Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Subways – All Or Nothing

La question était posée lors de la sortie de leur premier album : qu’allait-il advenir des Subways après que le chanteur/guitariste Billy Lunn et la bassiste Charlotte Cooper se soient séparés. On a maintenant la réponse, plus impressionnante que prévu..

Un pas de géant a été franchi entre les deux albums. Le premier, éminemment sympathique mais assez bricolé, était produit par Ian Broudie, ex-Lightning Seeds ; celui-ci par Butch Vig, batteur de Garbage et producteur, entre autres, de Nevermind et Siamese Dream. On ne doit pas chercher midi à quatorze heures : Vig applique sa formule efficace, à défaut d’être magique : les morceaux sonnent très pro, les guitare et basse puissantes, et tout va très bien.
Tout va d’autant mieux que malgré les évidentes influences (Kalifornia rappelle la recette Nevermind, elle-même chipée aux Pixies), All Or Nothing sonne bien, du moins quand les attentes ne sont pas invraisemblables : The Subways n’allaient jamais révolutionner quoi que ce soit.

Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec un album punk-pop de bonne qualité, lorgnant parfois vers le côte plus hard du spectre (sans toutefois être comparable, à Kyuss ou Therapy?, comme un récent article typiquement dithyrambique du NME le laissait entendre). Non, les paroles ne volent pas très haut (pas vraiment le but), ça ne chante pas super bien non plus, mais on s’amuse bien, ce qui fait du bien, une fois de temps en temps. On regrettera peut-être le feeling plus intime et moins K-ROQ de Young For Eternity, mais ils ont voulu amplifier leur son, ce qui est assez légitime en soi, et tout à fait réussi.

Girls & Boys, All Or Nothing, Shake Shake et plein d’autres sont suffisamment mouvementés pour faire bouger les foules estivales, et c’était sans doute leur but. Parfois, les influences sont un poil trop évidentes, comme l’assez mauvaise imitation de Black Francis dans Turnaround, ou quelques sons vraiment trop Nirvaniens, mais cela leur donne un certain champ de manoeuvre pour un troisième album dans lequel ils devront trouver leur propre style.

Malgré l’américanisation peut-être excessive, on peut sourire en écoutant Move To Newlyn, où Billy Lunn pense retourner dans son bled natal, retrouver son cousin Ricky. C’est peut-être ce qui les fera perdurer, ces Subways : ils ne semblent pas trop se prendre au sérieux, et on souhaite qu’ils gardent la tête froide tout en continuant à produire des albums sympathiques, frais et agréables. Parfois, il n’en faut pas plus.

The Music – Strength In Numbers

Hype. Expression aussi vide de sens qu’impitoyable. Peu de groupes considérés comme « les nouveaux Beatles/Stones/Nirvana/etc) ont pu confirmer sur la longueur, et ceux qui l’ont fait ont du évoluer ou du moins diminuer d’intensité. Oasis est pour cela un cas d’école : comment faire quand on atteint la quasi perfection dès le début. On en reparlera sans doute l’an prochain, quand Arctic Monkeys sortiront leur potentiel Be Here Now. The Music était à fond dans le hype, à l’époque : le premier album les propulsèrent comme nouveaux Stone Roses, Tony Wilson ayant exprimé à l’époque son regret de ne pas avoir pu leur faire signer un contrat.

Il est vrai que le disque était fort bon, malheureusement, comme souvent, le second ne fut pas à la hauteur. Longue pause, séjour en désintox, les clichés ont défilé, ce qui fait qu’on ne mourait pas spécialement d’impatience d’entendre le nouvel album du quatuor de Leeds.

Tant mieux : l’effet de surprise est d’autant plus grand. Parce que Strength In Numbers, même s’il n’inversera pas le réchauffement climatique, est un album tout à fait décent, avec quelques morceaux brillants.

Le morceau-titre entame l’album avec un rythme infernal et un refrain à soulever le Stade de Wembley. La voix de Robert Harvey fonctionne très bien, et a évolué en diversité, tout en gardant ce caractère fédérateur. Quand la machine tourne, The Music sonne comme une über-version des Chemical Brothers (l’album est coproduit par l’ex-Orbital Paul Hartnoll) avec une douzaine de John Squires, le tout scandé par Richard Ashcroft. On trouvera pire, comme comparaison. Fire est carrément immense, Get Through It irrésistible, et Drugs commence par la ligne de basse de Heart Of Glass, ce qui leur apporte directement toute ma sympathie.

Restons réalistes, tous les morceaux ne sont pas du même niveau, et clairement, les chansons lentes n’arrivent pas à décoller. De plus, les paroles de Harvey gagneraient à être un peu plus imagées. Un titre comme « Drugs » ne va pas inspirer grand monde. Il n’empêche, le mur du son mis en place est d’une efficacité redoutable, et serait totalement dévastateur dans une plaine de festival. De plus, malgré un sentiment d’homogénéité, les morceaux possèdent généralement un petit quelque chose, un élément individuel qui les rendent intéressants : parfois c’est le jeu de guitare (No Weapon Sharper Than Will) ou l’utilisation de l’électronique (The Last One).

Et même si Cold Blooded sonne vraiment comme une version 2008 des Stone Roses (ce qui n’est après tout pas une mauvaise chose), on ne boudera pas son plaisir : non seulement Strength In Numbers est un chouette album, mais il relance ses concepteurs dans le paysage musical contemporain, leur rendant une place qu’ils n’auraient pas du quitter.

Sigur Rós – Með Suð Í Eyrum Við Spilum Endalaust

Ecrire sur Sigur Rós, c’est souvent un exercice de style que n’aurait pas renié Raymond Queneau : comment éviter les clichés, les lutins, geysers et glaciers qu’évoquent forcément la musique des islandais? Contre toute attente, Sigur Rós eux-même nous fournissent la réponse : le nouvel album est assez différent des précédents, et n’évoque plus vraiment les mêmes images.

Le premier morceau, Gobbledigook (?) choque, parce qu’il ne ressemble absolument pas à la production connue du groupe, mais plutôt à Animal Collective reprenant The Yeah Yeah Yeah Song des Flaming Lips, en Islandais (quand même). L’espèce de drone lancinant caractéristique du groupe est, sinon totalement absent, nettement plus discret tout au long de l’album, comme s’ils avaient voulu marquer distinctement le changement. Bien leur en a pris : c’est leur meilleur depuis un petit bout de temps.

Le début de l’album est constitué de morceaux relativement courts, aérés, avec une impression générale de légèreté estivale, de bien-être. Si seulement ils chantaient en anglais, ils connaîtraient un succès à la Arcade Fire, voire plus. (Góðan Daginn, Vid Spilum Endalaust) . Mais il ne le font pas, ils ont raison, et transcendent toute comparaison. Festival, pierre d’achoppement de l’album, est formidable, tout. au long de ses neuf minutes divisées en deux parties : émotionnel d’abord, nettement plus rythmé ensuite, un chef d’oeuvre. Dans le genre épique, Ára Bátur fait encore plus fort, avec un final monumental, fait de choeurs, de percussions puissantes et d’une orchestration qui rappelle d’un coup tous les clichés repoussés ci-dessus.

Mais le point fort de l’album, ce qui leur a manqué ces dernières années, c’est la variété des ambiances. Með Suð Í Eyrum débute avec une magnifique intro au piano, rappelant à quel point les débuts du groupe (le superbe Agaetis Byrjun) a inspiré Thom Yorke. Illgresi est quant à lui emmené par une simple guitare folk et la voix inspirée de Jón Birgirsson. En passant de la multi-instrumentation à la simplicité, Sigur Rós se rapproche du sublime.

Le relatif dynamisme du début de l’album se dilue assez rapidement, et au final, on retrouve nettement plus de morceaux « typiques » que de Gobbledigooks. On pourrait regretter que la volonté de changement n’ait pas été plus prégnante, mais quand on se retrouve face à des morceaux de cette qualité, on peut plus facilement le comprendre. Fljótavik mériterait d’avoir un film écrit pour elle, rien que pour qu’on puisse utiliser visuellement son énorme potentiel émotionnel.

Même si l’album n’est finalement pas si surprenant que ça, il se conclut par une grande première, qui sera peut-être interprété comme un indice sur le futur du groupe. Oui, All Alright est bien en anglais, et oui, c’est la première fois.

Með Suð Í Eyrum Við Spilum Endalaust est un album important, qui tend aussi bien vers le passé (il surpasse () et Takk, en retrouvant le sublime des débuts) que le futur (les expérimentations sonores, le titre en anglais). On peut donc s’interroger sur l’avenir d’un groupe qui a commis la petite faute de s’être un peu endormi, mais le réveil aura été aussi efficace qu’impressionnant. Mais avant de se poser trop de questions sur le futur, profitons du présent, et d’un album splendide.

The Offspring – Rise And Fall, Rage And Grace

Coup de vieux de l’année #65 : j’ai wikipédié Offspring, et ils ont allégrement dépassé la quarantaine… Smash a accompagné mon adolescence, et évidemment, je me suis écarté du groupe dès qu’ils ont commencé leur phase gimmicks stupides (Pretty Fly, Original Prankster). Ils s’en sont rendu compte : Rise and Fall, Rage and Grace, leur huitième album, est annoncé comme leur retour vers leurs racines punk californiennes.

En réalité, c’est plus ou moins le cas. On ne trouve pas de novelty songs, mais une majorité de morceaux punk classiques, qui auraient pu sortir de n’importe qui (Bad Religion, Rancid, …) n’importe quand. Half-Truism, You’re Gonna Go Far Kid, Hammerhead, Takes Me Nowhere et surtout Stuff Is Messed Up sont donc tout à fait acceptables. L’ennui, c’est qu’en essayant de revenir à une vieille formule, ils provoquent une inévitable comparaison, et niveau inspiration, on est loin de Smash ou de Ixnay On The Hombre. On fait peut-être les meilleurs plats dans les vieilles casseroles, mais les ingrédients (et les cuisiniers?) ne sont plus de première fraîcheur.

Mais il y a pire : les ballades. Offspring avait déjà commencé sur Ixnay, avec un Gone Away aux relents de Bon Jovi. On en trouve quelques unes ici, et on les zappera sans remords. Sinon, on sera indulgent, cette fois : ce n’est pas mauvais, juste un succédané du passé, une sorte d’anachronisme, là où Green Day s’est réinventé (avec des fortunes diverses).

Oubliable, loin d’être indispensable mais acceptable au vu des circonstances, Rise and Fall etc (c’est quoi cette tendance aux titres kilométriques?) se laisse écouter une fois ou deux, avant de ne plus sortir de l’armoire/du disque dur/de l’iPod.

Coldplay – Viva La Vida or Death and All His Friends

Ahhh, Coldplay… Quand on écrit du blabla sur des albums (« critique rock » c’est encore plus naze que « bloggeur » comme terme), on a forcément des a priori et des attentes. L’idée, et le but, est parfois de les transcender et de se remettre en question. Donc, j’essaie d’avoir l’esprit le plus vide possible avant d’écouter le quatrième album de Coldplay, groupe que j’appréciais un peu à l’époque du premier album, Parachutes (Don’t Panic est toujours un bon morceau), nettement moins à la sortie du dernier, X&Y. De plus, les rumeurs étaient, si pas prometteuses, au moins intéressantes : on parle d’album expérimental, rompant avec la tradition Coldplayienne d’inoffensifs morceaux d’ascenseur. La présence à la production de Brian Eno est une autre inconnue (quoique, en parlant d’ascenseur…).

J’ai essayé. Essayé de ne pas détester Coldplay, et je recommence à chaque album. Mais c’est impossible. Totalement impossible de supporter une heure, qui paraît une éternité, de morceaux sans aucune inspiration, répétitifs en diable, chantés avec la passion d’un lecteur d’annuaire téléphonique.

Oh, oui, c’est expérimental : Coldplay utilise des instruments moins traditionnels, notamment dans l’excellente intro Life In Technicolor. De même, ils rompent avec la tradition couplet/refrain/couplet. Mais si peu, trop peu. De toute façon, il n’y a pas grand chose à sauver : Chris Martin ne chante pas mal, mais ne provoque aucune émotion, rien du tout. Et il écrit mal, très mal. On va sans doute dire que je ne ferais pas mieux (litanie classique de fans à l’orgueil blessé), mais écoutez Cemeteries of London, vague histoire de pirates, d’océan, de sorcières et de malédictions. Manque plus que Jack Sparrow. Et si c’est Brian Eno qui a décidé de rajouter des claquements de mains après une minute trente, il devrait se retirer au plus vite, à la Syd Barrett. Après deux minutes de morceau, on en a déjà marre, et c’est très souvent le cas ici.

Coldplay aime U2, et donc Lost! sera leur Where The Streets Have No Name. Je suis très loin d’être fan de Bono et compagnie, mais au moins ils servent à quelque chose, ils ont une certaine légitimité. Coldplay est le groupe le plus inutile de notre époque. Ca n’empêchera pas d’entendre ce morceau partout, de docus sur animaux en détresse aux pubs pour l’Unicef.

42, autre morceau choisi, à classer sous « ballade pour gsm ». Un bon point pour la référence à Douglas Adams dans le titre, sinon, voilà : Radiohead fait Videotape, Coldplay 42. « Those who are dead / Are not dead / They’re just living in my head. » Si. Et pour finir, histoire de sonner, hmmm, rock, ils piquent aux Strokes le riff de Hard To Explain. Comme c’est malin. D’ailleurs, en parlant de piquer : Violet Hill ressemble tellement à Oasis que c’en est ironique. Au moins, pour The Scientist, ils piquaient aux morts (George Harrison). Mauvais, très mauvais, Viva machin est mauvais. Aussi mauvais que les titres, Lovers in Japan, Reign Of Love, I Love Gwyneth but We’re Still Probably Gonna Divorce Next Year, etc etc. Et pour la fameuse expérimentation, ok, si on considère que les claviers amenés par Brian Eno et qui datent de vingt ans sont innovateurs, alors oui, c’est expérimental. Expérimental comme un vendeur de fish and chips qui change d’huile. Il y a deux ans, j’ai vécu l’exposition Frida Kahlo à la Tate Modern de Londres. Ce fut une des expériences les plus intenses de ma vie, une telle passion, vie et mort traduites sur toile. Coldplay qui emprunte à Kahlo le nom d’une de ses plus fameuses oeuvres est une insulte à la création artistique. Coldplay, c’est de la musique pour ceux qui n’écoutent pas de musique, le degré zéro de la culture. Tout, mais pas ça.