout amateur de rock, qui appréciera à sa juste valeur le talent des six musiciens du groupe. Tant pis pour les autres.

This is my music box, this is my home. Since 2003.