Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Gorillaz – Demon Days

Gorillaz était la success story un peu surprenante de l’année 2002. Projet tant graphique que musical, l’association du graphiste Jamie Hewlett, du chanteur de Blur Damon Albarn et du maître hiphop Dan The Automator avait accouché d’un excellent album, et qui s’est très bien vendu, emmené par l’irrésistible single Clint Eastwood. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Graham Coxon a quitté Blur (Albarn vient d’ailleurs d’annoncer que Blur ne recommencerait qu’au retour de Coxon, ce qui semble peu probable), et Dan a été remplacé, à la production, par Danger Mouse, l’homme derrière le fameux Grey Album, pièce maîtresse de l’illegal art.

Le second album de Gorillaz sort donc, précédé par une campagne de promotion plus subtile et discrète que la précédente, ce qui lui convient très bien. Autant de dire tout de suite, il n’y a que peu de poins communs entre les deux albums. La où Gorillaz était exhubérant, optimiste, entraînant, Demon Days est … différent. On ne parle quand même pas de face obscure des quatre toons, mais presque : exit les beats hiphops, et enter une production plus nuancée, assez electro et surtout innovante, Albarn et Danger Mouse n’ayant écarté aucune piste lors de la création de l’album. En parlant d’Albarn, Demon Days pourrait presque être considéré comme un album solo : sans la production musclée de l’Automate, la voix de plus en plus éraillée de Damon fait mouche à tous les coups, et rappelle le dernier Blur (Think Tank), voire son projet ethnique (Mali Music), en rajoutant une production très subtile. Choisir un morceau est assez difficile, tant chaque morceau regorge de trouvailles sonores, plus attachantes que techniques, d’ailleurs. Ceci dit, tout ne fonctionne pas si bien, mais l’album est long, un tantinet répétitif et quelques morceaux seraient sans doute mieux placés sur une face B.

Au niveau des guests, ils servent l’album en soi, sans vouloir tirer la couveture à eux : Shaun Ryder, De La Soul, Ike Turner, le même choeur d’enfants que sur Tender (Blur, 13) ou Dennis Hopper sur un spoken word d’anthologie (Fire Coming Out Of A Monkey’s Ass).

Demon Days n’est pas parfait, et aurait sans doute du être plus court, mais on ne peut qu’admirer la remise en question d’Albarn, qui a transformé Gorillaz de « groupe » assez commercial en projet très personnel, et non pourri par un quelconque ego. Finalement, avec Gorillaz et les albums solo de Graham Coxon, aussi excellents les uns que les autres, on finirait presque par ne pas regretter Blur.

System of a Down – Mezmerize

En seulement deux albums, le groupe californien (d’extraction arménienne) System of a Down a carrément réinventé le metal. Via une dynamique très particulière, un chant original, et des multiples influences, du trash metal au folklore arménien. deux ans après sa sortie, Toxicity reste un des grands albums des années 2000, et du metal en général. Dire que Mezmerize était attendu relève du pur euphémisme. Le groupe va en fait sortir un double album cette année (Mezmerize/Hypnotize), et ceci en est la première partie, un disque très compact de 39 minutes intenses, commençant par une intro calme avant le single BYOB, savant mélange de violence pure, de politique, de RnB et de mathrock. Cette grosse claque prise, Mezmerize se calme (parfois) et surprend (toujours), avec le presque dansant Revenga, le très folklore Radio/Video, le pamphlet anti-Bush en particulier, et anti-abus de pouvoir en général, Cigaro. Chaque morceau est remarquable d’une manière ou d’une autre, on va donc finir en citant Sad Statue, et son riff emprunté à Biffy Clyro (l’autre révolutionnaire du metal), Et Lost In Hollywood, ballade peut-être stéréotypée mais qui conclut très justement l’album.

Musicalement, on retrouve un System moins carré que sur Toxicity, et moins « partant dans tout les sens » que sur leur début éponyme : Mezmerize est très varié tout en restant cohérent, l’album gagne d’ailleurs en force à chaque écoute. Il est difficile d’avoir un avis définitif avant d’avoir la deuxième moitié, mais c’est très bien parti, rendez-vous en septembre/octobre pour le jugement définitif.

Maxïmo Park – A Certain Trigger

Personne ne sait quand ça va s’arrêter, mais voilà encore un nouveau groupe nu new wave (ou autre étiquette qui vous conviendrait mieux), ceux-ci venant d’Angleterre, et comprennant un terrible umlaut sur un de leur i, c’est donc sans doute le Motörhead du NME, ou quelque chose comme ça. En fait, on trouve un cocktail 1/3 Franz, 1/3 Kaiser Chiefs, 1/3 Interpol, et je ne me suis pas encore décidé si c’est une bonne chose ou pas. On retrouve quelques morceaux aussi entraînants que sympathiques au début de l’album (Apply Some Pressure, Graffiti), mais la suite est moins intéressante, tout se ressemblant un peu trop, sauf Acrobat, spoken word sous musique shoegaze du meilleur effet.

Il paraît qu’ils sont meilleurs en live, mais l’album n’est pas vraiment impressionnant.

Team Sleep – Team Sleep

Team Sleep, avec Tapeworm, fait partie de ces projets parallèles de musiciens connus qui ne semblent jamais voir le jour. Pour Tapeworm (Trent Reznor, Marilyn Manson, Maynard James Keenan, Charlie Clouser entre autres), le projet est officiellement mort, par contre Team Sleep, trois ans après la sortie « accidentelle » des premières démos sur internet, sort son premier album éponyme.

Team Sleep est le projet de Chino Moreno, hurleur romantique des Deftones, et de quelques musiciens moins (pas) connus. Et de manière étonnante, TS réussit à être en même temps très différent et assez proche des Deftones. Proche, parce que le groupe a toujours privilégié les ambiances sombres, et parce que Chino ne possède pas vraiment d’autre moyen de chanter que cette alternance entre voix susurrée, et cris puissants (beaucoup moins présent chez TS quand même). Mais différent, parce que TS préconise les atmosphères lancinantes, et même si des repères sont délicats à trouver, on pourrait les situer entre le drone de SunnO))) et les arpèges aériens de Mogwai. Avec une touche de trip-hop.

Ceux qui s’y retrouvent dans ces différentes références voient donc de quoi Team Sleep est capable. Le groupe ajoute quelques expérimentations peu abouties, mais aussi peu nombreuses ; plus intéressante est la participation de guest vocalists, Rob Crow (Pinback), et Mary Timony sur le magnifique Tomb of Liegia. Mais les voix ne prennent jamais le pas sur le feeling général de Team Sleep. On pourrait juste reprocher une certaine répétition au niveau de l’ambiance générale, mais Team Sleep reste un très bon album, comparable aux meilleurs moments de Mogwai, ou Godspeed You! Black Emperor. Conseillé donc.

Weezer – Make Believe

Groupe culte s’il en est, Weezer ne cesse plus de décevoir. Après deux albums très bons (le déjanté Weezer et l’excellent Pinkerton), Weezer n’a jamais réussi à atteindre ce niveau, malgré quelques bons morceaux (Island In The Sun, Hash Pipe). Les fans du groupe attendaient donc Make Believe avec espoir, celui que Rivers Cuomo, monomaniaque de génie à la tête du groupe (et qui a du interrompre les sessions de cet album pour finir ses études à Harvard) retrouve ces éclairs de génie, ceux de Tired of Sex, Buddy Holly et Only In Dreams.

Et puis, arriva Beverly Hills. Même si les paroles sont marrantes à la première écoute, ce morceau est atroce. Bourrin, vide, sans âme : l’antithèse totale de ce que Weezer représentait. Les craintes étaient donc légitimes, on est donc (un peu) surpris de l’album. Car le reste est quand même mieux, allant parfois du Weezer classique (Perfect Situation), à des influences new wave (This Is Such A Pity) voire des solos très soft metal 80s (production de Rick Rubin). We Are All On Drugs semble ironique, Hold Me ou The Damage In Your Heart mélancolique à mort. Parce que, on le sait, Rivers Cuomo est l’archétype du whiny geek, et se plaint presque autant que Fred Durst. C’était marrant sur The World Has Turned And Left Me Here, mais après cinq albums, ça devient lassant. Lassant, et carrément de mauvais goût, c’est les accords lourds de guitare saturées qui polluent quasi chaque morceau calme, rendant ainsi des morceaux joliment tristes imbitables.

En somme, on est surpris du fait que Make Believe n’est pas aussi calamiteux qu’il aurait pu être, mais ce n’est quand même pas fort terrible, plus ou moins du niveau de Maladroit. Et on se demande si Cuomo est encore capable de faire ce qu’il faisait autrefois si bien.