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Octobre – décembre 2014

Cette fois je bats des records, même pour moi, et je n’en suis pas fier. Mais bon, quand je me suis rendu compte que je serais encore plus en retard que d’habitude pour octobre, je me suis dit que j’allais mettre novembre avec. Et comme rien grand chose de nouveau ne sort en décembre… Voici donc le dernier (et très chargé) trimestre 2014, le prochain article, ce sera le top de l’année.

Un album du mois (parce qu’il fallait bien en piocher un) et le reste en ordre alphabétique + compiles et playlist Spotify à la fin.

Bass Drum of Death

Bass Drum of Death – Rip This. Je ne connais pas personnellement John Barrett, tambour de la mort en chef, mais je me demande s’il en veut à Royal Blood de lui avoir dérobé le trophée officieux de nouvelle sensation rock de l’année. Je n’ai rien contre le duo de Brighton, mais Bass Drum, c’est carrément autre chose, amplis sur 11, riff qui défonce tout et rythmique impitoyable. C’est surtout le gros pas en avant depuis le précédent album qui est impressionnant de maîtrise et de musicalité, comme un Cloud Nothings qui prend la voie la plus rapide entre les points A et B. Énorme.

Allo Darlin’ – We All Come From The Same Place. Leur précédent album Europe avait été un de mes préférés de cette année-là, et son successeur prend le même chemin, toujours grâce à une superbe voix, des mélodies douces-amères et une utilisation régulière mais parcimonieuse de l’ukulélé. Le groupe se permet même quelques sorties de leur zone de confort, comme le duo (avec le guitariste) Bright Eyes et son solo de guitare rock garage. Un peu plus abrasif donc, mais toujours superbe et adorable.

Bored Nothing – Some Songs. On pourra difficilement reprocher à quelqu’un d’avoir exactement la même voix qu’une autre personne (sauf Scott Stapp). Donc on ne dira rien sur Fergus Miller, qui vient de Melbourne, qui aime enregistrer des morceaux lo-fi probablement dans sa chambre, et qui sonne exactement comme Elliott Smith. Les morceaux eux-mêmes y ressemblent parfois, mais pas seulement : les synthés de l’intro de We Lied font quasi new wave alors que d’autres morceaux plus charnus peuvent faire penser à un autre artiste aux débuts solo lo-fi et un nom en Nothing… Fergus Miller a le droit d’avoir son propre nom, ceci dit : sa musique parle d’elle-même.

ChumpedTeenage Retirement. Pop-punk énergique terriblement fun, comme un Johnny Foreigner plus direct et rapide. Les influences semblent évidentes, mais l’album est tellement bon (de bout en bout!) qu’on s’en fiche complètement.

Détroit La Cigale. L’album live à chaque tournée, tradition française à laquelle ne coupe pas Détroit, à savoir Bertrand Cantat, Pascal Humbert et une série de musiciens de tournée. La setlist reprend presque tout l’album ainsi que des greatest hits de Noir Désir, mais ne parvient pas, du moins sur disque, à captiver ni même à émouvoir. Cantat fait beaucoup d’efforts, notamment en allongeant certains morceaux, mais cela dessert plutôt l’album, qui manque très étrangement d’intensité.

Ex-Hex – Rips. C’est le nouveau projet de Mary Timony, qui avait déjà donné ce nom à un album solo. Ici, elle continue ce qu’elle faisait chez les regrettés Wild Flag, à savoir du punk rock poppy et mélodique, avec des acrobaties guitaristiques bien senties. On appréciera beaucoup les harmonies girl band (How You Got That Girl), et même si l’album n’est pas très varié, ce qu’il fait est excellent.

Foo FightersSonic Highways. La critique fut rude pour le dernier album des FF, qui ont certainement visé beaucoup plus haut que leur talent. L’album est peut-être bien leur moins bon, se traînant systématiquement en longueur sans raison valable, et pâtissant de paroles tellement littéralement inspirées de l’expérience vécue par Dave Grohl (8 morceaux partiellement écrits et enregistrés dans 8 studios différents) qu’elles en sont ridicules. Mais la série TV est passionnante si l’histoire du rock vous intéresse, ce qui est probablement le cas.

GirlpoolGirlpool. Quinze minutes de pop-punk féministe détonnant et explosif.

Iceage Plowing Through the Fields of Love. Toujours aussi mystérieux et captivants, les (plus aussi) jeunes danois augmentent leur palette sonore mais les nouveaux instruments prennent une couleur malsaine et inquiétante, ce qui est exactement l’impression que l’on a du frontman Elias Bender Ronnenfelt, 2/3 rock star auto-destructrice, 1/3 Pete Doherty.

Alain Johannes – Fragments and Wholes Vol 1. Multi-instrumentaliste au CV équivalent à l’ego la bonne volonté de Dave Grohl, Johannes nous présente son second album (qui sera apparemment bientôt suivi d’un second volume) plus varié que Spark, mais tout aussi excellent. On comprend aisément l’influence énorme qu’il aura eu (et a toujours) sur, par exemple, Queens of the Stone Age : penser le contraire serait une hérésie. Les morceaux sont directs, sans perdre de temps sur des arrangements artificiels (oui, je pense encore à Sonic Highways), et quand il rappelle le génie maudit d’Elliott Smith (Pebble Tears), on fond.

Mark Lanegan BandPhantom Radio. Après avoir surtout aidé les autres (Soulsavers, Isobel Campbell, Queens of the Stone Age), Lanegan pense plutôt à lui ses dernières années : Phantom Radio est son troisième album en trois ans. Et même s’il ne fera pas beaucoup pour confirmer sa légende, il reste éminemment écoutable, grâce à la voix de Dark Mark, forcément, mais aussi à la multi-instrumentation d’Alain Johannes, qui joue de 23 instruments différents sur l’album, si Wikipedia dit vrai. Mais j’ai quand même préféré son album à lui.

Johnny Marr – Playland. Il est lancé, Johnny, à peine un an après son premier (enfin, plus ou moins) album solo, voici déjà un second. Et bien que l’intention est louable et que Johnny me semble toujours sympathique, Playland est juste un album compétent, avec quelques bons morceaux mais rien de bien transcendant, la faute notamment à une voix trop passe-partout.

MogwaiMusic Industry 3 Fitness Industry 1. Comme de coutume avec les Ecossais, un EP suit la sortie d’un album, cette fois l’excellent Rave Tapes. L’EP est un paquet surprise de remixes, de morceaux sans doute pas assez intéressants pour se retrouver sur l’album et de Teenage Exorcists, morceau totalement atypique avec chanteur et refrains limites pop. Mais ce qui est dingue, c’est que même si c’est le truc le plus pop jamais fait par Mogwai, c’est excellent.

Thurston MooreThe Best Day. Toujours pas de nouvelles concernant un éventuel retour de Sonic Youth, mais ce ne semble pas concerner Thurston Moore, même si c’est sa vie privée qui mit un terme (momentané?) au groupe alternatif le plus important de tous les temps (selon l’orthodoxie). Après Chelsea Light Moving, c’est maintenant un album solo relativement direct que sort Moore. Enfin, par direct, je veux dire que les morceaux semblent avoir des couplets et des refrains, c’est juste qu’ils ont des sortes de solo de guitare dissonants et infinis, seul le bien nommé Detonation ne semble pas s’éterniser. L’appréciation de l’album dépendra donc fort logiquement de celle que l’auditeur a de Thurston lui-même.

Ariel Pink Pom Pom. Je me suis lancé dans l’écoute de cet album avec un esprit certes ouvert, mais quand même influencé par les conneries qu’Ariel Pink peut raconter en interview. Mais il faut bien avouer qu’il connaît son chemin autour d’un morceau, et son talent de composition et d’arrangement est proche du génie. Génie cinglé, qui devrait la fermer plus souvent qu’à son tour, et écouter les gens qui lui ont sans doute dit que son album est 30 bonnes minutes trop long, mais génie quand même. Un peu comme Kanye…

Rancid – Honor Is All We Know. Oui, on sait exactement ce qu’on va avoir, mais ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. S’ouvrant par la déclaration d’intention Back Where I Belong, le huitième album de Rancid est un album de ska/punk classique, c’est tout, c’est un peu limité mais c’est bien quand même.

Damien RiceMy Favourite Faded Fantasy. Huit ans après le magnifique 9, le triste troubadour irlandais revient avec un album, disons, magnifique et triste. Toujours au fil du rasoir, sa voix tient à peine sur une instrumentation aux multiples textures, même si le style de production de Rick Rubin menace parfois de tout écraser et y arrive d’ailleurs à certains moments, malheureusement. Les morceaux sont étonnamment longs : quatre morceaux (sur huit) font plus de six minutes et deux dépassent les huit, mais Rick et Damien arrivent à mettre tellement de passion (et d‘instruments divers et variés) qu’on ne peut pas s’ennuyer, si l’on a un coeur, du moins. Damien Rice a réussi à démontrer que la vie était absurde et l’amour toujours douloureux. Une fois de plus.

Savages et Bo NingenWords To The Blind. Elles ne se la jouent pas faciles, les 4 Savages. Après un premier album encensé (fort justement) par la critique, elles appuyent leur côté arty avec cette collaboration avec les expérimentalistes japonais Bo Ningen. Les 37 minutes commencent par des poèmes murmurés en japonais et français, et progressivement la tension augmente, pendant que les musiciens semblent jouer sept morceaux différents en même temps. Et c’est après une bonne dizaine de minutes hésitantes que le chaos s’installe, dirigé de main de maître par Fay Milton à la batterie. Le morceau ne se calmera jamais vraiment, Jehnny Beth arrivera un peu à chanter vers la fin. Etrangement pour un project censé être intense, on n’est jamais vraiment captivé, ni dérangé par une expérience free-form assez classique, finalement.

The Smashing Pumpkins – Monuments to an Elegy. Corgan raconte toujours autant de conneries en interview, est encore bien facile à gérer (il ne reste maintenant plus que Jeff Schroeder avec lui, la batterie a été prise en charge sur l’album par Tommy Lee) mais il semble avoir compris qu’il devait faire plus simple musicalement. Monuments est ainsi l’album de Corgan le plus facile à écouter depuis bien longtemps, neuf morceaux dépassant rarement les 4 minutes et, sauf exceptions, basés sur une structure classique guitare/section rythmique. Maintenant, il est probable que Corgan retournera à ses passions prog-rock sur son prochain album, prévu en 2015, mais en attendant, il fait mieux que rappeler les gloires passées.

2:54 – The Other I. Évolution plutôt que révolution pour les deux soeurs Thurlow, version real life de déesses goth sortant tout droit de The Wicked and The Divine. Moins dark wave et plus à l’aise, les compos sont toujours poignantes et intimes, avec de jolies lignes de guitare et une batterie très sèche. Point positif important, il est consistant de bout en bout et conçu comme un vrai album, avec deux faces et tout et tout.

TV On The Radio – Seeds. TVOTR est probablement maintenant le plus gros vrai groupe indé du monde, depuis que The National remplit l’O2 de Londres et qu’Arcade Fire est… ce qu’Arcade Fire est maintenant. Mais c’est mérité, même si on pourra les qualifier de groupe de producteurs (le CV de Dave Sitek va bientôt rivaliser celui de Pharrell), TVOTR a probablement réalisé le meilleur album indé-post-pop-machin de l’année, avec carrément de la disto guitare comme on faisait avant, et un Lazerray qui va faire découvrir les Ramones à quelques barbus aux grosses lunettes. Careful You est un des meilleurs morceaux de 2014.

U2 – Songs of Innocence. On va tenter de passer outre la grandiose stupidité de la distribution de l’album pour se concentrer sur le contenu. Mais ce n’est pas gagné : la pub Apple le single The Miracle (of Joey Ramone) est l’antithèse exacte de ce que Joey représente toujours, et la collection de ballades qui suit est aussi passionnante qu’un album de Coldplay sans les éventuels moments de brillance momentanée. On peut difficilement reprocher à un groupe approchant les 40 ans d’existence de manquer d’inspiration, ou à Bono d’avoir perdu une bonne partie d’émotion dans sa voix. Mais on peut par contre reprocher à U2 leur volonté têtue de nous imposer le contraire, contre tout évidence.

WeezerEverything Will Be Alright In The End. Ce que Weezer a du se taper à chaque sortie d’album depuis plus de dix ans est terriblement injuste : la barre était placée tellement haute par l’album bleu et Pinkerton que même de bons disques comme Maladroit ou l’album vert ont été injustement démolis. Bon, évidemment, la suite était moins glorieuse, mais à part l’infâme Raditude, chaque Weezer avait quelques morceaux sympas dessus. Rien de tout cela ici : on a peut-être bien vraiment (vraiment) le meilleur Weezer depuis Pinkerton. Pas qu’il soit parfait, aussi amusant soit-il, Back to the Shack est irritant, par exemple. Mais je n’y croyais pas : non seulement Weezer sort un album excellent, mais le morceau co-écrit par Justin Hawkins est tout à faire appréciable.

The World Is A Beautiful Place And I’m No Longer Afraid To Die – Between Bodies. Le nouvel album est une collaboration avec l’artiste spoken world Christopher Zizzamia, les rendant encore plus proches de Touché Amoré (en nettement moins violent) ou La Dispute (en moins poignant). Il me semble, mais ce n’est que mon avis, qu’ils ont un peu perdu de leur puissance en chemin, le long de ces 28 minutes liées thématiquement.

Compiles et ressorties


David Bowie
Nothing Has Changed. Quelques mois après son retour très réussi, Bowie sort sa compilation la plus complète, ou plutôt ses compilations : trois versions différentes avec tracklist et pochettes variées. On s’intéressera à la version la plus longue, sur trois CD. Le premier commence par l’inédit Sue, revisite les meilleurs moments de The Next Day et choisit soigneusement les perles des quinze dernières années de l’artiste, notamment ses collaborations avec les Pet Shop Boys (Hallo Spaceboy) ou Nine Inch Nails (I’m Afraid of Americans) tout en incluant des extraits de son album « perdu » Toy. Le second disque s’attaque à sa période de gros succès commercial (Let’s Dance, China Girl, Under Pressure, « Heroes ») alors que le troisième tape dans le mille à chaque fois, avec des morceaux fondateurs comme The Jean Genie, Moonage Daydream, Life on Mars?, Space Oddity ou encore Changes). Faisant son boulot jusqu’au bout, il comprend aussi des vieux machins comme In the Heat of the Morning (repris par The Last Shadow Puppets, ils fichent quoi, eux?) ou son premier single Liza Jane, crédité à Davie Jones and the King Bees. Un résumé efficace mais pas sans failles (il est où, Suffragette City?) de quelqu’un qui est probablement le plus important artiste solo de l’histoire du rock.

dEUS – Selected Songs 1994-2014. Autre compile saisonnière, voici trente morceaux extraits de tous les albums de dEUS tant singles que deep cuts. Comme toujours, on pourra pinailler sur l’absence de certains morceaux (Put the Freaks Up Front, Sister Dew pour ne parler que de The Ideal Crash) mais comme intro à un groupe complexe et en flux constant depuis vingt ans, il y a bien pire.

FugaziFirst Demo. Une page d’histoire redécouverte chez Dischord Records et un rappel plein d’espoir : Fugazi n’a jamais annoncé sa séparation.

Manic Street Preachers – The Holy Bible 20. Money money money, mais c’est toujours bien chouette d’avoir toutes les faces B au même endroit, de profiter de morceaux live de l’époque et de maintenant, ainsi que d’avoir un remaster de la version originale et du fameux mix US de Tom Lord-Alge, qui a les préférences du groupe. Mais évidemment, l’album en lui-même est un des tout grands chefs d’oeuvre du vingtième siècle.

PixiesDoolittle 25. Money money money, mais c’est toujours bien chouette d’avoir toutes les faces B au même endroit, de profiter des Peel Sessions (dont certains inédits) et de découvrir une partie du processus créatif avec des démos parfois assez différentes du résultat final. Mais évidemment, l’album en lui-même est un des tout grands chefs d’oeuvre du vingtième siècle.

SoundgardenEcho of Miles : Scattered Tracks Across the Path. Depuis les premières mentions de la sortie d’une compile de raretés de Soundgarden, ils se sont reformés, sont partis en tournée, ont sorti un best of, un album studio et ont ressorti leur album phare Superunknown. Maintenant elle peut enfin sortir, et l’attente valait la peine : trois cd remplis de faces B, de reprises et de bizarreries diverses et variées, dont des vraies nouveautés.

Il y avait aussi des albums pour Neil Young et Pink Floyd, mais un manque de temps (et d’envie, surtout) m’a empêché de les écouter. Neil Young fait encore plus ou moins tout et son contraire : après A Letter Home enregistré avec des moyens des années 40,  Storytone sort en version orchestrale et solo acoustique. Quant à Pink Floyd (The Endless River) ils ne m’ont jamais trop intéressé, même quand Roger était encore là, même quand Syd était encore là, finalement. Alors, maintenant… Dites-moi quand même si j’ai tort.

(oui, j’ai oublié Parquet Courts/Parkay Quarts).

Playlist Spotify avec extraits de ces albums + d’albums à venir (Sleater-Kinney!), on se revoit dans quelques jours pour mon top 2015 (quand 2014 sera fini, on ne sait jamais.)

Mai 2013

Devinez quoi, mon album du mois, c’est pas Daft Punk. Pas que je n’aime pas spécialement Daft Punk, surtout le premier album et leur live, que je trouve excellent dans le genre. Mais je ne n’ai pas grand chose à faire du disco, du funk, de Pharrell Williams post-2006 (environ) et des vieux types qui racontent leur vie sous fond de bande originale de film érotique du vendredi soir. Je reconnais que le pastiche est souvent excellent, on s’y croirait, mais je n’ai aucune envie de m’y croire, je veux y être.

Mikal Cronin - MCIIJ’ai eu du mal à le nommer, mon album du mois. Ce n’est pas Savages. Leur album (Silence Yourself) frôle aussi le pastiche et aurait pu être fait plus ou moins à n’importe quelle année suivant le vingt-troisième anniversaire de Ian Curtis, mais ce n’est pas une mauvaise chose, tant les musiciennes sont excellentes et l’ambiance suffocante. Mais cette impression de supériorité arty est un peu irritante, tout comme les paroles « polarisantes » de Camille « Jehnny Beth » Bertomier. Mais pour un premier album, il est très abouti, mais à l’image de sa pochette : monochrome.

Ce n’est pas Vampire Weekend non plus, même si Modern Vampires of the City est très bon, probablement leur meilleur. Les paroles d’Ezra Koenig sont intelligentes sans enfoncer le clou sur leur intelligence, et la recherche sonore de Rostam Batmanglij ne semble connaître aucune limite. Mais je le trouve inégal, des morceaux extraordinaires (Step, Ya Hey) côtoient l’ordinaire sans beaucoup de relief (Obvious Bicycle est étrangement placé comme premier morceau). Mais personne ne fait ce que Vampire Weekend font, et ils le font encore mieux qu’avant.

Et ce n’est pas The National. Pourtant, Trouble Will Find Me est irréprochable de raffinement musical, avec une voix phénoménale et même parfois un peu d’humour. Mais ses qualités sont aussi son principal défaut : c’est exactement ce qu’on attendait de The National, et après High Violet, il fallait faire mieux, ce qui était probablement impossible.

Non, mon album du mois, c’est Mikal CroninMCII. Fidèle collaborateur de Ty Segall (vous savez, celui qui a placé trois albums dans mon top 30 2013 et qui en a encore au moins deux à venir cette année), Cronin est aussi/surtout un excellent songwriter pop-rock, capable de transformer mélodies et émotions en pépites lo-fi de trois minutes. L’album n’est pas impressionnant en tant que tel, il semble juste tellement facile que c’en est irréel, quasi tous les musiciens de cet article vendraient leur carrière pour écrire comme Cronin. Et même si ce n’est sans doute par le « meilleur » album de ce mois-ci, c’est mon préféré.

En mai, on a aussi eu le premier album de MS MR (Secondhand Rapture), un an après leurs débuts. Je ne sais pas pourquoi Wikipedia les comparent à Lana Del Rey, parce que c’est nettement mieux. La scène post-punk de Copenhague se porte toujours très bien, comme le prouve Vår, offshoot de Lower et Iceage, notamment. Dans No One Dances Like My Brothers, Vår troque la violence claustrophobique de ces derniers contre des synthés atmosphériques, des percussions militaires et la voix d’un jeune Robert Smith. Fascinant. La carrière de Primal Scream est faite de hauts et de bas, personne ne pourra le démentir. Malgré quelques longueurs et une pochette invraisemblable, More Light tombe dans la bonne catégorie, c’est même une excellente surprise de la part d’un groupe dont on n’attendait pas grand chose. Et qu’est-ce qu’on attend d’un nouvel album de The Fall, alors? Même si le lineup est stable depuis quelques années, il souffle le chaud (Your Future Our Clutter) et le froid (Ersatz GB). Ici aussi, bingo, parce que Re-Mit est tout à fait recommandable.

Déception par contre pour Alice in Chains. The Devil Put Dinosaurs Here est le second album depuis que William DuVall a remplacé vocalement Jerry Cantrell, ce dernier ayant endossé le rôle de Layne Staley (j’insiste) mais il semble nettement en deçà de Black Gives Way To Blue, la faute aux tempos trop similaires et aux morceaux beaucoup trop unidimensionnels. C’est loin d’être un mauvais album, mais le problème, c’est qu’il ne sert à rien. L’influence d’Alice in Chains est évidente chez Kylesa, mais leur sixième album est nettement plus ambitieux, varié et intéressant. Ultraviolet part un peu dans tous les sens, mais quand on a tellement d’idées, il est difficile de se contenir. Si je l’avais écouté une semaine de plus, il aurait peut-être été mon album du mois.

Beaucoup d’idées chez la famille DuPree d’Eisley et leur quatrième album, Currents. Inattendu et étonnant, l’album fait la part belle aux changements de rythmes et arrangements ambitieux (ce qui ne veut pas nécessairement dire chiants). C’est aussi un album qui s’enrichit au fur et à mesure des écoutes, une très belle réalisation. Il nous reste encore à parler de Public Service Broadcasting, dont le mix d’instrumentation live (pas mal de banjo), d’électro et de samples de vieux films d’information publique me font penser à The Avalanches (dont l’unique album a maintenant presque treize ans) via Kraftwerk (Inform – Educate – Entertain). On a aussi, comme tous les mois, un album de Mark Lanegan, cette fois avec le multi-instrumentiste anglais Duke Garwood (Black Pudding). Si vous écouteriez le ténébreux Mark lire le bottin (et qui ne le ferait pas?), c’est pour vous. Et puis, le cas Fauve. Wu Lyf à la française, hype prétentieux sans substance ou collectif révolutionnaire émouvant et existentiel. J’avoue, je ne me suis pas encore décidé (dois-je nécessairement l’être?), mais leur EP Blizzard ne peut pas laisser indifférent. Ne parlez juste pas de « slam ».

Beaucoup de choses à venir en juin, notamment le retour de Queens of the Stone Age et une impressionnante série de sorties indés très attendues (Splashh, Deap Vally, Surfer Blood, Smith Westerns, Black Sabbath *rires*). Et même s’il a décidé de signer chez Columbia, qui sait quand Trent Reznor va nous balancer le nouveau Nine Inch Nails?

Playlist Spotify mai 2013 juste ci-dessous, à dans un mois! (et n’oubliez pas le Tumblr)

Top albums 2012 : 70-41

Music Box 2012/2

Seconde partie du top albums 2012 Music Box, avec les disques (enfin, si possible) placés entre les places 70 et 41. La prochaine partie nous emmènera aux portes du top 10, avant de terminer (plus ou moins) en beauté. Il y a des omissions et j’ai déjà envie de changer certains albums placés trop haut et inversement, mais bon, il fallait bien s’arrêter quelque part. Comme mentionné précédemment, un playlist Spotify reprendra un extrait de chaque album disponible ainsi que d’autres morceaux qui m’ont marqué cette année.

70 The Evens – The Odds. Ian MacKaye et Amy Farina aiment les jeux de mots comme titres d’album mais aussi la musique sèche, minimale et intense. Deux voix, une guitare et une batterie en font un album qui sait ce qu’il veut, mais qui s’enferme peut-être dans un schéma restrictif. Mais c’est Ian MacKaye, il fait ce qu’il veut.

69 Mark Lanegan – Funeral Blues. Après des tonnes de collaborations généralement très réussies, Mark Lanegan sort son premier album solo en huit ans. Assez réussi, il surprend par sa variété et ses influences parfois improbables (Ode to Sad Disco porte bien son titre). Peut-être un peu long, Funeral Blues rappelle que Lanegan n’est pas que la voix à mi-temps de Gutter Twins ou à temps partiel de Soulsavers ou Queens of the Stone Age.

68 Future of the Left – The Plot Against Common Sense. Ou le moment où la musique est vraiment passée au second plan, derrière la plume acerbe d’Andy Falkous, les mélodies et rythmiques implacables derrière les titres des morceaux (Robocop 4 – Fuck Off Robocop, Sorry Dad I Was Late for The Riots). Pas que l’album soit mauvais, loin de là : il est puissant, intense et aussi dérangé que prévu, mais j’ai l’impression qu’ils sont un peu passé à côté. C’est peut-être pour cela qu’ils viennent de sortir un EP de cinq nouveaux morceaux. Ceci dit, il sera toujours difficile pour Falco de vivre dans l’ombre de son ancien groupe, ce qui est aussi malheureux qu’injuste.

67 Swearin’ – Swearin’. Punk lofi mélodique assez bordélique, souvent catchy et occasionnellement brillant. Les suspects habituels se retrouvent ici, Superchunk, Built to Spill, Dinosaur Jr, mais c’est la voix d’Allison Crutchfield qui confère à ces douze morceaux (dont un seul dépasse les trois minutes) une certain authenticité.

66 Gaz Coombes – Here Come the Bombs. Premier album solo pour l’ex-Supergrass, et essai réussi. Suffisamment différent du quatuor d’Oxford sans être aliénant, il confirme Coombes dans ses habits de songwriter anglais inventif et discret. On peut attendre encore un peu avant l’inévitable reformation.

65 Paul Weller – Sonik Kicks.  Quand on vieillit, on s’écoute parler et on fait de la merde. Sauf Paul Weller, qui n’a jamais cessé de se remettre en question, et de bien s’entourer (Graham Coxon, Noel Gallagher). Bon, ok, il s’écoute parfois parler, mais avec suffisamment de talent.

64 Poliça – Give You The Ghost. Intéressant mélange entre R&B contemporain, electronica limite witch house et rock indé, le tout chanté sous vocoder par Channy Leaneagh et, pour deux morceaux, avec le Bon Iver Mike Noyce. Déroutant au départ, l’album se révèle attachant et étrangement intime.

63 Hot Water Music – Exister. Les maîtres du genre reviennent aux affaires, avec un album totalement digne de leur énorme influence. L’intensité de Chuck Ragan peut parfois fatiguer, mais on peut difficilement ne pas les admirer.

62 Jake Bugg – Jake Bugg. Totalement différent du paysage musical actuel, le très jeune Jake Bugg (18 ans) allie gouaille typiquement working class à la Liam Gallagher (et donc, une voix unique mais potentiellement irritante) à des étonnantes influences blues/country/folk. La suite de sa carrière sera très intéressante à suivre.

61 King Tuff – King Tuff. King Tuff est l’alias de Kyle Thomas, un autre dévôt du vieux rock ‘n roll, à classer dans la même catégorie que Ty Segall ou Jack White, même s’il est peut-être un peu moins frénétique que ses illustres condisciples.  Sorti chez Sub Pop, King Tuff est parfait dans son genre.

60 Bat For Lashes – The Haunted Man. Presque aussi dépouillé que sa pochette, The Haunted Man voit Natasha Khan se concentrer sur l’intensité de ses morceaux, avec un accompagnement plus limité que dans le passé tout en restant varié et réfléchi. Mais paradoxalement, l’album manque un peu de personnalité. “Thank God I’m alive”, dit le premier morceau, Lillies. Je ne sais pas qui remercier, mais oui, merci.

59 Beach House – Bloom. Dream pop. Duo. Accords simples, jolie voix. Style over substance?

58 2:54 – 2:54. Nous renvoyant à une époque où “alternatif” voulait dire quelque chose, les soeurs Hannah et Colette Thurlow allient moments de fulgurante brillance à d’autres malheureusement plus oubliables. Mais ce n’est qu’un début.

57 St. Vincent & David Byrne – Love This Giant. Collaboration aussi inattendue que réussi, l’album montre des facettes des deux artistes qu’on ne connaissait même pas, comme s’ils se transcendaient mutuellement. Intéressant et très joli. Le talent d’Annie Clark n’a pas fini de faire user du clavier.

56 Pond – Beard Wives Denim. Premier des trois albums produits par Kevin Parker présents dans ce top 100, Beard Wives Denim est plutôt rock indé/garage teinté de psyché, ce qui est plus ou moins le contraire de Lonerism, qu’on retrouvera (beaucoup) plus haut.

55 Trash Talk – 119. L’EP Awake (2011) était devastateur, mais son successeur longue durée (enfin, façon de parler, en 22 minutes c’est plié) déçoit un peu, cul entre les deux chaises de l’accessibilité et le pur hardcore qui gueule et qui joue fort. Leurs collaborations tant musicales que commerciales avec Odd Future pourraient relancer un courant rapcore qui ne nous manque pas du tout.

54 Merchandise – Children of Desire. Beaucoup de groupes post-punk-no-wave-shoegaze-machin, cette année. Merchandise a une approche différente : leurs albums sont disponibles gratuitement sur leur site. Children of Desire ne comprend que six morceaux, dont deux dépassent les dix minutes, sans une seconde d’ennui mais des rythmes quasi tribaux, des mélodies lancinantes et un excellent vocaliste, aux inflexions proches de Morrissey.

53 Death Grips – The Money Store/No Love Deep Web. Placement groupé pour deux albums relativement similaire, même si NLDW va encore plus loin dans la folie. Avec une instrumentation cinglée mais pas autant que le MC, Death Grips est probablement le groupe le plus punk de l’année, tant sur la scène qu’en dehors, de vrais esprits libres.

52 Graham Coxon – A&E. Le monde de Graham Coxon ne semble pas avoir beaucoup changé depuis que son groupe principal a (un peu) repris du service. A&E revient à une veine plus expérimentale/bizarre après quelques albums assez classiques. Probablement libérateur pour l’extrêmement talentueux Coxon, mais l’album reste assez inégal. Ceci dit, Coxon est un des quelques génies en activité actuellement. Et ça doit être étrange d’en avoir deux dans le même groupe.

51 Converge – All You Love You Leave Behind. Apparemment le meilleur groupe hardcore dans tout le monde entier, moi je trouve qu’ils lorgnent un peu trop vers le metalcore. Mais c’est une démonstration de force très efficace.

50 Blood Red Shoes – In Time To Voices. Un des albums les plus frustrants de l’année. On sent, on sait que le duo Laura Mary Carter/Steven Ansell peut aller plus loin, plus fort et devenir un grand groupe. Ici, ils ne sont que très bons. La prochaine fois?

49 The Shins – Port of Morrow. Pop indé intelligente, parfois dansante et fun, parfois intime et raffinée. Excellent de bout en bout, mais peut-être parfois trop détaché.

48 White Lung – Sorry. Vingt minutes intense de punk efficace, avec les proportions parfaites de violence, vitesse, mélodie et attitude. Parfait, en attendant l’éventuel et improbable retour des Distillers.

47 Cat Power – Sun. Sun est le premier album de matériel original de Chan Marshall, alias Cat Power, en six ans, et fait évoluer ses folk songs mélodiques dans une ambiance résolument électronique. Cela surprend, mais on s’y fait très vite, Marshall réussissant une fois de plus à créer un univers très personnel, que ce soit à l’aide d’une boîte à rythmes, d’un piano ou d’une guitare acoustique. Peu d’auteurs / compositeurs / interprètes peuvent s’en targuer.

46 POS – We Don’t Even Live Here. Kendrick Lamar et les gars d’Odd Future sont peut-être les grandes stars de l’année, mais personne n’incarne l’esprit hip-hop indé mieux que POS. Collaborations avec Justin Vernon (et son autotune), une vision politique bienvenue et une production inventive, si seulement le hip-hop mainstream pouvait s’en inspirer.

45 Mission of Burma – Unsound. Avec celui de Dinosaur Jr., c’est certainement le comeback le plus réussi de notre époque. Non seulement ils ont réussi à composer du nouveau matériel pour ne pas tourner avec les mêmes vieux morceaux (hi, Pixies!), mais en plus, leurs albums post-reformation dont ce fantastique Unsound sont déjà deux fois plus nombreux que ceux de leur première carrière. 2012 fut une année faste pour eux, car ils ont également ressorti leurs deux premiers albums (cultes!) ainsi qu’une double compile d’introduction. Dissonant, puissant, sans compromis (notamment en ce qui concerne la production), Unsound n’a rien à envier à l’album qui leur a donné un statut de quasi-légende (et le titre du second album de Pearl Jam, d’ailleurs).

44 Spiritualized – Sweet Heart Sweet Light. Le septième album de J Spaceman m’a rendu assez perplexe. Parfois transcendant, parfois au bord de l’auto-parodie, il semble avoir un pied de chaque côte de la frontière de l’acceptable, entre beaux morceaux grandioses (Hey Jane, Too Late) et prières trop longues voire carrément chiantes (les deux derniers). Un album de Spiritualized, quoi.

43 Grizzly Bear – Shields. Trois ans après Veckatimest, ces habitués des classements de fin d’année s’y retrouvent forcément encore, grâce à leur rock indé léger, aérien, intelligent et facilement complexe.

42 Titus Andronicus – Local Business. Punk indé à influences prog ou le contraire, TA ne fait rien comme les autres et choisit des thèmes cinglés dans des morceaux qui ne le sont pas moins, empruntant parfois au punk à la Ramones, parfois au hard FM à la je-ne-citerai-personne. New Jersey oblige, on a même un hymne. Pas toujours réussi, mais quand ça l’est, c’est fantastique.

41 Amanda Palmer – Theatre Is Evil. Avec les controverses, le Kickstarter à 1,1 million de $ et Neil Gaiman, on en avait oublié la musique. On avait tort. Theatre Is Evil est la BO d’un spectacle burlesque inexistant et cinglé. Trop long, un mix trop in your face, avec des synthés trop Cure et Amanda “Fucking” Palmer trop partout en même temps, Theatre Is Evil est fascinant et unique.

Trente de plus dans quelques jours!

Isobel Campbell & Mark Lanegan – Hawk

On ne l’aurait sans doute pas cru il y a quatre ans, mais Hawk marque la troisième collaboration entre Isobel Campbell et Mark Lanegan, après Ballad of the Broken Seas (2006) et Sunday at Devil Dirt (2008). On a donc largement eu le temps de sortir les clichés Belle/Bête ou Hazelwood/Sinatra, autant se concentrer sur la musique.

D’abord, un constat. Ces trois albums appartiennent à Isobel Campbell. L’Ecossaise a presque tout écrit, produit et arrangé les trois albums. Ce sont plutôt des albums solo sur lesquels Mark Lanegan apparaît régulièrement. Certes. Mais alors, pourquoi est-ce que Campbell se met quasi systématiquement en retrait? Presque chaque duo est dominé par Lanegan, qui ne le fait pourtant pas exprès : la voix d’Isobel est enfouie dans le mix (au mieux), réduite à des coeurs quasi insignifiants (au pire).

Heureusement, les morceaux sont là : We Die and See Beauty Reign et Come Undone sont facilement l’égal des meilleurs moments des albums précédents, alors que Get Behind Me et You Won’t Let Me Down Again apporte un peu plus de rock ‘n roll au duo. Time of the Season est sans doute la meilleure collaboration de l’album, pour une fois, les deux voix se font parfaitement entendre. Mais pour un album de duos, on a quand même quelques surprises, notamment des morceaux solos (le typique Sunrise pour Isobel, le gospel Lately pour Mark) ou encore l’instrumental Hawk, et ses cuivres. La plus grande curiosité est la présence de Willy Mason, qui remplace Lanegan sur deux reprises de Townes Van Zandt. Malgré ses 25 ans, Mason chante comme un vieux bluesman enfumé, et son ton apporte un changement intéressant par rapport à la voix grave de Lanegan. Un album entier entre eux deux serait certainement une idée à suivre.

Hawk reste un bon album, que ce ne soit que grâce aux talents multiples d’Isobel Campbell. Mais on regrette sa discrétion légendaire, qui la conduit à faire de la figuration sur son propre album. Cependant, s’ils veulent encore en sortir un, c’est quand ils veulent.

En écoute sur Spotify.

Isobel Campbell & Mark Lanegan – Sunday At Devil Dirt

Tout semblait indiquer que le fabuleux Ballad Of The Broken Seas serait un projet unique et éphémère, à commencer par les intéressés eux-mêmes. Mais Isobel Campbell s’est remise à composer, a osé redemander à Lanegan, et un second album voit le jour, avec une différence : cette fois, ils l’ont enregistré ensemble, plutôt que par emails interposés.

Néanmoins, on ne peut pas vraiment que cela change fondamentalement le fonctionnement du duo : Isobel Campbell écrit, arrange et chante un peu, mais c’est surtout Lanegan qui occupe le devant de la scène, vocalement du moins. Et cela marche très bien. On connaît la voix caverneuse du bonhomme, et elle est une nouvelle fois magnifiquement mise en valeur par les compositions de Campbell. Tantôt menaçante, tantôt étonnamment reposante, elle est parfaitement contrebalancée par les choeurs évidemment angéliques d’Isobel.

En terme d’ambiance, on n’est plus exactement dans la même sphère qu’auparavant : alors que Ballad Of The Broken Seas privilégiait un état d’esprit intemporel, nous nous trouvons ici dans une sorte d’americana revisitée, ce qui permettra au chroniqueurs fatigués de citer, une fois de plus, Johnny Cash, Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Le fait est que des morceaux minimalistes comme Salvation ne se réfèrent pas vraiment à la mystique médiévale du premier album.

Mark Lanegan module sa voix à l’infini, selon les besoins des chansons d’Isobel : amoureux dangereux dans The Raven, il devient sexy pour Come On Over (Turn Me On) tout en tournant roots dans un Back Burner qui rappelle le récent Gutter Twins. L’album est nettement plus détendu que le précédent, on peut facilement les imaginer sous un porche de Main Street USA, comme sur la pochette, en somme. Lanegan peut donc aussi être détendu, et l’est assez souvent, come sur le superbe We Built The Road, sommet total de leur harmonie.

Isobel Campbell ne s’offre qu’une seul morceau solo, mais quel morceau : Shot Gun Blues est tellement roots qu’on l’aurait cru sorti de la vieille guitare de Jack White (il y a longtemps). Ensuite, l’album continue sn petit chemin tranquille, jusqu’au bout, sans choquer, mais sans décevoir non plus.

C’est un peu l’impression qu’on peut avoir de l’album : l’effet de surprise est fatalement passé, et on ne peut rien y faire. Les morceaux restent superbes, mais l’élan donné à l’ambiance de l’album lui confère une aura plus relaxante, rendant l’écoute plus accessible. On pourrait dire que c’est aussi son principal défaut, mais Ballad Of The Broken Seas état de toute façon impossible à répliquer, et Sunday At Devil Dirt le complète bien.