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Octobre – décembre 2014

Cette fois je bats des records, même pour moi, et je n’en suis pas fier. Mais bon, quand je me suis rendu compte que je serais encore plus en retard que d’habitude pour octobre, je me suis dit que j’allais mettre novembre avec. Et comme rien grand chose de nouveau ne sort en décembre… Voici donc le dernier (et très chargé) trimestre 2014, le prochain article, ce sera le top de l’année.

Un album du mois (parce qu’il fallait bien en piocher un) et le reste en ordre alphabétique + compiles et playlist Spotify à la fin.

Bass Drum of Death

Bass Drum of Death – Rip This. Je ne connais pas personnellement John Barrett, tambour de la mort en chef, mais je me demande s’il en veut à Royal Blood de lui avoir dérobé le trophée officieux de nouvelle sensation rock de l’année. Je n’ai rien contre le duo de Brighton, mais Bass Drum, c’est carrément autre chose, amplis sur 11, riff qui défonce tout et rythmique impitoyable. C’est surtout le gros pas en avant depuis le précédent album qui est impressionnant de maîtrise et de musicalité, comme un Cloud Nothings qui prend la voie la plus rapide entre les points A et B. Énorme.

Allo Darlin’ – We All Come From The Same Place. Leur précédent album Europe avait été un de mes préférés de cette année-là, et son successeur prend le même chemin, toujours grâce à une superbe voix, des mélodies douces-amères et une utilisation régulière mais parcimonieuse de l’ukulélé. Le groupe se permet même quelques sorties de leur zone de confort, comme le duo (avec le guitariste) Bright Eyes et son solo de guitare rock garage. Un peu plus abrasif donc, mais toujours superbe et adorable.

Bored Nothing – Some Songs. On pourra difficilement reprocher à quelqu’un d’avoir exactement la même voix qu’une autre personne (sauf Scott Stapp). Donc on ne dira rien sur Fergus Miller, qui vient de Melbourne, qui aime enregistrer des morceaux lo-fi probablement dans sa chambre, et qui sonne exactement comme Elliott Smith. Les morceaux eux-mêmes y ressemblent parfois, mais pas seulement : les synthés de l’intro de We Lied font quasi new wave alors que d’autres morceaux plus charnus peuvent faire penser à un autre artiste aux débuts solo lo-fi et un nom en Nothing… Fergus Miller a le droit d’avoir son propre nom, ceci dit : sa musique parle d’elle-même.

ChumpedTeenage Retirement. Pop-punk énergique terriblement fun, comme un Johnny Foreigner plus direct et rapide. Les influences semblent évidentes, mais l’album est tellement bon (de bout en bout!) qu’on s’en fiche complètement.

Détroit La Cigale. L’album live à chaque tournée, tradition française à laquelle ne coupe pas Détroit, à savoir Bertrand Cantat, Pascal Humbert et une série de musiciens de tournée. La setlist reprend presque tout l’album ainsi que des greatest hits de Noir Désir, mais ne parvient pas, du moins sur disque, à captiver ni même à émouvoir. Cantat fait beaucoup d’efforts, notamment en allongeant certains morceaux, mais cela dessert plutôt l’album, qui manque très étrangement d’intensité.

Ex-Hex – Rips. C’est le nouveau projet de Mary Timony, qui avait déjà donné ce nom à un album solo. Ici, elle continue ce qu’elle faisait chez les regrettés Wild Flag, à savoir du punk rock poppy et mélodique, avec des acrobaties guitaristiques bien senties. On appréciera beaucoup les harmonies girl band (How You Got That Girl), et même si l’album n’est pas très varié, ce qu’il fait est excellent.

Foo FightersSonic Highways. La critique fut rude pour le dernier album des FF, qui ont certainement visé beaucoup plus haut que leur talent. L’album est peut-être bien leur moins bon, se traînant systématiquement en longueur sans raison valable, et pâtissant de paroles tellement littéralement inspirées de l’expérience vécue par Dave Grohl (8 morceaux partiellement écrits et enregistrés dans 8 studios différents) qu’elles en sont ridicules. Mais la série TV est passionnante si l’histoire du rock vous intéresse, ce qui est probablement le cas.

GirlpoolGirlpool. Quinze minutes de pop-punk féministe détonnant et explosif.

Iceage Plowing Through the Fields of Love. Toujours aussi mystérieux et captivants, les (plus aussi) jeunes danois augmentent leur palette sonore mais les nouveaux instruments prennent une couleur malsaine et inquiétante, ce qui est exactement l’impression que l’on a du frontman Elias Bender Ronnenfelt, 2/3 rock star auto-destructrice, 1/3 Pete Doherty.

Alain Johannes – Fragments and Wholes Vol 1. Multi-instrumentaliste au CV équivalent à l’ego la bonne volonté de Dave Grohl, Johannes nous présente son second album (qui sera apparemment bientôt suivi d’un second volume) plus varié que Spark, mais tout aussi excellent. On comprend aisément l’influence énorme qu’il aura eu (et a toujours) sur, par exemple, Queens of the Stone Age : penser le contraire serait une hérésie. Les morceaux sont directs, sans perdre de temps sur des arrangements artificiels (oui, je pense encore à Sonic Highways), et quand il rappelle le génie maudit d’Elliott Smith (Pebble Tears), on fond.

Mark Lanegan BandPhantom Radio. Après avoir surtout aidé les autres (Soulsavers, Isobel Campbell, Queens of the Stone Age), Lanegan pense plutôt à lui ses dernières années : Phantom Radio est son troisième album en trois ans. Et même s’il ne fera pas beaucoup pour confirmer sa légende, il reste éminemment écoutable, grâce à la voix de Dark Mark, forcément, mais aussi à la multi-instrumentation d’Alain Johannes, qui joue de 23 instruments différents sur l’album, si Wikipedia dit vrai. Mais j’ai quand même préféré son album à lui.

Johnny Marr – Playland. Il est lancé, Johnny, à peine un an après son premier (enfin, plus ou moins) album solo, voici déjà un second. Et bien que l’intention est louable et que Johnny me semble toujours sympathique, Playland est juste un album compétent, avec quelques bons morceaux mais rien de bien transcendant, la faute notamment à une voix trop passe-partout.

MogwaiMusic Industry 3 Fitness Industry 1. Comme de coutume avec les Ecossais, un EP suit la sortie d’un album, cette fois l’excellent Rave Tapes. L’EP est un paquet surprise de remixes, de morceaux sans doute pas assez intéressants pour se retrouver sur l’album et de Teenage Exorcists, morceau totalement atypique avec chanteur et refrains limites pop. Mais ce qui est dingue, c’est que même si c’est le truc le plus pop jamais fait par Mogwai, c’est excellent.

Thurston MooreThe Best Day. Toujours pas de nouvelles concernant un éventuel retour de Sonic Youth, mais ce ne semble pas concerner Thurston Moore, même si c’est sa vie privée qui mit un terme (momentané?) au groupe alternatif le plus important de tous les temps (selon l’orthodoxie). Après Chelsea Light Moving, c’est maintenant un album solo relativement direct que sort Moore. Enfin, par direct, je veux dire que les morceaux semblent avoir des couplets et des refrains, c’est juste qu’ils ont des sortes de solo de guitare dissonants et infinis, seul le bien nommé Detonation ne semble pas s’éterniser. L’appréciation de l’album dépendra donc fort logiquement de celle que l’auditeur a de Thurston lui-même.

Ariel Pink Pom Pom. Je me suis lancé dans l’écoute de cet album avec un esprit certes ouvert, mais quand même influencé par les conneries qu’Ariel Pink peut raconter en interview. Mais il faut bien avouer qu’il connaît son chemin autour d’un morceau, et son talent de composition et d’arrangement est proche du génie. Génie cinglé, qui devrait la fermer plus souvent qu’à son tour, et écouter les gens qui lui ont sans doute dit que son album est 30 bonnes minutes trop long, mais génie quand même. Un peu comme Kanye…

Rancid – Honor Is All We Know. Oui, on sait exactement ce qu’on va avoir, mais ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. S’ouvrant par la déclaration d’intention Back Where I Belong, le huitième album de Rancid est un album de ska/punk classique, c’est tout, c’est un peu limité mais c’est bien quand même.

Damien RiceMy Favourite Faded Fantasy. Huit ans après le magnifique 9, le triste troubadour irlandais revient avec un album, disons, magnifique et triste. Toujours au fil du rasoir, sa voix tient à peine sur une instrumentation aux multiples textures, même si le style de production de Rick Rubin menace parfois de tout écraser et y arrive d’ailleurs à certains moments, malheureusement. Les morceaux sont étonnamment longs : quatre morceaux (sur huit) font plus de six minutes et deux dépassent les huit, mais Rick et Damien arrivent à mettre tellement de passion (et d‘instruments divers et variés) qu’on ne peut pas s’ennuyer, si l’on a un coeur, du moins. Damien Rice a réussi à démontrer que la vie était absurde et l’amour toujours douloureux. Une fois de plus.

Savages et Bo NingenWords To The Blind. Elles ne se la jouent pas faciles, les 4 Savages. Après un premier album encensé (fort justement) par la critique, elles appuyent leur côté arty avec cette collaboration avec les expérimentalistes japonais Bo Ningen. Les 37 minutes commencent par des poèmes murmurés en japonais et français, et progressivement la tension augmente, pendant que les musiciens semblent jouer sept morceaux différents en même temps. Et c’est après une bonne dizaine de minutes hésitantes que le chaos s’installe, dirigé de main de maître par Fay Milton à la batterie. Le morceau ne se calmera jamais vraiment, Jehnny Beth arrivera un peu à chanter vers la fin. Etrangement pour un project censé être intense, on n’est jamais vraiment captivé, ni dérangé par une expérience free-form assez classique, finalement.

The Smashing Pumpkins – Monuments to an Elegy. Corgan raconte toujours autant de conneries en interview, est encore bien facile à gérer (il ne reste maintenant plus que Jeff Schroeder avec lui, la batterie a été prise en charge sur l’album par Tommy Lee) mais il semble avoir compris qu’il devait faire plus simple musicalement. Monuments est ainsi l’album de Corgan le plus facile à écouter depuis bien longtemps, neuf morceaux dépassant rarement les 4 minutes et, sauf exceptions, basés sur une structure classique guitare/section rythmique. Maintenant, il est probable que Corgan retournera à ses passions prog-rock sur son prochain album, prévu en 2015, mais en attendant, il fait mieux que rappeler les gloires passées.

2:54 – The Other I. Évolution plutôt que révolution pour les deux soeurs Thurlow, version real life de déesses goth sortant tout droit de The Wicked and The Divine. Moins dark wave et plus à l’aise, les compos sont toujours poignantes et intimes, avec de jolies lignes de guitare et une batterie très sèche. Point positif important, il est consistant de bout en bout et conçu comme un vrai album, avec deux faces et tout et tout.

TV On The Radio – Seeds. TVOTR est probablement maintenant le plus gros vrai groupe indé du monde, depuis que The National remplit l’O2 de Londres et qu’Arcade Fire est… ce qu’Arcade Fire est maintenant. Mais c’est mérité, même si on pourra les qualifier de groupe de producteurs (le CV de Dave Sitek va bientôt rivaliser celui de Pharrell), TVOTR a probablement réalisé le meilleur album indé-post-pop-machin de l’année, avec carrément de la disto guitare comme on faisait avant, et un Lazerray qui va faire découvrir les Ramones à quelques barbus aux grosses lunettes. Careful You est un des meilleurs morceaux de 2014.

U2 – Songs of Innocence. On va tenter de passer outre la grandiose stupidité de la distribution de l’album pour se concentrer sur le contenu. Mais ce n’est pas gagné : la pub Apple le single The Miracle (of Joey Ramone) est l’antithèse exacte de ce que Joey représente toujours, et la collection de ballades qui suit est aussi passionnante qu’un album de Coldplay sans les éventuels moments de brillance momentanée. On peut difficilement reprocher à un groupe approchant les 40 ans d’existence de manquer d’inspiration, ou à Bono d’avoir perdu une bonne partie d’émotion dans sa voix. Mais on peut par contre reprocher à U2 leur volonté têtue de nous imposer le contraire, contre tout évidence.

WeezerEverything Will Be Alright In The End. Ce que Weezer a du se taper à chaque sortie d’album depuis plus de dix ans est terriblement injuste : la barre était placée tellement haute par l’album bleu et Pinkerton que même de bons disques comme Maladroit ou l’album vert ont été injustement démolis. Bon, évidemment, la suite était moins glorieuse, mais à part l’infâme Raditude, chaque Weezer avait quelques morceaux sympas dessus. Rien de tout cela ici : on a peut-être bien vraiment (vraiment) le meilleur Weezer depuis Pinkerton. Pas qu’il soit parfait, aussi amusant soit-il, Back to the Shack est irritant, par exemple. Mais je n’y croyais pas : non seulement Weezer sort un album excellent, mais le morceau co-écrit par Justin Hawkins est tout à faire appréciable.

The World Is A Beautiful Place And I’m No Longer Afraid To Die – Between Bodies. Le nouvel album est une collaboration avec l’artiste spoken world Christopher Zizzamia, les rendant encore plus proches de Touché Amoré (en nettement moins violent) ou La Dispute (en moins poignant). Il me semble, mais ce n’est que mon avis, qu’ils ont un peu perdu de leur puissance en chemin, le long de ces 28 minutes liées thématiquement.

Compiles et ressorties


David Bowie
Nothing Has Changed. Quelques mois après son retour très réussi, Bowie sort sa compilation la plus complète, ou plutôt ses compilations : trois versions différentes avec tracklist et pochettes variées. On s’intéressera à la version la plus longue, sur trois CD. Le premier commence par l’inédit Sue, revisite les meilleurs moments de The Next Day et choisit soigneusement les perles des quinze dernières années de l’artiste, notamment ses collaborations avec les Pet Shop Boys (Hallo Spaceboy) ou Nine Inch Nails (I’m Afraid of Americans) tout en incluant des extraits de son album « perdu » Toy. Le second disque s’attaque à sa période de gros succès commercial (Let’s Dance, China Girl, Under Pressure, « Heroes ») alors que le troisième tape dans le mille à chaque fois, avec des morceaux fondateurs comme The Jean Genie, Moonage Daydream, Life on Mars?, Space Oddity ou encore Changes). Faisant son boulot jusqu’au bout, il comprend aussi des vieux machins comme In the Heat of the Morning (repris par The Last Shadow Puppets, ils fichent quoi, eux?) ou son premier single Liza Jane, crédité à Davie Jones and the King Bees. Un résumé efficace mais pas sans failles (il est où, Suffragette City?) de quelqu’un qui est probablement le plus important artiste solo de l’histoire du rock.

dEUS – Selected Songs 1994-2014. Autre compile saisonnière, voici trente morceaux extraits de tous les albums de dEUS tant singles que deep cuts. Comme toujours, on pourra pinailler sur l’absence de certains morceaux (Put the Freaks Up Front, Sister Dew pour ne parler que de The Ideal Crash) mais comme intro à un groupe complexe et en flux constant depuis vingt ans, il y a bien pire.

FugaziFirst Demo. Une page d’histoire redécouverte chez Dischord Records et un rappel plein d’espoir : Fugazi n’a jamais annoncé sa séparation.

Manic Street Preachers – The Holy Bible 20. Money money money, mais c’est toujours bien chouette d’avoir toutes les faces B au même endroit, de profiter de morceaux live de l’époque et de maintenant, ainsi que d’avoir un remaster de la version originale et du fameux mix US de Tom Lord-Alge, qui a les préférences du groupe. Mais évidemment, l’album en lui-même est un des tout grands chefs d’oeuvre du vingtième siècle.

PixiesDoolittle 25. Money money money, mais c’est toujours bien chouette d’avoir toutes les faces B au même endroit, de profiter des Peel Sessions (dont certains inédits) et de découvrir une partie du processus créatif avec des démos parfois assez différentes du résultat final. Mais évidemment, l’album en lui-même est un des tout grands chefs d’oeuvre du vingtième siècle.

SoundgardenEcho of Miles : Scattered Tracks Across the Path. Depuis les premières mentions de la sortie d’une compile de raretés de Soundgarden, ils se sont reformés, sont partis en tournée, ont sorti un best of, un album studio et ont ressorti leur album phare Superunknown. Maintenant elle peut enfin sortir, et l’attente valait la peine : trois cd remplis de faces B, de reprises et de bizarreries diverses et variées, dont des vraies nouveautés.

Il y avait aussi des albums pour Neil Young et Pink Floyd, mais un manque de temps (et d’envie, surtout) m’a empêché de les écouter. Neil Young fait encore plus ou moins tout et son contraire : après A Letter Home enregistré avec des moyens des années 40,  Storytone sort en version orchestrale et solo acoustique. Quant à Pink Floyd (The Endless River) ils ne m’ont jamais trop intéressé, même quand Roger était encore là, même quand Syd était encore là, finalement. Alors, maintenant… Dites-moi quand même si j’ai tort.

(oui, j’ai oublié Parquet Courts/Parkay Quarts).

Playlist Spotify avec extraits de ces albums + d’albums à venir (Sleater-Kinney!), on se revoit dans quelques jours pour mon top 2015 (quand 2014 sera fini, on ne sait jamais.)

Weezer – Hurley

Un album par an, c’est la moyenne actuelle de Weezer. Et encore, c’est sans compter les compiles de démos du leader Rivers Cuomo (deux, avec une troisième à venir), les ressorties deluxe d’anciens albums (le bleu est déjà sorti, Pinkerton arrive début novembre) et même une collection d’inédits (Death To False Metal, le même jour). Tout cela sans doute pour faire oublier un fait : Weezer n’est plus que l’ombre de lui-même, et ce depuis déjà bien longtemps. Oh, à chaque fois, on fait semblant d’y croire. Hash Pipe n’était « pas si mal », Island In The Sun « quand même catchy ». Beverly Hills, c’était juste un incident de parcours, et le rouge avait un ou deux trucs chouettes. Mais non. On se leurre, trompé et retrompé par l’espoir, vain, que le groupe retrouve un jour son niveau d’antan. On peut même rester réaliste : on se contenterait aisément d’album corrects, sans génie (comme le vert et Maladroit), mais Weezer a été bien trop loin, atteignant un embarrassant paroxysme avec Raditude, un album tellement mauvais que l’apparition de Lil Wayne en était un highlight. En bon masochiste, Cuomo n’a pas manqué de nous fournir un autre bâton : alors qu’il racontait en interview que le titre de l’album est inspiré par le sympathique personnage de Lost joué par Jorge Garcia, le guitariste Brian Bell a maladroitement avoué qu’il s’agissait en fait d’une référence au sponsor (!) de l’album, une marque de vêtements de skate. Tout était en place pour une démolition en règle de Hurley. Tout? Non, j’oubliais : Cuomo, qui a composé en solo les premiers albums, s’est cette fois adjoint les services de compositeurs extérieurs, on y reviendra. Bref, ça va chier, quoi.

Finalement, on est presque soulagé, un peu surpris : Hurley, grande nouvelle, roulement de tambours, est moins mauvais que Raditude! Comme quoi, signer avec Epitaph (gros lol quand même) aura peut-être servi à quelque chose, comme par exemple, ressortir les geeeetarz. Attention, pas des guitares à la prod lo-fi, non, on a mis plein de gloss dessus pour que le tout saute aux oreilles comme un album de Metallica mal masterisé (oui, je sais). Memories, premier morceau et single envoie du très lourd dans un refrain tout aussi lourd de sous-entendus pas sous du tout, en fait : « memories make me want to go back there, back there ». Nous aussi, Rivers, nous aussi. C’est donc bourrin, lourd (oui, encore, mais c’est pour bien enfoncer le clou), pas mélodique pour un sou, et comprend des paroles, euh… disons que Cuomo parle d’une époque « when Audioslave was still Rage ». Ce qui est déjà très laid, mais en plus, est-ce que quelqu’un se souvient encore d’Audioslave? Non? Tant mieux.

Memories est assez représentatif de l’album : survitaminé, pas malin du tout, mais quand même assez catchy. Parce que s’il ne fallait retenir qu’une seule chose de la carrière post-Pinkerton de Cuomo, c’est bien ça : 80% des trucs qu’il écrit, aussi douteux soient-ils, restent quand même sérieusement accrocheurs. Hey, j’ai même cru à un moment que (If You’re Wondering If I Want You To) I Want You To était décent, c’est dire. Trainwrecks suit le même schéma : progression d’accords de fête foraine, paroles d’ado en détresse parce qu’il ne se retrouve pas dans le nouveau Linkin Park (« we don’t update our blogs, we are traaaaaaaaaaaaiiiinwrecks ») avec en extrabonus un crédit de composition de Monsieur Desmond Childs, alias le mec qui a écrit plein de morceaux pour Bon Jovi, mais qui n’arrivait pas à conserver une permanente décente. En parlant de crédits de compositions, on retrouve ailleurs Dan Wilson de Semisonic (remember Semisonic? Closing Time? Pas grave.), Ryan Adams en mode non-metal, Tony Kanal de No Doubt (le forcément lourdaud Smart Girls) ou l’évidente et navrante Linda Perry. Tout cela ne vaut franchement pas grand chose, tout comme Where’s My Sex : 3 minutes 28 d’un Rivers Cuomo qui trouve absolument hilarant que « socks » et « sex » se ressemblent presque. Qu’est-ce qu’on se marre.

On sortira quand même du lot Unspoken, un des rares morceaux écrits en solo par Cuomo, dont l’intro acoustique touchante fait regretter la tournure bourrine qui n’aurait pas du être imposée au morceau, ainsi que Hang On, toujours aussi bêtement vulgaire, mais vraiment, vraiment entraînant. Mais bizarrement, c’est le dernier morceau de l’album qui en est le plus intéressant. Co-écrit par le chanteur country Mac Davis, Time Flies reprend la formule classique des morceaux de Weezer, mais en version folk/country/lofi rappelant Led Zeppelin mis à jour par Jack White. Malheureusement, Time Flies n’est qu’un rappel cruel de ce dont Cuomo est capable, et on ne sait toujours pas pourquoi il semble – consciemment! – gâcher son talent. Malgré tout, on reviendra donc dans deux semaines (trois albums en un mois, ce mec est vraiment cinglé), pour la version deluxe de ce qui est sans doute son chef d’oeuvre, Pinkerton, et  l’album de chutes de studio provenant de toute la carrière du groupe : l’espoir de trouver quelques perles est donc là, espérons qu’il ne sera pas, une nouvelle fois, déçu. En ce qui concerne Hurley, c’est donc juste un album de Weezer de plus : pas le pire, certes, mais bien loin de ce qu’on pouvait espérer. En vain.

Spotify : Weezer – Hurley (version spéciale avec reprise de Coldplay, rien ne nous est épargné)

Weezer – Raditude

J’emprunte la formule à Drowned In Sound : Weezer est le pire groupe à avoir enregistré deux excellents albums. Leur premier album (sans titre, pochette bleue) et Pinkerton sont deux des tout meilleurs albums des années 90, le premier par son alliage parfaite entre pop song et ce qu’on appelait rock alternatif, et le second par ses complexités et la personnalité torturée du leader Rivers Cuomo. La suite? Deux albums par moments brillants (le sans-titre vert, Maladroit) et deux infâmies (Make Believe, le sans-titre rouge). On avait du mal à espérer quoi que ce soit d’un Weezer qui n’ a plus fait grand chose de bon depuis longtemps, et effectivement, on a bien ce dont on pensait. Voire pire.

Pourtant, le début passe pas trop mal. Comme premier extrait, If You’re Wondering If I Want You To (I Want You To) ne passe pas trop mal, disons qu’il passe mieux que ses horribles prédécesseurs Beverly Hills et Pork and Beans. The Girl Got Hot et I’m Your Daddy continue la nouvelle traditions des morceaux assez gras, mais bon, vu les attentes très basses, on s’y fait pas trop mal. Mais ce n’était que partie remise.
Cuomo, dans Pork And Beans, parlait de son envie de travailler avec Timbaland. Il ne l’a pas fait (pas plus mal, finalement) mais s’est reposé sur Jermaine Dupri, avec qui il a composé ce qui ne saurait pas ne pas être le pire morceau de Weezer, Can’t Stop Partying. Autotune, refrain débile, rap raté de Lil Wayne : j’ai entendu hier un morceau de David Guetta qui n’était pas pire. Cuomo a effectivement (ab)usé de co-compositeurs : outre Dupri sur deux morceaux, il a aussi écrit avec le producteur Jacknife Lee, Butch Walker ou deux All American Rejects. En fait, seuls trois morceaux sur dix n’ont pas eu d’apport extérieur, un ayant d’ailleurs été écrit par Pat Wilson, batteur depuis le début devenu guitariste (l’omniprésent Josh Freese prenant sa place derrière les futs). Pire : Love Is The Answer, un des morceaux de Cuomo, a d’abord été enregistré par Sugar Ray (SUGAR RAY!) avant de se retrouver ici. On se demande d’ailleurs ce qu’il y fait, avec son ambiance et voix stupidement bollywoodiennes.
Le reste de l’album n’arrange rien, et les festivités se terminent par une ballade bien naze. Enfin, ne se terminent pas forcément : comme d’habitude, Weezer a joué la carte de l’édition spéciale, ajoutant quatre morceaux tout aussi oubliables. Comme cet album, le troisième album nullissime consécutif de Weezer. Vraiment triste.

Weezer – Weezer

Un nouvel album de Weezer, c’est avant tout un plongeon dans le psyché de Rivers Cuomo, auteur/compositeur/geek en chef, qui a décidé de ne pas donner de nom à l’album, pour la troisième fois. Après le bleu, le vert, voici donc le rouge. Ensuite, c’est aussi une interrogation après les relatives (et moins relatives) déceptions des précédents. On n’a pas spécialement envie que Weezer revienne au style des débuts, mais faire mieux que Beverly Hills, ça serait bien quand même.

Troublemaker, annoncé erronément comme premier single, sera sans doute le second : sympa mais sans grand intérêt, ce qui n’augure rien de bon pour la suite. Mais en parlant de suite, Rivers en a dans les idées : The Greatest Man That Ever Lived est de loin le morceau le plus complexe du groupe, et ferait passer Bohemian Rhapsody pour un morceau des Ramones. Petit résumé : intro au piano / grime avec sirène et Cuomo qui rappe (mal) / guitare sèche / un choeur big band / un falsetto à la Mercury avec la guitare de Brian May / un couplet punky / j’en passe et des meilleures / un spoken word sur un solo de basse / une polyphonie à la (encore) Bohemian Rhapsody / encore d’autres trucs, et un final tout en riffs metal.

C’est étrange, mais assez bien réussi. On peut regretter que certaines idées n’ont pas été développée en chansons entières, mais on est surpris, ce qui est toujours agréable. Pork and Beans suit, et est sans doute le meilleur single de Weezer depuis Hash Pipe, voire même avant. On peut se moquer des paroles de Cuomo, mais le morceau n’est pas mal du tout.

Problème : l’album ne garde pas du tout le même niveau. Heart Songs, une ballade (évidemment) est sauvée par son thème, à savoir une liste des artistes et chansons qui ont influencé Cuomo, dont un couplet entier sur un extrait d’un album sorti en 1991 avec un bébé nu sur la pochette (réponse sur carte postale à l’adresse habituelle). C’est bien parce que ça parle personnellement à beaucoup de monde, sinon, délit de kitscherie intense. Que dire d’Everybody Get Dangerous, alors? Rivers rappe encore, les paroles sont pourries et le middle eight me rappelle Papa Roach. Papa Roach! Evidemment, comme souvent avec Rivers Cuomo, il est difficile de savoir s’il faut prendre tout cela au premier degré, mais si je voulais de la parodie, j’irais écouter Weird Al.

La suite et fin de l’album est assez oubliable et fort peu inspirée. Rivers cède le micro sur deux morceaux, mais il n’aurait pas du. Ok, quasi chaque morceau possède au moins un bon plan, mais cela reste assez médiocre. Ceci dit, comparé à l’innommable Make Believe, c’est un mieux indéniable. Mais c’était mieux avant, ma ptite dame.