Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The White Stripes – Get Behind Me Satan

C’est déjà le cinquième album pour le duo de Detroit, ex-mari et femme mais frère et soeur pour la version officielle. Fait est difficile à croire quand on sait que le public plus ou moins averti n’a entendu parler du groupe qu’au troisième alors qu’il a fallu attendre un des gros singles de 2003 (Seven Nation Army) pour que les Stripes deviennent un nom relativement familier. Mais le duo existe depuis 1999, distillant un blues-rock-garage intéressant, et allant crescendo en qualité avec chaque album (White StripesDe Stijl White Blood Cells), du moins jusque Elephant, sans doute trop peu achevé (mais restant tout à fait valable).

La plus grande particularité musicale du groupe est son minimalisme : en quatre albums, le groupe n’a utilisé que trois instruments différents : la batterie très sommaire de Meg White, une guitare bluesy abrasive et quelques touches de piano pour Jack White. Et c’est tout. Get Behind Me Satan sera donc connu comme l’album qui a ajouté de la variété au groupe : moins de guitares (seuls trois morceaux sont électrisés), plus de piano, de la basse, du marimba et encore d’autres instruments assez mystérieux de prime abord. Le premier single, Blue Orchid, est complètement à l’opposé du reste de l’album, on dirait presque Electric Six (en plus préhistorique). Le reste est plus acoustique, réservant quelques surprises (My Doorbell est limite Michael Jackson, période noire), des morceaux plus habituels (le country Little Ghost, le plus-blues-que-ça-on-ressort-Robert-Johnson Instant Blues) et malheureusement des longueurs (Ugly As I Seem). En fait, on ne retrouve que peu le groupe allumé qu’on connaissait, et alors qu’on râlait du manque de variété musicale du duo, on se rend compte que leur moins bon album est aussi le plus varié.

La question principale est donc, est-ce un album de transition ou est-ce que le groupe va bientôt revenir à ses premières, et habituelles, amours? On le verra assez vite, en attendant, GBMS n’est pas vraiment génial, et souffre en outre de leur précipitation : une semaine pour enregistrer un album, passe encore avec deux instruments, mais quand on a un but plus ambitieux, il faut aussi se donner les moyens. Elephant avait déjà un peu déçu, Get Behind Me Satan (chouette titre, ceci dit) enfonce le clou tout en évitant habilement la question qui fâche : The White Stripes, vrai blues ou pas?

Art Brut – Bang Bang Rock’n Roll

Il a fallu un certain temps, mais Art Brut sort enfin son premier album, après les singles Modern Art et Formed a Band, qui ont donné le ton : musique post-punk assez zeitgeist, mais transcendé par le chanteur Eddie Argos. Enfin, chanteur, c’est beaucoup dire, entre slogans criés et spoken word, Argos distille les paroles les plus marrantes entendues depuis la regrettable implosion de Mclusky. Quasi chaque phrase de l’album est mémorable, on retiendra « We’re gonna write the song that will make Israel and Palestine get along », Formed a Band ; et Rusted Guns of Milan, le meilleur morceau écrit sur la perte d’érection depuis Soft de Kings of Leon (« We’re gonna try one more time, with me, on top … »). L’album est sauvé grâce à ça, mais musicalement, ce n’est évidemment pas nouveau, et il est d’ailleurs temps que ça s’arrête, ce revival… Mais le tout reste éminemment écoutable, et on pourrait même essayer de danser dessus, après avoir descendu quelques verres/rails/autres. Ceci dit, Art Brut doit encore être plus intéressant en live, m’en vais voir s’ils n’auraient pas l’excellente idée de venir au Pukkelpop. En attendant, je conseille au moins une écoute de Bang Bang Rock N Roll, après je ne garantis plus rien…

The Coral – The Invisible Invasion

C’est assez difficile à croire quand on y pense, mais The Invisible Invasion est déja le quatrième album de The Coral, qui semble devoir vivre éternellement avec le souvenir de leur hit Dreaming of You. Ce qui n’est jamais facile, évidemment : leur troisième album, Nightfreaks and The Sons of Becker, comprenait son lot d’excellent morceaux (comme l’hypnotique Grey Harpoon) mais pas assez de cohérence. Le groupe a donc pris plus de temps, et engagé une partie de Portishead pour produire un album important, qui va (ou pas) sortir le groupe de cette image de one-hit wonder psyché.

Et TII n’y réussit qu’à moitié. L’album est assez varié, et les influences plus larges que d’habitude, un peu de Byrds, pas mal d’Inspiral Carpets, et (quand même) toujours de l’Echo and The Bunnymen. Malheureusement, les morceaux sont une fois de plus trop peu constants, pour un superbe She Sings The Mourning, on a un médiocre Far From the Crowd, et le splendide Arabian Sands arrive trop tard (avant-dernier morceau) pour être vraiment efficace. Musicalement, les forces et faiblesses du groupe sont toujours remarquables : 350 instruments en même temps, sans tomber dans la dérive, un chanteur attachant, certes (James Skelly), mais qui ne sait quand même pas trop chanter. Ce qui n’a jamais arrêté personne, mais à certains moments, Skelly devrait se rendre compte de ses limites, et se concentrer sur ses paroles toujours aussi dingues. En somme, TII est un album très décent, mais comme quatrième album, c’est assez limite, et on préférera retourner aux meilleurs moments de The Coral et Magic and Medicine.

Oasis – Don’t Believe The Truth

Bien malgré eux, Oasis m’aura donné une bonne occasion de me marrer, en lisant le double article (interview + critique) bourré d’erreurs signé par Bernard Dobbeleer dans Télémoustique. On ne lui demande pas de tout savoir, mais juste de pouvoir taper www.google.com sur son ordinateur. Heureusement, tous les journalistes de ce magazine ne sont pas aussi pathétiques, et le niveau général reste au dessus de l’inénarrable Yves Hobin du Ciné-Télé Revue, mais quand même, c’est difficilement acceptable.

Ceci dit, voici donc le retour de l’ex-plus gros groupe du monde, qui n’aura jamais été aussi troublé : nouveau départ dans le groupe (le batteur Alan White, présent depuis le second album), et sessions d’enregistrement problématiques (les sessions avec Death In Vegas se sont mal passées, et tout est reparti de zéro). Don’t Believe The Truth a été enfanté dans la douleur, et si on ajoute le fait que les trois derniers albums n’étaient pas fort terribles, on était en droit de craindre le début de la fin pour le (désormais) quatuor mancunien.

Surprise relative, DBTT est sans trop de doute le meilleur album d’Oasis depuis (What’s The Story) Morning Glory?, sorti il y a déjà dix ans. Il débute avec ce qui est carrément un de leurs meilleurs morceaux tout court, Turn Up The Sun, hymne puissant et vibrant, emmené par un Liam plus en forme que jamais. Bizarrement, Noel reprend le chant avec Mucky Fingers, très Stones 70s, tout comme Lyla qui dérobe peu subtilement Street Fighting Man. Contrairement à ce que ce grand comique de Bernard Dobbeleer a écrit, Liam Gallagher écrit déjà depuis deux albums (comme les autres membres, d’ailleurs), avec des résultats assez mitigés. Même chose ici : Love Like A Bomb sonne beaucoup trop comme un certain groupe de Liverpool (l’intro est celle de You’ve Got To Hide Your Love Away) alors que Guess God Thinks I’m Abel est peut-être sa meilleure composition. Ailleurs, Noel « emprunte » Golden Brown pour Part Of The Queue, et, pour la première fois, échange des couplets avec son frère pour un prochain single évident et futur roi des mariages, Let There Be Love. Ceci dit, tout cela reste assez classique, et même si le groupe s’écarte un peu de ses sentiers habituels, on aurait pu espérer un peu plus d’originalité (on ne sait jamais…)

On est donc relativement satisfaits de cet album, et on se projette même dans le futur : pour la première fois, Oasis comprend 4 bons musiciens (on entend enfin la basse), et Zak Starkey (batteur ad interim et accessoirement fils de Ringo Starr) apporte ce qu’il leur manquait. Le futur pourrait donc sourire de nouveau à un groupe qui risquerait, how shocking, de ne pas mal vieillir.

Audioslave – Out Of Exile

Second album pour le groupe issu des cendres de Rage Against The Machine (pour rappel, les 3 musiciens de RATM + Chris Cornell, Soundgarden), et pas de grand changement sylistique : Out of Exile est un album de rock « adulte » (sans que ce soit péjoratif, on ne parle pas de Dave Matthews) : riffs à la Led Zeppelin, solides mais parfois répétitifs, section rythmique irréprochable, compos très (trop?) classiques, et la voix rugueuse de Cornell, qui pêche parfois par excès de crooning.

La comparaison avec les anciens groupes est inévitable mais peu concluante :on sent du Soundgarden çà et là (le superbe Doesn’t Remind Me, dont les paroles en énumération font penser au Wishlist de Pearl Jam), et les solos de Tom Morello réfèrent à RATM, sinon Audioslave confirme qu’ils veulent simplement faire de la musique, loin des tourbillons qu’ils ont connu auparavant (l’histoire trouble de RATM et de son leader Zack de la Rocha, l’atmosphère grunge pesante de l’époque Soundgarden).

Ils réussissent haut la main, avec un second album qui égale voire surpasse le précédent, et qui comprend quelques perles et peu de morceaux plus faibles. On regrettera sans doute le manque d’innovations, voire quelques répétitions ennuyeuses (le riff de Your Time Has Come ressemble étrangement à celui de leur premier single, Cochise), mais Audioslave montre des musiciens aguerris qui ont la décence de bien vieillir, ce qui n’est pas le cas de tout le monde…