Pearl Jam a vingt ans. Pour entamer une année de célébrations (leur propre festival cet été aux USA, les ressorties de Vs et Vitalogy, notamment), le groupe sort Live on Ten Legs, reprenant dix tournées, entre 2003 et 2010.
On va vider le sac d’entrée : non, LOXL n’est pas représentatif d’un concert de Pearl Jam, surtout que quasi tous leurs concerts depuis 2000 sont sortis officiellement en cd, la plupart était disponibles gratuitement. Non, la sélection de morceaux n’est pas irréprochable : pourquoi Arms Aloft et Public Image (des reprises de Joe Strummer and the Mescaleros et de PiL) et pas, par exemple, Sonic Reducer ou Kick Out the Jams? De même, les premier et dernier albums sont fort représentés (5 extraits de l’époque Ten, six de celle de Backspacer) alors qu’on ne compte qu’un seul représentant pour Binaural (mais c’est le merveilleux Nothing as it Seems), Yield, Riot Act, Avocado et… aucun No Code. Enfin, personne ne pourrait imaginer un concert de Pearl Jam qui dure 75 minutes, ou qui commence avec un Eddie Vedder essoufflé : le morceau choisi comme ouverture du disque a en fait été joué en plein milieu d’un concert de fin de tournée, à Werchter en 2010.
Voilà. Maintenant, on peut se concentrer sur l’album, imparfait mais phénoménal témoignage de la puissance, de l’énergie, et de la passion de Pearl Jam en concert. Animal, Porch, State of Love and Trust, Rearviewmirror sont autant de monstres rock ‘n roll intemporels, exécutés, comme à chaque fois, comme s’il s’agissait de la dernière. Le groupe joue comme une mécanique très bien huilée : Jeff Ament et Matt Cameron donnent le rythme, Stone Gossard offre des riffs légendaires et des soli précis, alors que Mike McCready fait plus qu’honneur à ses idoles ses idoles Hendrix, Vaughan et compagnie. Eddie Vedder, quant à lui, est Eddie Vedder. Malgré tout, on n’a jamais l’impression que Pearl Jam est en pilote automatique : on ne le remarque pas sur cet album, mais deux mêmes morceaux ne sont jamais joués à l’identique. Even Flow, notamment, bénéficie toujours d’un solo de McCready, souvent improvisé, toujours différent. Beat that, Kirk Hammett.
Malheureusement, l’essence même de la compilation crée des baisses de régime. On pourrait toutefois dire qu’un concert de plus de deux heures doit aussi comporter ses baisses de niveau. Certes, mais elles sont sans doute moins évidentes qu’ici, où les morceaux de Backspacer (surtout Unthought Known et Just Breathe) peinent à soutenir la comparaison. I Am Mine et Nothing as It Seems, rarement joués en concert, sont d’excellentes « surprises », tout comme le subtil In Hiding. On peut toutefois s’étonner de la relative mollesse de Spin the Black Circle, qui semble presque joué au ralenti. L’album se conclut avec une triade (de vingt ans d’âge) qui elle, pourrait se retrouver telle quelle en concert : Porch, Alive, et le classique final, Tellow Ledbetter. A ce moment-là, après les dernières notes du dernier solo de McCready, on peut enfin imaginer qu’on est vraiment à un concert de Pearl Jam. Dommage que ce sentiment n’est pas présent tout au long de l’album.
Un fan de Pearl Jam (inutile de déguiser la vérité, Pearl Jam est sans doute mon groupe phare de ces quinze dernières années, et celui que j’aurai vu le plus souvent – douze fois – en concert) aura maintes raisons d’être déçu de cet album, mais il aura, nécessairement, accès à des dizaines de concerts complets et de tonnes d’autres morceaux tout aussi indispensables (ne citons que Long Road, Release, Why Go, Leash, Immortality, Faithful, ou encore les reprises Baba O’Riley ou Rockin’ in a Free World), ce qui n’est pas le cas de tout le monde. L’utilité de LOXL est peut-être d’introduire une nouvelle génération de fans à Pearl Jam, ceux qui n’achètent peut-être plus de musique, mais qui vont plus souvent aux concerts, et qui savent distinguer un grand groupe de scène d’un honnête groupe de studio. Et même si je n’écouterai sans doute plus cet album, il reste impressionnant, et doit être une porte d’entrée vers le monde fascinant d’un des meilleurs groupes que le rock ait engendré. Depuis vingt ans, et c’est bien loin d’être fini.
Spotify : Pearl Jam – Live on Ten Legs
Nothing as it Seems :