Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

The Arcade Fire – Funeral

Mea culpa, j’avais raté cet album à sa sortie en septembre, mais à l’époque où on compile les listes du meilleur de 2004, il est impossible de passer à côté de Funeral, nouvel album du collectif canadien The Arcade Fire. Disons-le tout de go, Funeral est exceptionnel, tout à fait hors du temps. Il crée une véritable ambiance gothico-baroque, sans qu’on sache vraiment pourquoi, ce qui donne une identité propre, une idée d’ensemble à Funeral. Musicalement, les morceaux font parfois penser à Grandaddy (claviers, accords de guitare bruts), à Talking Heads (la voix masculine), voire à Belle and Sebastian, Mercury Rev ou My Bloody Valentine, pour l’ambiance. Lers morceaux racontent des histoires assez fouillées, tous plus ou moins liées les uns aux autres, comme pour la suite de quatre morceaux Neighborhood, entrecoupée par le magnifique (et triste) Une Année Sans Lumière, chantée en français par l’autre vocaliste, l’Haïtienne Régine (par ailleurs épouse du chanteur Win). Les morceaux sont souvent fort riches : outre les instruments habituels, on retrouve un accordéon, des cordes, des chœurs, ce qui pourrait parfois (mais peu souvent) sonner un peu too much, mais ce serait vraiment le seul reproche à faire. Funeral est vraiment, je le répète, exceptionnel, riche et simple, triste et euphorique, et est peut-être le meilleur album de 2004.

Kasabian – Kasabian

Tiens, voilà les sauveurs du rock anglais… Un des derniers groupes à recevoir le hype du NME, Kasabian sort un premier album précédé de compliments, du genre meilleur début depuis Definitely Maybe. Une fois de plus, on ne peut qu’être déçu en écoutant le CD. Pas qu’il soit mauvais, non, mais il est loin d’être extraordinaire. Certains morceaux sont tout à fait bons, comme Club Foot ou Processed Beats. Reason Is Treason n’aurait pas dépareillé chez B.R.M.C, et LSF chez Primal Scream. Mais au fur et à mesure, l’album devient relativement répétitif, et l’aspect garage, attrayant au début devient vite ennuyeux. Pour un premier album, c’est assez encourageant, mais pas (encore?) le messie annoncé. Á suivre.

Gwen Stefani – Love Angel Music Baby

Comment faire une star d’une chanteuse vaguement anonyme d’un groupe ska (No Doubt) aussi cool qu’un combo de black metal finlandais? Plusieurs étapes : 1) Isoler le plus possible la chanteuse du reste du groupe (voire à ce propos le clip de Don’t Speak, dont l’ironie accidentelle n’est compréhensible que maintenant) ; 2) La faire participer à des events glamour, jusqu’à ce qu’elle crée sa propre ligne de vêtements ; 3) La faire chanter avec une personnalité fashion de l’époque (Eve, pour Let Me Blow Your Mind, en 2001) ; 4) Lui fabriquer un album par la zeitgeist : Pharrell, Linda Perry, Eve, Dr. Dre, Nellee Hooper, Andre 3000. Plan marketing imbattable. Donc, on devrait avoir un album formaté, impersonnel, et finalement très peu intéressant. Et bien non.

Le single What You Waiting For est le Crazy In Love de cette année, non, oubliez ça, c’est bien meilleur. Programmation et voix très eighties, refrain infectieux et paroles barrées, sera insupportable dans un mois, mais en attendant, c’est fantastique. Après un morceau de Dre (pas mal), vient Hollaback Girl, meilleur morceau des Neptunes depuis… très longtemps, et qui enchaîne beats lourds, guitares hawaiiennes, trompettes, synthés neptuniens, extrait d’Another One Bites The Dust et rap dingue de Stefani (« This shit is bananas/B-A-N-A-N-A-S »). Le reste de l’album est plus hit and miss, Cool la voit chanter à la Cyndi Lauper, mais parfois Gwen tombe dans le Madonna, ce qui est beacoup moins drôle (The Real Thing). On peut aussi être déçu par son duo avec Andre 3000 (Outkast), assez médiocre. Gwen elle-même apporte une voix assez sexy, coquine (« love in the backseat »…), mais quand elle chante un morceau entier sur son amour de la mode japonaise, c’est peut-être un peu too much…

Pas l’album du siècle, mais comparé à la pourriture totale qu’est la pop MTV, Gwen apporte un vent de fraîcheur, plus grâce aux producteurs qu’à elle-même, mais bon, ceci sera mon plaisir caché de 2004.

U2 – How To Dismantle An Atomic Bomb

Le meilleur aspect du nouvel album de U2, le treizième, c’est que Bono se tait. L’opportunisme hypocrite légendaire de l’ami personnel de Blair et supporter implicite de George W. Bush a eu l’excellente idée de ne pas prêcher politique sur cet album, le titre n’étant donc pas représentatif. U2 retourne donc à ce qu’ils font de mieux, et à ce niveau-là, How To Dismantle An Atomic Bomb n’est pas mal.

Le single et premier morceau, Vertigo, est tellement infectieux qu’on pardonnerait presque le plagiat de XXX des Supremes, les ballades sont d’un bon niveau, surtout Sometimes You Can’t Make It On Your Own (hommage de Bono à son père disparu, on est loin de Band Aid) et l’album, assez rock dans son ensemble, tient la route. Bien sûr, on ne peut plus vraiment attendre d’album parfait de leur part et Yahweh, par exemple, est un morceau imbuvable. Mais Bono est bon, sa voix éraillée faisant toujours son petit effet ; quant à The Edge, il porte cet album sur ces épaules, ou plutôt sur sa pédale de délai, utilisée et abusée encore plus que de coutume. Enfin, on pourrait aussi regretter que le groupe enfonce des portes ouvertes, et se trouve en terrain conquis : cet album n’apporte rien de nouveau à la carrière de U2 ; mais on peut répliquer que la critique et le public ont assez mal reçu les changements de style du groupe (Zooropa, Pop).

Un album qui ne révolutionne pas le monde musical, mais qui se laisse écouter, et qui plaira sans aucun doute aux innombrables fans du groupe. Les autres passeront à côté, et comme il y a tellement d’autres groupes à écouter, ce n’est pas bien grave…

Eminem – Encore

Fidèle à lui-même (et à son compte en banque), le roi de l’opportunisme sort son quatrième album, quelques mois à peine après celui de son groupe D-12. Et pour continuer dans l’opportunisme cynique, Eminem en profite pour attaquer de cibles faciles (Michael Jackson et George W. Bush) dans ses deux premiers clips. D’ailleurs, c’est peut-être un peu tard de sortir un album partiellement anti-Bush deux semaines après les élections, mais soit. Si l’album était encore bon, on passerait l’éponge, mais il est clair, très clair, et indiscutable qu’Encore est le moins bon album d’Eminem. On avait l’habitude de ses singles-jingles stupides comme premier extrait d’album (My Name Is, The Real Slim Shady…), mais cette fois Just Lose It est irritant et fatigant. Les morceaux « sérieux » qui sortiront comme prochains singles ne relèvent pas trop le niveau, et on est de toute façon très vite lassés par les gags scato-puérils qui parsèment l’album, et les règlements de compte entre rappeurs…

Sinon, rien de neuf, on retrouve les collaborations habituelles (50 Cent, D-12, Dr. Dre, Nate Dogg), et la production se partage entre Dre (en pilote automatique, ou en sous-Kanye West, et Eminem lui-même (qui trouve parfois quelques bonnes idées, comme la batterie militaire de Toy Soldiers, dommage que le morceau devient bien vite aussi irritant que Hard Knock Life). Et Marshall Mathers se plaint, parle de son ex-femme, de sa fille, blablabla, comme d’habitude, en encore moins bon, voire en carrément cheesy (Mockingbird poussera sans doute sa fille Hailie attaquer son père en justice, pour cause de ballade ridicule). Le tout se finit par une rafale de coups de feu, après un featuring de 50 Cent, ce qui veut tout dire. Pathétique et pitoyable.