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The Black Box Revelation – Silver Threats


Les duos, dans le rock, c’est rare quand ça passe. Mais quand c’est le cas, l’essence même du rock ressort de la simplicité organique qu’est l’association naturelle et spartiate de la guitare et de la batterie (White Stripes) ou de le basse et de la batterie (les fabuleusement éphémères Death From Above 1979). Il ne faut pas hésiter à ranger le duo de Dilbeek (Belgique néerlandophone) auprès de ces grands noms. Oh, ils n’ont évidemment pas réinventé le rock ‘n roll, mais réussir à filtrer 70 ans d’histoire par une pédale fuzz, ce n’est pas toujours évident.

Silver Threats est rock ‘n roll. Bordélique, intense, garage tout en restant accessible, il prouve qu’il est encore possible de sortir du rock décent en Belgique sans devoir nécessairement singer tout ce qui se passe ailleurs. Ce qui ne veut pas dire que BBR n’a pas d’influences : le style limité par essence rappellera souvent les White Stripes, mais aussi les usual suspects du genre, de Led Zeppelin, Sabbath, etc etc, le tout servi par une voix-cocktail 1/3 Mick Jagger, 1/3 Liam Gallagher et 1/3 Disto. Conscients de la limitation des instruments choisis, le duo use et abuse des effets sonores. Mais attention : pas de vulgaire protoolisation de sons étranges ici, tout est probablement jouable en utilisant pédales d’effets pourries trouvées d’occase çà et là (enfin, c’est le fantasme du rédacteur, en tout cas).

C’est en tout cas assez étonnant d’entendre ce genre de sons en 2010 et venant de Belgique : même si la Flandre a toujours eu un siècle d’avance sur la Wallonie en matière de compétences rocknrolliennes, il fallait quand même sortir un pastiche garage 60s parfait comme 5 O’Clock Turn Back The Time. Tout cela peut sembler aisé, mais il faut un réel talent pour sortir tout cela sans sembler dérivatif ou ridicule : les deux BBR en ont, du talent, c’est indéniable et confirmé par ceux qui ont eu l’occasion de voir le duo enflammer des salles de plus en plus grandes. Brûlots punkish (You Better Get In Touch With The Devil), Zeppelinneries éminement préférables au chat égorgé de Wolfmother (Do I Know You), solos de guitares tellement garage qu’ils feraient passer Jack White pour Eddie Van Halen, il n’y a pas grand chose à ne pas apprécier dans cet album, si l’on est un minimum récéptif au côté obscur de la distortion. Surtout que contrairement à ce qu’on pourrait croire de prime abord, on peut faire pas mal de sons différents avec une guitare, une batterie et une prise électrique. Et tenir un morceau de neuf minutes sans être emmerdant une seule seconde.

Naturellement, il ne faut pas attendre trop de variété : quand le groupe lève le pied (de la pédale d’overdrive, évidemment), ils sont moins percutants et convaincants, comme le mid-tempo assez superflu Sleep While Moving. Enfin, la voix marquée et maniérée ne plaira pas à tout le monde, surtout qu’elle est assez mise en avant (forcément, ils ont la place pour le faire). Cependant, l’acoustique Our Town Has Changed For Years Now est suffisamment groovy pour être apprécié, et comporte même une bonne dose de critique socio-politique en adéquation avec les influences dylanesques du morceau. Mais quand on écoute un morceau aussi bien foutu que Love Licks, on se fiche pas mal de l’époque, des influences, ou de quoi que ce soit d’autre. On est juste bien, en phase avec une musique organique et viscérale. On ne devrait avoir besoin de rien d’autre qu’un « Hell yeah, here comes my girl ».


Blip.fm : High on a Wire