Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Fratellis – Costello Music

Nous sommes maintenant officiellement dans l’ère post-Doherty, et, bien que le NME veut nous faire bouffer un nouveau mouvement (« nu-rave », dont le porteur de drapeau est Klaxons), certains s’évertuent encore à suivre les pas des Libertines. Ceci dit, même si cela marche rarement, The Fratellis ont peut-être réalisé le meilleur album du « mouvement ».

Intelligemment, ils ajoutent à la formule classique des éléments trouvés ailleurs, comme un soupçon de glam (Chelsea Dagger) et des instruments à vent (voir Henrietta), qu’on avait plus entendu à pareille fête dans de la Britpop depuis Supergrass. Mais surtout, comme leurs glorieux aînés, ils ont un sens inné de la mélodie et du joyeux bruit. Mélodies, comme dans Flathead, qui compte plus de tunes que le coffre-fort de Chad Hugo. Bien sûr, ils n’ont rien inventé, comme on peut le constater avec l’intro de Chelsea Dagger, empruntée à l’illustre My Sharona ou Baby Fratelli, qui ressemble étrangement à Smells Like Teen Spirit. Tant qu’à faire, les morceaux plus calmes sont aussi très réussis, comme le très joli Whistle For The Choir.

Mais c’est Creepin’ up The Backstairs, peut-être le single le plus catchy de l’année, qui sort du lot : Doherty, Barat, Borrell vendraient leur âme (s’il leur en reste) pour un tel morceau. On regrettera peut-être une fin d’album moins percutante, mais Costello Music reste excellent pour un premier album et sans doute un des meilleurs de 2006.

Motörhead – Kiss of Death

C’est invraisemblable, et pourtant… 350 ans après leur premier album, Motörhead existe toujours (ce qui est déjà un exploit en soi), mais en plus continue à sortir de très bons albums, alors qu’ils pourraient bêtement se reposer sur leur passé (ou pire, devenir Metallica).

Kiss of Death, même si pas aussi percutant que le précédent, Inferno, reste tout à fait appréciable, surtout quand Motörhead se prend pour un jeune groupe de rock garage, et aligne les riffs imparables et les coups de double bass drums. Et puis, évidemment Lemmy, et sa voix inimitable. Motörhead montre ce qu’est le pur rock n roll, limite punk (Be My Baby, par exemple) mais tente parfois quelques petits écarts, comme l’étrange Kingdom of the Worm ou God Was Never on Your Side, qui commence avec une tranquille guitare acoustique avant, forcément, de dégénérer.


Lemmy résume tout, « You can’t mess with Dr Rock ». ‘Nuff said.

Roddy Woomble – My Secret Is My Silence

Roddy Woomble est le chanteur du groupe écossais Idlewild, auteur de quatre albums partant du post-punk angulaire (Hope Is Important) au rock teinté de folk (Warning/Promises). Même si tout à fait excellent, leur dernier album manquait de punch, et c’est peut-être pour cela que Woomble a préféré prendre ses morceaux folk et sortir un album solo calme et tout à fait libre des riffs postgrunge comme on peut en trouver chez Idlewild.

Woomble suit plutôt le chemin de chanteurs folk traditionnels, ce qui rend l’écoute de cet album assez étonnante pour ceux (comme moi) qui n’ont pas vraiment l’habitude de ce milieu. Mais au fil de temps, on se prend d’affection pour la voix de Woomble (souvent comparée à Michael Stipe, mais tout de même fort personnelle). On retrouve donc, outre la guitare, de la harpe, des violons, un choeur, des voix féminines (la folkeuse Kate Rusby), voire des instruments traditionnels écossais (comme sur la gigue/chanson à boire et bien titrée Whiskeyface).

Les rapports avec Idlewild ne sont toutefois jamais bien loin, grâce à la voix, évidemment mais aussi au guitariste Rod Jones : Under My Breath aurait pu se trouver sur Warnings/Promises.

Roddy Woomble s’est donc facilement sorti du piège de l’album solo, et on peut espérer qu’il se soit ainsi libéré d’un poids qui rendra le nouvel Idlewild encore meilleur. Mais My Secret Is My Silence se suffit très bien à lui même.

Plan B – Who Needs Actions When You Got Words

Un type au physique relativement ordinaire (enfin, limite hooligan, mais bon), blanc, qui rappe relativement vulgairement. DING DING Voici le nouvel Eminem! Exact? Oui mais non. Clairement, Plan B (Ben Drew, 22 ans) a très certainement été inspiré par le style de Marshall Mathers, et par son indéniable talent à trouver des rimes assez intéressantes. Mais alors que les morceaux les plus connus d’Eminem sont basés sur ses gimmicks insupportables (à tel point qu’Eminem lui-même est malheureusement devenu un gimmick), Plan B veut montrer la réalité telle qu’elle est, aussi réel que possible. Ce qui s’entend dans le flow et les paroles de Plan B (même si, contrairement à Eminem, ses histoires ne sont pas censées être autobiographiques) mais aussi par la musique, parfois réduite à une simple guitare acoustique, et assez peu de trucs classiques de producteurs hip-hop.

On est donc dans le domaine du « for real », et ça s’entend tout de suite, avec l’accent East London à couper au couteau, à la vulgarité des paroles (par rapport au vocabulaire de B, Eminem est un prof de maternelle) mais aussi et surtout aux thèmes limites glauques (adolescentes enceintes, viol, avortement, violence, haine du beau-père, …). Dans Mama, le narrateur exprime son immense amour pour sa mère, tout en désirant tuer son mec, accro au crack. Réminiscence d’Eminem ici aussi, sauf qu’au lieu des beats acérés de Dre, on a des riffs loopés de guitare acoustique.

L’album reste fidèle à ces différents thèmes, ce qui fatigue à la longue, mais permet de ne pas déforcer le propos. Le meilleur moment de l’album arrive vers la fin, avec No More Eatin’, ou Plan B réveille l’esprit de Zack de la Rocha, et livre une prestation littéralement inoubliable de rage et de violence contenue.

Très bon premier album, certainement un des albums hip-hop les plus efficaces de l’année, et peut-être le plus vrai, à mille lieues des artifices de Pharrell et de la folie baroque d’OutKast. Il est vrai qu’il pâtit un peu des défauts du genre, mais on pardonnera, tout en attendant avec impatience l’évolution d’un jeune artiste très prometteur.