Archives de catégorie : Chroniques

Stereophonics – Language Violence Sex Other?

Ca ne doit pas être très drôle d’être Kelly Jones. Malgré le succès (en Angleterre), le pauvre Kelly est cible de moqueries incessantes de la part de la presse anglaise, autant dues à sa taille qu’aux mauvais albums sortis par son groupe. Kelly avait déjà riposté, mais la faiblesse pathétique de Mr Writer, titre dirigé contre un journaliste du NME coupable d’avoir deux oreilles en état de fonctionnement, enfonçait le clou. Le tout continue quand Kelly vire son ami d’enfance, le batteur Stuart Cable, pour des raisons douteuses. En 2005, après quatre albums (un bon, puis un décevant et deux carrément nazes, qui ont instauré le groupe comme un mauvais groupe pour accros de pub bourrés, et leurs mères), on n’attendait plus rien du groupe.

Et puis voilà. Language Sex Violence. Other? n’est pas seulement un meilleur album que les précédents, ni même leur meilleur, c’est carrément un excellent album de rock moderne.

Kelly ne gère plus sa colère contre des journalistes, il assène sa rage contre le monde entier, dans ses paroles (All I wanna do / Is make a mess out of you ou encore, You don’t know what it feels like / Meeting someone like you) et dans la musique, qui passe allégrement de rock tendance industrielle (Superman, où Kelly assume enfin son falsetto), limite heavy (Doorman, Devil), ou MC5 (Girl). Sa voix, qui auparavant pouvait être comparée à une chèvre bégayante, s’assimile maintenant à un Liam Gallagher qui auraient encore quelque chose à dire (ce qui n’est plus arrivé depuis … 96?), mais toutes ces comparaisons ne sont finalement pas satisfaisantes, l’album étant surprenant et très solide en soi, malgré quelques faiblesses.

L.S.V.O? sera peut-être un des meilleurs albums de l’année, et un come back critique fracassant (et celui de Garbage, le mois prochain, est assez solide aussi, comme quoi, tout arrive).

Idlewild – Warnings/Promises

L’exemple d’Idlewild devrait être étudié dans le cadre d’un cours d’évolution musicale. De leur premier disque, le punk remuant de Captain (1998) à leur précédent opus, The Remote Part (2002), le groupe écossais a affiné son style, et selon le point de vue, on pouvait le percevoir comme une évolution de songwriting (des morceaux simple à quelques accords vers des chansons plus complètes, sans être symphoniques) ou comme un ramollissement lénifiant.

Pour être clair, je préfère la première option. The Remote Part comprenait son lot de morceaux plus rock, et le groupe assurait toujours aussi bien en live, sans oublier leur passé. Warnings/Promises constitue une nouvelle étape, peut-être la plus importante. Autant le dire tout de suite, ceux qui n’ont pas aimé The Remote Part passeront leur chemin, Idlewild continuant son exploration sonore, de plus en plus loin de la simplicité accrocheuse de leur début. Mais là où The Remote Part limitait ces expériences, W/P surprend et enchante. Le premier single Love Steals Us From Loneliness semble joué au ralenti, mais s’installe dans son propre rythme. Le spectre de R.E.M., à qui le groupe à toujours été comparé, revient : batterie à la Bill Berry, paroles tordues, guitares parfois midwest et même un peu de mandoline. Mais on parle du R.E.M. période Out of Time, en peut être moins évident.

Parce que Idlewild possède un tout autre type de guitariste. Allan Steward porte littéralement une bonne partie de l’album sur ses épaules. I Want A Warning est emmené par un riff aigu, avec juste ce qui faut de distortion, mais ce n’est rien par rapport à l’extraordinaire Too Long Awake, où il semble jouer avec un couteau sous la gorge, habité par les esprits de Graham Coxon et Kevin Shields. C’est peut-être leur meilleur morceau, en tout cas leur plus ambitieux, et le fait qu’il finit abruptement résume bien leur état d’esprit : voici ce qu’on fait, pas autrement, take it or leave it. Les morceaux moins acérés ont souvent plusieurs couches, et ne cèdent que rarement aux sirènes du gros son (on parle plutôt de gros son Pixies Planet of Sound ou Jesus and Mary Chain, pas de gros son Muse), le tout toujours servi par la voix Stipienne (évidemment) et les thèmes récurrents de Woomble (le mal-être en général, les relations complexes, l’incertitude). Pour être tout à fait complet, on peut regretter que certains morceaux sont un peu plus pâles; de même, les paroles philosophico-existentielles peuvent paraître prétentieuses. Mais ce n’est finalement qu’un détail peu gênant.

Sans faire un Radiohead ni un Coldplay (d’ailleurs, préparez-vous à leur virage vaguement électronique), Idlewild étonne sans choquer, et réussit, pour la quatrième fois de suite à améliorer leur précédent album, ce qui n’est pas fréquent du tout. Surtout, leur discographie reste toujours éminemment écoutable dans son ensemble, selon l’état d’esprit et les exigences des auditeurs.

Kaiser Chiefs – Employment

Jeune groupe de Leeds, Kaiser Chiefs revendique ses influences sans honte, et sans déguisement. Les meilleurs moments de l’album sont directement inspirés du début de la Britpop, côé Blur, Supergrass. Les points communs avec le Blur du début sont nombreux : la voix, qui ressemble parfois à celle de Damon Albarn, l’englishness des paroles, la production de Stephen Street et le feeling positif général. Le tubesque Oh My God semble d’ailleurs avoir tiré son couplet de Modern Life Is Rubbish. Ceci dit, KC fait d’autres choses aussi : les claviers (surtout orgue) sont omniprésents, comme d’ailleurs une gros son, au niveau guitares powerchords et batterie (voir leur immense single I Predict A Riot). Mais on retrouve aussi l’influence d’autres groupes, comme dans You Can Have it All, très Super Furry Animals (Northern Lites).

Le début de l’album est donc joué à 200 à l’heure, est bien exécuté et agréable à entendre. Ensuite, le groupe tente de prouver, avec un peu moins de succès, qu’ils ont plus de substance qu’il n’y paraît (leurs morceaux évidents possèdent des similarités parfois un peu gênantes). Ca ne marche pas toujours, mais c’est un premier album, et si on se souvient, le premier Blur (Leisure, 1991) n’était pas parfait non plus. Mais il est peu probable que le groupe fera un Franz Ferdinand hors de leur pays, en effet, KC est très anglais, voire trop, exactement comme Blur à l’époque. Au niveau des paroles, par exemple, les références à la vie anglaise n’avaient plus été aussi explicites depuis Parklife, et les touches d’ironies sont évidemment très British (Everyday I Love You Less And Less) Ce qui ne les empêche pas d’avoir sorti un album plein de popsongs parfaites, d’un genre plus entendu depuis 15 ans (on pense aussi à Madness, voire à The Clash).

Employment est donc intéressant sur plusieurs points, et outre l’évidente madeleine, il est très probable que l’Angleterre va adorer, laissant une fois de plus le reste du monde derrière. Mais consolons-nous, on a Girls In Hawaii…

Black Label Society – Mafia

Sixième album en six ans pour Zakk Wylde, le guitariste attitré d’Ozzy Osbourne, et frontman de Black Label Society, groupe purement et simplement heavy metal. Pas de fioritures, juste du metal, livré par un des meilleurs guitaristes du genre (et peut-être même le meilleur depuis la tragique disparition de Dimebag Darrell), dont la voix, correcte, semble parfois imiter le maître Ozzy.

En fait, il n’y a pas grand chose à dire de cet album. C’est sans doute leur meilleur, mais les fans l’ont déjà, et les autres s’en fichent complètement. Il est bien réalisé, mais le genre est tellement limité qu’on ne peut rien trouver d’original, ni dans les morceaux heavy, ni dans les ballades très classiques (schéma Mama I’m Coming Home). Comme quoi, on peut être un excellent technicien et un songwriter moyen et très classique.

Moby – Hotel

Rappelez-vous, il y a très longtemps… La musique électronique était encore anonyme, jusqu’à ce qu’un lutin chauve new-yorkais change tout ça, établissant au passage le record du morceau le plus rapide du monde (le fameux Go). Ensuite, il a carrément eu les couilles de virer les machines pour sortir un album quasi industriel, avant de sortir encore plus d’albums électro, parfois hard, parfois ambient. Et ensuite…

Ensuite vint Play. Constuit autour de samples et de voix invitées, l’album marquait un sérieux pas en arrière au niveau créatif, mais Moby eut une idée. Il a carrément utilisé TOUS les morceaux dans des pubs et bandes originales de film, ce qui a conduit l’album a se vendre à 35 milliards d’exemplaires au moins. Moby devint une mégastar, et le pire exemple de prostitution artistique. L’album suivant, 18 était en majeure partie Play volume 2, et suivit le même chemin d’exploitation de le précédent. Il s’est vendu moins bien, mais quand même en grandes quantités. Bref, même quand Eminem se fiche de lui, on ne penserait même pas à le défendre.

Hotel tente à première vue de changer tout ça. D’abord, l’album est presque entièrement chanté par Moby, ensuite, il ne comprend aucun sample. Le résultat? Triste. Fatigant. Pénible. Moby ne chante pas mal, mais les compos sont bien trop bancales pour fonctionner. Tout est sous-quelque chose. Sous-Bowie, sous-ambient, sous-ballade, sous-pamphlet politique, et sous-reprise (l’horrible Temptation, « hommage » léthargique à New Order).

La meilleure chose qui puisse arriver est que cet album ne se vende pas, pour que Moby revienne à ce qu’il faisait de mieux, s’il veut toujours le faire. Mais comme Hotel sera utilisé pour vendre des voitures, du savon, des machines à laver et un ou deux films pourris, ce ne sera pas le cas. Tant pis.