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Gwen Stefani – Love Angel Music Baby

Comment faire une star d’une chanteuse vaguement anonyme d’un groupe ska (No Doubt) aussi cool qu’un combo de black metal finlandais? Plusieurs étapes : 1) Isoler le plus possible la chanteuse du reste du groupe (voire à ce propos le clip de Don’t Speak, dont l’ironie accidentelle n’est compréhensible que maintenant) ; 2) La faire participer à des events glamour, jusqu’à ce qu’elle crée sa propre ligne de vêtements ; 3) La faire chanter avec une personnalité fashion de l’époque (Eve, pour Let Me Blow Your Mind, en 2001) ; 4) Lui fabriquer un album par la zeitgeist : Pharrell, Linda Perry, Eve, Dr. Dre, Nellee Hooper, Andre 3000. Plan marketing imbattable. Donc, on devrait avoir un album formaté, impersonnel, et finalement très peu intéressant. Et bien non.

Le single What You Waiting For est le Crazy In Love de cette année, non, oubliez ça, c’est bien meilleur. Programmation et voix très eighties, refrain infectieux et paroles barrées, sera insupportable dans un mois, mais en attendant, c’est fantastique. Après un morceau de Dre (pas mal), vient Hollaback Girl, meilleur morceau des Neptunes depuis… très longtemps, et qui enchaîne beats lourds, guitares hawaiiennes, trompettes, synthés neptuniens, extrait d’Another One Bites The Dust et rap dingue de Stefani (« This shit is bananas/B-A-N-A-N-A-S »). Le reste de l’album est plus hit and miss, Cool la voit chanter à la Cyndi Lauper, mais parfois Gwen tombe dans le Madonna, ce qui est beacoup moins drôle (The Real Thing). On peut aussi être déçu par son duo avec Andre 3000 (Outkast), assez médiocre. Gwen elle-même apporte une voix assez sexy, coquine (« love in the backseat »…), mais quand elle chante un morceau entier sur son amour de la mode japonaise, c’est peut-être un peu too much…

Pas l’album du siècle, mais comparé à la pourriture totale qu’est la pop MTV, Gwen apporte un vent de fraîcheur, plus grâce aux producteurs qu’à elle-même, mais bon, ceci sera mon plaisir caché de 2004.

U2 – How To Dismantle An Atomic Bomb

Le meilleur aspect du nouvel album de U2, le treizième, c’est que Bono se tait. L’opportunisme hypocrite légendaire de l’ami personnel de Blair et supporter implicite de George W. Bush a eu l’excellente idée de ne pas prêcher politique sur cet album, le titre n’étant donc pas représentatif. U2 retourne donc à ce qu’ils font de mieux, et à ce niveau-là, How To Dismantle An Atomic Bomb n’est pas mal.

Le single et premier morceau, Vertigo, est tellement infectieux qu’on pardonnerait presque le plagiat de XXX des Supremes, les ballades sont d’un bon niveau, surtout Sometimes You Can’t Make It On Your Own (hommage de Bono à son père disparu, on est loin de Band Aid) et l’album, assez rock dans son ensemble, tient la route. Bien sûr, on ne peut plus vraiment attendre d’album parfait de leur part et Yahweh, par exemple, est un morceau imbuvable. Mais Bono est bon, sa voix éraillée faisant toujours son petit effet ; quant à The Edge, il porte cet album sur ces épaules, ou plutôt sur sa pédale de délai, utilisée et abusée encore plus que de coutume. Enfin, on pourrait aussi regretter que le groupe enfonce des portes ouvertes, et se trouve en terrain conquis : cet album n’apporte rien de nouveau à la carrière de U2 ; mais on peut répliquer que la critique et le public ont assez mal reçu les changements de style du groupe (Zooropa, Pop).

Un album qui ne révolutionne pas le monde musical, mais qui se laisse écouter, et qui plaira sans aucun doute aux innombrables fans du groupe. Les autres passeront à côté, et comme il y a tellement d’autres groupes à écouter, ce n’est pas bien grave…

Nirvana – With the Lights Out

Tout au long d’une courte carrière, Nirvana a accumulé les performances radio obscures, les inédits divers et variés, jamais sortis officiellement. Des firmes de CD douteuses, puis plus démocratiquement Internet ont permis de publier ces raretés (grâce au coffret Outcesticide, huit albums de raretés, mais jamais sorti officiellement et pâtissant d’une qualité sonore très moyenne), mais la sortie officielle d’un coffret était prévu depuis longtemps (décembre 2001). Des démêlés juridiques opposant les membres survivants (Dave Grohl et Krist Novoselic) à Courtney Love ont repoussé la sortie du coffret, jusqu’à ce lundi.

Trois albums et un DVD le composent, c’est forcément moins qu’Outcesticide, mais on profite d’une qualité de mastering professionnelle et d’une sélection plus qualitative que quantitative. With The Lights Out est arrangé de manière chronologique, commençant par un morceau d’histoire : une reprise (très brouillonne) de Heartbreaker (Led Zeppelin) capté lors de leur tout premier concert, en 1987. Le reste du coffret oscille entre prestations radio d’originaux souvent inédits et de reprises (quatre reprises de Leadbelly, une du Velvet, et quelques autres) à la qualité sonore fort variable, démos, faces B et autres raretés. Le tout est plus que satisfaisant, car on y trouve pas mal de perles, dont l’excellent Sappy/Verse Chorus Verse et le légendaire I Hate Myself And I Wanna Die, où la prose ironique de Cobain atteint son paroxysme. Certains morceaux sont par ailleurs totalement inédits, et même si parfois, on ne dépasse pas le stade de l’anecdote voire du limite écoutable (le coffret fait de temps en temps penser aux Anthologies des Beatles), la qualité est souvent présente. De même, les morceaux solos acoustiques de Cobain (certains enregistrés très sommairement dans sa chambre) sont souvent très chargés émotionnellement, et l’auditeur s’en trouve parfois limite gêné par tant d’intimité.

On assiste aussi à la naissance de certains morceaux connus : les démos de Drain You, Aneurysm, Heart-Shaped Box entre autres, et surtout celle Smells Like Teen Spirit, comparée plus loin avec le mix de Butch Vig ; et le coffret se termine sur la dernière session d’enregistrement du groupe, à Rio (en découlera le « nouveau » morceau You Know You’re Right, présent sur leur best of et ici en version acoustique), quelques mois avant le suicide de Kurt Cobain, icône d’une génération, songwriter extraordinaire, personnalité irremplacable et irremplacée du monde artistique contemporain. Á conseiller à tous les amateurs, mais pour les autres, ça reste tout de même dans le domaine de la curiosité.

Neil Young – Greatest Hits

Neil Young a une énorme carrière derrière lui. Compiler un best of, qui plus est en un seul disque, s’apparente à une mission si pas impossible, au moins très difficile. De plus, contrairement au précédent Greatest Hits Decade (double CD sorti en 1977 qui s’attardait sur 10 ans de carrière de l’artiste canadien), celui-ci récapitule toute sa carrière. Ceci dit, la sélection est très bonne, et on a une bonne idée de ce que Neil Young représente, même si c’est en accéléré. Même si Young est passé de mode, et a récemment viré dans le très chiant (le dernier album, Greendale), il reste un pion majeur de l’histoire du rock, et est pour toujours établi comme un des pères fondateurs du grunge (Pearl Jam a collaboré avec lui à maintes reprises, et la note de suicide de Kurt Cobain comprend la ligne célèbre, « It’s better to burn out than fade away », extrait de Hey Hey My My).

On préférera néanmoins Decade, plus long, plus complet (même si quatre morceaux de GH ne s’y trouvent pas, dont les classiques Rockin’ In A Free World et Harvest Moon) et surtout comprenant le fantastique Cortez the Killer. Et on se demandera toujours pourquoi ne pas avoir sorti (au moins) un double album : si dix ans de carrière méritaient un double, que dire d’une quarantaine?

Pearl Jam – Rearviewmirror (Greatest Hits 1991-2003)

Ca n’aura pas tardé. Quelques mois après que Pearl Jam ait annoncé son intention de ne pas prolonger le contrat avec Sony Music, ces derniers sortent le premier best of du groupe. Sans vraiment s’insurger contre cette sortie, le groupe n’a quand même fait aucune promotion, interview, ou concert pour la sortie de ce double album, ce qui est quand même significatif.

Compiler un best of de Pearl Jam est doublement difficile. Premièrement, le groupe a sorti un grand nombre de morceaux de qualités, sur albums, singles, BO ou compilations diverses ; ensuite, le groupe n’a sorti, en 14 ans de carrière, qu’une dizaine de singles et quatre clips (dont un seul entre 1992 et maintenant). Néanmoins, il faut dire que Sony a fait un bon boulot dans la sélection des morceaux, assez représentative. On pourrait juste reprocher un déséquilibre entre les différentes époques (plus de morceaux de leur début de carrière) et quelques oublis, mais Rearviewmirror est une bonne rampe de lancement pour découvrir le groupe, même si l’écoute de tous les albums et des quelques lives se révèle indispensable. Cet album-ci se divise en deux disques, le premier comprenant les morceaux plus rock (Alive à Save You), et le second les plus calmes (de Black à Man of The Hour, extrait de la BO de Big Fish, sorti l’an dernier). Enfin, on soulignera aussi l’absence d’inédits inutiles, quelques morceaux se trouvent néanmoins dans une version différente des albums (Alive, Black, Even Flow, State Of Love And Trust). Maintenant, est-ce qu’il faut acheter cet album ou pas et faire profiter une major des ventes de l’album pour un groupe qu’ils ont aimé sacrifier commercialement, je ne juge pas, mais si vous pouvez lire ces lignes, vous pouvez sans doute aussi trouver cet album quelque part…