Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Amplifier – Insider

Amplifier est un trio venant de Manchester, et qui fait autant de bruit qu’une convention de cover bands de Mötorhead. Insider est leur second album, et on peut se demander pourquoi le groupe n’est pas plus connu. Les morceaux sont aussi puissants que Muse, sans les irritants artifices sonores et vocaux, et les tournants mélodiques rappellent (les extraordinaires) Biffy Clyro. Le tout servi dans un format relativement conventionnel (morceaux de 4.30-5 minutes en moyenne, avec refrains et tout). Et comme Matt Bellamy, Sel Balamir est un guitariste très inventif, mais lui se concertre surtout sur ce qu’il peut apporter à la musique, et pas le contraire.
L’album est relativement difficile à décrire, c’est typiquement un disque qui doit être entendu. ET dès qu’il l’est, c’est difficile de ne pas être conquis par le mur du son dressé par Amplifier (nom à la limite du ridicule, mais parfaitement approprié). Pour ce qu’il représente, à savoir une tentative de rendre le post-rock puissant relativement « pop » (ce que Biffy réussit pas mal, mais ici c’est clairement plus métal), c’est une réussite totale, RIP, par exemple, aurait du être le single de l’année.
Ceci dit, à se cantonner dans un seul, même si très noble, objectif, Amplifier se crée des barrières, et enferme leur son dans un carcan duquel il sera difficile de sortir. De plus, le tout semble trop homogène, et de là un peu long. On verra tout ça par la suite, mais en attendant, Insider est un excellent album, souffrant du défaut de ses qualités, ces dernières était si nombreuses, on ne se plaindra pas.

Isobel Campbell – Milkwhite Sheets

Isobel Campbell est connue en tant qu’ex-violoncelliste de Belle And Sebastian, mais 2006 est l’année qui la voit définitivement s’envoler de ses propres ailes, et a ce train-là, la référence à B&S sera bientôt tout à fait inutile, si ce n’est pas déjà le cas.

Milkwhite Sheets est son second album de l’année, et suit Ballad Of The Broken Seas, magnifique album réalisé avec Mark Lanegan. Ballad est peut-être l’album de l’année, la concurrence est donc rude pour celui-ci, et Isobel le sait bien. en effet, là où Ballad pouvait plaire à un public plus large (enfin, faut pas pousser c’est pas Placebo non plus), Milkwhite Sheets est beaucoup plus typé folk. La voix angélique est évidemment là, fluette, parfois pas juste mais toujours émouvante, parfois limite inaudible.
L’instrumentation fait la part belle à la contrebasse, la harpe et le violoncelle, ce qui confère à l’album un sentiment anachronique très marqué, et la préciosité de la demoiselle peut très facilement énerver. Mais dès qu’on se laisse conquérir, on découvre un univers éthéré, aussi pur que les draps du titre. Les deux berceuses endormeraient n’importe quel adulte en trois minutes (les bébés, c’est plus dur) Et quand Isobel se la joue a capella sur Loving Hannah, le monde s’arrête.

Moins mainstream, et sans doute moins percutant que Ballad Of The Broken Seas, Milkwhite Sheets reste un splendide album, montrant à la mouvance new folk actuelle la voie à suivre. Nous, on suit.

Albert Hammond Jr. – Yours To Keep

Pour commencer, deux faits incontestables. 1. Albert Hammond Jr est un des guitaristes des Strokes (celui avec l’afro et qui tient sa guitare collée contre son menton). 2. Yours To Keep est un titre affreux.
Voilà. Nous pouvons maintenant parler de l’album, qui a vu le jour suite à la frustration de Hammond, qui voyait toutes ses compostions refusées par Julian Casablancas, Noel Gallagher new-yorkais. Sauf qu’à entendre cet album, il n’a pas toujours eu raison, le Jules, tant les meilleurs morceaux de Yours To Keep auraient pu sans aucun problème se retrouver dans un des trois albums du groupe. De plus, sa voix, tout à fait décent, n’est pas trop différente (juste plus précise) que celle de Casablancas.
On retrouve donc de l’indie rock à la Strokes, agrémentés de claviers très eighties, et d’une production assez lo fi. Albert tente parfois de s’éloigner de son job habituel, mais c’est généralement avec maladresse, comme le prouvent un solo de sifflet (?) et des trompettes de mariachis(re-?).
C’est donc quand Hammond évoque l’esprit de son groupe qu’il est le meilleur, et qu’on se demande pourquoi Casablancas a refusé Back To The 101, qui aurait été un des meilleurs Strokes.
Yours To Keep est un album correct, qui ne tombe pas dans le piège du solo prétentieux du guitariste. Il n’arrive pas au niveau des meilleurs Strokes, mais au moins il a essayé, en s’en sort avec les honneurs.

Incubus – Light Grenades

Ceci ne me rajeunit clairement pas, mais Light Grenades est le sixième album des Californiens d’Incubus, qui, en une bonne dizaine d’années, ont connu, et survécu à la vague nu-metal qui nous a infligé des grands noms du rock comme Limp Bizkit, Linkin Park ou Mudvayne (qui?). Ils ont survécu de la meilleure manière qui soit, en laissant la musique évoluer. Après des débuts tonitruants, avec notamment l’excellent S.C.I.E.N.C.E., le groupe a connu un certain succès commercial grâce, en grande partie, à une radio-friendlisation de leur musique. L’album de 2004 (A Crow Left Of The Murder) avait compliqué un peu la tendance, en montrant que ce qu’Incubus faisait de mieux, c’était des pop songs enfermés dans des instrumentations assez complexes. Light Grenades confirme tout cela, et est aisément leur album le plus abouti à ce jour.

L’album débute par l’étrange Quicksand, plus une pièce ambient/spacerock qu’un morceau en soit, qui se termine là où A Kiss To Send Us Off débute. Ce dernier est un bon morceau rock, dont le refrain emprunte gentiment les accords de World Wide Suicide de Pearl Jam, une des références majeures du groupe, en terme de trajectoire de carrière.

Le plus gros hit du groupe était la ballade Drive, c’est sans doute pour cela que le groupe (ou Sony?) a inclus un morceau qui pourrait égaler ce succès, deux même. Dig n’est pas vraiment extraordinaire, Love Hurts est déjà beaucoup mieux (malgré les paroles un peu Myspace), mais elles remplissent bien leur rôle, tout en détonnant un peu avec le reste de l’album, comme le premier single, le fantastique Anna Molly. Brandon Boyd n’est pas un chanteur exceptionnel, mais il sait jouer de ses qualités, comme sur ce morceau, influencé juste ce qu’il faut par The Police croisé avec un peu de prog rock.

On peut en profiter pour signaler l’excellence musicale du groupe, dont chaque membre réussit à se démarquer sans jamais se mettre en avant et assombrir le groupe en tant que tel. La section rythmique est très solide (euphémisme), le guitariste Mike Einziger joue de ses pédales d’effet juste ce qu’il faut, et DJ Chris Kilmore apporte vraiment un plus, ce qui n’est pas le cas de tous les DJ rock (autre euphémisme). Et après la seconde ballade (Love Hurts, donc), Light Grenades est carréménet les 2 minutes 20 les plus rapides et violentes de la carrière du groupe, un pur concentré d’énergie. Franchement, ça fait du bien de les voir faire du full on rock, comme quoi, évolution ne veut pas toujours dire ramollissement (non, je n’ai rien dit, même pas cité un autre groupe californien qui aurait sorti un double album cette année). Earth To Bella clôture la première partie de l’album, : début calme, et bridge limite Mogwai.
La suite est plus complexe, parfois expérimentale, mais jamais très difficile d’accès. En fait, la première partie a servi à attirer l’auditeur, et la seconde réussit à les conserver. On retiendra surtout l’excellent Rogues et le bizarre Pendelous Threads. La seconde partie d’Earth To Bella clôture en beauté ce superbe album, d’un groupe aux ressources étonnantes, et dont la carrière semble de plus en plus intéressante.