C’est qu’il s’accroche,le ptit Brian. Après trois albums en demi-teinte (pour être gentil), il n’a toujours pas décidé de raccrocher. Mieux (?), il a viré le batteur pour prendre une sorte de Travis Barker blond, et s’est apparemment payé quelques implants capillaires. Et il est heureux, Brian. Battle for the Sun est leur album « heureux », c’est en tout cas ce qu’il raconte dans chaque interview. Cela semble terriblement stéréotypé, mais voilà encore quelqu’un qui était nettement meilleur quand il ne l’était pas, heureux. Battle for the Sun continue la lente pente descendante commencée avec Black Market Music sans être spécialement pire que les deux précédents (ou peut-être bien que si, je ne m’en souviens plus). Quoi de nouveau? Moins de guitares acérées, plus de synthés qui sonnent parfois sympathiquement comme une vieille Nintendo. Des refrains « infectieux » (ce qui est censé être bien, mais personne n’a envie de se choper la grippe molkienne), comme celui, en espagnol, d’Ashtray Heart et parfois un peu d’originalité, comme le sombre rythme de Battle for the Sun, qui fait penser (un tout petit peu, au début) à Pure Morning. A part ça, tout est oublié après une écoute, et c’est bien dommage. Mais qui a encore envie d’entendre Molko ruminer dans son nez des mauvaises rimes à la killer/lover/brother? On sauvera peut-être du lot le single For What It’s Worth, single assez décent et le dancepunk 2002 Breath Underwater. Mais sinon, le groupe est bien loin de celui qui a produit Without You I’m Nothing, où la voix, déjà énervante, de Molko était sauvée par des compos excellentes et une énergie stupéfiante. Maintenant, c’est juste un vieux groupe de cons ramollis.
Le défi du jour : parler du nouvel album de Green Day sans avoir l’air d’un vieux con. Parce que, voyez-vous, je me rappelle de l’époque où Basket Case passait sur MTV (et donc, de l’époque où MTV diffusait de la musique). En conséquence, je suis plutôt un amateur de la première période, vu que Green Day est un des rares groupes a avoir réussi à avoir deux groupes de fans de tranches d’âges différentes, grâce au carton d’American Idiot, il y a cinq ans. J’avais d’ailleurs été enthousiasmé par ce retour percutant, alliant relevance politique à un renouvellement musical, même si l’album devenait fatigant au fil des écoutes. Maintenant adoubé dans le clan fermé des immmmenses groupes de stade (avec U2 et Coldplay, sans doute les seuls groupes mainstream pouvant rivaliser), Green Day pouvait se permettre aussi de sortir une grosse merde et la vendre par millions. Et voilà, c’est fait. Grosse merde, non, c’est quand même exagéré. Mais 21st Century Breakdown est très, très faible. Divisé en trois actes, l’album ressemble en effet à une comédie musicale, centré sur les personnages de Gloria et Christian (sic). Donc, la majorité des morceaux commencent calmement, piano, guitare acoustique, mais après, bam, pause dramatique et on a droit à un peu de bruit. Oh, rien de bien terrible non plus, juste assez pour faire sauter des ados sur leur matelas. Comme en 95, ok, mais en nettement moins bien. Le premier acte est comme ça, intro longues et ennuyeuses et le single Know Your Enemy, qui a au moins le mérite d’être assez catchy. Il suffit d’écouter Before The Lobotomy pour réaliser : « dreamiiiiing, I was only dreamiiiing ». West Side Story power. La seconde moitié est tellement percutante qu’on n’y retient rien, juste plus de ballades que d’habitude. La troisième comprend quand même deux chouettes morceaux : Horseshoes And Handgrenades, totalement pompé sur The Hives (tout l’album, y compris la pochette, est méchamment sous influence) et American Eulogy, double morceau sans aucun doute le meilleur du lot. 21 Guns est super marrant, ceci dit, avec BJ qui essaie de chanter dans les aigus. Une grosse et bête ballade finit un album trop long, trop lourd, peu mémorable et qui dont il est fort difficile de trouver qu’il n’est pas le moins bon album du groupe. Mais ça va se vendre…
L’histoire des Manic Street Preachers est une des plus troublées du rock contemporain (on y reviendra dans quelques jours/semaines, d’ailleurs), la disparition de Richey Edwards en 1995 étant l’étape la plus tragique. Presque quinze ans et cinq albums plus tard, les trois membres restants ont choisi de sortir un album construit autour de ses paroles et enregistrés par le producteur préféré d’Edwards, Steve Albini.Très vite, un parallèle est fait entre cet album et The Holy Bible, chef d’oeuvre du groupe (et un des albums les plus fascinants de tous les temps) aux paroles très personnelles écrites par Edwards, et à l’ambiance phénoménalement étouffante (et une autre peinture de Jenny Saville en pochette). ll n’en est rien. On trouvera juste quelques points communs, dont (forcément) un usage similaire d’une certaine imagerie, ou quelques lignes de basse. Mais Journal for Plague Lovers est un album différent, ce qui ne l’empêche pas d’être sans problème le meilleur album des Manics depuis plus de dix ans. Peeled Apples, pour troubler les pistes, commence par un élement très Holy Bible : le sample d’un film, en l’occurence l’extraordinaire The Machinist, avec un Christian Bale dont on dit que le personnage ressemblait fort à Edwards, qui était atteint d’anorexie sévère. Ensuite, une basse pouvant faire penser à Archives of Pain ou Of Walking Abortion, mais ce sera tout : les paroles d’Edwards (ici et ailleurs) sont moins sombres, parfois d’ailleurs teintées d’humour, et musicalement, l’album est plus aéré. Reste qu’il faut quasi toujours avoir les paroles devant les yeux : comme avant, James Dean Bradfield et Sean Moore ont du écrire la musique autour de textes indépendants. Mais même à ce point de vue là, on est loin de Yes ou ifwhiteamericawouldtellthetruthforonedayit’sworldwouldfallapart. Il a quand même fallu du temps pour que je comprenne que le morceau ne commençait pas par « The Morrissey, the less ice cream », hélas. On retrouvera plus loin des références à Noam Chomsky (écrites il y a 15 ans et plus, rappelez-vous) et une phrase typiquement Edwardsienne : « The Levi jeans will always be stronger than the uzi ». Bon, et Peeled Apples ressemble aussi à Temptation de Heaven 17. Mais pas à Satriani.En parlant d’humour et de textes, que dire de Jackie Collins Existential Question Time, et sa question introductive (« If a married man fucks a Catholic and his wife dies without knowing, does it make him unfaithful? »), suivie d’un refrain très infectieux : »Oh Mommy what’s a sex pistol? ». La guitare de Bradfield fait merveille, et les comparaisons initiales avec Holy Bible sont maintenant dissipées : on peut simplement écouter l’album pour ce qu’il est. Le trio d’intro se termine avec Me & Stephen Hawking, et un couplet sur du lait transgénique contenant des protéines humaines. Ok, mais le morceau est top, malgré un refrain un peu anti-climactique. On avait presque oublié à quel point ce groupe peut être bon. Autre point positif de l’album : la moitié des morceaux fait moins de trois minutes, et ne se perd donc pas en chemin.La première moitié de l’album reste dans la même veine, alliant fulgurances textuelles avec des morceaux bien foutus et surtout pleins de vie : pour la première fois depuis longtemps, on n’a plus l’impression d’entendre trois vieux types, certes talentueux, mais qui sortent des albums comme on visse des portes de bagnoles chez Opel. Ou plutôt Vauxhall. Cet album à une âme.Pour revenir à Steve Albini, il a exactement fait ce qu’on attend de lui : un enregistrement très sec, très live, mais pas spécialement proche de In Utero, comme Edwards le voulait : les Manics ne sont simplement pas Nirvana, pour un bien et pour un mal. Ce qui n’empêche pas She Bathed Herself in a Bath of Bleach d’avoir une sorte d’esprit Nirvana, tout en disto crapuleuse à la Rape Me, et en batterie claquante, Sean Moore étant une fois de plus l’arme plus vraiment secrète du groupe. Facing Page : Top Left introduit une harpe, qui rappelle évidemment la ballade (écrite par Edwards) d’Everything Must Go, Small Black Flowers That Grow In The Sky. Elle est tout aussi jolie, et bénéficie d’une refrain à la consonnance fabuleuse : « This beauty here dipping neophobia », allez y, chantez pour voir. La seconde moitié de l’album est sans doute moins puissante : Marlon JD parle de Brando (mais personne ne sait ce que JD veut dire), et est écrite par le bassiste et habituel lyriciste, Nicky Wire. Wire s’améliore clairement en tant que compositeur, mais le morceau n’a pas trop le niveau des précédents, sans doute à cause d’une prestation vocale en demi-teinte (ou plutôt d’un effet vocal douteux) et d’une boîte à rythme incongrue. Mais chouette guitare, une fois de plus. Doors Slowly Closing et All Is Vanity sont les deux derniers grands morceaux de l’album, le premier avec une ligne mélodique rare mais superbe, une ambiance générale assez lourde et un extrait adéquat de Virgin Suicides ; alors que All Is Vanity donne dans la reverb, riff mécanique et énorme refrain. Finalement, ces deux morceaux ne sont pas si loin de Holy Bible, il faut le reconnaître.La fin de l’album est un peu bâclée, avec les dispensables Pretention/Repulsion (et son refrain étrange, « BORN.A.GRAPHIC VS PORNOGRAPHIC ») et Virginia State Epileptic Colony (early REM). La grande curiosité est pour la toute fin : William’s Last Words sonne nécessairement comme une note de suicide (« I’m really tired, I’d like to go to sleep and wake up happy »), mais ce n’est apparemment pas le cas. On réservera la réponse jusqu’au jour où Richey Edwards reviendra parmi nous comme si de rien n’était… Nicky Wire chante ce dernier morceau, mais comme tout le monde sait qu’il ne sait pas chanter du tout, il évoque un autre non-chanteur, Lou Reed et s’en sort plutôt bien. Une chouette ballade avec juste ce qu’il faut d’émotion.Comme souvent, les Manics ont ajouté un morceau caché. Cette fois, il est totalement indispensable, car Bag Lady est peut-être le meilleur morceau de l’album, avec un riff glacialement effrayant. Pourquoi n’est-il pas sur l’album? Parce que là, aucun doute, on est clairement en plein Holy Bible. Attention : il n’est pas disponible sur la version spéciale limitée ni sur le vinyl (ce qui est assez scandaleux d’ailleurs).Les comparaisons inévitables n’étant que rarement justifiées, Journal for Plague Lovers doit vraiment être considéré comme un album à part, et pas comme une suite de quoi que ce soit. Les Manics ont traversé un long désert (et comme je le disais en intro, on en reparlera) avec des albums en demi-teinte, mais déjà, Send Away The Tigers (2007) était source d’espoir. Maintenant, on a retrouvé un groupe motivé, il ne reste plus qu’espérer que même sans les textes et l’inspiration de Richey Edwards, ils arriveront à continuer à progresser, et à sortir un prochain album studio (le dixième!) qui vaudra aussi le déplacement. C’est tout le mal qu’on souhait à un groupe qui n’a jamais cessé d’être passionnant.
Ben Harper, c’est une sorte de passe-partout. Festivals rock, world music, plus ou moins indé/commercial/enfumé, il convient partout. Et c’est justement là le problème, le Benny, il commençait sérieusement à s’embourgeoiser, à force de faire plus ou moins la même chose aux mêmes endroits. Alors, il a viré ses Innocent Criminals (enfin, gentiment, parce que s’il se prenait une baffe de son ex-bassiste, il partait rejoindre Bob Marley direct) pour former un nouveau groupe, apparemment plus carré. C’est bien, non?
Non. Ouais, White Lies For Dark Times est effectivement plus énervé que Lifeline (qui était un album acoustique, de toute façon, au demeurant très sympathique. Mou, mais sympa. Ca vous rappelle quelqu’un?), mais malheureusement, les bonnes intentions sont vite diluées dans un mélange insipide de funk, soul et rock. Pourtant, cela commence pas mal du tout, avec les excellents Up To You Now (un cadeau-surprise à celui/celle qui me dit sur quoi l’intro est pompée, plus moyen de m’en souvenir) et Shimmer And Shine, qui prouvent au moins que Harper sait toujours s’entourer d’une section rythmique impeccable. Dommage que le tempo reste trop souvent le même.
Mais comme on pouvait le craindre, la médiocrité (bien exécutée, mais bon) prend vite le pas sur l’intérêt inhérent d’un artiste qui n’a pas réussi à se renouveler, comme il le désirait. Mais est-ce qu’il le désirait?