Beck Hansen, touche à tout de génie, est maintenant dans une position enviable de godfather de la scène indie US. Il a connu sa période de (relatif) succès commercial (entre 94 et 96, avec les morceaux Loser, Where It’s At, Devil’s Haircut, extraits des albums Mellow Gold et Odelay), avant de dévier vers le moins accessible (Mutations) ou l’acoustique (Sea Change). sorti l’an dernier, Guero était une sorte de retour en forme, et The Information ne fait que confirmer cette affirmation.
Beck a toujours eu cette étonnante capacité à rendre mémorable un morceau complexe, bourré de samples et de subtilités, et il y arrive de nouveau ici, comme sur I Think I’m In Love, au début de l’album. Cellphone’s Dead, le premier single commence (sainte horreur) comme un récent Moby avant d’être entraîné par une ligne de basse très Dust Brothers (même si l’album est produit par Nigel Godrich) et le rap trainaillant de Beck, son trademark qui ne semble pas lasser. L’album est assez varié, et rappelle chaque période de la carrière de Beck. On y retrouve donc aussi des morceaux mélancoliques, qui suivent des tracks carrément hip-hop, le tout enrobé dans la sauce Beck, peut-être le plus grand caméléon offert par le monde indie américain. Ceci dit, The Information est sans doute trop long, et on se demande le pourquoi de la dernière piste, qui n’en finit littéralement pas. Mais ce sont des reproches tout à fait mineurs, vu la qualité du matériel.
Un artiste qui semble faire ce qu’il veut, qui ouvre des portes (ici via la pochette, entièrement modifiable via un jeu d’autocollants) et qui réussit à créer une musique qui plaît sans être élitiste : pas facile, mais ici parfaitement réussi.
Groupe culte dans les milieux indie US, ceux qui nous ont amené Sufjan Stevens ou Arcade Fire (on en reparlera), The Decemberists est un groupe qu’on pourrait qualifier de folk rock littéraire. The Crane Wife est leur premier album pour une major, et est donc censé apporter une exposition plus importante à leur musique, qui n’est pas très commerciale en soi, mais qui n’est absolument pas denuée de charme. Charme amené en grande partie par le chanteur Colin Meloy, fan de Morrissey et puits littéraire : ses paroles sont nettement plus relevées que la majorité de la production actuelle, et son chant s’appuie sur une instrumentation variée, dominée par la guitare acoustique, le piano, le violon et la basse.
Mais The Crane Wife, au titre inspiré d’un conte japonais, est clairement un album d’histoires, et il faut l’écouter pour entrer dans un monde étrange, limite anachronique, mais très attachant. Á l’image des précités Arcade Fire, The Decemberists ont crée leur propre univers, mais encore plus personnel que les Canadiens, à l’image de deux suites de morceaux, de 12 minutes chacune, ou de l’absolument magnifique Yankee Bayonet.
Le format peu commode des morceaux ne leur garantiront sans doute pas un grand succès commercial, mais The Crane Wife, sans doute l’album le plus important du groupe (et de qualité au moins égale à son prédécesseur, le classique Picaresque) est au dessus de la simple logique mercantile. On pourrait juste lui reprocher un soupçon de préciosité, mais vraiment, les mots ne suffisent pas pour décrire un album qui ne plaira sûrement pas à la majorité, qui, comme souvent, a tort.
Magnifique, personnel, original, un peu suranné sans être abscons et fermé : The Crane Wife est une gemme exceptionnelle, et de loin un des albums de 2006.
On les croyait morts, les Deftones, minés par le conflit interne imposé par le chanteur, l’imposant (il a triplé de volume en 10 ans) Chino Moreno. Après le semi-échec commercial et critique de l’éponyme quatrième album, Chino décida de quitter le groupe, sans prévenir, durant les sessions d’enregistrment du cinquième. En résulta une grosse tension qui a failli faire éclater le groupe, mais aussi le projet parallèle de Chino (Team Sleep) et une compilation de raretés des Deftones. Quelques mois plus tard, après moults retards, Saturday Night Wrist voit le jour, et surprise : c’est peut-être leur meilleur album à ce jour.
Les Deftones ont toujours compté sur deux éléments pour rendre leur musique unique : la voix de Chino, murmure habité, et les atmosphères musicales, pouvant aller du (très) bruyant au calme, quasi ambient. Et c’est évidemment le cas ici, dès le morceau d’ouverture et premier single Hole In The Earth. L’album est homogène, mais compte sur quelques modificaitons de la formule pour ne pas céder à la facilité : Rapture et Rats! Rats! Rats! comptent parmi les morceaux les plus violents jamais enregistrés par le groupe, Mein voit la collaboration réussie de Serj de System of a Down, et on retrouve même un superbe instrumental dont le titre fera sourire ceux qui comprennent la (semi) private joke (U,U,D,D,L,R,L,R,A,B,Select,Start).
On peut toutefois se demander ce qui Pink Cellphone vient faire au beau milieu de l’album : ce monologue borderline ridicule de Annie Hardy (Giant Drag) n’a pas sa place dans l’album (mais la fin est tordante, si vous avez la version non censurée), mais heureusement la suite vient confirmer ce qu’on pensait déjà : SNW est un des meilleurs album s del’année, tous genres confondus, et se retrouve avec White Pony au panthéon des meilleurs albums métal contemporains.Etonnant, mais vrai.
Cela peut paraître surprenant que le premier album live des Foo Fighters, groupe peu connu pour faire dans la dentelle live, ait été enregistré lors de leur petite tournée semi-acoustique, destinée à promouvoir la seconde partie de In Your Honour. Les quatre Foo Fighters étaient alors accompagnés de la violoniste/choriste Petra Haden, du clavieriste Rami Jaffee et de l’ex-Nirvana et Foo Pat Smear à la guitare.
On ne doit donc pas s’attendre à des brûlots punk genre Monkey Wrench, mais plutôt à des morceaux calmes, comme ceux qui forment la majorité du setlist, les extraits du second CD de In Your Honour, comme l’excellent Friend of a Friend, écrit par Dave Grohl lorsqu’il était encore batteur de Nirvana. Nirvana dont les Foo reprennent Marigold, écrité et interpretée déjà à l’époque par Grohl. Mais c’est néanmoins les classiques du groupe qui fonctionnent le mieux ici, comme Times Like These, Big Me, Walking After You, et surtout, évidemment, Everlong (qui se retrouve systématiquement dans les listes des meilleures chansons des années 90).
Les arrangement sont classieux sans être lourds, et sont toujours au service de la musique, joué par un groupe qui a parfois un peu de peine à se retenir, sans doute un manque d’habitude (Best of You acoustique, pas une bonne idée). Il reste que Skin and Bones est un bon album, qui montre une autre facette de ce très bon groupe, qui petit à petit devient un des classiques du rock contemporain. Il faut juste faire attention de ne pas comparer Skin and Bones avec un autre album acoustique où apparaissait également Dave Grohl…
Qui se souvient encore des Datsuns, ce groupe neo-zélandais qui était au coeur du mouvement revival hard rock d’il y a quelques années? Clairement plus grand monde, et c’est peut-être dommage, vu leur excellent second album qui était passé inaperçu presque partout (sauf ici). Ceci dit, le troisième est nettement plus douteux, vu qu’ils ont décidé de virer le son plus varié et ambitieux du second pour tenter de revenir à la sobriété rock n roll du début. C’est généralement raté, et très vite oubliable. Les meilleurs morceaux sont presque des auto-parodies (Maximum Heartbreak est le jumeau de Harmonic Generator) et puis, c’est marrant de voler Led Zep, mais à la fin, ça fatigue. Et ce n’est pas les morceaux acoustiques maladroits qui relèvent le niveau. Il faudra vraiment un exploit pour qu’on entende de nouveau parler du groupe un jour.