Je l’avais déjà dit pour Iggy Pop, et je dois le répéter : le monde est cruel. Demandez à dix types dans la rue ce qu’ils pensent de Michael Jackson, et peu de monde va parler de sa carrière musicale. Pour preuve, une quatrième compilation de Jacko vient de sortir, sans aucune communication. Résultat, alors que c’est la première fois que toute sa carrière est représentée, le double album s’est vendu à 8000 exemplaires aux USA. 8000.
Pourtant, c’est un résumé complet pour un artiste qui a révolutionné le monde musical, même si sa période de grâce fut assez courte.
La compilation commence avec un très jeune Michael Jackson, en solo (Rockin Robin très inspiré des classiques rock n roll, la ballade Ben, dédiée à un hamster, si si) ou avec ses frères, formant d’abord Jackson 5 (les très enfantins et limite pénibles ABC, I Want You Back) puis The Jacksons (Blame It On The Boogie et Shake Your Body, qui commencent à créer le template de ce que sera le MJ classique).
Michael quitte Motown, rejoint Sony, et sort sa première bombe : Off The Wall. On ne présente plus Rock With You et Don’t Stop Til You Get Enough, monstres de dancefloor à la production subtile et efficace. She’s Out Of My Life, ballade classique, montre la qualité alors exceptionnelle de la voix de Michael.
Un dernier retour avec The Jacksons, Can You Feel It, et Michael était prêt à devenir The King of Pop. D’abord, un duo avec Paul McCartney (à l’époque où leurs relations étaient encore bonne, maintenant, Macca refuse l’utilisation de Say Say Say pour cette compile), The Girl Is Mine, premier des sept morceaux (sur neuf) de Thriller (1982) repris ici.
Ensuite, une procession infinie de hits : Thriller, et sa ligne de basse funkier-than-fuck, Beat It, crossover pop et heavy metal, riffs de Steve Lukather, solo d’Eddie Van Halen ; Wanna Be Startin’ Somethin’, où la diction particulière de Jackson se fait entendre, avec des influences gospel ; PYT, et son utilisation de vocoder, ou encore, et surtout, l’immense Billie Jean.
Chaque seconde de ce morceau est inoubliable, l’intro de batterie puis basse, le thème assez politically incorrect du morceau, et la production de Quincy Jones, qui va jusqu’à ajouter des claquement de fouets explicites. Sans oublier que MJ lui-même a écrit ce morceau, un des plus extraordinaires de l’histoire de la pop, et précurseur (malheureux) de la pourriture RnB actuelle.
Thriller reste toujours l’album original le plus vendu de tous les temps. Tout cela est très bien, mais malheureusement, à partir de maintenant, chaque album de MJ sera moins bon que le précédent.
Cinq ans après, Bad et ses neuf singles voient le jour. Michael marque un pas important en terme de composition : il a écrit 9 morceaux sur 11, tout en co-produisant l’ensemble. C’est aussi ici que ses innombrables tics commencent à sérieusement irriter. Quasi pas une seconde de musique ne passe sans qu’il ajoute ses marques de fabrique, du genre « cha’mone » et cris perçants. Un peu, ça va, beaucoup…
Tout aussi irritant, la propension de MJ et surtout de Sony à faire de chaque sortie Jackson un événement extraordinaire : le clip de Bad est un film de 40 minutes réalisé par Martin Scorsese et Liberian Girl, de Spielberg, comprend plus de guest stars que dix ans de Friends.
Musicalement, ça devient aussi moins bien : Bad est une tentative ratée d’égaler le metal pop de Beat It, The Way You Make Me Feel est répétitif, tout comme les bons sentiments de Man in The Mirror. Restent quand même des bons moments, comme le très tendu Dirty Diana ou le bizarre Smooth Criminal.
L’album se clôture avec la première apparition d’un thème qui deviendra omniprésent dans la vie de MJ : son désir de vouloir vivre une vie normale, à l’abri des tabloïds. Ce qui aurait été possible, s’il n’avait pas complètement pété un câble. Ou deux.
Quand Jackson revient, le monde musical change : le rap/hip-hop devient la tendance du moment. Maintenant, la musique commerciale n’appartient plus aux compositeurs, mais aux producteurs. Et avant Timbaland, Kanye West et Pharrell, Teddy Riley était numéro 1. C’est donc à lui qu’à été confié Dangerous, sorti en 1991. La démesure est encore plus de rigueur : les clips font apparaître Michael Jordan, Macauley Culkin, Eddie Murphy ou Iman, mais musicalement, on est proche, d’esprit, avec la soupe MTV contemporaine. Ce qui m’a surpris : à ce niveau-là, rien n’a vraiment changé depuis.
Les morceaux corrects se comptent sur les doigts bandés de MJ : le sulfureux In The Closet, en duo avec Stéphanie de Monaco (suite au refus de Madonna), et Who Is It. Pire, les ballades atteignent un niveau d’écœurement impressionnant, surtout quand The Essential propose en succession Heal The World et Will You Be There (avec son clip où Michael se prenait pour Jésus, autre prophète persécuté, on suppose). Ca n’a pas empêché l’album de se vendre solidement, mais la réputation de MJ devenait aussi entachée que sa vie privée.
Ensuite, un des titres les plus pompeux possibles : HIStory : Past, Present and Future, Book One, rien que ça (soit dit en passant, on attend le Book Two. Ou peut-être pas, finalement).
Sony commençait à piger qu’un nouvel album n’intéressait plus trop de monde, résultat, un disque de nouveaux morceaux, et un autre de best of. On ne retrouve que trois extraits de cet album ici, les passables mais peu subtils Earth Song (avec un final où Michael prouve que sa voix peut encore faire des miracles) et They Don’t Care About Us (superbe hymne parano où MJ se compare aux juifs lors de la Shoah, pas moins), ainsi que You Are Not Alone, composé par R. Kelly, autre amateur de fricotage avec mineurs. L’horrible et insupportable duo avec Janet, Scream, est heureusement omis, tout comme le reste de ce pitoyable album, où se trouvaient aussi une reprise médiocre des Beatles (Come Together) et une attaque frontale contre le méchant procureur Tom Sneddon qui veut tant de mal au gentil Bambi.
Bambi, qui sort ensuite son court métrage Ghost, accompagné d’un album de remixes et cinq inédits (dont aucun ne se trouve ici), et enfin son dernier flop magistral, Invincible (tu parles) né de l’irréalisme de son team qui a refusé l’offre (!) de Pharrell qui aurait bien voulu produire ce disque, très vite oublié.