Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Lil Wayne – Rebirth

Bon… On va dire, et on n’aurait pas tort, que je ne parle pas beaucoup de rap/hip-hop sur Music Box. C’est vrai. La raison principale est simple : c’est juste un manque d’intérêt. Attention : je ne veux absolument pas porter un jugement de valeur, mais le fait est que le hip-hop ne m’a jamais beaucoup intéressé, et que là, maintenant, encore moins. Ce qui ne m’empêche pas d’écouter parfois quelques un de mes artistes du genre préférés (OutKast, Wu-Tang Clan, Cypress Hill, The Roots, POS, …), mais j’ai beaucoup de mal à m’accrocher au hip-hop actuel, et cette putain de merde (pardon) de mode d’autotune n’est pas là pour aider non plus.

Tout ça pour dire que la carrière de Lil Wayne, je la connais mal. Pour tout dire, je la connais autant que ma voisine connaît celle de Pete Doherty, à savoir, uniquement ce qu’on peut en lire à droite et à gauche, forcément négativement déformé. Lil Wayne s’est, comme environ 370 de ses collègues, autoproclamé meilleur rappeur vivant, et d’après ce que j’ai lu, il a effectivement sorti quelques (futurs) classiques. Mais c’est sa connexion avec le milieu du rock qui m’intéresse ici. Lil Wayne, en businessman averti (son label, Young Money, a fait de lui un multimillionnaire), a bien remarqué que les albums se vendent moins, et que les artistes doivent maintenant gagner plus d’argent sur la route. Or, le rap en live, ce n’est pas aussi populaire, évidemment : rares sont les vrais groupes capables de tenir le coup et d’impressionner sur scène. Sans compter que généralement, pour faire un concert, il ne faut pas être tout le temps derrière les barreaux. Donc, Wayne, qui va justement passer une année en taule pour possession d’arme à feu, s’est mis au rock avec cet album, Rebirth, dont la date de sortie avait été reportée maintes fois jusqu’à ce qu’Amazon envoie « par erreur » des copies à 500 clients. Il a donc bien fallu sortir officiellement l’affaire (avec deux bonus tracks quand même), vu que le mal était fait. Et quel mal.

Rebirth est juste totalement extraordinaire. C’est tout simplement une des plus mauvaises idées de tous les temps, à rapprocher du trip RnB de Chris Cornell. Mais au moins, Cornell sait (encore) chanter. On commence par la pochette, qui montre Wayne mollement allongé sur un canapé, probablement mort pété (l’homme est notamment accro aux sirops pour la toux, ceux avec plein de codeïne dedans), guitare sur les genoux, Converse aux pieds. On a du lui dire que ça faisait rock ‘n roll. Dire qu’à ce moment, on n’a pas encore écouté la moindre note…

La première note, justement, semble tout droit sortie d’un vieux Van Halen. Ouaip. Et puis, comme on dit in english, the shit hits the fan. Wayne, excellent rappeur, donc, chante quasi tout le long de l’album, comme Kanye West sur 808s & Heartbreak. Et comme l’autre cinglé égomaniaque, ses voix sont totalement enfouies sous un autotune réglé sur 11. Les conséquences sont dramatiques, mais comme un carambolage en pleine autoroute, difficile de ne pas regarder. Wayne est sûr de son coup, tellement sûr que juste avant un bridge affreux, il annonce : « bridge ». Si. Et après ça, il nous sort un solo de guitare tellement inepte qu’on peut facilement le croire quand il dit qu’il a joué lui-même.

L’album est quand même relativement varié : parfois, ce sont des guitares assez funky à la NERD, parfois on joue dans le plus heavy (Prom Queen). On n’oublie évidemment pas la power ballad à l’intro soft Metallica, le truc à la Strokes (Knockout) ou, le meilleur pour la fin, le trip nu-metal Papa Roach The Price Is Wrong. C’est vraiment très mauvais, et on ne s’étonnera pas du tout que les meilleurs morceaux sont ceux où Wayne rappe, et reste un peu plus éloigné des trucs à six cordes qui lui veulent du mal. Même si les clichés à deux balles prédominent, avec des paroles qui parlent de fric, de sous-vêtements ou d’un président noir, le tout avec évidemment des refrains chantés par la pétasse de service (ça, ça n’a pas changé de l’époque où j’écoutais du hip-hop plus souvent). On a même un cameo peu inspiré d’un autre plus grand rappeur de tous le temps, et que tout le monde a plus ou moins oublié, Eminem.

Désolé pour ceux qui croient que je n’écris cette chronique que pour me foutre de la tronche de Wayne (qui n’a pas besoin de moi pour ça, je n’ai rien à dire sur un mec qui a FEAR GOD tatoué sur ses paupières), ou pour dénigrer le hip-hop en général, ce n’est pas le cas. Mais cette plaque est un attentat contre la musique enregistrée, et pour cela, il fallait en parler.

Vampire Weekend – Contra


Début 2008, Vampire Weekend sort son premier album, et secoue le petit monde du Pitchforkrock avec un ovni aux influences originales, ou en tout cas peu revendiquées. Malgré une sortie fort tôt dans l’année, l’album arrive sans peine à se hisser au sommet des listes de fin d’année, et c’est donc finalement sans trop de surprise que le quatuor new-yorkais nous envoie la suite de son oeuvre, après deux ans quasi jour pour jour.

On le sait, il n’existe pas trente-six manières de suivre un premier album, a fortiori quand il fut remarquable et remarqué. On peut faire comme le premier, mais forcément en moins bien : les exemples abondent, mais on cite souvent les Strokes comme cas d’école, même si Room On Fire n’est pas mauvais du tout. On peut aussi tenter de se réinventer, comme le Primary Colours des Horrors. Mais les groupes intelligents essaieront de tout avoir en même temps : renouveler leur son tout en gardant ce qui a fait le succès du début, leur identité. Arctic Monkeys l’aura fait (deux fois!) et Vampire Weekend est à ajouter à la liste. Car Contra, c’est ça : clairement le second album de Vampire Weekend, le seul groupe estival à sortir ses albums en janvier mais avec pas mal d’évolution sonore, notamment grâce à deux techniques souvent utilisées pour un second album, l’importance accrue de l’électronique et un ton plus posé, plus subtil.

Rostam Batmanglij, le producteur/guitariste/claviériste est la tête pensante du groupe, et c’est sous son influence que Vampire Weekend a remplacé pas mal de ses percussions organiques par des beats electro qui font tout de suite penser aux expériences de Radiohead sur Kid A. Assez froides, ces rythmes contrastent avec l’ambiance généralement estivale et optimiste qu’on associe avec le groupe, mais étonnamment, le mélange prend : Horchata, morceau d’entrée d’album, donne tout de suite le ton. La boîte à rythme ne remplace pas le métronomique Chris Thomson, mais le complète, et le fait assez bien, surtout que la mélodie au marimba est irrésistible.

De même, l’album est nettement moins immédiat que le premier, et aussi plus varié. Holiday et Cousins sont aussi rapides que n’importe quel ancien morceau, mais c’est plutôt le calme et l’atmosphère qui prédomine ici. Comme s’il ne fallait pas détourner l’attention du soin porté à la fabrication des morceaux, nettement plus subtils et produits qu’auparavant. Il faut en effet plusieurs écoutes pour percevoir des nuances qu’on aurait difficilement pu associer avec le Vampire Weekend première période. On a encore des cordes, mais elles sont juste un élément de plus dans la construction de California English, morceau basé sur les textes érudits (parfois à l’excès) d’Ezra Koenig et qui se permet même un passage à l’autotune. Mais on ne cherche pas à faire du bruit, on expose, on pousse l’auditeur à écouter soigneusement. Taxi Cab est un parfait exemple, avec une basse menaçante, un beat répétitif et différentes couches mélodiques qui se suivent et se superposent, le tout saupoudré par la voix de Koenig qui sonne plus Lou Reed que Paul Simon. Juste après, Run se la joue très synthétique, sans être impersonnel.

Pourtant, le groupe aime continuer à surprendre : aux deux tiers de l’album sont nichés les deux morceaux les plus évidents, le remuant Cousins et Giving Up The Gun, qui pourrait être le morceau qui leur ouvrira les portes du succès commercial, grâce à une production claire et une ambiance générale assez Strokes, sans la voix murmurée. Après cela, VW prend forcément la tangente, avec les six minutes de Diplomat’s Son qui pourrait, quant à lui, être leur meilleur morceau, notamment grâce à la succession parfaite d’un break 8-bit suivi du même, mais exécuté au piano, le tout sous un sample hypnotique de MIA et une prestation vocale élastique. Enfin, le synthétique I Think Ur a Contra clôture calmement un album vraiment intrigant, avec une métaphore assez folle (l’opposition Sandinistes/Contras comme symbole d’une relation amoureuse tumultueuse).

Je n’étais pas conquis du tout après la première écoute, mais j’avais sans doute tort. Vampire Weekend, pour moi, était un groupe immédiat, à consommer immédiatement en cas de déprime, le temps d’esquisser un large sourire. Mais non, Vampire Weekend vaut plus, et mieux que ça. Contra est un album qui réussit quelque chose de très rare : il élargit tellement le son du groupe qu’il empêche toute comparaison avec leur début. Il n’est donc pas meilleur ou moins bon, mais par contre, le groupe, lui, est nettement meilleur qu’en 2008. Et réussira encore à se rappeler à notre souvenir dans onze mois. Impressionnant, une fois de plus.

Rammstein – Liebe Ist Für Alle Da

On avait laissé Rammstein en relative mauvaise posture, proche de la séparation suite au peu spectaculaire Rosenrot (2005). C’est donc un Rammstein apparemment gonflé à bloc qui sort son sixième album, Liebe Ist Für Alle Da. Malheureusement, Rammstein est devenu un cirque. Juste un spectacle, un truc qu’on va voir pour pouvoir raconter qu’on l’a vu, un peu comme les larmes de Mylène Farmer ou l’ego de Bono. Rammstein avait donc besoin d’un nouvel album pour repartir (littéralement) enflamme salles et festivals du monde entier. On aurait juste espéré un peu plus d’effort.
Liebe Ist Für Alle Da est juste un album de Rammstein de plus, qui démontre hélas que les excellents trois premiers albums ne seront plus égalés. On a, comme toujours, les morceaux hard classiques (Rammleid, qui reprend des motifs éculés) ou encore Waidmanns Heil et les morceaux à forte influence Depeche Mode, comme Haifisch ou Pussy, dont je ne suis même plus trop certain du second degré, vu la caractère navrant de l’album. D’un cas comme dans l’autre, c’est du déjà vu, et les trompettes, cordes cinématographiques et autres effets sont simplement répétés d’anciennes occurrences.
Oh, on a quelques plans sympas, comme la rythmique de B******** (oui, ok, ça sonne comme un vieux Korn, mais les gens ont déjà oublié) ou les Edith Piafferies de Fruhling in Paris, mais on peut comprendre pourquoi Rammstein n’avait pas de meilleure idée qu’une vidéo classée X pour lancer le buzz : il n’y a rien grand chose de bien intéressant à entendre.
Vraiment dommage, car avant de sombrer dans le grand-guignol, Rammstein était un groupe tout à fait décent, avec innovations et talent. Maintenant, c’est juste feux d’artifice et faux pénis. Werchter 2010 va adorer.

Julian Casablancas – Phrazes for the Young


2001. Is This It. Un groupe de bourges new-yorkais, très faciles à détester mais aussi terriblement talentueux ont secoué le rock alternatif avec un album simplement parfait. Julian Casablancas, le chanteur/compositeur avait 24 ans à l’époque, et donnait l’impression d’être le maître du monde tout en n’ayant totalement rien à foutre. Une vraie rock star. Flashforward huit ans après. Les Strokes n’ont jamais réussi à confirmer, suite à deux albums décents mais sans grand génie, et un hiatus qui se prolonge depuis 2006. Depuis, presque tous les membres du groupes sont partis créer des projets parallèles, et c’est maintenant au tour de Casablancas de sortir son album.

Disons-le directement, ce n’est pas avec cela que Casablancas va remonter dans notre estime. Phrazes for the Young ne ressemble pas à grand chose, sorte de collection de morceaux pas assez bons pour aller ailleurs, et surtout vraiment mal chantés. Sa voix n’a jamais été son point fort, mais il arrivait facilement à l’utiliser à bon escient, ici, on a pitié pour lui. Un des meilleurs morceaux (musicalement) de l’album, River of Brakelights est tellement mal chanté qu’on se demande vraiment comment c’est possible d’avoir laissé passer ça. Pour le reste, l’album est assez varié, du Strokes-mais-pas-trop Out of the Blue, premier et meilleur morceau à quelques ballades synthétiquement chiantes, en passant par le très (très) new wave 11th Dimension. Mais le mauvais côté de la new wave, celui vachement vulgaire, avec lignes de synthés dignes d’être jouées au pied des pyramides de Gizeh. Le Tourist final tente de remonter le niveau avec une guitare flamenco, mais une bête boîte à rythmes fiche tout en l’air, et encore, c’est avant que le synthé ne s’allume.

L’album ne comporte que huit morceaux, mais ils se traînent d’une manière insupportable, à l’image de la voix d’un Casablancas qui a vraiment, vraiment raté son coup. On avait tant d’espoirs…

Nirvana – Live At Reading


Des concerts légendaires, il y en a eu quelques uns, des albums live aussi. La prestation de Nirvana au festival anglais de Reading, en 1992 peut maintenant prétendre à ces deux catégories. À ce moment, Nirvana était en pleine préparation d’In Utero, et la tournée européenne qui les emmena en Angleterre fut moins mouvementée que celle de l’année suivante, qui se termina par une overdose de Cobain à Rome. Résultat, ce concert, bootleggé à maintes reprises mais donc seulement officiellement sorti cette année, reprend l’intégralité de Nevermind (sauf Something In The Way), des extraits de Bleach et Incesticide, deux reprises (les classiques protogrunge The Money Will Roll Right In de Fang et D7 des Wipers) et des futurs morceaux d’In Utero, notamment Tourette’s et All Apologies. Le setlist est donc totalement irréprochable, débutant avec Breed et étalant classique sur classique, des morceaux qui ont gardé, presque vingt ans après, toute leur puissance et pertinence. On peut d’ailleurs remarquer le relatif manque de cohérence du setlist, qui alterne sans s’en soucier morceaux assez hard et d’autres plutôt lents, parfois en 5 minutes (About a Girl – Tourette’s – Polly). De même, Smells Like Teen Spirit est juste balancé en plein milieu, sans être mis en avant pour un sou.

Musicalement, on n’est pas censé s’attendre à ce que le groupe soit techniquement parfait, c’est bien une pure énergie punk qui les animait. Alors, oui, Cobain rate quelques notes, mais si quelqu’un retient cela de l’écoute de l’album, je le plains de toutes mes forces. Il en profite pour lancer quelques antisolos fantastiques ; même s’il est bon ton de critiquer Nirvana pour 36 raisons, c’est en fait futile et totalement stupide, Cobain était un génie, et comme tous les génies, il a effectivement volé quelques trucs à ses prédecesseurs (« Talent borrows, genius steals », disait Oscar Wilde). Novoselic et Grohl tiennent la baraque avec une section rythmique surpuissante et précise. Novoselic n’est plus vraiment actif dans le milieu musical (il est animateur social et politicien à Seattle) mais bien sûr, Dave Grohl allait devenir une icone à son tour, grâce au succès public des Foo Fighters (au départ son projet solo) et surtout son statut de batteur fantastique au sein de Queens of the Stone Age (Songs for the Deaf) et récemment Them Crooked Vultures.

Live at Reading est un témoignage fabuleux d’un groupe qui fut un des plus importants de l’histoire du rock, dont les influences se font toujours ressentir actuellement. Il souffre toutefois d’un défaut assez stupide : la durée du concert original (1h25) ne permettant pas de le caser sur un cd (et aurait été trop court pour un double), on a décidé de couper les interventions entre les morceaux, donnant l’impression (pas désagréable mais fausse) d’un concert sans pause, mais aussi créant quelques incohérences. Pire, leur tout premier single, Love Buzz, est carrément passé à la trappe. Même s’il n’existait sans doute pas de solution parfaite pour le cd, il est étonnant de constater que le concert complet n’est pas disponible en téléchargement légal, mais uniquement sur le DVD. Autrement dit, pour avoir légalement le concert complet, il faut acheter le dvd et passer un petit bout de temps (si l’on possède les compétences techniques) à extraire les pistes audio pour en faire, par exemple, des mp3. Et après, on s’étonne…