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Arctic Monkeys – Favourite Worst Nightmare

Je suis censé commencer l’article en parlant du légendaire syndrome du deuxième album, dire qu’il est probable qu’Arctic Monkeys ne tiendra pas la distance, et ensuite peut-être parler d’exceptions d’artistes dont le second était meilleur que le premier. Mais après l’avoir écouté quelques fois, ce n’est absolument pas la peine d’écrire un article formaté : Favourite Worst Nightmare est exactement ce qu’il est censé être. Et même plus.

On ne pourra pas rapprocher au groupe de se la couler douce : à peine plus d’un an séparent les deux albums, et entre temps ils auront sorti deux EP de matériel inédit. Mais une fois encore, après écoute, on se rend compte qu’il aurait été criminel de laisser ces morceaux mourir dans un tiroir (ou plus précisément, un disque dur).

Brianstorm entame l’album tel un coup de massue : le jeu de batterie est ahurissant, et quand les trois minutes se clôturent, on n’a même pas eu le temps de se rendre compte qu’il n’y a pas de refrain. Smells Like Teen Spirit rencontre les Klaxons dans une after enfumée. En parlant de Klaxons, leurs producteurs Simian Mobile Disco sont aux commandes, et ça s’entend : pas vraiment dans un son nu rave (même si quelques éléments apparaissent, notamment des claviers et le break monstrueux de If You Were There, Beware) mais via un son moins léger que le premier album, plus organique et nettement plus agressif.

Comme pour Whatever…, les morceaux s’enchaînent sans répit. Mais là où les tracks du premier album ne brillaient pas pas leur variété, on note ici un réel effort de variété, qui prouve à quel point les trois Monkeys ont évolué en tant que compositeurs. Je dis trois, car l’album présente au monde le nouveau bassiste, Nick O’Malley, qui a apporté énormément au groupe. Son duo avec Matt Helders forme une des rythmiques les plus impressionnantes du rock actuel. Teddy Picker, Balaclava, D Is For Dangerous complètent la première partie de l’album, qui s’avale d’une traite, quasi sans respirer.

Puis arrive ce que toute la presse qualifie déjà de méga-tube, leur Wonderwall, si on veut. Il est vrai que Fluorescent Adolescent a tout pour plaire : plus lent, plus facilement écoutable, avec une mélodie chantable jusque dans les stades de foot. Personnellement, je préfère leurs morceaux frénétiques, mais force est de constater, ici comme ailleurs, qu’Alex Turner est un lyriciste extraordinaire le nouveau Morrissey?), rivalisant les meilleurs MC en terme de flow (« The bloody mary’s lacking a Tabasco, remember when he used to be a rascal? » ou encore « Discarded all the naughty nights for niceness »). En tout cas, ce sera le prochain single, et probable soundtrack de l’été, de Camden à Berlin.

Only Ones Who Know est le Riot Van de l’album, un morceau lo-fi mélancolique, qui ne semble pas trop à sa place ici. Je suppose qu’il fallait une pause avant la suite, et l’ambitieux Do Me A Favour, tout en crescendo, comme This House Is A Circus, au coda instrumental impressionnant (vraiment un des points forts du groupe). Que dire de la fin de l’album? J’ai déjà évoqué If You Were There Beware, qui débute là ou Vampires, du premier album, s’arrêtait, mais leurs deux suivants enfoncent le clou, et la concurrence.

Old Yellow Bricks est emmené par une rythmique (encore plus) implacable, des breaks, un final apocalyptique et une mention du Magicien d’Oz. Enfin, 505 conclut, avec une superbe évocation mélancolique de la vie après le succès. Le morceau, qui rappelle évidemment A Certain Romance, débute par des claviers tirés de The Good The Bad And The Ugly, avant que le paroxysme thématique soit aussi le climax musical de l’album, avec un explosion sans précédent, qui laisse sans voix et qui termine l’album, 37 minutes après avoir commencé.

De mémoire, je n’ai jamais connu un groupe avec tant de pression, et l’obligation de sortir un bon second album à avoir réussi un tel pari. D’habitude, les seconds albums sont soit trop proches du premier, et donc nécessairement moins bons, ou alors ils s’y éloignent trop et se perdent en chemin. Favourite Worst Nightmare choisit la voie parfaite, celle du milieu, et sera vraisemblablement encore l’album de l’année. Toute résistance est absolument inutile. Et même si le groupe va quand même bien finir par se reposer un peu, on ne peut s’empêcher d’imaginer la suite, et le challenge du troisième album, qui a été fatal au groupe le plus important du Royaume-Uni avant eux, Oasis. La légende attend.