L’Islande est un pays assez curieux. 296 000 habitants à peine, un climat peu commode, un paysage tout à fait extraordinaire, une langue qui a très peu évolué depuis les Vikings. Tout cela a certainement inspiré les nombreux musiciens y provenant, on ne citera que deux noms (mais quels noms), Björk et donc, Sigur Rós.
Contrairement à l’exubérance parfois irritante de la première, Sigur Rós joue plus la carte de la discrétion. Il faut dire que leur musique éthérée, parfois glaciale (impossible d’échapper aux poncifs islandais, désolé) n’est peu peu propice à la rotation radio et tv (même si leurs rares vidéos valent le déplacement).
Mais parmi ceux qui ont un jour abandonné leurs sens à Sigur Rós, rares sont ceux qui en ressortent indemnes. Dans mon cas, c’était lors de la première partie de Radiohead, à Werchter, un peu avant la sortie de Kid A. Quatre musiciens pieds nus, un chanteur au timbre de voix inouï, un guitariste qui joue avec un archet, et une musique absolument extraordinaire. Takk est leur quatrième album (même si les sorties du groupe sont assez difficiles à comptabiliser), faisant suite au fabuleux Agaetis Byrjun et au très mystérieux (), album sans titre comprenant 8 morceaux, sans titre aussi. Même la langue dans laquelle le groupe s’exprime est étrange : Takk est apparemment entièrement en islandais (qui est déjà assez étrange comme ça), mais les précédents étaient chantés dans une langue de leur invention, baptisée « hopelandic ». Tout ça crée évidemment une mystique, qui aide à fabriquer l’image de marque du groupe.
Car finalement, tel est le (seul ?) problème de Sigur Rós en général, et de Takk en particulier. L’originalité du groupe est établie, leur genre musical à part aussi. Comment peut-on encore réussir à surprendre dans ces conditions ?
Disons-le de suite, Takk est un excellent album, et un digne successeur aux précédents. L’espace stéréophonique est rempli, par des cordes rêveuses, une basse parfois énorme, les guitares habituelles, et parfois un très gros son comme seuls Mogwai ou GSY!BE peuvent produire. Les influences postrock/shoegaze sont indéniables, mais le tout reste éminemment original et maîtrisé, l’album atteignant son paroxysme sur l’extraordinaire Saeglopur, merveille de retenue et de puissance.
On regrettera peut-être, outre le très relatif manque d’originalité, quelques petites longuers ça et là, et aussi des inégalités, qui sont malheureusement inhérentes à ce type d’œuvre.