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Mars 2013

Même si l’hiver n’en finit pas, le printemps des sorties commence, et avec lui une kyrielle de nouveaux albums avant l’arrivée des festivals d’été. Le mois de mars a vu quelques sorties majeures mais aussi des découvertes (ou redécouvertes) personnelles.

Waxahatchee - Cerulean SaltWaxahatchee, par exemple. Elle (Katie Crutchfield) a sorti son second album début du mois, à mi-chemin entre folk lo-fi et fuzz punkoïde, avec le son de basse de Kim Deal, une voix fantastique et une production sèche qui pourrait passer pour Steve Albini. Bien écrit, varié, Cerulean Salt est une belle découverte, et mon album du mois.

Mars a aussi vu le retour de quelques vieilles gloires plus ou moins avérées. D’abord, évidemment, David Bowie, dont l’annonce de l’album (The Next Day) fut la grosse surprise de ce début d’année. Mais l’autre surprise, c’est la qualité de l’album lui-même. Bowie n’était pas obligé de sortir un album, mais il a fait en sorte qu’il soit bon, étonnamment musclé et digne de sa légende. Puis, il fallait aussi assumer une telle pochette, c’est chose faite. Même si le sport à la mode en ce moment est de raconter un peu partout que l’album est mauvais, histoire de s’attirer un peu d’attention. Retour également pour Depeche Mode, avec un Delta Machine décent mais qui n’apporte pas grand chose, comme si ceux qui furent pionniers autrefois se contentent dorénavant de suivre. Par contre, on peut être surpris par le Bloodsports de Suede, qui prouve que des groupes qui se reforment initialement pour l’argent la nostalgie peuvent aussi toujours créer du nouveau et bon matériel. Finir par quatre ballades consécutives n’était peut-être pas une bonne idée, mais bon, on chicane.

Contrairement à ce que j’avais écrit à l’époque d’Angles, les Strokes existent toujours et sortent leur cinquième album, Comedown Machine. Il faut dire que ce n’était pas gagné, compte tenu du temps de gestation et du résultat médiocre de l’album précédent. Ce dernier n’est pas sans faille, loin s’en faut, mais il sonne comme celui d’un vrai groupe, même s’il est un peu bizarre quand même. On n’aura jamais de second Is This It, le groupe le sait et agit en conséquence. Pour Black Rebel Motorcycle Club, qui a connu le succès en même temps, c’est un peu différent. Specter at the Feast est trop dépendant de leur catalogue et réputation pour être vraiment considéré comme autre chose qu’un album de plus.

Mars a également vu les sorties d’albums de Trent Reznor et Dave Grohl, indépendamment de leur rôles principaux et habituels. Reznor a enfin lancé l’album de How to Destroy Angels (Welcome Oblivion), groupe qu’il forme depuis 2010 avec la chanteuse Mariqueen Maandig, son comparse de BO Atticus Ross et l’artiste visuel Rob Sheridan. Pour mieux apprécier l’importance que Reznor accorde à ce projet, pensez à ceci : il a choisi la semaine de la sortie de l’album pour annoncer le retour de Nine Inch Nails, en pause depuis 2009. Dave Grohl, quant à lui, s’est donné les moyens de réaliser deux rêves en un : un film sur l’histoire du studio californien Sound City et un album de nouveaux morceaux reprenant une liste all star d’artistes ayant enregistré là bas. Malheureusement, la révérence de Grohl envers certains artistes sérieusement AOR empêchent l’album de décoller, malgré des efforts louables de la part de Paul McCartney (Cut Me Some Slack, alias Helter Skelter part II) ou l’hypnotique Mantra, oeuvre de la dream team Grohl / Homme / Reznor.

Comme je vous disais, pas mal de gros trucs, et comme souvent, pas nécessairement les meilleurs. Niveau indie, on a tout ceci, ce mois-ci. D’abord, encore un nouvel album de The Men (New Moon), leur quatrième en quatre ans. Et ils continuent encore et encore une certaine évolution vers une musique plus « classique », tout en restant intense et excellente, peut-être juste un peu moins focalisée. Mais les fans de la première heure pourraient ne pas trop apprécier un virage qu’on pourrait stupidement qualifier de plus commercial. J’avais un peu oublié Devendra Banhart et j’avais sans doute tort : relativement éloigné du freestyle hippie d’il y a quelques années, Mala est un chouette album réfléchi, mélodique, personnel et tout de même un peu débridé. On connaissait Daughter et sa sad-cold-folk-quelque chose comme ça depuis 2010, et le premier album If You Leave (forcément chez 4AD) ne déçoit pas, ou du moins ne change pas d’orientation. Pas très varié, mais pour ce que c’est, c’est très bon.

En montant les amplis et la pédale fuzz, on retrouve Purling Hiss (Water on Mars), qui empoche provisoirement le titre de dévots de Dinosaur Jr. de l’année ; Suuns, dont Images du Futur serait un excellent album s’il n’avait déjà pas été enregistré par Clinic ; Wavves qui s’éloigne de plus en plus du surf rock pour aller faire coucou du côté de Seattle ou encore Golden Grrrls, trio indie-rock énergique, mélodique et catchy de Glasgow (Golden Grrrls). Enfin, après Palma Violets, c’est maintenant Peace qui fait la couverture de NME. Leur album, In Love, n’est pas mauvais du tout, mais je ne suis pas certain qu’il s’agit d’un plagiat, d’un pastiche ou simplement d’un hommage du rock anglais entre, disons, The Stone Roses et Definitely Maybe.

Le mois d’avril sera très chargé en sorties, on en reparle sur le Tumblr et ici dans un mois. En attendant, voici le traditionnel playlist Spotify du mois de mars!

Black Rebel Motorcycle Club – Beat The Devil’s Tattoo

Dans la catégorie « où sont-ils maintenant », voici Black Rebel Motorcycle Club. Il fut un temps, ils étaient considérés comme les sauveurs du rock, à côté d’artistes aux fortunes divers, comme les Strokes, White Stripes, Vines et Datsuns. BRMC avait autant de point commun avec les autres que Nirvana avec Pearl Jam, alliant des influences americana profonde à une recherche anthémique gallagherienne. Mais eux n’ont jamais cherché la facilité, avec ces dernières années un album alt-country et un autre, instrumental et étrange.

Avec un Beat The Devil’s Tattoo au titre presque aussi cliché que leur nom de groupe, les faux bikers mélangent (un peu) leur formule pour en faire ce qui peut être leur meilleur et leur pire album. Meilleur, parce que des morceaux comme Conscience Killer leur montre dans leur meilleur jour post-Stooges, tandis que le morceau-titre rappelle leurs racines bluesy. Pire, parce que finalement, rien n’est bien nouveau, et la seconde moitié de l’album a méchamment tendance à se traîner, rappelant un peu trop souvent quelques fantômes.

BTDT est donc une sorte de synthèse de BRMC (vivent les acronymes), et donc parfois de rappel aux jours de gloire passés : je parlais de l’influence d’Oasis et du gros rock à hymnes, Bad Blood remplit la case, voix traînante comprise. War Machine lorgne plutôt vers le shoegaze, tout comme le My Bloody Valentine light Evol. C’est d’ailleurs le moment de parler de leur nouveau cogneur de fûts, ou plutôt cogneuse. Leah Shapiro remplace l’erratique Nick Jago, et force est de constater que le changement était non seulement nécessaire mais aussi judicieux. Elle n’évolue pas toujours dans un registre ultra-subtil, mais comme force de propulsion, elle est vraiment ce dont le groupe avait besoin. La manière dont elle emmène Mama Taught Me Better me rappelle même le batteur de Them Crooked Vultures. Lui.

Malheureusement, quelques lenteurs, répétitions et longueurs finissent par peser sur l’album, surtout sa seconde moitié. Le groupe a eu l’intelligence de caler un excellent morceau, Shadow’s Keeper, histoire de relever le rythme, mais il est probable que l’album aurait été plus percutant avec deux ou trois morceaux de moins. Ceux qui sont indifférents à Black Rebel Motorcycle Club le resteront, ceux qui n’aiment pas aimeront encore moins. Cependant, le groupe semble être rentré dans une phase apaisée, d’auto-évaluation, et se sont mis à faire ce qu’ils font de mieux. Entre un album expérimental courageux mais inécoutable et un bonne heure de rock ‘n roll, le choix devrait être facile, le mien est fait.

Black Rebel Motorcycle Club – Baby 81

On a un peu oublié la majorité de ces groupes, qui, au début des années 00, ont formé ce qu’une certaine presse a appelé la nu rock revolution, sorte de revival garage certes dérivatif, mais parfois très inspiré. The Vines, The Datsuns, The Strokes, et j’en passe, ont tous connu des carrières fort différentes, et n’ont pas vraiment réussi à se faire connaître par leur diversité musicale. C’est sans doute les derniers cités qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Black Rebel Motocycle Club était compris dans ce groupe, même si leurs influences musicales étaient clairement différentes.

Après leur album éponyme, le second fut typiquement inférieur, ce qui a poussé le groupe à se réinventer sur Howl, où les guitares abrasives étaient remplacées par un ton très roots, une americana presque country. Assez naturellement, le quatrième album les voit fusionner leurs differents styles, avec toutefois un retour en puissances des six-cordes électrisées.

Et avec elles, le retour des énormes influences, soit Oasis, pour l’attitude, la voix et le sens de construction (et de la répétition), et surtout Jesus And Mary Chain. Les morceaux sont enveloppés dans des nappes de guitares, tantôt déterminantes, tantôt atmosphérique. On passe de la relative facilité immédiate (Need Some Air) à un futur extrait de la BO d’un Sofia Coppola (All You Do Is Talk, grandiose), en passant par l’étonnant Beatlesque Window. American X, tout au long de ses 9 minutes et 11 secondes (une coïncidence, paraît-il) constitue le morceau de bravoure d’un très bon album, d’un groupe qui ne semble pas accorder trop d’importance à la perfection : leurs quatre albums sont à prendre tels quels, et dans ce cas-ci, on prend sans problème.

Black Rebel Motorcycle Club – Howl

Black Rebel Motorcycle Club s’était fait connaître il y a quelques années d’ici, avec un bon mais inégal premier album éponyme et l’imparable single Whatever Happened To My Rock n Roll. Le second album était malheureusement beaucoup moins mémorable, et le groupe semblait fini : plus de contrat, et un batteur qui semblait oublier de se rendre à ses concerts.

Un troisième album semblait donc assez improbable, mais le voilà, et quelle surprise. BRMC, pour ceux qui ne connaissent pas, alliaient l’attitude d’Oasis avec un son puissant plus qu’inspiré de Jesus And Mary Chain. Et les voilà maintenant avec une collection de morceaux country/blues/gospel ancrés dans l’Amérique très profonde. Pas un seul accord bruyant de guitare électrique, pas de pédale fuzz. Ici règnent la slide guitar, le rythme sec, l’harmonica et l’introspection.

Les deux premiers morceaux donnent le ton, avec ces paroles : « Time won’t save our souls », suivi un peu plus tard de « I don’t wanna be saved ».

Howl, dont le titre (et beaucoup plus) est inspiré d’Allen Ginsberg possède une âme. La même que celle qu’on retrouve dans les meilleurs albums de Johnny Cash, celle d’artistes dont les instruments sont le prolongement de leurs corps, dont la voix exprime ce que l’homme n’ose pas dire.

Même si tout le monde sera surpris par cet album, il est très difficile d’être déçu, même sans repères dans la monde de la country, et de Jesus of Americana. Howl est émouvant, bien exécuté, et jamais ennuyeux. On se surprend même à se demander pourquoi le groupe n’a pas fait ce genre de musique depuis le début, tellement ils sont à l’aise dans ce style, original même si très influencé (Complicated Situation évoque très fort Dylan).

Howl ne plaira pas à tout le monde, et risque d’en décevoir certains, mais sa pure beauté en fait un incontournable, et un exemple magistral de réinvention musicale.

Black Rebel Motorcycle Club – Take Them On, On Your Own

Plus sombre que le musée des serial killers de Jonathan Davis, le groupe au nom le plus stéréotypé de la New Rock Revolution (© NME) revient avec un nouvel opus plus direct que le précédent. En effet, Take Them On, On Your Ownest très in your face, avec une série d’excellents morceaux plus Rolling Stones que Jesus and Mary Chain. L’influence d’Oasis (comme c’est ironique quand même) se fait sentir sur Stop (même esprit que Columbia, sur Definitely Maybe), mais c’est tout l’album qui est traversé par l’esprit du rock, poussiéreux comme la Route 66, sale comme un motel pourri au fin fond de l’Alabama, pervers comme les meilleurs rôles de Vincent D’Onofrio. Simple, voire simpliste,TTO,OYO ne va pas révolutionner le monde, mais compte simplement améliorer la vie de ceux qui l’écoutent. Ceci dit, cet album montre une réelle maîtrise musicale, mais surtout une passion et une foi comparable, dans des styles différents, à Interpol. BRMC ne sont pas des copieurs, mais the real deal, qui y va même d’un morceau politique, US Government (« Kill the US Government ! »). Et on peut même l’écouter en journée. Même si tout l’album, une fois de plus, ne tient pas les promesses faites par les quatre-cinq premiers titres, il reste quand même un incontournable de l’année.