Archives de catégorie : Chroniques
The Horrors – Primary Colours
A Place To Bury Strangers – Exploding Head
The XX – XX

Clavier, guitare, basse et boîte à rythme, rien d’extraordinaire à première vue, mais ce qui rend The XX très spécial, c’est la manière dont ils s’en servent. La production (faite maison) se caractérise par une grande économie sonore, laissant la part belle aux arpèges et atmosphères, au silence et à l’ambiance. Les morceaux peuvent ainsi se dérouler lentement, insidieusement, jusqu’à ce que la voix soyeuse, légèrement éraillée de Romy Madley Croft ne provoque une autre surprise. Croft n’est pas une grande chanteuse, elle n’a pas vraiment de technique vocale, mais sa voix est simplement parfaite, et s’insère parfaitement dans les morceaux. De plus, elle est se complète par la voix du bassiste Oliver Sim qui, lui, ne sait pas chanter du tout. Et pourtant, ça marche, son détachement vocal apportant un contrepoids parfait à la sensualité extrême de Croft (« Can I make it better with the lights turned on? »).
Islands, VCR, Crystalised pourraient tous être des tubes discrets, fondus dans un moule étonnant de précision, de beats chirurgicaux et de basse/guitare apportant une touche organique bienvenue. C’est dans les détails qu’on trouve les plus grands albums, et on trouve quelques exemples fabuleux. L’intro de Crystalised, étonnante de variété et de précision, qui semble s’arrêter pour laisser la place aux deux voix, avant de repartir, d’offrir un refrain très catchy et de se terminer par une variation de vitesse parfaitement maîtrisée (« go slow »). Heart Skipped A Beat voit les deux vocalistes se répondre « sometimes I still need you », alors que sur Infinity, ils s’échangent un déchirant « Give it up – I can’t give it up ». Et que dire du beat d’Islands, digne des meilleurs productions RnB du début de la décade, quand Timbaland était intéressant, et que Kayne West n’existait pas.
Alors, oui, le tempo des morceaux est peut-être similaire, et les voix peuvent rebuter. De même, deux ou trois morceaux sont un peu en deça du reste. Le minimalisme est aussi assez étonnant, mais il est difficile de ne pas être admiratif devant un album peu inspiré par ce qui s’écoute de nos jours, et surtout entièrement réalisé par quatre anglais d’une vingtaine d’années, qui ont quelques belles années devant eux, s’ils arrivent à gérer la pression qui a déjà eu raison d’un de leurs membres. Quoi qu’il arrive, XX restera un excellent album, surprenant et fabuleusement rafraîchissant.
Them Crooked Vultures – Them Crooked Vultures

Les premiers morceaux de l’album sont relativement classiques, emmenés par des riffs énormes, notamment celui (ou ceux) de Dead End Friends. Combien de musiciens vendraient leur carrière pour ce que Homme est capable de faire les yeux bandés, en dormant. Josh Homme est le personnage le plus important de cette décade de rock, avec Jack White. Mais au fur et à mesure que l’album (et les morceaux) avancent, le tout devient plus complexe. Personne ne fait d’égotrip en envoyant un interminable solo de basse/batterie, mais au contraire, l’expérience et le talent des musiciens permettent de faire évoluer les mélodies dans des recoins insoupçonnés. Elephants le montre parfaitement, avec plus d’idées en 7 minutes que dans la plupart des albums de la décennie presque écoulée.
C’est d’ailleurs dans ce foisonnement d’idées qu’on pourrait – pourrait – trouver des reproches à l’album. Parfois, on a l’impression d’écouter trois gars qui font plus ou moins ce qu’ils veulent, et des morceaux peuvent donner l’impression d’aller nulle part. Question de point de vue, tout dépend de ce que l’on recherche quand on l’écoute, ce n’est pas Weezer, non plus. Homme, par exemple, varie nettement plus sa voix que d’habitude, chantant parfois très haut (le phénoménal Scumbag Blues) ou tellement bas qu’on jurerait entendre Mark Lanegan (Bandoliers, qui l’est tout autant). De même, alors que Homme et Grohl se cantonnent à leurs instruments de prédilection, Jones utilise plus ou moins tout ce qui passe devant lui, mandoline, claviers (Scumbag Blues, encore), slide, voire une sorte de keytar étrange alliant slide et kaoss pad. L’élément de folie du groupe est un mec de 63 ans.
Le groupe se fait donc plaisir, et heureusement, nous fait plaisir aussi. Bandoliers, un des tout grands moments de l’album, commence par un riff tellement évident qu’on croit l’avoir déjà entendu mille fois, avant que Jones ne domine le morceau avec une instrumentation vaguement Europe de l’Est, et carrément bizarre. C’est seulement maintenant que Them Crooked Vultures devient carrément étrange. Reptiles et sa slide guitar, mais surtout Interlude With Ludes, qui semble n’avoir aucun autre but que de faire un peu n’importe quoi. Pour une raison indescriptible, ça marche. Enfin, le quatuor final mérite toute notre attention.
Warsaw or the First Breath After You Give Up est un mégalithe de huit minutes à la rythmique imparable, marqué par un crescendo fantastique de Grohl et Jones, accompagné par la guitare de Homme, montrant que, malgré l’étiquette évident de supergroupe, TCV est vraiment un groupe (qui pense d’ailleurs déjà au second album) qui fonctionne comme tel. Ses membres sont juste plus expérimentés et talentueux que la moyenne, et surtout, ils n’ont pas d’objectif commercial pour un album qui, de toute façon, se vendra bien grâce à leur réputation. Le coquin Caligulove (Caligulove!) emmène encore plus l’album du côté de la folie, avec un solo de synthé assez dingue de JPJ. Gunman ne fait qu’enfoncer le clou, étant un morceau carrément dance, avec la voix de Homme trempée de reverb, et Grohl qui se prend pour une boîte à rythme technoïde. enfin, Spinning In Daffodils conclut l’album de manière intense et époustouflante de maîtrise.