Archives de catégorie : Music Box

Chroniques d’albums contemporains

Therapy? – Never Apologise Never Explain

Le temps passe très vite, c’est déjà le dixième album des Irlandais de Therapy?, qui, contrairement à ce que beaucoup croient, existent encore… Après l’explosion des albums Troublegum et Infernal Love (Stories, Screamager, Diane), le groupe a peu à peu disparu de la scène commerciale, sans doute autant du à leur évolution musicale plus expérimentale qu’à leurs déboires de maisons de disques (3 en 4 albums). Ceci dit, T? continue à sortir régulièrement des albums variés et de très bonne qualité. Dernièrement, High Anxiety revenait à un son mélodique, et cet album, Never Apologise Never Explain montre un côté plus métal, plus sombre, et très bruyant. Therapy? a perdu récémment son deuxième guitariste, et a ainsi gagné en puissance sans pour autant que ça soit au détriment de la variété musicale. De même, il semble que le groupe ait trouvé un batteur de grande qualité, en la personne de Neil Cooper. Enfin, le bassiste Michael McKeegan a plus d’espace pour s’exprimer, et sort d’un registre purement rythmique pour créer des lignes de basse impressionnantes

Rise Up, premier morceau de l’album, est aussi le premier monstre de l’album, qui ne laisse jamais de répit à l’auditeur. On y retrouve, pêle-mêle; les influences de Fugazi, Killing Joke, Sex Pistols, Helmet ainsi qu’un hommage au groupe préféré du chanteur/guitariste Andy Cairns, Ramones (Rock You Monkeys). Cairns qui impressionne aussi en tant que parolier, passant facilement du général (Perish The Thought) au particulier (Dead) en ajoutant une dose d’antimondialisme/antibushisme typique.

En définitive, encore un très bon album de Therapy?, qui ne ressemble que peu aux précédents, et tant pis pour ceux qui ont quitté le train.

Brian Wilson – Smile

Sans aucun doute l’album le plus attendu de tout les temps. 38 ans après le début de sa conception, Smile est enfin terminé et disponible. On connaît l’histoire de son auteur Brian Wilson, devenu dingue suite à une consommation invraisemblable de produits divers et à son obsession de surpasser le Sgt. Pepper des Beatles. Il est impossible de savoir de quand datent les morceaux et les enregistrements, ce qui fait de cet album une oeuvre difficile à écouter, et encore plus à critiquer. En replaçant Smile dans le contexte des 60s psychédéliques, la folie de son auteur se retrouve à chaque seconde.

Les effets sonores sont tordus, les chœurs, instrumentations, thèmes et paroles tout autant. L’album est à écouter d’une traite, car tous les morceaux sont reliés musicalement et thématiquement (ou du moins, c’était l’idée). On pense parfois à Jerry Garcia, pour la folie habitant cet album, où à Pet Sounds, chef d’œuvre des Beach Boys. Maintenant, il faut être honnête, cet album appartient à un autre temps, et l’écouter aujourd’hui s’apparente à un voyage dans un esprit psychotrope des sixties. Autant les meilleurs Beatles appartiennent à la mémoire collective, autant Smile est complètement anachronique, et mis à part pour quelques morceaux connus comme Surf’s Up et Good Vibrations, on voit mal pourquoi un auditeur contemporain trouverait de l’intérêt pour cet OVNI.

On peu trouver Smile prétentieux, fatigant, génial ou tout à la fois, mais ça aiderait certainement de fournir deux doses de LSD avec l’album. Á écouter quand même, que ça ne soit que comme témoignage.

Interpol – Antics

2004 est assez chargé en deuxièmes albums de cette fameuse New Rock Revolution, cette semaine lourde en sorties nous apporte Antics, des dépressifs New Yorkais d’Interpol. Interpol qui irrite parfois, surtout du à la voix très Ian Curtis du chanteur Paul Banks, mais qui peut se targuer d’un premier opus de bonne facture, d’un morceau tout à fait exceptionnel (Obstacle 1), et d’un autre repris live par R.E.M., ce qui n’est pas mal du tout.

Le point fort d’Interpol, c’est l’émotionnel. Leurs morceaux sont assez simples, généralement emmenés par deux guitares et une section rythmique compétente. Antics ne modifie pas profondément cette formule comme en témoigne le premier single Slow Hands, qui à l’avantage et le défaut de sonner comme de l’Interpol classique. Les riffs sont bons, Banks sonne très juste, les refrains sont enlevés (et rappellent justement R.E.M.) et certains morceaux sortent un peu du moule, comme l’étrangement optimiste Next Exit. Seulement, même si cet album est assez bon, il n’est pas aussi impressionnant que Turn On The Bright Light, et certainement pas assez varié. On pouvait donc attendre mieux, et même si ce qu’on a n’est pas mauvais, c’est un peu décevant. Partie remise?

Rammstein – Reise Reise

Les Allemands de Rammstein ont été découverts par le public en 1997 via un morceau éponyme présent sur l’excellente BO de Lost Highway de David Lynch. Quatre albums et un live plus tard, ils font plus souvent parler d’eux par leurs live shows controversés que par leur musique. Ceci dit, leur mix de riffmetal classique et des claviers limite tordus méritent qu’on s’y attarde, ce qui fut le cas lors de l’avant-dernier album en date, l’impressionnant Mutter. Reise Reise (pour les non-initiés, Rammstein chante quasi exclusivement en allemand) continue sur la même veine, avec quelques petites modifications, comme en ajoutant une critique anti-américaine très zeitgeist (Amerika), une voix féminine, de l’accordéon, un morceau groove et pas du tout metal (Los), et d’autres qui tendent vers le black metal. Seulement, ce n’est généralement pas très subtil, un peu limité, mais c’est le propre du genre, et il faut le dire, pour ce que c’est, c’est bien fichu. Et puis, ça permet d’élargir le spectre du rock allemand plus loin que les Scorpions ou Guano Apes… Les amateurs seront satisfaits, et pour les autres, la vie continue…

Green Day – American Idiot

Vétérans de la scène punk californienne, Green Day revient quatre ans après Warning, dont on pensait qu’il avait poussé le groupe au paroxysme de leur variété musicale étonnante pour un groupe punk. Warning avait enchanté les critiques et divisé les fans, que dire alors d’American Idiot.

Conçu comme un rock opera dans la veine de Tommy ou The Wall, l’album est étonnant et vraiment extraordinaire, mais est tellement varié et original qu’il va sans aucun doute en désarçonner plus d’un. L’histoire est centrée autour de deux personnages, Jesus of Suburbia alias Saint Jimmy et Whatsername et décrit précisément la médiocrité suburbaine de l’Amérique d’aujourd’hui, qui a causé sa déchéance politique et morale.

Pour faire passer un tel message, le groupe a choisi un long morceau de musique d’une heure (quasi sans interruption), divisé en 21 extraits (pensez face B d’Abbey Road) très variés. On y retrouve le punk sans concession de leurs débuts (Letterbomb, American Idiot, Holiday), des morceaux plus acoustiques (Boulevard of Broken Dreams), et une instrumentation très diverse, qui s’éloigne de leur style carré (3 musiciens) : le slide splendide de Give Me Novocaine, des chœurs très surf, et quelques mécaniques de comédie musicale (rassurez-vous quand même, rien de bien grave). Le tout atteint son paroxysme sur Jesus of Suburbia et Homecoming, deux collages de 9 minutes particulièrement impressionnants. Mais tous les morceaux valent la peine.

Le résultat, contre toute attente, est époustouflant. L’histoire tient la route, et la musique est la meilleure que Green Day n’aie jamais composé. L’album s’écoute si possible d’une traite, mais prendre certains morceaux individuellement est possible aussi (même si les paroles risquent d’être incomprises). Et tout ça agrémenté d’une critique politique d’essence très punk.