Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Helmet – Size Matters

Appât du gain, ou volonté artistique. C’est assez discutable, mais Helmet n’est pas Pixies. Le groupe de Page Hamilton (ou plutôt, Page Hamilton) se remet en selle après sept ans de séparation, une tournée comme lead guitar de David Bowie et un excellent best of (Unsung). Très peu connu du grand public, Helmet est pourant une légende alternative, et est unanimement cité comme une des principales influences du metal moderne (ne leu jetez pas la pierre pour autant ;). Il suffit d’écouter n’importe quel album d’Helmet pour s’en rendre compte : Tool et Deftones, entre autres ont été beaucoup influencés. De manière peut-être surprenante, Size Matters tient bien la route. Page n’a pas vraiment changé, sa voix est toujours aussi agressive, et les compos bien fichues, dans le genre macho-aggro-metal. Les nouveaux musiciens font leur job, et tout cela fait que cet album trouve sans trop de problème sa place aux côtés des classiques Meantime, Betty et Strap It On. Un peu répétitif quand même, mais bon, la formule est limitée.

Ceci dit, autant être d’accord : ce genre de musique n’a pas super bien vieilli, et à une époque où le metal a complètement disparu des playlists classiques (remarquez, on est débarrassé de Slipknot et Limp Bizkit..), ça fait bizarre.

Si vous êtes fan, allez-y, si pas, procurez-vous Unsung d’abord.

Fatboy Slim – Palookaville

Encore un qui ne sait pas tenir ses promesses… Quelques années après avoir annoncé sa retraite, Norman Cook, alias Fatboy Slim revient nous dire que la techno de papa, c’est fini. Même s’il y croit encore. Palookaville est un assemblage de clichés : faux scratches, voix souls répétant la même phrase sans arrêt (comme dans plus ou moins tous ses hits), guest vocals, guitares samplées… Paraît que cet album comprend plus de vrais instruments, faut il encore en faire de bons morceaux. Le single Slash Dot Dash est insupportable, la collaboration avec Damon Albarn aurait été recalée sur Think Tank, et quand le meilleur est encore une reprise « pour rire » de The Joker (Steve Miller Band) avec Bootsy Collins, on a tout compris. Mauvais, et inutile.

Biffy Clyro – Infinity Land

Il est assez difficile de prévoir le succès commercial des groupes de type indie. Pourquoi Oasis a fonctionné là où Idlewild est toujours un secret bien gardé, pourquoi un groupe comme Muse cartonne, tout n’est pas qu’une question de marketing ou de talent. Biffy Clyro, et leurs fans et collègues le savent, est incroyable. Leur premier album était étrange, mêlant habilement indie et emocore, le second a été intégralement enregistré en un jour, et ce dernier voit le groupe écossais atteindre le sommet de leur art. Le premier morceau, Glitter And Trauma, résume tout. Commençant par deux minutes technoïdes qui cèdent progressivement la place à des riffs extremo, des voix torturées et douces en alternance, une mélodie pleine de détours et des paroles bien barrées (« You are! The human! Probe! You are the human probe! »). La suite de l’album ne déçoit pas, Biffy excelle en la composition et l’exécution des morceaux rock, pop, indie, emo, acoustiques, mélodiques et souvent tout cela à la fois, et Infinity Land comprend plus de trouvailles que la majorité des groupes ont en vingt ans de carrière. Des comparaisons? La bizarrerie d’un autre secret bien gardé, Super Furry Animals (à suivre dans ces pages), la dynamique quiet/loud de Pixies, et une grosse dose d’originalité.

Littéralement extraordinaire, Biffy Clyro est à découvrir, chérir et espérer que le grand public ne s’en empare pas et ne le transforme pas en machine à tourner à l’âme égarée (Muse, ces derniers mois…). Infinity Land ne fait que pousser la formule au maximum, au point qu’on peut se demander comment le groupe va évoluer et réussi à faire mieux. Et un groupe qui écrit des morceaux titrés There’s No Such Thing As A Jaggy Snake et Toys, Toys, Toys, Choke, Choke ne saurait pas être foncièrement mauvais.

Cradle of Filth – Nymphetamine

De loin le groupe de métal extrême le plus connu dans le monde. Cradle of Filth sort son second album sur une major. On les a qualifiés de vendus, de traîtres, de faux black metalleux, et on avait peut-être pas tort…

Malgré toute l’imagerie très commerciale tournant autour du groupe, il faut reconnaître que dans le genre, Cradle of Filth possède quelques morceaux assez valables. Malheureusement, l’impression qui se dégage de cet album est justement celle qu’on pouvait craindre. Cradle est devenu mou. Bon, c’est peut-être exagéré à l’écoute de morceaux death metal old school comme Gilded Cunt, mais le groupe prend un virage nettement plus commercial et mainstream, comme le confirme Nymphetamine Overdrive, carrément passable à la radio ou la semi-ballade Gabrielle. Á d’autres moments, on se croirait parfois dans un bête album metal, comparables aux clips qui passent dans l’Ultra Metal de MCM, et les intermèdes de musique classique pompeuses, les claviers cheesy et les hurlements achèvent d’enfoncer le clou. Le facteur choc n’étant plus vraiment musical, Dani et ses joyeux drilles se sont probablement sentis obligés de choquer autrement, en hurlant plusieurs fois cunt dans un refrain et en créant une autre gamme de T-shirts censurés (après Jesus Is A Cunt, voici You Gilded Cunt, ça change). Trahison pour les fans, et album sans intérêt pour les autres : les Américains l’achèteront peut-être…

Blues Explosion – Damage

Rassurez-vous, Jon Spencer est toujours là, il a juste raccourci le nom du combo pour le faire sonner comme un vrai groupe. Pourtant, Blues Explosion n’a jamais sonné aussi peu live et naturel. Toujours enclin aux expérimentations variées, Spencer a fait appel à divers producteurs pas vraiment liés au monde du rock garage : DJ Shadow, Dan The Automator, ,t plus de Steve Albini) et à quelques collaborateurs originaux comme Chuck D ou Martina Topley-Bird. Résultat : c’est bien entendu toujours du rock ‘n roll, à tendances bluesy (Rattling) et garage (Burn It Off), mais parfois bien expérimental : la batterie de Damage est énorme, et pas mal d’effets impressionnants parcourent l’album (Fed Up And Low Down), comme si le groupe avait voulu se démarquer de cette stupide comparaison avec les White Stripes. On s’écarte donc du modèle habituel de l’album garage joué entièrement live, mais le résultat est tout à fait satisfaisant, surtout que la voix et le personnage très habité de Jon Spencer ne déçoit pas. Et comme d’habitude, précipitez-vous pour voir Blues Explosion live, leur nom n’est certainement pas usurpé. Incontournable.