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Mai 2014

Mai 2014 était musicalement intéressant, même si vraiment pas drôle du tout.

Sharon Van Etten - Are We ThereMon album du mois, après hésitations et au moins 30 secondes de réflexion, c’est Sharon Van EttenAre We There. J’avais déjà beaucoup apprécié son précédent album Tramp, mais là, elle est passée hors catégorie, avec un disque de singer-songwriter étincelant, mélancolique, varié, triste et sublime. Principalement joué au piano, mais avec quelques éclats de guitares, l’album semble intimement personnel, avec des titres comme Your Love Is Killing Me ou I Love You But I’m Lost, et se termine avec un morceau cathartique qui termine un album majestueusement intense.

C’était sans doute le mois des albums tristes, parce que la Suédoise Lykke Li a sorti I Never Learn, album de rupture d’une absolue tristesse, il suffit de prendre quelques titres au hasard : Never Gonna Love Again, Sleeping Alone, Just Like a Dream (oui, c’est ironique). Mais plutôt que de sombre dans le pathos ridicule (on y arrive), elle a composé un album compact, d’une infinie sensibilité et porté par sa voix presque irréelle. Moins varié que l’album de Sharon Van Etten, il pourrait peut-être finir par lasser, mais il est aussi plus court, plus éthéré et tout aussi intense.

Et c’est donc ce mois-ci que l’ineffable Chris Martin a décidé de sortir le nouveau Coldplay (Ghost Stories), apparemment inspiré de sa tout aussi apparente rupture avec Gwyneth Paltrow. L’artwork inspiré de Sigur Rós est joli, les plagiats de Bon Iver (Midnight) et the XX (Magic) sont acceptables, je peux l’accepter. Mais l’album est d’une invraisemblable vacuité, alors que les paroles de Chris Martin ont cette fois dépassé le ridicule qu’elles ont toujours frôlé.

Les Black Keys ne volent pas beaucoup plus haut, mais on le sait depuis quelques années maintenant. Leur frustration de ne pas être Jack White est maintenant à son paroxysme, et plutôt que d’essayer de faire quelque chose de différent, ils nous sortent El Camino 2 : Electric Boogaloo (en fait appelé Turn Blue), en plus lent, plus chiant mais parfait pour plein de pubs. Pourtant, le début de l’album m’a presque étonné.

Heureusement, beaucoup de très bons albums sont aussi sortis en mai, sans compter ceux que j’ai oublié. Un petit tour d’horizon, dans le désordre, parce que si je fais des transitions je ne finirai jamais cet article 🙂

PawsYouth Culture Forever. Tout un programme, le titre du second album du combo écossais Paws. Mais c’est finalement une réussite, un deuxième album mieux produit (mais pas trop), qui ne s’affranchit pas de leurs influences rock indé 90s, mais qui étend leur son, approfondit l’écriture et fait passer un bon moment, jusqu’aux onze minutes finales tout en feedback et fin de concert.

Trash Talk – No Peace. On pouvait croire, après la signature chez Odd Future et les collaborations avec la bande à Tyler que Trash Talk allait évoluer. No Peace n’est pas d’accord avec ça, et sauf exception (intro/outro trip-hop, un peu de variation parfois) on reste dans le domaine du punk/hardcore direct et efficace. Quand c’est pas cassé, pourquoi réparer?

Tune-YardsNikki Nack. Merrill Garbus continue son workshop de morceaux bricolés, de bruits bizarres et de voix étranges. On a parfois l’impression qu’elle joue trois morceaux de trois genres différents en même temps, mais comme elle n’est pas seule dans sa tête, ça va.

SwansTo Be Kind. Comment suivre l’immense The Seer? Simplement, par un album de plus de deux heures dont un morceau de 34. Ecouter To Be Kind, encore plus d’une traite, est une véritable épreuve physique et mentale. On n’entend pas Michael Gira hurler le titre de « Toussaint L’ouverture », d’après un révolutionnaire haïtien, sans ressentir quelque chose au fond de l’estomac. Et après ça, la seconde partie de l’album est elle carrément violence et vicieuse, la dynamique quiet/loud ayant laissé la place à autre chose de carrément cinglé. Énorme.

Tori AmosUnrepentant Geraldines. C’est le premier album « normal » de Tori depuis 2009, après un album de réinterprétation orchestrales, un de Noël et un autre, carrément, chez Deutsche Grammophon.  Parler de retour en forme serait aussi stupide qu’insultant, mais Unrepentant Geraldines est carrément un de ses meilleurs albums, alliant piano, guitare acoustique, belles mélodies et étranges paroles, bien sûr : c’est sans doute le seul album au monde qui comprend un morceau qui parle de la NSA à un autre qui personnifie le concept d’ennuis.

Michael JacksonXscape. Si, si, je dois en parler. Parce que sur cet album, on a quand même trois bons morceaux, et comme c’est probablement la dernière fois qu’on a des bons morceaux de MJ, il faut bien marquer le coup. Xscape comprend 8 morceaux de périodes différentes, produites de façon moderne mais heureusement pas trop bourrines. Evidemment, les meilleurs sont les plus vieux, notamment Love Never Felt So Good qui sonne comme un classique oublié, et les menaçants Slave to the Rhythm et Do You Know Where Your Children Are, probablement coupé de Dangerous pour des raisons évidentes. Evidemment, sa voix a été manipulée, mais les versions originales présentes dans la version deluxe montrent que MJ fut un talent immense. Mais maintenant, c’est fini. Please?

Mongol HordeMongol Horde. Frank Turner est maintenant une mégastar capable de remplir Wembley Arena et de faire les têtes d’affiche de festivals monstrueux, mais la croûte purulente du vieux hardcore le démangeait beaucoup. Plutôt que de reformer Million Dead (patience) c’est avec Mongol Horde qu’il sort un album évidemment rapide, no-nonsense, et à l’humour loufoque présent du début à la fin (Stillborn Unicorn, Tapeworm Uprising).

On finira ce mois, juste avant le playlist comme toujours agrémenté de singles d’albums à venir par quelques sorties un peu différentes. D’abord, un 7″ live de Savages, leur première sortie depuis leur spartiate début Silence Yourself. Il comprend une reprise de Suicide, Dream Baby Dream et leur morceau de dix minutes Fuckers, connu par ceux qui ont eu la bonne idée de les voir tout démonter en concert lors des deux dernières années. À bientôt pour le second album. Un peu plus long, mais pas un album non plus, l’EP 5 titres collaboratif (Do It Again) entre Röyksopp et Robyn, collaboration pop expérimentale nordique parfaite avec morceaux de 10 minutes. Aussi étrange que captivant.

Enfin, la ressortie du mois est Definitely Maybe d’Oasis. Il est facile de dire du mal d’Oasis maintenant, mais à l’époque, on ne pouvait évidemment pas savoir que leur premier album constituerait leur sommet. Et quel sommet c’était, un album d’une perfection quasi absolue, d’un auteur, Noel Gallagher, qui transformait tout ce qu’il écrivait en or massif. L’album est remasterisé, lui rendant un peu de basse bienvenue, mais est aussi agrémenté de ce qui est probablement le meilleur ensemble de faces B de l’histoire de la musique enregistrée, et d’une série dispensable mais intéressante (Liam, sa voix, si jeune…) de démos et morceaux live dont le (semi) inédit Strange Thing.

J’ai oublié quelques albums, notamment The Horrors ou Conor Oberst, mais il fallait bien que je clôture cet article plus ou moins dans les temps. Je me rattraperai plus tard, n’hésitez pas à me dire ce que j’ai oublié d’autre, en commentaire, sur Twitter, ou sur Facebook.

À dans un mois pour juin, mais avant ça, on se retrouve dans quelques jours pour l’événement Music Box/Coupe du monde de foot, plus de détails bientôt!

Michael Jackson – Michael

On y est. Le premier des sept albums posthumes qui sortiront ces dix prochaines années, après une demi-douzaine de sorties depuis l’assassinat suicide accidentel de la plus grande pop star de tous les temps. Seulement, la plus grande pop star de tous les temps, elle n’avait plus sorti grand chose de valable depuis la fin de la décennie précédente. HiStory marquait le début de la fin, Blood on the Dancefloor comprenait quelques chouettes choses, mais Invicible était juste mauvais. Qu’attendre de ces « inédits »? Probablement pas grand chose sur un plan artistique, mais beaucoup sur celui de la controverse.

Quand Will.I.Am des Black Eyed Peas vous fait un speech sur le manque d’intégrité, ça veut quand même dire que vous êtes vachement dans la merde. Rappelant fort justement le perfectionnisme de MJ, il mit en évidence le fait qu’il n’aurait jamais voulu que ces morceaux sortent, pire, qu’il ne les a simplement pas finis. Ce qui laisse les coudées franches à quelques producteurs peu scrupuleux pour autotuner le bazar, commander une pochette hideuse, et encaisser la monnaie. Passe encore : les inédits des Beatles fin des années 90 ont aussi été fort retravaillés a posteriori. Mais la controverse n’allait pas s’arrêter là : quelques voix concordantes, notamment issues de la famille du défunt, s’accordent à dire que ce n’est simplement pas lui qui chante à certains moments. Et force est de constater que parfois, la voix ne ressemble pas à ce qu’on connaît d’un homme au style vocal éclectique mais toujours reconnaissable. On ne connaîtra peut-être jamais la vérité, mais ce qu’on peut toujours faire, c’est écouter et juger Michael selon ses mérites. Ce qui n’est vraiment pas terrible non plus.

Michael n’est évidemment pas un album cohérent : deux morceaux sortiraient des sessions de Thriller alors qu’un autre aurait été le tout dernier enregistrement de MJ avant sa mort. Ce qui est cohérent, par contre, c’est une production lourdingue : Teddy Riley était à la mode en 1987, et encore. On ne compte plus les tics vocaux encore plus irritants que d’habitude, les choeurs démultipliés et les nappes de synthés dégoulinants de pas si bonnes intentions. Certains morceaux sont tellement pauvres mélodiquement qu’on n’a rien trouvé de mieux que répéter le refrain ad nauseam, histoire de, quand même, tenter (en vain) de le retenir. I Like The Way You Love Me (insert pedo joke here) commence avec MJ qui téléphone la mélodie : on aurait du laisser l’enregistrement d’origine.

Les trois morceaux qui ne seraient pas entièrement chantés par Jackson peuvent effectivement (partiellement) prêter à confusion : soit Jackson a changé de voix pour on ne sait quelle raison, en plein milieu du même morceau, soit Sony n’a pas été foutu de trouver un bon imitateur. On s’en fiche un peu, tant ils sont insipides et anecdotiques. Breaking News pousse même le vice jusqu’à reprendre des extraits sonores de bulletins infos qui relatent quelques scandales ayant impliqué MJ. Original, non? Michael Jackson parle de lui à la troisième personne, mais il semble vraiment probable que ce ne soit pas lui. Sony prend vraiment, vraiment ses fans pour des cons.

Bizarrement, les trois morceaux les plus intéressants clôturent l’album : I Can’t Make It Another Day a été écrit par Lenny Kravitz et utilisé sur son album Baptism. La version orginale apparaît ici, et contiendrait une performance à la batterie d’un certain Dave Grohl (qui sonne comme une boîte à rythme). Pas le meilleur morceau rock de Jackson, mais un break salvateur dans cette bouillie sonore. Michael se clôture avec deux outtakes de Thriller, album déjà ressorti deux fois auparavant, mais sans ces inédits : on pouvait décemment douter de leur qualité. Behind the Mask est pourtant facilement le meilleur morceau ici, une réinterprétation des japonais Yellow Magic Orchestra qui prouve que Jackson était (était) un performer vocal exceptionnel. Le solo de saxophone rappelle le mauvais goût de l’époque, mais bon, on restera indulgent. Le McCartnesque Much Too Soon sombre un peu trop dans la saccharose, mais est tout aussi superbement chanté. Faut juste supporter l’accordéon.

Michael est donc un album inégal au mieux, comprenant un ou deux morceaux décents et d’autres qui n’auraient pas passé le cap d’Invincible. Mais malheureusement, il marque le début d’une période de surexploitation commercial de l’artiste le plus exploité de tous les temps. Si les morceaux ici sont les meilleurs du lot, le pire reste à venir.

Si vous aimez Michael Jackson, ou la musique en général, n’achetez pas ceci. Ne le volez même pas, ça lui donnerait une justification imméritée. Allez écouter Off the Wall à la place.

Spotify : Michael Jackson – Michael

Michael Jackson (1958-2009)

J’ai appris la mort de Michael Jackson en direct, en suivant l’info via twitter. Mon impression, deux jours après, n’a pas changé : c’est simplement irréel. Mais d’un autre côté, il n’y avait pas d’autre issue : pour que la légende soit à jamais définitive, il devait mourir brutalement, dans des circonstances qui resteront toujours douteuses. Les hagiographies et critiques cyniques n’ont pas manqué, et ne manqueront pas dans les prochains jours (et je suis très satisfait de ne pas regarder la TV : je n’y ai pas vu une seule image couvrant l’événement). Je vais simplement m’attacher à exprimer mon avis sur l’artiste Michael Jackson, probablement la personnalité la plus connue de l’histoire du show-business.

J’ai vu Jackson en concert une fois, à Ostende, lors de sa méga(lo) tournée HiStory (septembre 97), durant laquelle il avait érigé d’immenses statues de lui un peu partout en Europe. Le show était évidemment impressionnant, mais le son pourravissime (on était quand même dans un hippodrome) et il était impossible qu’il chante en live en dansant comme ça, la performance était partiellement fake. Je n’en ai pas gardé un souvenir imperissable, de plus, je me dois de le signaler : la carrière musicale de MJ est quand même sérieusement inégale.

Sa jeunesse, Jackson 5 et tout, franchement, je m’en fous. Les gosses exploités par leurs parents (ce qui peut facilement expliquer beaucoup de choses dans le comportement futur de Wacko Jacko), je n’ai pas envie de les écouter, surtout quand ils ont une voix suraiguë. ABC, I Want You Back et consorts, ça m’énerve. Par la suite, les choses s’arrangeront, et Can You Feel It reste un morceau funk tout à fait décent, sans atteindre le niveau des génies du genre. Parallèlement à son succès familial, Michael, clairement la star de la famille, allait sortir quelques albums solo qui ne m’ont jamais intéressé (même quand Pearl Jam a repris une partie de Ben pour leur morceau Rats). Il faudra attendre 1979 et Off The Wall pour que la mégastar devienne surhumaine. Seulement, et on ne le savait pas encore, il n’arriverait plus, en trente ans, à atteindre ce niveau : Off The Wall sera son meilleur album, titre éventuellement disputé par le suivant, Thriller. Il faut dire qu’il est excellent, truffé de dancefloor fillers comme Don’t Stop Til You Get Enough, Rock With You ou Workin’ Day And Night, ou de la somptueuse ballade She’s Out Of My Life. Ce dernier morceau montre à quel point la voix de Jackson est exceptionnelle, même proche de la rupture.

À partir de là, la machine était lancée. Les 20 millions d’Off The Wall vendus ne seront pas grand chose comparés à la suite : Thriller (1982) et ses 109 millions (chiffre qui va certainement augmenter ces prochains jours) qui font de lui l’album le plus vendu de tout les temps. Il est d’ailleurs extrêmement probable qu’il le restera éternellement, vu que le concept même d’album est voué à disparaître. Thriller est un disque monstrueux, malgré sa pochette ridicule. Wanna Be Startin’ Somethin’ et son électro claustro ouvre l’album, qui enchaîne ce qui est sans doute la plus extraordinaire série de hits de l’histoire de la musique enregistrée : à un duo gentillet avec Paul McCartney suit en effet la triade fabuleuse Thriller / Beat It / Billie Jean. La caisse claire et basse de l’intro de ce dernier est indescriptible de perfection sonique. À partir de là, MJ ne pouvait que décliner, mais heureusement, cela se fera en douceur. Mais la chute sera progressive, et totalement irrémédiable.

Cinq ans après, l’attente était immense, les moyens aussi. Martin Scorsese réalise un film de 20 minutes illustrant le morceau-titre mais aussi le changement d’image de MJ : il devient Bad. L’album se vendra très bien, mais nettement moins que Thriller. La Jackomania est à son comble : neuf morceaux sur onze sortiront en single (dont quelques perles, I Just Can’t Stop Loving You ou encore l’implacable Smooth Criminal), cinq seront n°1 aux USA, un fait unique à ce jour. Il tournera deux films promo (Captain EO pour Disney, Moonwalker), mais les ennuis allaient commencer. On s’interroge sur sa vie apparemment étrange, on se moque de son caisson d’oxygène et de ses remontées testiculaires dansantes. Leave Me Alone, le dernier morceau de l’album, parle de lui-même. Mais personne ne le fera jamais.

Alors que Jackson est devenu un phénomène qu’on pensait immortel, Dangerous allait faire mal, très mal. Sony voulait mettre à jour le son 80s de Jackson, et enrôla le producteur de l’époque, Teddy Riley. 30 millions de copies partirent, mais MJ perdit son âme. L’album est gonflé de partout, 77 minutes d’excès et de mauvais goût, tant musical (metal/funk/pop/rap/choeur/ballades écoeurantes/Stéphanie de Monaco) et visuel (des clips invraisemblables). L’exploitation commerciale dura deux ans et neuf singles. Le vent commençait à tourner, et Sony trouva une solution inédite : le prochain album serait double, et comprendrait un best of.

HiStory : Past, Present and Future Volume 1 est au moins aussi prétentieux que son titre. Le premier disque comprend quinze succès extrait des quatre albums Sony précédents (la sélection laissant parfois à désirer) et est suivi d’un second de quinze nouveaux, emmenés par le très casse-oreilles Scream, duo avec sister Janet, illustré par le clip le plus cher de l’histoire. Le reste? Un mix de ballades mièvres (You Are Not Alone, Stranger In Moscow) ou affreuses (Earth Song, malgré la bonne intention) et de morceaux plus enlevés, notamment marqués par la présence de guests, comme… Shaquille O’Neal. MJ est toujours fâché, et s’attaque au méchant juge qui veut le foutre en tôle (D.S) et aux tout aussi méchants journalistes (Scream, Tabloid Junkie). Il reprend aussi très mal Come Together, quelques années après avoir acheté les droits de plusieurs centaines de morceaux des Beatles, au nez et à la barbe de leurs compositeurs et ayant droits (il semble que le testament de MJ leur rendrait, on le saura dans quelque temps). Histoire de faire encore pire, l’album sera suivi par une plaque de remix et d’inédits médiocres, alors que le dernier album studio sorti de son vivant, Invincible, ne vaut même pas la peine qu’on lui accorde une phrase complète.

Depuis lors, la vache à lait fait sortir des compiles diverses et variées, mais semble incapable de pouvoir se concentrer sur de la nouvelle musique. Il est vrai que sa vie privée ne le poussait pas spécialement à composer tranquillement en studio. Gageons que d’ici quelques mois, on retrouvera miraculeusement des maquettes, histoire de sortir quelques albums posthumes à la Tupac Shakur. Sa dernière actualité, c’était son come back fracassant sur la scène : il devait jouer 10 fois sur la (très grande) scène de l’O2 Arena de Londres. Des promoteurs naturellement avides ont vite fait de quintupler (!) ces concerts, il semblait alors évident que Jackson n’aurait jamais été physiquement capable de tenir le coup.

On ne le saura jamais, comme on ne saura jamais si l’artiste Michael Jackson allait être capable, comme un de ses modèles, de provoquer sa résurrection. Ce qu’on sait, par contre, c’est l’importance immense de l’artiste pour son art, et pour la société en général. On ne citera que deux exemples : c’est son extraordinaire talent qui empêcha les médias US de ne pas diffuser ses chansons, ouvrant ainsi la porte aux artistes Afro-Américains, de même, il aura créé quelques ponts entre des genres musicaux jusque là séparés (dès le solo d’Eddie Van Halen dans Beat It).

Sa chute fut terrible, et sa grande période créatrice assez courte. Mais quand Michael Jackson était bon, il était extraordinaire.

Michael Jackson – The Essential

Je l’avais déjà dit pour Iggy Pop, et je dois le répéter : le monde est cruel. Demandez à dix types dans la rue ce qu’ils pensent de Michael Jackson, et peu de monde va parler de sa carrière musicale. Pour preuve, une quatrième compilation de Jacko vient de sortir, sans aucune communication. Résultat, alors que c’est la première fois que toute sa carrière est représentée, le double album s’est vendu à 8000 exemplaires aux USA. 8000.

Pourtant, c’est un résumé complet pour un artiste qui a révolutionné le monde musical, même si sa période de grâce fut assez courte.

La compilation commence avec un très jeune Michael Jackson, en solo (Rockin Robin très inspiré des classiques rock n roll, la ballade Ben, dédiée à un hamster, si si) ou avec ses frères, formant d’abord Jackson 5 (les très enfantins et limite pénibles ABC, I Want You Back) puis The Jacksons (Blame It On The Boogie et Shake Your Body, qui commencent à créer le template de ce que sera le MJ classique).

Michael quitte Motown, rejoint Sony, et sort sa première bombe : Off The Wall. On ne présente plus Rock With You et Don’t Stop Til You Get Enough, monstres de dancefloor à la production subtile et efficace. She’s Out Of My Life, ballade classique, montre la qualité alors exceptionnelle de la voix de Michael.

Un dernier retour avec The Jacksons, Can You Feel It, et Michael était prêt à devenir The King of Pop. D’abord, un duo avec Paul McCartney (à l’époque où leurs relations étaient encore bonne, maintenant, Macca refuse l’utilisation de Say Say Say pour cette compile), The Girl Is Mine, premier des sept morceaux (sur neuf) de Thriller (1982) repris ici.

Ensuite, une procession infinie de hits : Thriller, et sa ligne de basse funkier-than-fuck, Beat It, crossover pop et heavy metal, riffs de Steve Lukather, solo d’Eddie Van Halen ; Wanna Be Startin’ Somethin’, où la diction particulière de Jackson se fait entendre, avec des influences gospel ; PYT, et son utilisation de vocoder, ou encore, et surtout, l’immense Billie Jean.

Chaque seconde de ce morceau est inoubliable, l’intro de batterie puis basse, le thème assez politically incorrect du morceau, et la production de Quincy Jones, qui va jusqu’à ajouter des claquement de fouets explicites. Sans oublier que MJ lui-même a écrit ce morceau, un des plus extraordinaires de l’histoire de la pop, et précurseur (malheureux) de la pourriture RnB actuelle.

Thriller reste toujours l’album original le plus vendu de tous les temps. Tout cela est très bien, mais malheureusement, à partir de maintenant, chaque album de MJ sera moins bon que le précédent.

Cinq ans après, Bad et ses neuf singles voient le jour. Michael marque un pas important en terme de composition : il a écrit 9 morceaux sur 11, tout en co-produisant l’ensemble. C’est aussi ici que ses innombrables tics commencent à sérieusement irriter. Quasi pas une seconde de musique ne passe sans qu’il ajoute ses marques de fabrique, du genre « cha’mone » et cris perçants. Un peu, ça va, beaucoup…

Tout aussi irritant, la propension de MJ et surtout de Sony à faire de chaque sortie Jackson un événement extraordinaire : le clip de Bad est un film de 40 minutes réalisé par Martin Scorsese et Liberian Girl, de Spielberg, comprend plus de guest stars que dix ans de Friends.

Musicalement, ça devient aussi moins bien : Bad est une tentative ratée d’égaler le metal pop de Beat It, The Way You Make Me Feel est répétitif, tout comme les bons sentiments de Man in The Mirror. Restent quand même des bons moments, comme le très tendu Dirty Diana ou le bizarre Smooth Criminal.

L’album se clôture avec la première apparition d’un thème qui deviendra omniprésent dans la vie de MJ : son désir de vouloir vivre une vie normale, à l’abri des tabloïds. Ce qui aurait été possible, s’il n’avait pas complètement pété un câble. Ou deux.

Quand Jackson revient, le monde musical change : le rap/hip-hop devient la tendance du moment. Maintenant, la musique commerciale n’appartient plus aux compositeurs, mais aux producteurs. Et avant Timbaland, Kanye West et Pharrell, Teddy Riley était numéro 1. C’est donc à lui qu’à été confié Dangerous, sorti en 1991. La démesure est encore plus de rigueur : les clips font apparaître Michael Jordan, Macauley Culkin, Eddie Murphy ou Iman, mais musicalement, on est proche, d’esprit, avec la soupe MTV contemporaine. Ce qui m’a surpris : à ce niveau-là, rien n’a vraiment changé depuis.

Les morceaux corrects se comptent sur les doigts bandés de MJ : le sulfureux In The Closet, en duo avec Stéphanie de Monaco (suite au refus de Madonna), et Who Is It. Pire, les ballades atteignent un niveau d’écœurement impressionnant, surtout quand The Essential propose en succession Heal The World et Will You Be There (avec son clip où Michael se prenait pour Jésus, autre prophète persécuté, on suppose). Ca n’a pas empêché l’album de se vendre solidement, mais la réputation de MJ devenait aussi entachée que sa vie privée.

Ensuite, un des titres les plus pompeux possibles : HIStory : Past, Present and Future, Book One, rien que ça (soit dit en passant, on attend le Book Two. Ou peut-être pas, finalement).

Sony commençait à piger qu’un nouvel album n’intéressait plus trop de monde, résultat, un disque de nouveaux morceaux, et un autre de best of. On ne retrouve que trois extraits de cet album ici, les passables mais peu subtils Earth Song (avec un final où Michael prouve que sa voix peut encore faire des miracles) et They Don’t Care About Us (superbe hymne parano où MJ se compare aux juifs lors de la Shoah, pas moins), ainsi que You Are Not Alone, composé par R. Kelly, autre amateur de fricotage avec mineurs. L’horrible et insupportable duo avec Janet, Scream, est heureusement omis, tout comme le reste de ce pitoyable album, où se trouvaient aussi une reprise médiocre des Beatles (Come Together) et une attaque frontale contre le méchant procureur Tom Sneddon qui veut tant de mal au gentil Bambi.

Bambi, qui sort ensuite son court métrage Ghost, accompagné d’un album de remixes et cinq inédits (dont aucun ne se trouve ici), et enfin son dernier flop magistral, Invincible (tu parles) né de l’irréalisme de son team qui a refusé l’offre (!) de Pharrell qui aurait bien voulu produire ce disque, très vite oublié.

Sony se contente maintenant de sortir best of et anthologies, mais c’est certainement ce double cd, The Essential Michael Jackson, qui éclaire le mieux une carrière aussi passionnante que pathétique, où le génie extraordinaire a côtoyé le médiocre minable. Et comme il est fort probable que notre homme ne sortira plus jamais rien de nouveau, cette dernière sortie nous pousse à se procurer très vite Off The Wall et Thriller, et rien d’autre.