Archives de catégorie : Chroniques

Marilyn Manson – Lest We Forget : The Best Of

Un best of ? Selon Brian Warner, alias Marilyn Manson, il faut plutôt parler de « compilation d’adieu ». Coup de pub ou pas, on verra bien, mais l’occasion est idéale pour se plonger dans la carrière d’un des artistes les plus controversés de notre époque. Le premier contact de Manson avec les médias, c’était un 96, où le groupe a clôturé les MTV Awards avec une performance inoubliable de Beautiful People où le chanteur à commencé par un speech proto-hitlérien avant de déchirer des pages de la Bible tout en hurlant… L’Amérique, évidemment, était choquée. Depuis, pas mal de choses ont changé, Manson ne cherche plus vraiment à choquer, et sa carrière touche tout doucement à sa fin…

Musicalement, le groupe incorpore plusieurs influences, du metal assez classique, du glam, de la new-wave, le tout filtré par la voix de Brian (voir le premier hit, la reprise de Sweet Dreams), mais il faut bien se rendre compte que le groupe n’aurait pas eu un tel impact sans son frontman, détesté et adulé d’égale mesure et qui se révèle être, en vrai, un gars très intelligent et sans doute assez calculateur.

Marilyn Manson a écrit une page de l’histoire musicale moderne, en défiant un establishment très très renfermé sur lui-même. Les tactiques étaient assez grossières, peu subtiles, mais ont permis d’installer une soupape de sécurité dans la société US actuelle.

Et la musique dans tout ça ? Eh bien, pas terrible, mais c’est pas vraiment ce qui importe, si ? enfin, disons juste que Lest We Forget est un très bon résumé de leur carrière du groupe, n’oublie quasi aucun morceau phare, montre l’évolution et puis le manque d’inspiration du groupe. Voilà.

Interpol – Antics

2004 est assez chargé en deuxièmes albums de cette fameuse New Rock Revolution, cette semaine lourde en sorties nous apporte Antics, des dépressifs New Yorkais d’Interpol. Interpol qui irrite parfois, surtout du à la voix très Ian Curtis du chanteur Paul Banks, mais qui peut se targuer d’un premier opus de bonne facture, d’un morceau tout à fait exceptionnel (Obstacle 1), et d’un autre repris live par R.E.M., ce qui n’est pas mal du tout.

Le point fort d’Interpol, c’est l’émotionnel. Leurs morceaux sont assez simples, généralement emmenés par deux guitares et une section rythmique compétente. Antics ne modifie pas profondément cette formule comme en témoigne le premier single Slow Hands, qui à l’avantage et le défaut de sonner comme de l’Interpol classique. Les riffs sont bons, Banks sonne très juste, les refrains sont enlevés (et rappellent justement R.E.M.) et certains morceaux sortent un peu du moule, comme l’étrangement optimiste Next Exit. Seulement, même si cet album est assez bon, il n’est pas aussi impressionnant que Turn On The Bright Light, et certainement pas assez varié. On pouvait donc attendre mieux, et même si ce qu’on a n’est pas mauvais, c’est un peu décevant. Partie remise?

Rammstein – Reise Reise

Les Allemands de Rammstein ont été découverts par le public en 1997 via un morceau éponyme présent sur l’excellente BO de Lost Highway de David Lynch. Quatre albums et un live plus tard, ils font plus souvent parler d’eux par leurs live shows controversés que par leur musique. Ceci dit, leur mix de riffmetal classique et des claviers limite tordus méritent qu’on s’y attarde, ce qui fut le cas lors de l’avant-dernier album en date, l’impressionnant Mutter. Reise Reise (pour les non-initiés, Rammstein chante quasi exclusivement en allemand) continue sur la même veine, avec quelques petites modifications, comme en ajoutant une critique anti-américaine très zeitgeist (Amerika), une voix féminine, de l’accordéon, un morceau groove et pas du tout metal (Los), et d’autres qui tendent vers le black metal. Seulement, ce n’est généralement pas très subtil, un peu limité, mais c’est le propre du genre, et il faut le dire, pour ce que c’est, c’est bien fichu. Et puis, ça permet d’élargir le spectre du rock allemand plus loin que les Scorpions ou Guano Apes… Les amateurs seront satisfaits, et pour les autres, la vie continue…

Green Day – American Idiot

Vétérans de la scène punk californienne, Green Day revient quatre ans après Warning, dont on pensait qu’il avait poussé le groupe au paroxysme de leur variété musicale étonnante pour un groupe punk. Warning avait enchanté les critiques et divisé les fans, que dire alors d’American Idiot.

Conçu comme un rock opera dans la veine de Tommy ou The Wall, l’album est étonnant et vraiment extraordinaire, mais est tellement varié et original qu’il va sans aucun doute en désarçonner plus d’un. L’histoire est centrée autour de deux personnages, Jesus of Suburbia alias Saint Jimmy et Whatsername et décrit précisément la médiocrité suburbaine de l’Amérique d’aujourd’hui, qui a causé sa déchéance politique et morale.

Pour faire passer un tel message, le groupe a choisi un long morceau de musique d’une heure (quasi sans interruption), divisé en 21 extraits (pensez face B d’Abbey Road) très variés. On y retrouve le punk sans concession de leurs débuts (Letterbomb, American Idiot, Holiday), des morceaux plus acoustiques (Boulevard of Broken Dreams), et une instrumentation très diverse, qui s’éloigne de leur style carré (3 musiciens) : le slide splendide de Give Me Novocaine, des chœurs très surf, et quelques mécaniques de comédie musicale (rassurez-vous quand même, rien de bien grave). Le tout atteint son paroxysme sur Jesus of Suburbia et Homecoming, deux collages de 9 minutes particulièrement impressionnants. Mais tous les morceaux valent la peine.

Le résultat, contre toute attente, est époustouflant. L’histoire tient la route, et la musique est la meilleure que Green Day n’aie jamais composé. L’album s’écoute si possible d’une traite, mais prendre certains morceaux individuellement est possible aussi (même si les paroles risquent d’être incomprises). Et tout ça agrémenté d’une critique politique d’essence très punk.

The Music – Welcome To The North

Whoa. C’est le premier mot qui vient à l’esprit lors de l’écoute de cet album. Et il revient très souvent. The Music, jeune groupe anglais (forcément) avait déjà fait parler d’eux pour plusieurs raisons, leur arrogance typique, leur nom, leurs performances live et quand même un premier album percutant et étonnant, sorte de Stone Roses post-Chemical Brothers (mais entièrement joué sans électro). On attendait évidemment un flop de second album, si nombreux ces derniers mois. Eh bien absolument pas.

C’est aussi simple que ça, cet album est phénoménal. Les références précédents sont toujours çà, mais les morceaux ont acquis une dimension nouvelle et énorme. Le destin de The Music va immanquablement passer par des stade plein à craquer, des écrans géants et des gros citrons. Le premier single Freedom Fighters est le riff que Jimmy Page n’a pas eu le temps d’écrire, Bleed From Within ridiculise ces pauvres richards new-yorkais qui veulent faire « danser », Cessation donne la nausée tellement que le rythme est élevé, la ballade Fight The Feeling est carrément innovante et l’instrumental caché qui clôture l’album est le rêve de tout musicien, commençant comme Mogwai et incorporant 50 ans de rock en moins de 6 minutes.

Les refrains forcent les fenêtres à s’ouvrir, le chanteur Robert Harvey synthétise Perry Farrell et Bono tout en apportant son propre style, les riffs d’Adam Nutter sont les plus tranchants depuis les débuts de Tom Morello et la section rythmique inspirera des centaines de petits producteurs house médiocre. Détonnant, original, impressionnant et virtuellement parfait. Admirable.