Werchter, le symbole de tout ce qui va mal en musique aujourd’hui. Ok, j’exagère (à peine) mais quand même : c’est quand même le festival majeur européen le plus cher quantitativement, vu qu’il n’y a que deux scènes. Qui plus est, les artistes y jouent simultanément, ce qui est quand même extrêmement stupide, comme concept. Et je ne m’attarderai même pas sur le conflit d’intêret manifeste qu’est le fait que l’organisateur de Rock Werchter est le boss de Live Nation Belgique (ou plutôt België, je suppose), le plus gros organisateur de concerts du pays (et du monde, dans sa version multinationale). On fiche des gens en prison pour moins que ça, à Charleroi.
Mais bon, du point du vue du festivalier (après avoir raqué 20€ de plus pour le camping, évidemment), Rock Werchter n’est pas pire qu’un autre festival. L’absence de zones d’ombre et d’endroit couvert, la bouffe gastro-entérisante et la bière chaude ne sont pas l’apanage de l’ex-Torhout-Werchter, qui ne va d’ailleurs pas tarder à perdre son « Rock ». Et puis, l’affiche est évidemment alléchante, du moins quand on sait connecter ses neurones. Et c’est d’ailleurs ce qu’on va faire, un itinéraire très subjectif d’une scène à l’autre, durant ces quatre jours. N’oubliez quand même pas d’arriver suffisamment tôt pour ne pas attendre douze heures pour vos tickets bouffe et boisson, je vous aurai prévenu. C’est parti, et référez-vous au programme officiel pour plus de précisions sur les horaires.
Jeudi 28 juin
Ok, je vous ai dit d’arriver assez tôt, mais les portes n’ouvrent qu’à 14h30, et le début de l’affiche pousserait plutôt à tranquillement se reposer dans la tente (si vous êtes chanceux), essayer de la monter (si vous l’êtes moins) voire faire la première d’une des nombreuses files (ben oui, fallait prévoir). Si vous êtes disponibles, allez dire bonjour à Rufus Wainwright, qui doit probablement se demander ce qu’il fait là.
Ensuite, My Chemical Romance recevra, pendant une heure, vos gobelets de pisse chaude. Les bouteilles en verre sont plus dangereuses, mais ils pourraient peut-être partir plus vite, et se la jouer encore plus emo. On imagine : « I’m not okaaaayyyy ». Si c’est le cas, allez voir Air sous la tente, histoire de faire un petit dodo. Pas la peine d’attendre Sexy Boy, vu qu’on aura Muse plus tard (comparez la ligne de basse de Plug-In Baby…).
Retour sur la main stage avec ce brave Brian Warner et son groupe de comiques déguisés : Marilyn Manson amènera son nouvel album semi-décent, et au moins sera divertissant, à défaut de chanter juste. Par contre, l’anus en gros plan, c’était il y a cinq ans. Merci d’aller assassiner Mika, tant que vous êtes sur place, au nom de la dignité humaine. Puis arrive la première mégaconnerie de l’organisation. Suivi de la seconde.
1) Qui a eu l’idée abrutie de faire jouer les Beastie Boys dans la marquee? Elle sera pleine à craquer deux heures avant. 2) Et les programmer en même temps que Björk? Allez, sans rire? Choisissez qui vous voulez, en sachant que les B-Boys sont excellents sur scène, et qu’un show de Björk est toujours spectaculaire.
Ensuite, le choix est plus simple : après 223 apparitions, Muse gagne enfin le droit d’apparaître en tête d’affiche, et même si les deux derniers albums n’arrivent pas à la cheville du stupéfiant Origin of Symmetry, leur show est extraordinaire de grandeur kitsch. Matt Bellamy, quoi qu’on en dise, est un showman hors pair doublé d’un guitariste virtuose. Mais on les verra de loin, sauf si on veut supporter les cohortes de filles de quinze ans facilement impressionnées. Y a un dj de l’autre côté, mais on s’en fout et on rentre dormir, parce que le lendemain c’est *le* jour.
Vendredi 29 juin
Je n’ai plus été à Werchter depuis quelques années (première année du retour des Pixies), et je m’étais dit que je n’y retournerais que pour voir quelque chose d’exceptionnel, et pour moi, ce sera Pearl Jam, le seul groupe pour qui je pourrais me déplacer plus qu’une fois par tournée (quatre cette année, j’y reviendrai). Mais ce n’est que la cerise sur un gâteau bien rempli, et une journée vraiment rock à une époque où le genre fait défaut à Werchter.
Là aussi, il faut faire des choix, et les laissés pour compte seront la sympathique Lily Allen et Satellite Party, nouveau groupe de Perry Farrell. Tant pis, mais la compétition est trop rude. Selon l’heure d’arrivée, qui dépend évidemment du nombre d’hollandais bourrés qui auront pris votre tente pour un gerboir (au mieux) ou un lit (au pire), on pourra jeter un coup d’oeil sur Enter Shikari, représentant anglais d’un nintendocore peu inventif, n’est pas HORSE The Band qui veut. Mais après, plus d’excuses : une heure de Kings of Leon, dont le dernier album est une merveille de rock intemporel. Il ne sont pas connus pour leur fabuleuse présence scénique, certes, mais c’est immanquable quand même.
Nettement plus que Kaiser Chiefs, dont les vulgaires hits faciles passeront mieux au bar, qui sera sans doute déserté : win-win situation. Ensuite, après la bonne humeur des gros anglais, on rigolera nettement moins avec Bloc Party. Au mieux, c’est Radiohead en 97, au pire, on va voir Lily à côté. Mais après, on se cale, et on attend l’énième passage de Queens Of The Stone Age, avec un line-up encore différent. Mais Josh Homme et sa carrure de bûcheron savent assurer : ils ne déçoivent jamais. Ensuite, Arctic Monkeys, étonnamment calés très haut sur l’affiche, mais cela est amplement mérité : les morceaux époustouflants de leurs deux albums vont littéralement écraser tout sur leur passage. Un conseil : observez bien le batteur : 21 ans et 4 bras. Seul risque : la fatigue d’une longue tournée.
Risque qui ne se produira pas avec la tête d’affiche du jour, même si c’est la dernière date de leur tournée européenne. Pearl Jam est le meilleur groupe que vous pourrez voir, sans exception, ici ou ailleurs. Je n’ai rien à ajouter, si ce n’est que le concert sera doublement exceptionnel, vu qu’il s’agira sans doute de leur dernière date européenne avant quelques années. Et ils ne joueront jamais 1h30 comme prévu.
À partir de là, les deux jours suivants sont plus mitigés, surtout l’étrange samedi.
Samedi 31 juin
Alias la journée du grand n’importe quoi. Pas la peine de faire un horaire détaillé : ceux qui vont voir The Killers, Keane ou Snow Patrol n’ont définitivement pas besoin de mes conseils, ou des conseils de qui que ce soit d’ailleurs. On sortira du lot sur la main stage : euh, personne, sauf les Chemical Brothers, mais ils peuvent être très chiants parfois. La marquee est mieux : Klaxons est un des phénomènes de 2007, et les voir live doit être assez intéressant, même si le potentiel foireux est là. Le must total reste The Good The Bad And The Queen, dernier – et excellent – projet de Damon Albarn. L’album est fantastique, et les musiciens (Tony Allen, Paul Simonon et Simon Tong) sont suffisamment expérimentés pour savoir ce qu’ils font. Le seul groupe que j’aurais voulu voir, hors du vendredi.
Dimanche 1 juillet
Comme chaque année, ou presque, on aura Metallica. Attendez-vous à plein de t-shirts avec des têtes de morts et des gros bourrins qui hurlent Metallicaaaaaaaaaa quand on leur demande si oui on non ils vont pisser parce que nous on a la vessie qui va exploser. En attendant, on aura quelques trucs sympas à se mettre sous la dent, comme les frappadingues de Mastodon (qui n’ont délicieusement rien à faire là), la pop sophistiquée de Maximo Park, l’évolution « intéressante » d’Incubus, la joie de vivre d’Interpol, les sautes d’humeurs de Tori Amos ou encore Frank Black (ou Black Francis?), accompagné pour l’occasion de Joey Santiago. Et il joue en même temps qu’Incubus…
Metallica, donc. Le type même de groupe (je vais me faire déchirer par mail) à voir une fois, parce que, hein, c’est METALLICAAAAAAA mais peut-être pas plus, parce que les morceaux sont souvent rigoureusement identiques aux versions studio, et je n’ai jamais compris l’intêret de jouer Master of Puppets (fabuleux morceau et album, je ne dirai jamais le contraire) 15481 fois, et shredder le même solo, à la note près. Mais je le répète, je suis fan de Pearl Jam, donc je suppose que je ne peux pas comprendre.
Ceci dit, entendre 50 000 personnes scander en même temps DIE DIE DIE pendant Creeping Death (et rêver qu’on est Place de la Concorde, Paris, un soir d’élection), ça vaudra toujours le déplacement. Avec un peu de bol (beaucoup, en fait), les nouveaux morceaux seront décents, et pendant Nothing Else Matters quelqu’un fera peut-être tomber son GSM flambant neuf, à force de l’agiter. 160€ pour un ticket, mais un GSM neuf ça compense. Et si METALLICAAAAAA vous emmerde, y a un groupe de reprises de Pink Floyd sous la marquee. Pas compris non plus, mais bon. Meilleur, et dernier, conseil : cassez-vous. Pour deux raisons : d’abord, les embouteillages monstrueux, ensuite, pire, bien pire : Faithless.
Conclusion
Rock Werchter, de moins en moins rock comme on l’a vu, est un grand supermarché : on trouve de tout, facilement accessible, et on peut consommer sans trop réfléchir. Il est regrettable que des artistes de niveau fort douteux prennent la place d’autres nettement plus recommendables, et il est encore plus dommage de voir que d’autres festivals en Belgique se Werchterisent : Graspop de plus en plus généraliste (j’aime bien Chris Cornell, mais quand même) et Pukkelpop de moins en moins inspiré (ils n’ont plus que les restes du festin). Werchter, quant à lui, mériterait qu’on le boycotte, plutôt deux fois qu’une, et qu’on pirate tous les artistes qui s’y produisent. Mais une de ces deux actions est plus facile à faire : on sait que si on ne va pas à Werchter, on ne reverra pas ces groupes chez nous cette année. C’est le jeu, auquel le spectateur-payeur ne peut pas participer.