Archives par mot-clé : Thom Yorke

Septembre 2014

Nouveau mois, nouveau retard accumulé, on ne traîne pas et on plonge dans les sorties du mois de septembre, en commençant par mon album du mois ou plutôt mes deux albums…

Aphex Twin SyroAphex TwinSyro. Retour impressionnant pour Richard D James avec un album étrangement accessible mais très complet : pas une seconde n’est perdue, pas une mesure n’aura été réfléchie. Je ne peux pas prétendre avoir totalement écouté ni compris Syro, tant chaque écoute ajoutera une couche de complexité à un album dense, mais pourtant plus facilement accessible que Drukqs, par exemple. Le dernier morceau de l’album, piano et bruits d’oiseaux, est une merveille contemplative totalement organique.

Death From Above - The Physical WorldDeath From Above 1979The Physical World. La première vie du duo basse/batterie canadien fut courte mais terriblement intense. Aucune idée de la durée de leur seconde vie, mais une chose est sûre après une seule écoute de The Physical World : DFA79 est tout aussi vital en 14 qu’en 04. En fait, l’album est probablement meilleur : conscients que l’effet de surprise ne se reproduira pas, Grainger et Keeler n’ont rien perdu en énergie, mais y ont ajouté recherche mélodique poussée (voix, refrains) et inventivité multipliée (quelques plans assez cinglés, comme le riff de Gemini ou l’intro du morceau-titre). On ne peut qu’espérer qu’ils ne vont pas se consumer aussi rapidement que lors de leur précédent passage parmi nous…

et la suite…

Alt-JThis Is All Yours. Le passage obligé et difficile du second album a été bien négocié par Alt-J, qui avait de toute façon bien compliqué sa pop-folk bizarre dès le début. Ils ont donc gagné le droit de simplifier un peu les structures tout en gardant leurs caractéristiques, comme les multiples harmonies vocales et une production à mi-chemin entre l’électro et le rock traditionnel. Leur succès m’étonne quand même, mais c’est assez mérité.

Andy CairnsFuck You Johnny Camo. Second album solo pour le vocaliste/guitariste de Therapy? Andy Cairns, en édition limitée et uniquement dispo sur leur site. En fait, il s’agit d’un album l’accompagnant en tournée et consistant de morceaux de Therapy? arrangés en solo acoustique, et une poignée de nouveaux morceaux.

Julian Casablancas and the VoidzTyranny. Alors que l’extraordinaire intérêt provoqué par les Strokes voici maintenant trop longtemps s’est transformé en vague curiosité polie, Julian tente de se réinventer après un premier album solo très synthés 80s et tout autant polarisant. Tyranny est une brave tentative, certes, mais il est aussi virtuellement inécoutable. Interminable, souffrant d’une production incompréhensible (sa voix est souvent déformée et toujours enfouie dans un mix infâme), il passe tellement rapidement d’une idée à une autre que les morceaux ne ressemblent pas à grand chose. Il y a pourtant un excellent album là-dedans : les bonnes idées fourmillent mais n’ont jamais le temps de se développer.

GoatCommune. L’onde de choc du premier album est maintenant passée, et c’est carrément sur Sub Pop que se retrouvent les suédois à l’histoire (fictive?) fascinante. Structures bizarres, rythmes tribaux, effusions de guitares jouées par un Jimi Hendrix chamanique, c’est toujours intéressant mais sans doute moins percutant que dans le passé, nouvelle familiarité oblige.

The History of Apple Pie Feel Something. Piège du second album difficilement abordé par le combo pop-shoegaze qui livre un disque « comme le premier mais moins bien », ce qui le rend donc malheureusement inutile bien que non dénué de qualités.

InterpolEl Pintor. Le mythe du « retour en forme » entoure le quatrième album d’Interpol et leur premier en tant que trio. Interpol a définitivement gagné le droit de retrouver ses racines, après quelques tentatives peu fructueuses d’extension musicale. Mais malheureusement, il est impossible d’égaler Turn on the Bright Lights même pour ceux qui l’ont créé. Courageuse tentative, cependant : les meilleurs morceaux de l’album (Ancient Ways, Tidal Wave, All the Rage Back Home) se laissent écouter sans problème.

Karen OCrush Songs. Premier album solo pour Karen des Yeah Yeah Yeahs (et de The Moon Song). En fait, il s’agit d’une collection de démos très lofi enregistrés au cours des années, et dont le sujet est rendu très explicite par le titre. Très court, l’album ne laisse jamais le temps aux idées brillantes de Karen de s’exprimer correctement, ce qui est finalement le principe des premières démos de morceaux dont on ne connaîtra jamais ce qu’elles auraient pu donner au final. On conservera donc un album forcément très intime, parfois magnifiquement poignant (Rapt) mais par définition peu accompli. La notion de « premier album solo » doit donc être prise avec des pincettes.

ShellacDude Incredible. Il ne faut même pas essayer de trouver Shellac sur Spotify : Steve Albini va venir chez vous, se moquer de votre collection de disques et puis crever les pneus de votre voiture. Achetez donc Dude Incredible et vous pourrez écouter un album de Shellac 100% dégraissé, avec des morceaux très carrés et straight to the point. On pourrait peut-être y trouver une allusion à Game of Thrones, un riff de ZZ Top et une version ralentie de Osama Bin Laden de Against Me, mais une fois de plus, Steve Albini me fait peur.

The VinesWicked Nature. Craig Nicholls sait écrire de chouettes mélodies, mais quelqu’un aurait vraiment du lui dire qu’un double album de vingt-deux morceaux n’était pas une bonne idée du tout, surtout qu’il n’y a que deux types de chansons ici : le truc fuzzy quiet-loud à la Nirvana et la ballade psyché-champis. Mais comme l’album est moins pénible que le Casablancas, il fallait que j’en parle.

Thom YorkeTomorrow’s Modern Boxes. Comme pour In Rainbows, on parlera plus de la forme que du fond : le second album solo de Thom Yorke est sorti via téléchargement bittorrent payant, ouvrant peut-être la voie à d’autres initiatives novatrices. Quant à la musique, elle ne surprend pas : c’est bien Thom Yorke et ses jouets électro, dans un mode encore plus poussé que précédemment. Ceux qui regrettent pourront trouver un peu de Pyramid Song dans Guess Again, et reconnaître que la voix réverbérée fait toujours son petit effet, sinon, c’est synthétique, calme et introspectif.

The Smashing PumpkinsAdore. Billy Corgan continue l’autoglorification de son passé, avec une ressortie spectaculaire d’Adore, l’album le plus controversé du groupe (qui n’en était d’ailleurs plus vraiment un, s’il l’a seulement jamais été). Quand il est sorti, c’était un peu comme Kid A quelques années plus tard. Un switch musical quasi total vu comme une sorte de suicide commercial. Mais là où Kid A a reboosté Radiohead, Adore a retrospectivement enterré les Pumpkins. Mais ce n’est pas la faute de l’album : courageux, terriblement travaillé et parfois somptueux, Adore mérite l’attention et la récompensera maintes fois. Fidèle à son habitude, Corgan ne lésine pas sur les bonus : l’album remasterisé est présent en stéréo et mono, on retrouvera aussi trois disques remplis de démos et d’inédits ainsi qu’un album live. Tout cela n’est évidemment pas essentiel, mais Adore l’est bien : un album d’une rare beauté d’un artiste à jamais mal compris.

Oasis(What’s the Story) Morning Glory? Autre album a connaître les joies de la ressortie, Morning Glory est le sommet commercial absolu d’Oasis. On pourra débattre sans fin sur la question de quel album est le meilleur (Definitely Maybe, pour moi) mais Morning Glory est un monument. Noel Gallagher pille sans honte le patrimoine commun de la musique britannique, mais en sort un album qui y prendra aisément place. Il possède la marque des grands disques : ses meilleurs morceaux sont cachés loin des singles maintes fois entendus. Hey Now mais surtout Morning Glory représentent le sommet du groupe et surtout d’un Liam qui n’aura jamais été capable de retrouver cette rage Johnny Rottenesque. L’édition spéciale n’apporte rien à l’album lui-même, mais a le grand mérite de compiler toutes les faces B, qui sont souvent d’un niveau stratosphérique. Il est impossible de parler de cette période du groupe en oubliant Rockin’ Chair, Talk Tonight, Acquiesce ou The Masterplan, et on a également la surprise (la seule) de découvrir un mix alternatif de Champagne Supernova qui sonne totalement…  beatlesque. Le troisième disque reprend quelques démos et morceaux lives pour faire bonne figure, mais les deux premiers sont absolument obligatoires.

QueenLive at the Rainbow 74. On a beaucoup parlé des inédits avec Michael Jackson qui sortiront officiellement dans quelques semaines, mais en attendant, Queen nous propose une tranche d’histoire, avec un double album enregistré à Londres en 74 (pendant deux concerts à huit mois d’intervalle) soit avant Bohemian Rhapsody, et même avant Sheer Heart Attack : Killer Queen n’apparaît qu’en version embryonnaire. La setlist est donc bien différente des lives classiques à la Wembley 86 et c’est une bonne chose : aucun hit ici, mais du hard rock à tendance déjà grandiose et marquée par les effusions spectaculaires de Brian May et Freddie Mercury.

Des extraits de tout ça et bien plus encore dans la playlist Spotify, et on se retrouve dans un mois, si possible un peu plus tôt…

Thom Yorke – The Eraser

Apparemment, il ne faut pas lui parler d’album solo. Cependant, nous sommes ici en présence d’un disque, produit par Nigel Godrich et attribué à Thom Yorke, génie torturé du groupe le plus important du monde musical contemporain (voilà, je l’ai dit), Radiohead.

Lorsque Radiohead a sorti Kid A, la surprise fut énorme, vu l’absence quasi totale de guitares remplacées par des sons électroniques divers et variés. On avait attribué ce virage musical à Yorke et ses influences de l’époque : Autechre, Aphex Twin, tout le catalogue de Warp Records. Depuis, les guitares sont un peu revenues, et il semble que le prochain album du groupe (attendu quelque part en 2007, avec un petite preview lors du prochain Pukkelpop) sera moins électro. C’est peut-être pour cela que Yorke décide de sortir cet album, qui lui ressemble beaucoup.

On ne rira pas outre mesure en écoutant The Eraser et son climat suffocant, ses beats chirurgicaux, ses bidouillages sonores difficilement compréhensibles. On se demandera maintes fois ce que Yorke raconte, et puis on comprendra que s’il veut qu’on comprenne ses paroles, il en fait en sorte. Ainsi, le premier single, Harrowdown Hill (emmené par une ligne de basse qui définirait la carrière de n’importe quel producteur hip-hop) est basé sur la mort douteuse du docteur David Kelly, dans laquelle est mouillé l’ennemi juré de Yorke, Tony Blair.

Yorke et Godrich remplissent l’espace stéréophonique à la perfection. The Eraser, cousin du fabuleux Everything In Its Right Place (Kid A) en est un bon exemple. On retrouvera même une guitare (mais en est-ce vraiment une?) sur le magnifique Black Swan. Le tout forcément porté par la voix de Yorke, traitée comme un instrument à part entière.

En attendant le futur Radiohead, Thom Yorke continue sur la lancée de son groupe, en créant un nouveau chef d’oeuvre. Il ne plaira pas à tout le monde, on peut parier sans trop de risques que les anti-Kid A/Amnesiac passeront leur chemin. Mais ce serait louper une oeuvre majeure pour son compositeur, et un des albums de 2006.