Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Darkness – One Way Ticket To Hell… And Back

Bon, je me lance. J’aimais bien le premier album de The Darkness, Permission To Land. Parce qu’il était complètement à contre-courant du zeitgeist musical, parce qu’il me faisait bien marrer, et parce que, honnêtement, les morceaux étaient quand même vachement bien foutus. Mais qu’attendre d’un second album ?

Eh bien, ça.

Maintenant, ils sont connus, et sont riches. Donc, tant qu’à faire, autant faire exploser le budget d’enregistrement (pour le précédent, le poste bière était sans doute le plus important du budget). L’album commence, par, tenez-vous bien, une flûte de Pan ! Puis suit le gros riff-qui-est-tellement-gros-que-même-Angus-aurait-peur de One Way Ticket et les premiers effets vocaux.

Vous voyez dans Bohemian Rhapsody, le bridge où Freddie fait Magnifico-o-o-o où chaque « o » est superposé au précédent, créant un effet qui donne l’impression d’entendre plusieurs fois la voix en même temps. Et bien ici, on en a à revendre. Et Justin Hawkins multi-tracké vingt fois, ça fatigue très vite. Ah oui, tant que j’y pense : le producteur, c’est Roy Thomas Baker, qui a aussi produit A Night At The Opera de Queen, où se trouvait justement Bohemian Rhapsody.

En parlant de Justin, ses paroles sont complètement hystériques : non seulement il fait rimer follicle et diabolical, parle de sa bite une ligne sur deux mais hurle comme refrains de Knockers « And I looooooooooooove what you’ve done with your hair ». Hmm, merci, occupe-toi des tiens, maintenant.

Ah, et les ballades, évidemment. On ne fait plus dans le subtil, maintenant, ben non. Donc, on envoie un orchestre de 3334234 violons, histoire de provoquer une marée de briquets (ou de GSM). Super, quand même.

Mais le plus terrible reste à venir, Hazel Eyes. Des cordes, des cornemuses, et un refrain où Justin imite à la perfection une Geisha. Qui, malheureusement, vient probablement d’Anvers et non de Gion.

Le bon goût n’a pas de limites, évidemment : English Country Garden est absolument innommable, et Girlfriend envoie des cordes ET des cuivres.

One Way Ticket blah blah est l’équivalent de ce qui se passe dans le film de Morgan Spurlock Super Size Me. On l’écoute, on se dit que c’est quand même bon, et très vite, on se retrouve à gerber au fond du parking. Mais le pire, c’est qu’on recommence à chaque fois. Les mystères de la vie…

Rammstein – Rosenrot

Second album en deux ans pour Rammstein, qui n’a en outre pas arrêté de tourner depuis la sortie de Reise Reise. Apparemment, le groupe avait trop de matériel pour un seul album, et a donc écrit en plus quelques nouveaux morceaux pour pouvoir remplir ce Rosenrot. On pouvait craindre une certaine dilution, il n’en est rien : Rosenrot est même sans doute meilleur que RR.

Le single et premier morceau Benzin est du Rammstein pur et évidemment dur, mais la métaphore du morceau peut faire réfléchir. Mann Gegen Mann voit le groupe tordre un cliché de plus, avec des paroles ouvertement pro-gay (évidemment, vu l’imagerie du groupe, ils ont très vite été qualifiés de néo-nazis), mais tout l’album ne suit pas la même logique agressivo-bourrine, c’est même sans doute l’album le plus expérimental du groupe.

Spring est presque nu-metal, dans son riff lancinant et très lourd, Feuer And Wasser est presque parlé par Till Lindemann, et on est littéralement suspendus à ses lèvres (oui, ça me fait peur aussi). Et tant qu’à faire, Te Quiero Puta ne ressemble à rien de connu, on va appeler ça mariachi heavy-metal chanté en espagnol.

La seule concession est un duo avec l’étonnante Sharleen Spiteri de Texas, dont le groupe n’est pas vraiment habitué à l’alternatif (quoi qu’on se souvient d’un morceau avec le Wu-Tang Clan il y a quelques années) : pas génial, mais surprenant. Ses lignes sont aussi les seules en anglais dans tout l’album, mais ça, on s’en doute.

Rammstein a clairement indiqué qu’une période se finissait avec cet album, et qu’ils allaient maintenant se retirer pour quelques temps, loins des riffs industriels, des feux d’artifices et des controverses. Qu’importe l’état dans lequel ils reviendront, leurs cinq albums assurent une place de choix au panthéon du metal mondial.

System Of A Down – Hypnotize

Seconde moitié de l’ambitieux projet de System Of A Down, Hypnotize complète Mezmerize, autant au niveau de l’artwork que de la séquence des morceaux : le dernier ici est « Soldier Side », écho de l’intro du premier volume. Ceci dit, les deux parties sont plus différentes qu’on aurait ou le penser.

En effet, là ou Mezmerize montrait plutôt le côte versatile du groupe, avec des morceaux teintés de musique orientale, d’effets sonores limites irritants, et des paroles assez mauvaises, Hypnotize réaffirme le côté metal, audible dès le début, et les deux premiers morceaux, Attack et Dreaming (Slayer meets Faith No More). Ceci dit, c’est évidemment toujours SOAD, mais un SOAD plus porté sur la qualité des morceaux que sur les gimmicks faciles, qui étaient le (seul) point négatif du premier tome.

Chaque morceau est solide, apporte du nouveau dans le canon du groupe, dont l’importance n’est vraiment plus à démontrer.

Les points faibles ? Oh,des paroles qui ne volent pas toujours très haut, et (quand même) parfois un peu de n’importe quoi. Et puis, qui a décidé de faire chanter le guitariste Daron Malakian ? Je n’ai rien contre lui (et c’est vrai, certains de ses leads tombent plutôt bien), mais un est lead singer sur quasi la moitié des morceaux, et le monde n’avait pas besoin de Brian Molko chantant avec l’accent de Paul McCartney. OK, j’exagère, mais bon, ce n’était pas une très bonne idée.

En parlant de bonne idée, que dire du concept même de double album ? Etait-ce vraiment parce que le groupe avait trop de morceaux ? Ou plutôt parce qu’ils avaient peur de ne pas réaliser un digne successeur à Toxicity, qu’ils ont préféré la quantité à la qualité ? Difficile à dire, surtout que sur les 22 morceaux, à peine 3 ou 4 ne valent pas trop le coup. Donc, un album simple aurait été trop long, et trop dur à digérer.

Donc, maintenant que le projet est terminé, on ne peut que tirer notre chapeau à System Of A Down, digne successeur de Rage Against The Machine (leurs points de vue politiques sont inséparables de leur musique, le groupe en profite d’ailleurs pour rappeler le génocide arménien, toujours scandaleusement nié par le gouvernement turc) ou, une fois de plus, de Faith No More pour le renouveau et l’originalité apporté au monde musical. Souvent imités, jamais égalés, SOAD se sort du piège du double et offre à 2005 un de ses meilleurs albums.

Korn – See You On The Other Side

Korn continue à sortir des albums avec une impressionnante régularité, mais l’enregistrement de See You On The Other Side ne fut pas de tout repos. Tout d’abord, le guitariste fondateur, Brian « Head » Welch claqua la porte ; préférant la compagnie de Jésus à celle de ses amis d’enfance. On ne reviendra pas sur ses motivations, mais on regrettera tout de même les commentaires faux et déplacés faits sur son ancien groupe.

Head n’ayant pas été remplacé, il devenait évident que Munky devrait assumer entièrement la guitare, et cela a probablement contribué au changement de direction pris par le groupe. On a l’habitude que Korn évolue, c’est d’ailleurs avec le temps devenu leur marque de fabrique. Mais pour SYOTOS, tout change, ou presque. La maison de disque, les producteurs (Atticus Ross, et The Matrix, team créateur d’Avril Lavigne entre autres), jusqu’à la façon d’écrire : The Matrix a collaboré à l’écriture des morceaux, quoiqu’on ne connaît pas précisément l’ampleur de la collaboration.

Musicalement, pas mal de changements aussi : il faut carrément attendre la neuvième (!) piste pour trouver trace des fameuses guitares abrasives et accordées très bas. Les autres caractéristiques du groupe s’envolent presque : la slap-bass de Fieldy, ou le chant-aboiement de Jon Davis, qui a envolé en un chant mélodieux, tourmenté et intense.

SYOTOS est donc différent, moins metal, mais que veut-il au juste ? Le premier single Twisted Transistor est limite dansant, et l’album est en somme assez groovy, on dira groove-industriel. Car l’influence de Trent Reznor (Nine Inch Nails) n’aura jamais été aussi présente sur un album de Korn, Open Up et Throw Me Away en particulier.

L’atmosphère est aussi très importante, et pas mal de morceaux se terminent par une interlude, généralement instrumentale, et comprenant son lot de samples, de bruits bizarres (dont un guest de Darth Vader) et de cornemuse (quand même). Le groupe a été très loin dans sa recherche de renouveau, à un tel point que les morceaux qui sonnent le plus « Korn » se trouvent uniquement sur le cd bonus de l’édition limitée.

Malgré toute cette expérimentation, la touche des producteurs confère à la plupart des morceaux un étrange parfum commercial, un peu comme les singles issus de The Fragile, dont l’aspect mélodique et « vendeur » ne gâchait en rien le concept de l’album. Tearjerker finit l’album sur une note tendue et émotionnelle, avec Jon Davis chantant, je vous jure, comme George Michael.

Évidemment, on ne peut qu’applaudir l’intention, assez rare pour être soulignée. Ceci dit, passé le choc initial, on finit par se rendre compte que tout sonne assez similaire : même ton indus, même vocation radio-friendly (enfin, tout est relatif), et mêmes thèmes d’écorché vif (faut quand même pas exagérer). Semi-réussite donc, mais pour la première fois depuis leur premier album, on voit que Korn a trouvé son harmonie, jusqu’au prochain album, forcément différent.