Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Thrice – Vheissu

Après deux albums sortis sur un label indépendant, Thrice a signé chez Atlantic, et a sorti l’excellentissime The Artist In The Ambulance l’an dernier. Des ventes décevantes (pour le label) pouvaient pousser Thrice a enregistrer un album plus commercial, plus conventionnel. Résultat : Vheissu, album d’une ambition monstre, et tellement original qu’Atlantic est a deux doigts de les virer. Pitoyable, mais symptomatique du milieu musical actuel.

Vheissu commence avec le relativement classique Image Of The Invisible, riffs hardcore, ligne de refrain hurlée, et paroles bibliques (les paroles du chanteur, Dustin, sont probablement trop complexes pour les Etats-Unis d’Amérikkke) avant de passer par du gospel, du prog rock, du piano, un nombre incalculable de changements de rythmes, des structures musicales complexes et j’en passe.

Le metal rapide du précédent album laisse ici la place aux atmosphères, aidant à créer un album qui est littéralement sans pareil.

Très bien pour le groupe et leurs ambitions artistiques, mais de l’autre côte de la chaîne de production, on est plus perplexes. Les morceaux ne sont pas très accrocheurs, et semblent parfois paradoxalement peu inspirés. Il semble clair que le groupe, en parfait accord avec lui-même, a voulu créer un album très personnel au risque d’être déconnecté avec son public (et son label).

Critiquer un tel album est donc assez compliqué, car d’un côté, les intentions du groupe sont louables et intransigeantes, mais d’un autre côté, on se surprend à regretter la puissance mélodique de l’ancien Thrice.

Au pire, Vheissu est maladroit, mais au moins, on ne pourra pas dire qu’ils ont choisi la facilité.

Gang of Four – Return The Gift

Gang of Four est cité comme influence par tous les groupes récents qui allient attitude punkisante et rythmes dansants, de Radio 4 à Futureheads, en passant par Bloc Party ou LCD Soundsystem. C’était évidemment le moment rêvé pour un best of.

Enfin, best of, pas vraiment : le groupe a carrément réenregistré les morceaux, ce qui leur confère un caractère encore plus efficace, encore plus « now ».

Si on les compare à tous les groupes précités, c’est bien simple, on tombe sur le cul.

L’album commence par To Hell With Poverty, qui est tout simplement énorme : batterie sèche, basse terrible et guitares décoiffantes. Plus que les gentillets Bloc Party, on pense plutôt à la puissance sans concessions de Mclusky.

On retrouve très vite les références prises par les groupes actuels, même si, vingt-cinq ans avant, Gang of Four le faisait, si pas mieux, différemment.

Gang of Four n’avait simplement rien à foutre du succès commercial. Return The Gift, c’est 14 morceaux tous aussi suicidaires les uns que les autres : une ligne de basse dansante ? Ok, ça pourrait marcher à la radio, on va donc mettre des paroles marxistes (et en 1979, le communisme, ça ne marchait pas très fort en occident) et de guitares passées dans 33 pédales de distortion et d’overdrive. Et pour ajouter de la variété, un peu de beat poetry (Anthrax), et un thème anti-militariste pour plomber un refrain qui semble commercial (I Love a Man In a Uniform, funky as fuck).

Gang of Four, c’était l’avant-garde, le post-punk dans toute sa splendeur, tant musicalement qu’au niveau des paroles, et on peut dire sans trop s’avancer qu’aucun groupe n’est jamais arrivé à faire ce qu’ils ont fait. Critiquer la société de consommation avec des guitares, tout le monde l’a fait, très peu de monde l’a réussi.

Personnellement, Return The Gift est une révélation, j’espère qu’il le sera pour vous aussi.

Scum – Gospels For The Sick

Casey Chaos. La première fois que je l’ai vu, au Pukkelpop, son groupe Amen a du stopper le concert parce qu’il était tombé en escaladant la scène. Les roadies commençaient à ranger le matos, et il est revenu en trombe, le visage en sang et la démarche hésitante, pour finir le concert. Amen a sorti trois albums, donc le dernier était entièrement joué, écrit, produit et sorti par Chaos, car aucune maison de disque ne se risque à signer ce dingue, probablement le seul vrai punk dans le milieu actuellement.

Alors qu’il aurait pu laisser tomber à cause de ce manque d’enthousiasme, il n’a rien trouvé de mieux que de créer un nouveau groupe, Scum, dont la composition est étonnante, c’est le moins qu’on puisse dire. Outre Chaos, on retrouve des légendes du black metal norvégien : les guitaristes Samoth et Cosmocrator et surtout le légendaire ex-batteur d’Emperor, Faust, qui n’avait plus joué depuis 10 ans (vu qu’il était en prison pour meurtre), ainsi que le bassiste de Turbonegro.

Le résultat, évidemment, est terrible. La rage énorme de Chaos, qui a apporté sa sensibilité punk, allié à la précision chirurgicale des musiciens aide à créer une musique assez originale, puissante, ultra-violente.

La voix de Chaos, qui pouvait parfois sembler irritante, n’est ici qu’un instrument parmi d’autres, tout au long des 10 morceaux où chaque musicien à l’occasion d’exprimer ses plein pouvoirs, pour un résultat dantesque et souvent irréprochable.

Un des albums metal de l’année, un concentré inouï d’agression musicale.