Ash a toujours été connu comme un « singles band », soit un groupe qui réussissait à chaque fois à sortir des singles imparables, sans tenir la distance sur album. Je ne suis pas certain que la réputation soit justifiée, mais à une époque où le format traditionnel de l’album est de plus en plus mis à mal, les Nord-Irlandais ont franchi le pas vers une campagne particulièrement originale et ambitieuse. Tous les quinze jours pendant un an, le groupe sort un nouveau morceau, en vinyl simple face et mp3. Il était possible de s’abonner au début du programme (en septembre), ou d’acheter les mp3 individuellement (les vinyls sont quasi tous sold out dès la sortie). De plus, les abonnés ont régulièrement droit à des morceaux bonus, au bon vouloir d’un groupe qui garde les pieds sur terre : le dernier morceau s’appelle Pirates Are So 2004.
On vient d’atteindre la moitié du programme, et Ash a bien réussi à faire parler de lui, remplissant des salles plus ou moins grandes et réinvestissant les ondes radio. Cependant, le format cd semble encore compter pour le groupe : A-Z Volume One compile ainsi les treize premiers singles, le morceau Return of White Rabbit qui avait lancé l’affaire ainsi que quatre bonus tracks, mais attention, pas les mêmes que celles des abonnés. Bref, si ce concept aura au moins montré quelque chose, c’est que Ash pouvait être prolifique, avec déjà une vingtaine de morceaux sortis.
Return of White Rabbit ouvre la compile, et le fait très bien : guitares angulaires, un peu d’électro, on croirait presque entendre Bloc Party. On ne s’étonnera donc pas de voir Russell Lissack renforcer le groupe à la seconde guitare lors de la tournée en cours. Un des reproches souvent faits à Ash, et à son compositeur/chanteur/guitariste Tim Wheeler, c’est qu’ils n’ont que deux types de morceaux : le punk-pop rapide et la ballade. Caricatural, mais pas spécialement faux : la grande majorité de ce qu’on trouve ici appartient à une des deux catégories, avec parfois l’une ou l’autre variante. True Love 1980 et son un clavier très (trop?) 80s et Tracers du coté ballade, The Dead Disciples (Muse vs Nirvana vs Star Wars), Ichiban ou le bonus The Creeps de l’autre.
Heureusement, Ash a parfois tenté de casser cette logique binaire : Pripyat est plutôt mid-tempo et raconte une touchante histoire de fin de civilisation, Space Shot est truffé d’effets spéciaux cheesy mais fun et Command met la basse de Mark Hamilton en évidence, un changement bienvenu. Il reste que bizarrement, la fin de la compile (avant les morceaux bonus) traîne en longueur : est-ce que la pression de fournir un single toutes les deux semaines a poussé les Nord-Irlandais à sortir un peu n’importe quoi, juste parce qu’ils le devaient? On peut déjà le savoir en écoutant la suite des singles, sur leur site officiel : ils sont tous disponibles à l’écoute au fur et à mesure.
On peut évidemment s’interroger sur le bien fondé d’une telle compilation : accoler des morceaux les uns aux autres et les vendre sur un même disque, ça ressemble quand même à un album, qui était la chose à éviter pour Ash. Soit, on ne s’embarrassera pas trop de sémantique : même si A-Z Volume One est d’un niveau inégal, ses bons moments prouvent que ses auteurs font effectivement partie de la grande tradition anglaise des groupes à singles, aussi peu variés soient-ils. On peut toutefois se demander si ces morceaux auraient vraiment pu tous être des extraits à succès d’un album : des singles populaires plutôt que décidés par le groupe. On se revoit dans six mois pour la suite et fin de l’entreprise.