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Juillet – Août 2013

Avec beaucoup trop de retard, voici le récapitulatif juillet / août 2013. L’été est rarement propice aux sorties nombreuses, mais la fin du mois dernier était assez remplie, ce qui peut expliquer le retard de ce post (en tout cas, c’est mon excuse).

Le choix de l’album du mois était encore assez difficile, mais on devrait y voir un peu plus clair à la fin de l’année, 2013 est un très bon cru. Mais s’il faut faire un choix alors, ça sera…

Slave VowsThe Icarus Line Slave Vows. J’avoue avoir perdu Icarus Line de vue, mais quelle erreur. Slave Vows est intense, puissant, rappelant toute l’histoire du punk rock tout en restant actuel, alliant longs morceau (le premier fait 10 minutes) et brûlots blues-punk. L’instrumentation est parfaite, progressive sans être prog, cathartique sans être emo.

Grant Hart The Argument. Grant Hart, c’est le compositeur de Hüsker Dü qui n’est pas Bob Mould. Bien que le dernier Mould soit très bon, ici, on frôle le grandiose. The Argument est un album concept sur (accrochez-vous) l’adaptation de William Burroughs du poème « Paradise Lost » de John Milton, et permet à Grant Hart de composer dans une myriade de styles (pop, punk, opera rock, honkytonk, comédie musicale, gospel, Arcade Fire, Pixies, noise, garage, ukulele, Guided By Voices) tout en restant excellent de bout en bout, un véritable tour de force.

Pour terminer le podium, Fuck ButtonsSlow Focus. Étrangement accessible, moins porté noise que leurs précédents albums, Slow Focus est fascinant et fourmille de trouvailles sonores. Alors que 80% des artistes repris dans cet article regardent derrière eux, Fuck Buttons n’a qu’un seul chemin, et il est droit devant.

Superchunk balance son second album post-comeback, et I Hate Music se place sans problème au sommet de leur excellente discographie (en fait, ils sont tous au sommet). Rien de « nouveau », mais tout a déjà été dit et fait, non?

Franz Ferdinand tente de renouer avec l’insolente facilité de leurs débuts, et y arrive partiellement sur Right Thoughts, Right Words, Right Action : punchy, bien écrit, plus immédiat que Tonight et plus varié que leur début. L’effet de surprise est passé, mais on aurait pu avoir bien pire. Puis, la voix d’Al Kapranos.

Un nouveau groupe anglais venant de Sheffield, le duo Drenge allie setup classique guitare/batterie avec une tentative d’aller du côté obscur de la pédale fuzz. Plus Mudhoney que White Stripes, Drenge est à surveiller pour le futur, surtout si Arctic Monkeys continuent à les prendre sous leur aile (on a vu ce que ça a fait à Miles Kane). Même setup, même nombre de musiciens mais influences plus blues-punky pour Deap Vally. L’album (Sistrionix) est trop inégal, mais quand il est bon, il est excellent. Et quelle attitude, aussi.

Niveau revivalistes rock n’ roll, l’Australie est toujours aussi bien fournie, ce mois-ci avec le duo Jagwar Ma (Howlin). Adoubé par Noel Gallagher, on comprend pourquoi, ils naviguent en plein Madchester. Sympa, et au moins, ce n’est pas Wolfmother. Pond (Hobo Rocket) partagent des musiciens avec Tame Impala, et aussi des tonnes d’influences. Mais ils semblent se prendre moins au sérieux, ce qui fait un album moins « bon » mais tout aussi appréciable. Hebronix, c’est l’ex-chanteur et guitariste de Yuck, Daniel Bloomberg. Yuck continue sans lui, et Bloomberg sort un album solo aux formes variables et morceaux longs : clairement, c’est lui qui apportait l’influence J Mascis au sein de Yuck. Pas toujours facile à digérer d’une traite, Unreal est un début impressionnant, même si Bloomberg est loin de son coup d’essai. Quant à Crocodiles (Crimes of Passion), ils me semblent en surplace fuzz-pop légèrement shoegaze. Pas mauvais, mais qui n’avance pas recule.

Sauf erreur de ma part, 2013 n’a pas encore vu d’album de Ty Segall. En attendant son nouveau et bien nommé groupe Fuzz, Segall sort un album acoustique (Sleeper) montrant que son talent n’a aucune limite, il s’attaque à la folk, à l’alt-country, à Marc Bolan et Nick Drake avec bonheur et réussite totale. Ce type est un génie.

Jolie surprise ou révélation avec le premier album de HBS, alias le bassiste de Soundgarden Ben Shepherd. In Deep Owl est exactement ce qu’un album solo d’un musicien de groupe doit être : varié, risqué, personnel et bien différent de son boulot habituel. Sauf exceptions (Baron Robber, le plus SG du lot), les morceaux sont de nature alt-folk, faisant parfois penser à Mark Lanegan. Naturellement, la basse est proéminente, et la batterie (quand il y en a) est notamment fournie par deux ex et actuel Pearl Jam, Matt Chamberlain et Matt Cameron.

En parlant de Matt Cameron, il est aussi à l’honneur avec le projet inécoutable du mois, un trio de batterie avec Janet Weiss et Zach Hill (oui, l’autre cinglé de Death Grips), appelé Drumgasm. Ils cognent sur leurs fûts pendant 40 minutes, et passé les 10 premières où il est amusant de reconnaître le jeu de malade profond de Hill, j’avoue avoir très peu professionnellement arrêté les frais. Merci de me dire si j’ai loupé un cameo de Phil Collins.

Je sais qu’il y a peu de metal sur Music Box, mais j’écoute fort peu de metal depuis quelques années. Mais avant, quand j’étais jeune et suffisamment courageux pour me perdre dans un moshpit, j’écoutais Pantera, dont le chanteur Phil Anselmo vient de sortir son premier album solo, Walk Through Exits Only. Rageux, puissant, violent, c’est vraiment Phil Anselmo. Et j’espère de tout mon coeur qu’il ne cédera pas, ne reformera jamais Pantera et laissera Zack Wylde dans son club de strip-tease.

Je dois aussi parler de Diarrhea Planet et I’m Rich Beyond Your Wildest Dreams (2013 a beaucoup de bons groupes au nom stupide). Ils ont plein de guitaristes qui jouent tous en même temps, ont écouté Kiss bien trop souvent et sonnent comme une version moins fatigante et plus variée d’Andrew WK. Oui, il y a des groupes nettement plus intéressants en terme de variation sonores, mais pas aussi fun. En parlant de fun, il faut écouter au moins une fois (ça va très vite) le nouveau Hunx and His Punx, Street Punk qui est rapide, féroce et ne se prend jamais au sérieux, comme en témoigne la reprise d’un très vieux morceau des Beastie Boys, Egg Raid on Mojo.

Je parle rarement des albums qui m’ont déçu, parce qu’il y a tellement plus de bonnes choses à écouter, mais l’album – fort attendu – de No Age m’a déçu. Je cherche toujours les mélodies, voire les chansons de An Object : les projets artistiques, c’est bien mais c’est encore mieux quand ils fonctionnent.

En ce qui concerne les EP, quelques sorties majeures également, notamment les premiers morceaux de Pixies depuis leur reformation (EP1), si l’on excepte le très vite oublié Bam Thwok. Maintenant, Kim Deal est partie, et ces morceaux sont loin d’arriver à la cheville de ce qui a garanti au groupe une place légendaire. Il paraît qu’ils vont régulièrement publier du nouveau matériel, on espère qu’il sera meilleur que celui-ci. Mais l’idée de nouvelle musique de Pixies en 2013 reste incongrue. Pour Bloc Party, c’est encore pire, et les rumeurs de split vont certainement ressurgir après ce Nextwave Sessions simplement mauvais. Les toujours impeccables Future of the Left ont aussi un EP 4 titres (Love Songs for Our Husbands) en prévision de leur quatrième album (un de plus que Mclusky!), et bien qu’ils semblent avoir rangé les synthés au garage, ils n’ont rien perdu de leur rage. Enfin, des membres de Into It. Over It, Owen et American Football ont créé Their / They’re / There, un groupe emo-math rock au nom phénoménal et dont le premier EP 6 titres est tout à fait recommandable.

Le mois de septembre est traditionnellement un des plus chargés de l’année, et 2013 ne fait pas exception. En attendant, voici le playlist Spotify été 2013, avec malheureusement quelques trous, comblés par des morceaux d’albums à venir plus tard cette année (Arcade Fire, Wolf Alice, et, euh, Lady Gaga).

Top albums 2012 : 100-71

Music Box 2012 1A défaut d’avoir écrit beaucoup cette année, je me rattrape avec le plus long top (commenté!) de fin d’année de l’histoire de Music Box, cent albums. La publication se fera en quatre étapes, avec pour commencer les trente derniers. Un très long playlist Spotify reprendra un extrait de chaque album ainsi que d’autres morceaux.

100 Bloc Party – Four. Après des mois de drama concernant leur séparation, la sortie du quatrième album de Bloc Party n’a finalement pas intéressé grand monde. Malheureusement, il n’est pas très bon, tentant maladroitement de récupérer la fougue du premier album en y ajoutant des grosses guitares qui ne leur vont pas du tout. Leur temps est écoulé.

99 Therapy? – A Brief Crack of Light. Juste parce qu’ils sont là depuis très longtemps, refusent d’être mauvais et encore plus de se répéter.

98 A Place To Bury Strangers – Worship. Une grande déception personnelle tant leur album précédent était percutant. Ici, on a la même chose en moins bien, en moins inspiré, en plus mou. Et ce n’est même pas une bonne pub pour l’atelier de pédales d’effets DIY d’Oliver Ackermann.

97 Django Django – s/t. On essaie de nous forcer à croire qu’il y a une sorte de mouvement de nouvelle pop/rock indé, mené par Alt-J et comprenant quelques seconds couteaux comme Egyptian Hip-Hop ou Django Django, probablement l’équivalent de Menswear dans les années 90.

96 Breton – Other People’s Problems. Electro-math-rock claustro intrigant et intéressant.

95 Tribes – Baby. Vu qu’il faut inévitablement voir un peu partout les signes d’un retour de la Britpop, on sort de nulle part (enfin si, Camden, évidemment) un groupe à chansons de stade, qu’on qualifiera sans doute de post-Libertines et pré-Palma Violets. Pour l’originalité, on repassera, mais au moins ce ne sont pas les Vaccines.

94 Bad Brains – Into the Future. Pionniers du hardcore de DC ‘77, ils sont au moins autant reggae que punk. Trente-cinq ans après, la recette marche étonnamment toujours aussi bien (j’aime pas le reggae), surtout les voix stoned et psychocinglées de HR.

93 The Datsuns – Death Rattle Boogie. Parce qu’on les avait oublié, et que les néo-zélandais rockent toujours aussi fort qu’avant. Aucun génie, peu d’originalité, mais beaucoup de coeur et d’enthousiasme, alors que leurs rivaux de l’époque ne sont plus du tout au même endroit.

92 The Hives – Lex Hives. C’est un album des Hives. Il n’apporte rien, n’arrive pas à la cheville des premiers, mais cela suffit amplement pour le placer dans un top 100. Merci Randy Fitzsimmons d’écrire de bonnes chansons et de réussir à nous faire tomber dans les gimmicks à chaque fois.

91 Billy Talent – Dead Silence. Punk post-hardcore, rageux, efficace et ample,. même si un peu trop long. Merci d’être revenus parmi nous.

90 The Cast of Cheers – Family . Ne vous trompez pas, Bloc Party a juste changé de nom et s’est inspiré de Battles plutôt que de Soundgarden. Par contre, l’inspiration n’est pas toujours là non plus.

89 Lana Del Rey – Born To Die. Derrière les controverses et les coups marketing, on a une chanteuse qui s’est révélé, tout au début, touchante. Malheureusement, après Video Games/Blue Jeans, le reste est mauvais, médiocre et tellement plat qu’elle se sent obligée de raconter des conneries pour qu’on parle d’elle. Ce qui n’arrivera bientôt plus.

88 Soundgarden – King Animal. Personne n’en avait besoin, mais ils sont revenus quand même. Et bien que l’album de réunion n’arrive pas au niveau du modèle du genre (Dinosaur!), il est suffisamment décent pour ne pas être embarrassant, et compte tenu du passif du chanteur, c’était pas gagné.

87 Green Day – Uno/Dos/Tré. Exemple encyclopédique de quantité vs qualité. Les 14 meilleurs morceaux sur un simple album, et il aurait été bon, dans la première moitié de la disco du groupe. Mais là, on se retrouve avec trois albums tous trop longs, et souvent trop similaires. Uno est punkpoppesquement sympa, et au moins, on n’a que très peu de trucs prétentieux à la Jesus of Machinchose, mais on a dépassé l’indigestion.

86 The Smashing Pumpkins – Oceania. J’ai beaucoup de respect pour la vision intransigeante de Billy Corgan (et le fait qu’il est responsable d’au moins deux des meilleurs albums des 90s), mais c’est assez symptomatique de remarquer qu’on a accordé plus d’attention cette année aux ressorties de Pisces Iscariot et (surtout) de Mellon Collie and the Infinite Sadness. Ceci dit, Oceania est le meilleur album de Corgan depuis quelque temps, peut-être depuis Machina II. Mais cela ne veut pas dire grand chose…

85 Sleigh Bells – Reign of Terror. Tellement surévalué que même Pitchfork n’en parle plus. Il reste juste encore un peu de nouveauté et d’originalité pour qu’on lui laisse une chance.

84 Best Coast – The Only Place. Bethany Cosentino tente par tous les moyens de prouver qu’elle a plus d’un tour dans son sac, et elle y arrive de justesse. En virant alt-country.

83 Jessie Ware – Devotion. Chaque top de fin d’année se doit d’avoir son truc pop “différent”. Je ne trouve pas que Devotion soit vraiment extraordinaire, mais Wildest Moments = tube.

82 Alabama Shakes – Boys and Girls. De la soul music au plus pur sens du terme. Rock teinté de blues et porté par la voix fantastique de Brittany Howard.

81 Neil Young – Psychedelic Pill. Parce que Neil Young est le seul type de 67 ans capable d’appeler un album Psychedelic Pill et de mettre une grosse tablette d’ecstasy en pochette. Mais aussi parce qu’il comprend quelques excellents morceaux, notamment les 16 minutes de Ramada Inn ou de Walk Like a Giant. Il a toujours quelque chose à dire.

80 Passion Pit – Gossamer. L’équilibre entre pop, indé, hype mais pas trop hipster n’est pas facile à réaliser. Pourtant, Passion Pit l’a fait, dans un album pourtant un peu fatigant.

79 Sigur Rós – Valtari. Les islandais n’auront sans doute plus jamais la même aura qu’il y a quelques années, mais cela ne les empêche pas de sortir des albums d’une beauté subjugante.

78 Imperial Teen – Feel The Sound. Indie pop positive, harmonies vocales, chouettes chansons simples. Parfois, on n’a besoin de rien de plus.

77 Of Monsters and Men – My Head Is An Animal. Les comparaisons avec Arcade Fire sont assez justifiées, celles avec Mumford and Sons heureusement moins. Plus légers que leurs inspirations de Montréal, les islandais sortent un album aérien, positif et tout à fait recommandable, même si légèrement dérivatif.

76 The Gaslight Anthem – Handwritten. J’ai sérieusement lu qu’on les considérait comme le futur du rock ‘n roll. Si le futur du rock ‘n roll passe par Bruce Springsteen et faire croire aux gens que Hot Water Music n’a jamais existé, personellement, je ne suis pas d’accord. Heureusement, ce n’est sans doute pas leur intention du tout, ils sont trop occupés à faire sonner leur rock en col bleu le mieux possible, ce qui est tout à leur honneur.

75 Motion City Soundtrack – Go. Le fameux album de la maturité, mais qui n’est pas chiant pour autant, juste plus sérieux et maîtrisé. Frais, intelligent et agréable.

74 Glen Hansard – Rhythm and Repose. Après un Oscar et des tournées interminables (notamment en ouverture de dizaines de concerts d’Eddie Vedder), l’ex-busker dublinois sort son premier vrai album solo, qui reste en deçà de ses albums avec The Frames ou le duo mélancolique The Swell Season. Restent quelques perles parfois sublimes.

73 The K. – My Flesh Reveals Millions of Souls. Noise rock habité, puissant et très dynamique, frôlant parfois le hardcore contemporain. Pas une seule baisse d’intensité tout au long d’un premier album excellent en soi, et très prometteur.

72 Trailer Trash Tracys – Ester. Les groupes dream pop/shoegaze se comptent par dizaines cette année, et il leur faut un petit quelque chose en plus pour se faire remarquer. Dans le cas de TTT, c’est la voix sublime de Suzanne Aztoria, qui sonne intemporelle d’entrée de jeu.

71 Guided By Voices – Let’s Go Eat The Factory/Class Clown Spots a UFO/The Bears for Lunch. Après la reformation du lineup dit classique, Robert Pollard reprend sa vitesse de croisière, trois albums cette année. Comme toujours, on aurait gagné à plus de contrôle, mais on retrouve encore quelques perles indiepunk toujours trop courtes, surtout sur le troisième album.

Bloc Party – Intimacy

Hop là, encore un! Quelles que soit les opinions individuelles sur le filesharing, difficile de ne pas être d’accord sur ce point : des artistes qui annoncent la sortie de leur nouvel album trois jours après, c’est fantastique. C’est donc au tour de Bloc Party de s’y lancer, quelques jours après leur single Mercury. Ce dernier annonçait des influences assez dance (comme Flux avant lui), Intimacy va permettre de les vérifier. Ares commence puissamment, avec une programmation électro implacable, et la voix de Kele Okereke qui joue au ping-pong entre nos oreilles. C’est puissant, dansant, entêtant, et cela ne ressemble ni à l’indie-rock-acéré Silent Alarm ni au plus atmosphérique A Weekend In The City. Bloc Party nous prépare encore un album très spécial.

On connaissait donc déjà Mercury, et force est de constater qu’avec sa basse ronflante et son rythme endiablé, il fonctionne mieux dans le contexte de l’album qu’en single solitaire, surtout quand les cuivres font leur étrange entrée. Mais j’entends déjà la grosse question post-Kid A : elles sont où, les guitares? Pas loin. Halo rappelle les heures de Silent Alarm, mais en nettement, nettement plus puissant. Voilà un groupe qui a grandi, et qui s’est terriblement amélioré, entre autres grâce au fameux difficile second album.

Okereke conserve ses habitudes au niveau des paroles : assez cryptiques, elles demandent assez clairement qu’on leur foute la paix, comme le titre de l’album peut le confirmer. Okereke a déclaré dans une interview qu’Intimacy était son break-up album, et on peut supposer que les supputations aussi incessantes que futiles sur sa sexualité l’ont également inspiré. Bloc Party a toujours laissé la musique parler d’elle-même, et c’est tant mieux : Biko rappelle la mélancolie sous fond de delay de guitares de So Here We Are, accentuant la variété impressionante du début d’album. Les éléments électro continuent à être présents, et on peut parfois craindre qu’ils déforcent un peu le propos, les beats de Biko sont peut-être un peu trop appuyés.

Trojan Horse, quant à lui, fait la parfaite synthèse entre l’atmosphère aérée du second album, les guitares du premier (quoiqu’ici sérieusement déformées) et la touche dance de leurs dernières productions. On notera aussi une insistance à refuser les constructions classiques : on se perd parfois au sein d’un morceau pour ne pas toujours s’y retrouver, ce qui n’est pas un défaut pour autant. One Month Off ressemble à un étrange mélange entre AC/DC et eurohouse, mais ça marche, très bien même. Intimacy est clairement un album dansant (dans sa majorité), et même si cela semble bizarre, c’est tout à fait réussi.

La fin de l’album est épique. Better Than Heaven commence par rappeler Depeche Mode mais se termine dans un maelstrom sonore totalement jouissif alors que Ion Square est peut-être le meilleur morceau de leur phase (si l’on peut dire) électro, en plus d’incorporer un poème de e.e. cummings.

Bloc Party réussit ici un troisième album impressionnant, rappellant l’énergie des débuts, y ajoutant des accents électro sans perdre leur pertinence. Ils ne sont pas encore arrivés à produire leur chef d’oeuvre, mais ils peuvent le faire, ils l’ont en eux. Encore un peu de patience…

Bloc Party – A Weekend In The City

Doit-on encore invoquer le fameux syndrome du deuxième album, celui où le groupe qui a bien réussi le premier est face à un choix : continuer dans la même veine ou évoluer, au risque de surprendre. La liste des artistes se trouvant dans chaque catégorie est très longue, et on se bornera donc ici à étudier le cas Bloc Party, dont l’excellent premier album retentit toujours dans pas mal d’oreilles aujourd’hui.

Une seule écoute, même distraite, suffit à répondre à la question : A Weekend In The City est tout, sauf une copie de Silent Alarm. Mis à part quelques passages, notamment les riffs nerveux de Hunting For Witches, il est difficile de trouver des points communs avec le précédent. L’album est plus sombre, plus introspectif, même si les paroles passent cette fois du général au particulier, c’est à dire Kele Okereke, jeune anglais d’origine nigérianne, et à la sexualité incertaine. Kele s’impose ici comme un songwriter de talent, dont la franchise presque gênante pourrait être comparée à Morrissey.

Dès le premier morceau, Kele fait porter sa voix très haut, et évoque la mémoire d’un personnage de Bret Easton Ellis, aux antipodes de sa propre personnalité. Il est d’ailleurs assez difficile d’interpréter les paroles sans faire de raccourcis probablement erronés, comme la chanson d’amour gay I Still Remember ou Where Is Home, l’interrogation d’un gosse sur ses origines ethniques. Musicalement, l’album est fort varié, mais nettement moins bruyant et rythmé que le précédent, et agrémenté de quelques touches électro, parfois maladroites, placés par le très bourrin producteur Jacknife Lee.

De même, la cohésion n’est pas le point fort de Weekend : il semble évident que deux ou trois morceaux ont été placés là en tant que singles potentiels, il faut dire que l’album est long (51 minutes pour 11 morceaux) et pas vraiment aisé d’accès. il n’est pas très marrant non plus, comme peut en témoigner SXRT, qui raconté le suicide d’un dépressif (« Tell my mother I’m sorry, and I loved her »).

A Weekend In The City est un album courageux, sans doute nécessaire pour la survie du groupe, et le développement de Kele Okereke, en tant que songwriter et être humain. On regrettera juste que tout cela soit au détriment de l’accessibilité. Malheureusement, malgré les points forts de cet album, il souffrira toujours de l’ombre de son prédécesseur, moins ambitieux mais mieux réalisé, et nettement mieux produit.

Bloc Party – Silent Alarm

Attention, très gros hype en vue… Détenteur du titre de « Franz Ferdinand potentiel 2005 », Bloc Party sort enfin son premier album, après quelques singles et EP très prometteurs. Résultat : rien à voir avec Franz Ferdinand, évidemment. Bon, ils jouent tous deux des instruments classiques, et leurs morceaux sont plus dansants que d’habitude, mais la comparaison s’arrête là. FF possède ce côté hédoniste et arty alors que Bloc Party la joue plus discret, plus modeste, et surtout, les morceaux de BP semblent là pour durer, alors qu’on peut craindre le futur de FF.

Silent Alarm est très bon. Original mais pas désarçonnant, musicalement solide, mélodieusement puissant. Like Eating Glass, le premier morceau possède une intro parfaite, avec un delay qui n’avait plus été aussi bien utilisé depuis les jours de gloire de The Edge. Vocalement, Kele Okereke est une (anti)-star en puissance. D’abord, il esr noir, ce qui n’arrive pas très souvent sans le milieu, ensuite, sa voix est particulière et versatile sans être dérangeante. Empruntant autant au reggae qu’à Robert Smith, Kele est une bouffée d’oxygène, et ses paroles assez obliques sont tout aussi bien senties.

Helicopter, Banquet, Price of Gas méritent d’être des tubes, mais ne le seront probablement pas ; Blue Light et Positive Tension ont autant de virages mélodique qu’un morceau de Biffy Clyro, et So Here We Are commence comme la ballade que U2 ne sait visiblement plus écrire pour se terminer en festival drum n bass ; à ce propos, la section rythmique et le guitariste du groupe sont étonnamment inventifs (She’s Hearing Voices), autre différence avec Franz Ferdinand, donc. Bon, on pourra dire que la fin de l’album nage en zone face B, mais un premier album est par définition imparfait (on aurait peut être préféré d’autres extraits de leurs précédents singles, comme The Marshalls Are Dead ou Little Thoughts.

Formidable album d’un groupe qui est tout aussi bon live, et qui prend déjà sa place tout en haut des meilleurs albums de 2005. Surtout, on peut le réécouter des tonnes de fois et toujours être surpris, ce qui est quand même assez rare.