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Février 2014

Encore plus tard que d’habitude, ma sélection d’albums sortis le mois dernier.  J’en ai probablement oublié encore plus que d’habitude, envoyez-moi une carte postale pour me le dire.

St. VincentAlbum du mois, sans surprise : St. Vincent. Je ne sais pas si l’album est « mieux » que le précédent, mais je sais qu’il est excellent, et qu’Annie Clark continue l’exploration d’elle-même, du paysage musical contemporain et de sa guitare. Malgré le buzz autour de plus ou moins tout ce qu’elle fait, l’album est excellent de bout en bout, alliant passage électro/RnB contemporains et guitare héroïque, comme une Marnie Stern qui n’aurait pas oublié d’écrire des chansons. Le tout, parfois, au sein du même morceau, comme Huey Newton. On se revoit dans le top 10, dans dix mois.

Beck a fait plein de choses ces dernières années, mais Morning Guilt est son premier « vrai » album en huit ans. Fait d’autant plus important qu’il le présente comme le successeur de Sea Change, album de 2002 aussi délicat que déprimant. Et c’est vrai que Morning Guilt s’y rapproche, mais c’est justement là le problème : la suite, aussi appréciable puisse-t-elle être, n’est jamais aussi bien que l’original.

On termine le podium, avec Crosses (flemme de chercher le raccourci clavier des croix, tant pis). Crosses, c’est le projet parallèle de Chino Moreno mais surtout le principal de Shaun Lopez. Chino chante comme il sait le faire, mais c’est Lopez qui tient les manettes ici, franchissant parfois allègrement la ligne du bon goût en balançant des solos de guitare (Prurient) ou des effets sonores qui devaient probablement sonner kitsch quand on les a inventé. Mais l’album passe très bien, on regrettera juste la production un peu lourde de Lopez (mais c’est aussi sa marque de fabrique…) et certaines longueurs, il n’était peut-être pas nécessaire d’inclure les huit morceaux des deux EP déjà sortis.

Pour le reste, on retiendra Bombay Bicycle Club, qui tente avec succès d’être la réponse British à Vampire Weekend, tout en imprimant un peu de personnalité à sa musique (So Long, See You Tomorrow). Pas mal de sorties britonnes en février, d’ailleurs, mais d’un niveau, disons, varié. Temples (Sun Structures) est tellement à fond dans le rock psyché des 60s qu’il accompagnera parfaitement votre voyage (aller) en Inde, tandis que Breton (War Room Stories) tombe tête la première dans le syndrome du second album. Après deux excellents EPs, Cheatahs confirme tout le bien qu’on pensait d’eux avec un album dédié aux Saints Mascis, Shields et Moore, originalité limitée mais efficacité maximale. Enfin, Maximo Park est bien loin des graffitis et de la pression à appliquer de la belle époque, mais ils sont toujours là, avec une écriture raffinée qui rappelle parfois Morrissey, mais c’est pas si grave (Too Much Information).

On terminera par un détour du côté de Seattle, avec l’album inattendu des Presidents of the United States of America. Et ce qui pouvait être aussi inattendu, c’est la qualité de celui-ci. Evidemment, ils ne comptent pas révolutionner le monde avec leurs instruments à deux et trois cordes et leurs chansons qui parlent de petits animaux, mais Kudos To You, financé sur Pledge Music, compte parmi leurs meilleurs albums, et certainement leurs plus punchy. Nettement moins amusant et beaucoup plus français, Fauve sort son premier album, ou plutôt la première moitié de l’album (Vieux Frères première partie), je ne comprends pas vraiment leurs trucs conceptuels, mais c’est pas grave. Ce qui l’est nettement plus, par contre, c’est qu’ils confirment ne savoir faire qu’une seule chose : une musique étrange à la Wu Lyf et des paroles angoissées et scandées. Je ne les rejette pas comme biend ‘autres l’ont fait, mais il faudrait quand même penser à évoluer un petit peu, comme l’adolescent qu’ils sont censés représenter…

La (courte) playlist est enrichie par quelques morceaux d’albums futurs : Sharon Van Etten, Cloud Nothings et White Lung. On se revoit pour mars dans un mois, ou un peu moins, j’espère.

Beck – Modern Guilt

On peut ne pas l’apprécier, pour son oeuvre ou ses liens avec l’église de tomcruisologie, il est impossible ne ne pas admirer le fait que Beck Hansen semble totalement incapable de se répéter. Hits alternatifs (Loser, Sexxlaws), album acoustique mélancolique (Sea Change), bizarreries diverses et variées : Beck se renouvelle sans cesse, avec les risques et (demi-)échecs que cela provoque nécessairement.

Cette fois, il s’associe avec Danger Mouse, sommité underground derrière Dangerdoom (avec MC Doom) le Grey Album et Gnarls Barkley, entre maintes autres choses, pour un album assez morning after, sobre et très bien fichu. On retrouve les gimmicks propres à DM : des rythmes surf-rock, un beat caractéristique, du piano et une certaine brièveté : une trentaine de minutes et l’album est déjà fini : encore une fois, on ne peut que s’incliner devant Beck, qui a osé lui confier son son pour une mutation dont il a le secret.

Modern Guilt est sans doute l’album le plus discret de sa discographie. Il n’a jamais vraiment donné dans la superproduction, mais là on se trouve dans une lo-fi assez lo. On parlait de morceaux courts, mais dans leurs trois minutes respectives se passent plus de choses que dans un album habituel. Chemtrails est emmené par un sentiment psyché médicamenteux très sixties avant de se finir dans un solo de guitare trafiqué, Soul Of A Man possède une ligne de basse extrême et des guitares très crunchy, Youthless des violons qui agissent comme une basse, et on peut retrouver des discrets bidouillages electro un peu partout.

Parfois, la sous-production de Danger Mouse atteint l’excès : Walls est un morceau fabuleux, mais il est enterré sous des couches de filtres. De même, Profanity Prayers aurait pu être le plus gros hit de Beck depuis longtemps, mais l’élement le moins audible est… sa voix.

Malgré – ou grâce à – tout cela, Modern Guilt est un album fort intéressant, qui prend systématiquement la tangente, le chemin détourné, le réseau de mobilité douce. Beck prouve, si besoin était, qu’il reste un artiste à part entière, à la discographie peut-être inégale mais jamais répétitive.

Beck – The Information

Beck Hansen, touche à tout de génie, est maintenant dans une position enviable de godfather de la scène indie US. Il a connu sa période de (relatif) succès commercial (entre 94 et 96, avec les morceaux Loser, Where It’s At, Devil’s Haircut, extraits des albums Mellow Gold et Odelay), avant de dévier vers le moins accessible (Mutations) ou l’acoustique (Sea Change). sorti l’an dernier, Guero était une sorte de retour en forme, et The Information ne fait que confirmer cette affirmation.

Beck a toujours eu cette étonnante capacité à rendre mémorable un morceau complexe, bourré de samples et de subtilités, et il y arrive de nouveau ici, comme sur I Think I’m In Love, au début de l’album. Cellphone’s Dead, le premier single commence (sainte horreur) comme un récent Moby avant d’être entraîné par une ligne de basse très Dust Brothers (même si l’album est produit par Nigel Godrich) et le rap trainaillant de Beck, son trademark qui ne semble pas lasser. L’album est assez varié, et rappelle chaque période de la carrière de Beck. On y retrouve donc aussi des morceaux mélancoliques, qui suivent des tracks carrément hip-hop, le tout enrobé dans la sauce Beck, peut-être le plus grand caméléon offert par le monde indie américain. Ceci dit, The Information est sans doute trop long, et on se demande le pourquoi de la dernière piste, qui n’en finit littéralement pas. Mais ce sont des reproches tout à fait mineurs, vu la qualité du matériel.

Un artiste qui semble faire ce qu’il veut, qui ouvre des portes (ici via la pochette, entièrement modifiable via un jeu d’autocollants) et qui réussit à créer une musique qui plaît sans être élitiste : pas facile, mais ici parfaitement réussi.

Beck – Guero

Beck Hansen, touche à tout de génie, s’était un peu perdu ces dernières années, avec un album (Sea Change) pas spécialement mauvais, mais fort réducteur quand on sait de quoi l’artiste est capable. Guero est, clairement, un retour en forme. Beck y retrouve ses influences majeures, le funk des 70s, le hip-hop, le rock en général. Le premier single et morceau d’introduction, E-Pro, est emmené par des riffs metal, des beats hip-hop et un sample des Beastie Boys, le tout produit par les fameux Dust Brothers. Qué Onda Guero y ajoute un rythme latino, Girl de la Nintelectro, et tout l’album suit la même logique de bidouillage. L’ennui, avec ce type d’album, c’est que les atistes et producteurs doivent y ajouter ce on sait quoi de folie pour maintenir un bon niveau. Le fans de Beck seront ravis d’entendre que Guero est d’un très bon niveau, on ne s’y ennuie quasi jamais, même si tout n’est pas toujours d’un niveau exceptionnel. Ceci dit, c’est en effet un superbe retour en forme de la part du géniteur de Mellow Gold et de Midnight Vultures, et un très chouette album.