Archives de catégorie : Chroniques

Stone Temple Pilots – Stone Temple Pilots

Bon, on est à plus de la moitié de l’année, les sorties se font plutôt rares, et ma pile virtuelle de trucs à écrire, elle, ne diminue pas. Il faut donc que je parle des Stone Temple Pilots, d’abord parce que c’est un groupe que j’ai l’habitude de suivre depuis des années, et aussi parce qu’on me l’a demandé sur Facebook. Les Pilots s’étaient séparés il y a quelques années, suite aux frasques incessantes du chanteur Scott Weiland. Les trois musiciens ont formé l’assez médiocre Army of Anyone avec Robert Patrick, alors que Weiland s’acoquinait avec les ex-Guns dans Velver Revolver. L’histoire se répétant souvent, Weiland s’est fait virer, les STP restants l’ont repris parce qu’il faut bien manger, quand même. Cet album sans titre est leur sixième, et même si on n’en attendait pas grand chose, on pouvait quand même avoir un petit espoir de brillance de la part d’artistes qui en ont parfois eu un peu quand même.

Bilan : gros bof. Le single, premier morceau et seul futur classique du groupe sonne daté, emprunte méchamment à Nirvana (un comble, quand on sait que les Pilots furent ridiculisés au début de leur carrière parce qu’ils sonnaient plus Vedder que Pearl Jam) et compte des paroles totalement abyssales, même pour Weiland : « you were always my favorite drug / even when we used to take drugs ». Et c’est le refrain. La suite est généralement peu inspirée, malgré un Weiland qui fait quand même quelques efforts, qu’on mettra sur le compte de boissons énergisantes et d’auto-tune. Le reste du groupe tient la baraque sans génie, mais bon, ils n’en ont jamais vraiment eu, de génie. L’album est relativement varié, et est assez éloigné des débuts grunge du groupe, allant parfois vers le glam ou le « hard rock » classiquement vulgaire (Huckleberry Crumble, Peacoat) qui aide à expliquer pourquoi ils ont tourné avec Aerosmith cet été. Ailleurs, Weiland prend des accents bizarres (Johnny Rotten sur Hickory Dichotomy), mais cela frôle juste le ridicule, en fait. Enfin, les évidentes ballades (First Kiss On Mars étant un peu meilleure que son titre) n’arrivent pas vraiment à faire décoller un album inutile d’un groupe que personne ne regrettait vraiment, et qui ne laisse aucune doute sur ses véritables motivations, Weiland n’a même pas enregistré avec les autres membres.

Mais il ne faut pas exagérer non plus, le paysage musical contemporain compte suffisamment de médiocrité comme ça, cet album n’est pas mauvais. Cinnamon est une chouette chanson d’été, aussi vite appréciée qu’oubliée, et les frangins DeLeo savent toujours écrire des mélodies sympas, comme Hazy Daze ou le Beatlesque Dare If You Dare. Mais l’album est finalement plombé par une certaine lourdeur, des solos de guitares trop appuyés à un chanteur omniprésent, cherchant en vain une gloire passée. Juste un album de plus…

Blip.fm : Hickory Dichotomy, Cinnamon, Between The Lines

Cypress Hill – Rise Up

Il aura fallu bien longtemps pour que Cypress Hill sorte la suite de Till Death Do Us Part, notamment à cause de problèmes de contrats. Six ans et quelques tonnes de marijuana plus tard, le quatuor californien, le groupe hip-hop le plus apprécié du monde rock, revient avec un Rise Up justement censé plaire à ce public élargi qui fait la particularité de Cypress Hill, toujours très à l’aise en festival rock, voire metal.

Autant le dire directement : ça ne marche pas à chaque fois. Niveau strictly hip-hop, c’est franchement limite. Muggs, qui est quand même un des hall of famers de l’histoire du hip-hop, quand une telle chose existera, ne produit que deux morceaux sur tout l’album, et n’accompagne même pas le groupe en tournée. De plus, les deux morceaux en question (Pass That Dutch et Take My Pain avec le fidèle Everlast) sont largement les deux meilleurs cuts hip-hop de l’album, nous faisant regretter sa faible participation. Pour les crossovers, les californiens se sont lancé dans le latino, avec le très médiocre Armada Latina. Mauvaise idée, comme le trip reggae d’il y a quelques années.

Niveau rock, les invités sont de marque. D’abord, Tom Morello, pour deux morceaux dont le single Rise Up. Sympa, guitare impeccable, mais cela sonne quand même toujours comme un Rage light, mais hey, c’est pas le dernier Lil Wayne non plus. Mike Shinoda vient nous rappeler que Linkin Park nous revient en septembre, avec une ballade pourrie et un refrain sirupeux à souhait. Enfin, Daron Malakian a la très bonne idée de ne pas chanter, et d’envoyer quelques bons riffs à la SOAD. Ok, mais il manque quand même le grain de folie de Serj.

Bilan mitigé, mais d’un autre côté, Cypress Hill n’a plus vraiment besoin de révolutionner le genre, ils l’ont déjà fait. On peut toutefois se demander ce qu’il va advenir d’un groupe apparemment amputé de sa principale force créatrice, et qui sort un album plutôt porté par ses invités. Rise Up apporte en tout cas quelques morceaux supplémentaires à la légende d’un des plus grands groupes de hip-hop de tous les temps, et un des plus fédérateurs.

Slash – Slash

Parfois, je me surprends à manquer de curiosité, à ne plus tenter de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux artistes comme je pouvais le faire auparavant. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas parce que 2010 manque de nouveaux artistes : une preuve irréfutable est cet album, le premier d’un guitariste anglais prometteur, Saul Hudson, qui a adopté l’amusant sobriquet de Slash. Trève de plaisanterie même pas drôle, Slash est effectivement son premier album solo, après quelques Guns ‘N Roses, Slash’s Snakepit et Velvet Revolver. Slash a choisi une approche similaire à Tony Iommi il y a quelques années : inviter un vocaliste différent pour chaque morceau, et sans doute espérer que cela marche aussi bien. Le résultat est mitigé, et l’album ressemble plus à un compile qu’à quelque chose de cohérent, mais il faut être honnête : c’était sans doute le but.

Slash sait que c’est son album. Il profite autant que possible de ne pas avoir un chanteur à l’égo surdimensionné qui lui pique la vedette. Ian Astbury (The Cult) ouvre l’album assez joliment, mais c’est l’évidente Les Paul du chevelu qui est la star ici, surtout qu’elle est carrément double-trackée. Histoire qu’on ne la loupe pas. Tant qu’on parle de trucs de studio, le morceau suivant est chanté par Ozzy. Et c’est là qu’on se rend compte que l’auto-tune a été inventé pour Ozzy. Sauf qu’il est tellement à la masse ces jours-ci qu’il a probablement fallu mettre les réglages très haut, et qu’il ne sonne plus du tout comme un être humain. D’un autre côté… Si quelqu’un a osé écouter son dernier album solo, qu’il me dise si c’est un peu plus écoutable.

La suite n’améliore pas vraiment les affaires : on a probablement dit à Slash qu’il fallait du jeune, et Astbury, Ozzy et les vioques de la suite, c’est pas top. Alors, on a fait venir Fergie. Si, la fille au visage bizarre des Black Eyed Peas. Fergie hurle. Elle doit être sous stéroïdes, ou sur je ne sais pas quoi que Lance Armstrong a pris pendant des années, mais elle fait vraiment peur. Slash, quant à lui, semble jouer avec un killswitch. Si. Je me demande s’il va troquer son légendaire chapeau pour un seau KFC. Myles Kennedy prend la relève, il est le chanteur de Alter Bridge. Grand groupe, Alter Bridge : c’est Creed, mais sans le chanteur Scott Stapp, encore un mec à l’égo surdimensionné, tiens. Kennedy est un pote de Slash : il lui offre deux morceaux ici, est son chanteur de tournée et sera probablement dans la future version de Velvet Revolver. Il chante comme Chris Cornell, en fait, mais le Chris Cornell qui savait chanter, évidemment.

Parce que l’autre Chris Cornell, celui de maintenant, il est ici aussi, à s’exploser les poumons dans une powerballad médiocre qui ressemble vaguement à un thème de James Bond. Déjà vu, déjà vu… Malheureusement, Slash semble avoir choisi les vocalistes les plus horripilants possibles : on retrouve aussi Andrew Stockdale (Wolfmother) dans un évident numéro de mimétisme robertplantien, et Kid Rock (KID ROCK!), dont les 15 minutes de « gloire » sont passées depuis bien longtemps. Last but not least : le type de Maroon 5. Vraiment.

Alors, totalement à chier? Non, en fait, parce que bizarrement, la seconde moitié de l’album a quelques bons moments. Le final, d’abord : Rocco DeLuca (moi non plus, mais tant mieux) apporte un morceau carrément flamenco, qui change avec le ton général très rock à bières et bikers, et Iggy Pop finit en racontant évidemment n’importe quoi. Le meilleur chanteur de l’album? Terrible à dire, mais c’est Lemmy. Gros, très gros morceau rock ‘n roll, on regrettera juste un peu la production trop léchée par rapport à Motörhead, mais vu le reste de l’album, on ne va pas se plaindre. Mais le meilleur morceau de l’album est peut-être Watch This, un instrumental (ben tiens) rehaussé par la présence de Duff McKagan et Dave Grohl. Aucune tentative de faire du show, juste faire du rock. Ca marche, et c’est très bon.

On pourrait encore parler des tonnes de bonus tracks sorties sur la dizaine d’éditions différentes, mais vu que le morceau le plus remarquable est une reprise de Paradise City avec Cypress Hill et Fergie, il vaut mieux pas. Slash est un album peut-être décevant, mais la nature même d’une telle superproduction devait décevoir. Tony Iommi, évoqué plus haut, avait eu le bon goût de ne pas faire appel à des superstars, mais à d’excellents vocalistes (Anselmo, Steele, Rolllins, déjà Astbury et un encore vaguement fringuant Osbourne), pour un résultat optimal. Ici, c’est un peu comme un film de Michael Bay : ça explose dans tout les sens, mais ça finit bien vite par écoeurer.

Blip.fm : Watch This, Doctor Alibi, Beautiful Dangerous

Far – At Night We Live

De toutes les histoires de reformations récentes de groupes des 90s, celle de Far est une des plus étonnantes. Far, voyez-vous, est ce qu’on appelle un groupe culte : un groupe qui a influencé des tonnes d’artistes qui ont, eux, vendu des disques. Articulé autour du tandem Jonah Matranga (voix) – Shaun Lopez (guitare), le quatuor fit partie de la scène de Sacramento d’où sont notamment issus Deftones. Leur album de 1998, Water and Solutions, a failli leur offrir un succès commercial mérité, mais les dissensions internes finirent par avoir raison du groupe, qui était censé rester à jamais dans la catégorie namedrop (par Jimmy Eat World, Blink-182, et plus ou moins n’importe qui a un jour porté l’étiquette emocore).

Depuis, les quatre membres vivaient d’autres aventures, musicales ou non, jusqu’au jour où une idée de reformation éphémère vint à l’esprit de Matranga. Quelques dates anglaises ont été bookées, et le groupe s’amusa en studio avec une reprise du hit RnB graveleux de Ginuwine, Pony. Et c’est là que les prévisions dépassèrent toute espérance. Pony (présent ici en piste cachée) devint un hit majeur sur les radios rock US, le genre de hit qui a toujours manqué à Far. De fil en aiguille, au fur et à mesure d’e-mails echangés par Matranga et Lopez, une idée germa : et si le comeback était assorti d’un nouvel album, douze ans après Water and Solutions? Voici le résultat, At Night We Live. Continuer la lecture de Far – At Night We Live

Hole – Nobody’s Daughter

Dans le courant de l’année dernière, des morceaux inédits de Courtney Love se sont retrouvés sur internet. Il s’agissait d’une version quasi terminée de Nobody’s Daughter, le second album solo de Courtney Love, sous forte influence Dylanienne. Les morceaux étaient étonnants, généralement simples et majoritairement acoustiques. Mais surtout, ils étaient bien meilleurs que ce que l’on aurait pu attendre. Malheureusement, Courtney, ou son label, ou son styliste, n’était pas content du tout que ces morceaux se soient retrouvés à l’air libre, et les a directement qualifiés de démos sans rapport avec la version finale de l’album. Une de ces deux affirmations est vraie. Ce n’était absolument pas des démos, mais la version commerciale de Nobody’s Daughter est loin, bien de loin du niveau de ces morceaux.

De plus, pour une raison imbécile et commerciale, Love sort Nobody’s Daughter sous le nom de Hole, qui fut son groupe des années 90. Pourquoi pas? Oui, sauf que Courtney est le seul membre de Hole qui reste dans le groupe : elle n’a carrément pas demandé l’avis d’Eric Erlandson, Patty Schemel, Samantha Maloney ou Melissa Auf der Maur, quelques un de ses anciens compagnons. Elle les a remplacé par des musiciens inconnus, et trouvé une nouvelle muse : Micko Larkin, 23 ans, anglais et guitariste de Larrikin Love (moi non plus).

Tout était donc réuni pour un bon gros album pourri, et une nouvelle preuve que les nineties, aussi chouettes furent-elles, gagneraient à ce qu’on leur foutent la paix. Et c’est vrai qu’une bonne part de Nobody’s Daughter ne vaut pas grand chose. Nouvelle déception dès le début : le morceau-titre est totalement différent de la fuite, seul le nom reste. Comme premier morceau, il est très mal choisi : il se traîne, est trop long, trop produit (Michael Beinhorn, le Michael Bay de la production rock) et montre une Love déjà à bout de souffle, qui recherche doublement l’inspiration. Larkin a co-écrit le morceau, et est peut-être un gentil garçon, mais ne semble pas être spécialement talentueux. Il tente d’évoquer le Billy Corgan co-compositeur de Celebrity Skin pour le second morceau et premier single, Skinny Little Bitch, mais n’arrive qu’à pondre un riff assez ridicule. Mais pas autant que Love, dont les inflexions vocales sont franchement embarrassantes.

Pacific Coast Highway, une des meilleures fuites, relève largement le niveau, même si, il faut en convenir, ce n’était pas difficile. C’est aussi le premier morceau co-écrit par Billy Corgan, et même si, comme beaucoup de monde, je trouve que Corgan s’est méchamment paumé depuis, oh, dix ans, il est toujours capable d’écrire de très chouettes trucs. Même si, vu la genèse de cet album, ses compos doivent déjà avoir quelques années. Pacific Coast Highway est un peu le cousin moins séduisant de Malibu, et donne à Micko Larkin l’occasion de faire un solo de guitare. Il n’aurait pas du. Corgan co-écrit également Samantha, classique post-grunge perdu à tiroirs assez bien foutu, il faut le souligner.

Cela ne durera pas, car la seconde moitié de l’album appartient à Linda Perry. Linda Perry, ex-4 Non Blondes et responsable de quelques scies radio carrément offensives, comme le Beautiful de Christina Aguilera. Perry a commis Someone Else’s Bed, probablement pour les radios « adultes » US, For Once In Your Live, où elle offre à Love la possibilité de chanter « look what I can do » avec la voix d’une vieille perverse qui relève sa jupe devant des gamins jouant au basket dans un parc jonché de capotes usagées et de seringues sanguinolentes, et, encore pire, Letter To God. Ben oui, Courtney prend de l’âge, s’interroge sur sa vie et donc, écrit à Dieu. « I never wanted to be the person you see, Can you tell me who I am », ou pire « I always wanted to die ». Vu l’historique de la dame, elle aurait peut-être gagné à s’abstenir.

On se faisait tellement chier qu’on oubliait presque que Courtney pouvait encore faire un peu de rock, Loser Dust le rappelle. Mais devinez qui l’a écrit, Corgan ou Perry? Le dernier morceau de l’album est carrément co-écrit par Corgan ET Perry, il est donc facile de séparer les passages emmerdants des autres. Mais si on est arrivé à ce moment de l’album, on n’a plus vraiment grand chose à espérer, si ce n’est la fin. Pourtant, on a partiellement tort, car le morceau bonus (?) est carrément touché par la grâce : Never Go Hungry est le seul de l’album entièrement écrit par Love. Il est aussi le seul à ne pas être surjoué et surproduit : guitare acoustique et voix, c’est tout. Lorsque le morceau se conclut, on a retrouvé la Courtney Love de Doll Parts. Elle criait « I wanna be the girl with the most cake », maintenant c’est « I’ll never go hungry again ». Love était rageuse, puissante, énervée, exactement ce qu’elle est censée être, une force de la nature. Maintenant, elle ne l’est que très épisodiquement, préférant se ridiculiser sur scène et en dehors, écrire avec des compositeurs aussi rock ‘n roll que Susan Boyle et secouer quelques cadavres qui ne demandent que le repos éternel.

A l’écoute des « démos » et de Never Go Hungry, il apparaît clairement que la direction Hole 2.0 de Nobody’s Daughter était une grosse erreur. Love aurait du se replier sur elle-même et sortir la version originale de l’album, sans groupe minable et ballades FM. Mais elle ne pouvait/voulait probablement pas le faire. Il reste peut-être encore de l’espoir pour Courtney, qui reste une interprète et compositeur de talent (les accusations que Cobain aurait écrit Live Through This n’ont jamais été confirmées), mais on peut difficilement encore y croire.