Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Grand Duchy – Petits Fours

Charles Thompson est un homme aux projets multiples. Sous le pseudonyme de Black Francis, il est vocaliste d’une groupe qui a eu un certain impact, Pixies, alors que sous celui de Frank Black, il traîne une carrière solo, disons, pas exactement concluante. Les dernières années ont été plus confuses que la transition d’un alias à l’autre : d’abord, il a ressorti Black Francis de la naphtaline pour le convaincant Bluefinger, et voilà qu’il sort un projet avec sa femme Violet Clark sous l’étrange nom de Grand Duchy. Alors, Grand Duchy, FB ou BF? Charles Thompson, simplement.

Petits Fours (oui, je sais) est court et varié. Come Over To My House est un morceau simplement rock mais très efficace, mixant infuences 60s, claviers sci-fi de Clark et une basse qui semble jouée par Kim Deal (ce qui prouve que, même si je l’aime bien, Kim, elle ne servait quand même pas à grand chose). De plus, la Voix est de retour, celle, agressive et inimitable, de Holiday Song, Debaser, etc etc. Contre-pied immédiat, Lovesick a une base acoustique et une voix calme et gentille de Violet Clark, alors que Fort Wayne est limite twee, avant de tourner fuzzy rock, quiet LOUD quiet, quoi…

L’album surprend pendant 5-6 morceaux, car on a encore une Violet Clark dans un registre carrément punk, ou pop à la Cardigans. Bizarre, bizarre, et légèrement schizophrène. Black Suit, situé en plein milieu est peut-être le meilleur morceau, avec une rage dans la voix de Black (plus simple) qu’on croyait vraiment disparue. Hélas, la fin de l’album ne tient pas trop la route (malgré la basse de Break The Angels, autoplagiée), car une certaine habitude lassante s’installe. Il reste que la dynamique entre les deux époux est franchement intéressante, et on peut se demander si Grand Duchy est juste une aventure sans lendemain, ou un véritable projet majeur. Difficile à dire, surtout que la nouvelle tournée des Pixies va nécessairement reposer les sempiternelles questions sur un nouvel album dont, finalement, personne ne veut vraiment.

Lamb of God – Wrath

Longtemps considéré comme le plus probable successeur de Pantera au titre de groupe metal de référence, Lamb Of God a maintenant sorti un album de plus que leurs collègues sudistes (du moins si on ne compte que la période Anselmo), et n’est donc plus le jeune groupe qui a autrefois cassé la baraque avec New American Gospel et As The Palaces Burn. Lamb of God est donc arrivé dans la comfort zone, où ils n’ont plus qu’à sortir un album médiocre tous les trois ans, un Ozzfest et une tournée sponsorisée par Jägermeister pour finir le mois. WRONG.

Wrath est un album solide, puissant, convaincant qui cimente la place de Lamb of God pas seulement comme fer de lance du New Wave of American Metal or whatever it’s called, mais comme artiste majeur de l’histoire du metal. D’ailleurs, pour mieux coller à cette histoire, ils n’hésitent pas à commencer par quelques accords de guitare acoustique, comme dans les deux bons albums de Metallica. Heureusement, ça s’arrête net quand la batterie de Chris Adler envoie une série de blast beats dont il a le secret, 40 minutes de rage sonore quasi ininterrompue peut alors commencer. Innovateur, Lamb of ne l’est plus vraiment : ils sont tranquillement installés dans leur subgenre, en essayant de le faire le mieux possible et de varier légèrement l’album en album, parfois en envoyant plus de solos, ou alors, comme ici, en se focalisant sur l’aspect très roots des morceaux : là où Metallica a réussi à sortir deux albums totalement pourris d’un point de vue qualité sonore, LoG réussit, sans production glossy, a sonner très vrai, à commencer par Randy Blythe, qui, lui, est certainement le meilleur vocaliste metal depuis Phil Anselmo, compensant une gamme moins large par une agressivité sans faille.

Roots, c’est un terme qui leur correspond bien. Contrairement à d’autres groupes metal contemporains comme Trivium ou (gasp) Dragonforce, Lamb of God ne fait jamais dans la démesure ou la prétention, ce qui crée une certaine austérité ressentie tout au long de l’album. Passé les quelques premiers morceaux, on peut rester admiratif devant les morceaux et parfois, la technique employée (Chris Adler est un excellent batteur), mais force est de constater que tout cela semble se répéter au fur et à mesure que les morceaux s’égrènent. Blythe (qui semble ne pas vouloir rentrezrr dans une période ramollie à la Corey Taylor) et Mike Morton (guitare) font en sorte qu’on ne s’ennuie pas, l’un grâce à ses voix passionnées, l’autres par des riffs secs et bien sentis. Les tempos sont généralement assez élevés et tournent parfois à la folie pure (Contractor, Grace).

Lamb of God est le groupe metal des groupes metal contemporains. Modèle pour la nouvelle génération, ils ont le bon goût de ne pas totalement changer leur style en continuant à évoluer. Enfermés dans un genre limité par essence, ils réussissent à en tirer le meilleur, et ce depuis dix ans. Il reste à espérer que leur carrière se passera mieux que celle du groupe à qui on les a trop souvent comparé.

Hot Leg – Red Light Fever

Quel terrible destin que celui de Justin Hawkins. Il y a à peine cinq ans, son groupe The Darkness vendait des camions de Permission To Land, et headlinaient les plus gros festivals anglais, grâce à leur retrometal invraisemblablement ironique, un sens du show inouï, et surtout, des morceaux quand même vraiment bons. Forcément, ça ne pouvait pas durer : l’album n°2, pourtant pas si mauvais, floppe, Justin rentre en désintox, se fait virer (le reste du groupe formant le bien moyen Stone Gods) et rate sa qualification pour représenter le Royaume-Uni à l’Eurovision. Oui, ça fait mal.

Quelques années plus tard, il semble que Justin s’est remis de ses émotions, et, en attendant un gros chèque pour reformer Darkness, refait plus ou moins la même chose avec Hot Leg. Formule : on prend les morceaux de Darkness en ajoutant encore plus de kitsch, d’acrobaties vocales, de synthés (qui ressemblent à des guitares) pas possibles et de solos de guitare (qui ressemblent à des synthés) forcément interminables. C’est toujours aussi con, mais nettement moins bon (ouais, je me mets au niveau) : Chickens parle effectivement de poulets, mais est bien loin d’un Get Your Hands Of My Woman. En fait, c’est une sorte de Darkness light, 5 ans trop tard et donc, même pas marrant : « oh the eighties / it was the gayties / it was the straighties ». Sans rire. Simplement médiocre, l’album pose une question embarrassante : mais qui a vraiment écrit Permission To Land?

The Von Bondies – Love, Hate and Then There’s You

Certains groupes l’ont plus facile que d’autres. Les Von Bondies commencent à connaître un succès underground notamment grâce au producteur de leur premier album, Jack White? Ce dernier knock-oute Jason Stollsteimer, leader des VB, à un concert (d’un autre groupe de Detroit, Blanche). C’Mon C’Mon leur apporte reconnaissance et airplay? L’album ne connaît pas la même réussite que le single, et le groupe allait commencer une traversée du désert de cinq ans, faite de départs de deux des quatre membres fondateurs et évidemment, un coup de pied au cul de leur label.

Les 2 VB restants (Stollsteimer et le terrible batteur Don Blum) ont tout repris de zéro : deux nouveaux membres, et les classiques tournées/myspace pour se faire re-remarquer. Après un prometteur EP l’an dernier, le nouvel album marque la fin de cette période probablement pas très fun, mais qui a permis au groupe de se retrouver.

Ce qui permet à Love … (titre choisi par leurs « amis » myspace, ce qui explique peut-être cela) d’être un album franchement bon, qui n’inversera pas le réchauffement climatique (au contraire, vu l’effet de serre produit par leurs concerts intenses), mais qui compte quelques très bonnes chansons. This Is Our Perfect Crime entame l’album comme une justification de leur nouveau souffle (« we are the spark … we are the underground »), démontré par la voix abrasive de Stollsteimer. Shut Your Mouth, Pale Bride et la majorité de l’album gardent la même formule de morceaux rapides, entraînants et assez bien fichus. She’s Dead To Me commence même comme quelque chose sorti des sessions de Nevermind.

Brut et direct, l’album renvoie plutôt au rock n’ roll basique de Lack Of Communication qu’au glampop de Pawn Shoppe Heart, mais avec une plus grande sophistication d’écriture (enfin, sophistication, tout est relatif) et un sens conservé du fun, même si le trentenaire Stollsteimer devrait parfois arrêter de penser qu’il a 21 ans. Accidents Will Happen, et plus généralement les backing vocals des nouvelles bassiste et guitariste (on a quand même conservé la touche de glamour après le départ de Carrie et Marcie) font penser à la dynamique des girl bands des 50s, tout en conservant une certaine authenticité de la part d’un groupe trop vite considéré comme bandwagon jumper. Love, Hate and Then There’s You est une très bonne surprise, et il ne reste plus qu’attendre leur passage dans une petite salle étouffante près de chez vous.