Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Bronx – The Bronx (3)

Les groupes qui donnent leur nom à un album (ou qui n’en donnent pas, question de point de vue), ça m’énerve. Quand c’est un premier album, passe encore : l’artiste se dit « voilà, c’est moi, je donne mon nom à l’album ». Prétentieux, mais ça se défend. Quand c’est un album ultérieur, c’est déjà moins logique, et sans doute encore plus prétentieux. Mais là où le problème se passe, c’est lorsqu’un artiste le fait plusieurs fois dans sa carrière. La dernière bouse de Korn n’avait pas de nom, comme leur excellent et novateur premier album.,Weezer a déjà sorti trois albums sans nom, mais ils s’en sont sortis avec des couleurs (bleu = excellent, vert = bof, rouge = au secours), et dans le cas qui nous occupe, The Bronx n’a jamais donné de nom à ses albums, et ceci est le troisième. Irritant, non? Ben non, parce que The Bronx, c’est tellement bien qu’on peut tout leur pardonner.

Le premier album (2003) était une avalanche de puissance et de violence punk, d’une intensité remarquable. Le second (2006) était plus varié, mais gardait le même esprit. Pas de grande variation ici, mais des morceaux plus posés, mieux écrits, et qui ne dépendent pas uniquement de la vitesse à laquelle ils sont joués. Ceci dit, l’album est sans concession du début à la fin, orgie d’accords destructeurs et de voix vindicatives. Inveich aurait d’ailleurs pu se retrouver sur le premier album, tandis que montre le talent musical du groupe, qui n’a fait que s’améliorer depuis leurs débuts. Même choix pour la voix de Matt Caughthran, qui n’hésite plus à chanter. Past Lives bénéficie d’un refrain pour lequel Offspring tuerait (même si Offspring n’a évidemment jamais fait quelque chose d’aussi bien) et Six Days A Week est juste phénoménal. Trente-trois minutes parfaites.

The Bronx, troisième du nom, n’a pas l’immédiateté du premier, mais il est sans doute leur meilleur album, et un des plus efficaces de 2008. The Bronx est un groupe dans lequel on peut croire, un groupe qui change des vies. Même s’ils menacent de sortir un album de mariachi l’année prochaine.

The Cure – 4:13 Dream

Un album de Cure, même si c’est le treizième, reste toujours un événement. Histoire de ne pas passer à côté, les marketeers ont décidé de jouer avec le chiffre 13, en sortant un single chaque treizième jour des quatre mois précédant la sortie, prévue le 13 septembre. Sauf que tout cela a pris du retard, qu’il a fallu bidouiller en vitesse un single pour septembre (l’EP de remixes Hypnagogic States), et que finalement, 4:13 Dream est sorti… le 27 octobre. Toujours dans la symbolique, le chiffre quatre annonce qu’il reste quatre membres dans le groupe, modifié avec le retour du fidèle Porl Thompson et qui abandonne les claviers pour deux guitares (Thompson et Smith). C’est bien beau tout cela, mais quid de l’album? Cure, malgré quelques faux pas, n’est jamais tombé trop bas. Le précédent album, The Cure, produit par Ross Robinson montrait un groupe désireux de revenir à ses racines, vers une musique peu complexe et assez organique : cette recherche sonore continue ici.

4:13 Dream commence très bien, avec le long et lancinant Underneath The Stars qui ne dépareillerait pas sur Zuma, oui, carrément. On se sent tout de suite dans une atmosphère tendue mais familière, avec forcément le Roi des corbeaux qui vient poser sa foutue voix inimitable. C’est bien, mais… Mais c’est le meilleur morceau de l’album, et d’assez loin. Smith l’avait annoncé, 4:13 Dream serait assez light. Mais on ne s’attendait pas à quelques singles trop évidents (Freakshow), ni à des pompages quasi incessants de leurs propres moments de gloire.

The Cure version 2008 fait donc dans le légèrement menaçant (The Real Snow White pour attirer les fans de NIN, sans doute), le légèrement acoustique (Siren Song) et le légèrement agressif (Sleep When You’re Dead, du moins l’intro). On retrouve quand même quelques trucs assez intéressants, comme The Perfect Boy qui est tellement Cure que le rouge à lèvres coule des écouteurs, et This. Here and Now. With You qui est mieux que son titre. Typiquement, It’s Over conclut l’album avec Bob qui prévient que maintenant, c’est fini. Personne ne le croit, et c’est peut-être bien dommage, il serait peut-être temps de penser à raccrocher.

L’importance de Cure dans l’histoire de la musique n’est pas vraiment sujette à débat, et la qualité de 4:13 Dream non plus. Ce n’est pas Wild Mood Swings, ok, mais il reste assez anecdotique, et surtout, on pouvait attendre plus et mieux d’un Cure sans clavier (même si Porl Thompson et loin d’être mauvais). Ce qui est questionnable, par contre, c’est la pertinence du groupe. Heureusement que leurs concerts valent toujours la peine, parce que 4:13 Dream, pas trop.

Of Montreal – Skeletal Lamping

Of Montreal, évidemment, ne vient pas de Montreal. Mais d’Athens, Georgia, comme REM. Et ils ne sonnent pas du tout comme REM, mais plutôt comme… Of Montreal. Habitués des honneurs de Pitchfork et des albums concepts barrés (ce qui va souvent de pair), le groupe devait confirmer leur album-breakthrough, Hissing Fauna Are You The Destroyer, durant lequel le frontman Kevin Barnes (attention) se transforme en Georgie Fruit, transsexuel black & ex-taulard de 40 ans, ex-musicien de funk dans le groupe Arousal. Ce sera donc ce Georgie Fruit qui sera le héros de l’album, et on ne peut pas ne pas le remarquer, tant il exude l’exubérance.

En fait d’album, Skeletal Lamping (le nom d’une technique de chasse assez horrible) est une série totalement psychopathique et schizophrène de bouts de morceaux, repris plus ou moins aléatoirement en quinze pistes. Ca part littéralement dans tous les sens, passant de la disco assez gay au noise rock, après un passage hip-hop. Et inversément. Skeletal Lamping est aussi un de ces albums difficiles à décrire, il faudrait un article entier rien que pour décrire ce qui se passe dans un seul morceau. Ce qui force l’admiration au départ avant de devenir franchement irritant : c’est peut-être le but, mais il semble qu’à aucun moment, le groupe ne sait ce qu’il est en train de faire. De plus, les idées sont tellement courtes qu’elles manquent de développement : on retient un hook, et il disparaît aussitôt.

Ce qui ne disparaît pas, par contre, c’est l’obsession franchement maladive de Barnes/Bowie/Fruit pour le sexe. « We can do it softcore if you want, but you should know that I go both ways ». Tant mieux, ça fait plus de choix. Parfois, le groupe change de registre (enfin, façon de parler, vu qu’il n’en ont pas vraiment, de registre) et lorgne vers le sentimental. Mais Touched Something Hollow ressemble à Elton John sous crack, et ouvre la voie à l’invraisemblable An Eluardian INstance, sorte de Love Boat disco.

Sans surprise, les morceaux les plus facile à digérer sont les plus classiques : le premier single, Id Engager (et la tyrannie du phallus) et l’irrésistible Gallery Piece. De l’autre côté du spectre, Plastis Wafers est une expérience frankensteinienne en n’importe quoi. Et rien que pour le titre, il faut citer Triphallus, To Punctuate!

Of Montreal, malgré leurs efforts, ne réussisent pas à sortir le classique qu’on pouvait peut-être attendre. Skeletal Lamping est truffé de choses extraordinaires, mais elles sont trop peu nombreuses, et surtout, très difficile à trouver et à conserver, comme si le groupe enfouissait consciemment son talent. Outre le quota d’irritation fort important, ils ont toutefois réussi à démontrer leur grand talent, qu’on espère mieux utilisé la prochaine fois. Puis, Skeletal Lamping est quand même leur neuvième album : ils ne peuvent plus passer pour des débutants.

Sebastien Grainger And The Mountains – Sebastien Grainger And The Mountains

Death From Above 1979 fut aussi éphémère que percutant. Un bassiste et un batteur qui chante, il ne fallait pas plus pour créer un combo brûlant, et un album ovni remarqué. Le duo s’est séparé bien vite. Jesse F Keller (basse) a embrassé la musique electronique en tant que MSTRKRFT, et c’est maintenant son compère qui se lance dans l’aventure solo. Car même si on évoque un groupe (The Mountains), sur disque, c’est bien Grainger tout seul. Et il se débrouille très bien.

Love Can Be So Mean donne le ton. de DFA79, on conserve la puissance sonore et l’intensité, et on y ajoute un réel sens mélodique et du songwriting plus classique. Le morceau sonne comme une version hard des Strokes, avec une basse terrible et une voix peut-être pas assurée, mais authentique. Who Do We Care For ajoute un refrain à tomber par terre, et on se dit qu’on a entre les mains une des surprises de 2008. Grainger assure, a vite fait ses preuves et peut se permettre d’innvoer un peu, avec une batterie éclatante (c’est quand même son boulot), tantôt stoner, tantôt carrément dance. Les morceaux sont grands, amples et évoquent peut-être plus les grandes salles que les clubs poussièreux chers à DFA79, mais attention : on n’est pas chez les Killers non plus.

Ce qui n’empêche pas Grainger de truffer son album de minihits indie potentiels, comme I Hate My Friends ou American Names. Sans réfuter ses débuts bruitistes sur un Niagara dévastateur. Histoire de brouiller encore plus les pistes, Grainger termine avec le très shoegaze Meet New Friends et un morceau plus dansant, sous son alias The Rhythm Method.

Comme tous les débuts, SG&TM n’est pas parfait : ce que Grainger fait très bien, il a parfois tendance à le recopier, et il veut parfois trop se disperser. Mais il arrive sans aucun problème à amplifier ce que faisait Death From Above 1979 et à se présenter comme un artiste sur lequel il faudra compter dans le futur.

AC/DC – Black Ice

AC/DC est un groupe extraordinaire. Ils n’ont plus rien sorti depuis huit ans, et de toute façon, tout le monde sait très bien comment le nouvel album va sonner. Malgré ça dès que la tournée 2009 est annoncée, la vente des tickets fonctionne du tonnerre, toutes les dates étant sold out en quelques minutes, malgré un prix totalement scandaleux (mais pas autant que le marché noir sur ebay).

Black Ice accompagne la nouvelle tournée, plus que le contraire : comme les Stones, un nouvel opus des Australiens est un événement, mais paradoxalement n’intéresse pas grand monde. Et bien, c’est une erreur. non, Black Ice ne réinvente rien, et ne voit pas AC/DC se mettre à la nu-rave. Mais pour un bon disque de rock ‘n roll, c’est un putain de bon disque de rock ‘n roll.

On ne peut d’ailleurs pas avoir de doute sur la musique produite par le groupe des frères Young : le premier single (et morceau) s’appelle Rock ‘n Roll Train, et plus loin on aura Rock ‘n Roll Dream (une ballade), She Likes Rock ‘n Roll (every day, évidemment) et enfin Rockin’ All The Way. AC/DC n’a jamais fait dans le subtil, et on les en remercie chaleureusement. De toute façon, AC/DC ne parle généralement que de rock ‘n roll et de sexe, via métaphores un peu moins douteuses que d’habitude (War Machine, ce n’est pas une kalaschnikov…), même si l’état pitoyable de notre planète les inspire aussi (le morceau titre, Stormy May Day).

Malcolm Young envoie ses riffs infernaux au début de chaque morceau, comme il le fait depuis trois siècles. Mais qu’importe : dès le début, on sait que c’est AC/DC, et forcément, ce n’est que confirmé dès que Brian Johnson se lance dans un de ces numéros improbables de chant en dessous de la ceinture. La rythmique est solide (le batteur Phil Rudd est un métronome vivant, et le bassiste Cliff Williams prend parfois un peu de spotlight, comme sur Skies On Fire), et Angus Young délivre à chaque fois un très bon solo, qui ne semble jamais inutile. Il ressort même un bottleneck sur Stormy May Day.

L’album est sans doute trop long (15 morceaux, 55 minutes), et bénéficierait de la suppression de trois ou quatre morceaux un peu (trop) générico-répétitifs. Mais avec des riffs comme ceux de Big Jack, War Machine, Black Ice ou la relative agressivité de Spoilin’ For A Fight, on pardonnera tout, même le Rod Stewardesque Anything Goes.

Black Ice est meilleur que prévu : même si la formule est avérée, il fallait quand même réussir à la reprendre correctement, et seul AC/DC peut le faire. Meilleur qu’une grosse moitié de leur catalogue, il méritera d’être visité plus que trois fois lors de la mégatournée, entre Hells Bells et You Shook Me All Night Long.