Cela semble étrange, mais Graham Coxon a maintenant sorti plus d’albums solo (sept) que d’albums avec Blur. De plus, malgré la réunion de son groupe légendaire, The Spinning Top ne ressemble pas à Blur, mais alors pas du tout. Et il ne ressemble pas vraiment non plus à ce que Coxon a pu faire précédemment. Il est en effet fort différent des autres : il est assez long (68 minutes), comprend pas mal d’invités (batterie, piano, une kyrielle d’instruments indiens), est vaguement conceptuel et surtout, Graham y joue majoritairement une guitare acoustique, usant et abusant de techniques propres comme le finger picking. Dès le début, on comprend qu’on est radicalement en présence de quelque chose de spécial : Look Into The Light se réfère directement à Nick Drake (qui n’est pas une nouvelle influence de Coxon, il en parlait déjà dans son premier album), alors que This House est une chanson simplement magnifique. Avec un changement d’accord splendide, le tout porté par une voix qui, magré les nouvelles expériences commerciales des deux derniers albums, reste expressément peu/mal assurée. Juste après, In The Morning est un tour de force : 8″30 de folk acoustique a priori simple (disons que ce n’est pas Devandra Banhart) mais réussie, surtout grâce aux passages indiens, parfaitement intégrés. On se demande déjà comment l’album pourrait faire mieux après un morceau pareil, le plus ambitieux de la carrière de Coxon, solo ou pas. Coxon ressort sa guitare électrique à certains moments, mais sans jamais rappeler ses anciens travaux solo ou bluresques, comme si The Spinning Top était, plus qu’un nouveau départ, un album… à part. If You Want Me fait penser à Escape Song par sa dualité acoustique/électrique, mais sans chercher à faire du bruit. Une petite cloche accentue une mélodie superbe, qui montre à quel point Coxon a progressé en tant que songwriter : si Blur venait a écrire de nouveaux morceaux, ils auraient ni plus ni moins deux songwriters exceptionnels. De plus, Coxon quitte la relative simplicité qui caractérisait ses albums solo (les trois premiers ayant été réalisés par lui-même, à 100%) : outre l’instrumentation indienne, on retrouve un peu de flute, des backing vocals féminines, et des arrangements complexes. Ce qui fait de The Spinning Top un album intrigant, varié et très intéressant. Les quinze morceaux valent tous leur petit paragraphe. Le simple et entêtant Perfect Love, l’ambitieux Brave The Storm, l’impitoyable Dead Bees (un peu de Queens of the Stone Age? merci!), le dynamique Sorrow’s Army (et la technique parfaite de Coxon), le bruyant Caspian Sea ou encore Humble Man, plus catchy que Coffee and TV. L’album se termine sur un autre trio de morceaux parfaits, reprenant un peu de tout dans le catalogue Coxonien, mais surtout des backing vocals ressemblant étonnamment à … Damon Albarn. Affaire non élucidée, mais The Spinning Top nous fait tirer des conclusions. 1) Coxon est encore meilleur qu’avant, grâce à ses nouvelles techniques et son ambition renouvelée 2) Il s’est écarté de la relative facilité des deux derniers albums, pour quelque chose de moins aisé mais plus intéressant 3) Que Blur revienne pour de bon ou pas, quelle importance : les meilleurs Coxon valent les meilleurs Blur 4) Top 5 de 2009, facile.
J’avais franchement oublié Art Brut, et c’est le fait que Black Francis a produit leur dernier album qui m’a poussé à l’écouter. Je n’ai pas eu tort : Art Brut Vs Satan, c’est 40 minutes assez chouettes, qui rappellent plus leur bon début que le second album déjà plus oubliable. Même si Francis fait un bon job, en faisant ressortir la simplicité minimaliste basse (surtout)/batterie/guitare postpunkish du groupe, c’est une fois de plus les paroles d’Eddie Argos qui constituent le plus de l’album.
Dans DC Comics & Chocolate Milkshake, il étale quelques unes de ses ambitions « Some things will always be great, even though I’m 28 ». Je n’ai qu’un an de plus qu’Argos, et je sors assez rassuré de l’écoute de cet album. Plus loin, il se souvient de ses premiers échecs amoureux, de sa grande timidité (« deep breath, stay calm, sweaty palms »), et des discussions de l’époque (« you like the Beatles, I like the Stones »). Slap Dash for No Cash parle de son amour de la lo fi (« why do you want to sound like U2? it’s not a very cool thing to do »), et ailleurs, son obsession High Fidelitesque se répète. Dans The Replacements, qu’il regrette d’avoir découvert si tard, il met en avant la question ultime : qu’acheter entre les anciens albums, en seconde main (moins cher) ou les ressorties (avec les morceaux bonus). Malheureusement, Argos ne parvient pas à atteindre une conclusion, nous laissant seul dans le choix cornélien… Argos reprend aussi sa vieille habitude de donner des titres connus à certains morceaux (Twist And Shout, The Passenger) sans qu’ils y ressemblent pour un sou. Enfin, Mysterious Bruises raconte l’étrange soirée, où avoir pris un zyrtec, deux advil et un verre, le narrateur se retrouve couvert de bleus…
Tout cela ne veut pas dire que musicalement, Art Brut ne vaut rien, loin de là : Summer Job, par exemple est exceptionnellement catchy, et l’album se tient du début à la fin. Mais le problème avec un album dont les paroles sont l’attrait, c’est qu’on est pas sûr de l’écouter souvent. Il reste qu’Art Brut fait un peu figure de survivant dans le mouvement art-punk d’il y a quelques années, vu que les autres prétendants s’en sont allé vers d’autres horizons musicaux. Et Art Brut Vs Satan, pour ce qu’il est, est bien chouette.
Commençons par un coming-out (que je n’ai jamais caché) : je suis belge. Et donc, je suis légalement obligé d’adorer Ghinzu. Pas possible autrement : chaque magazine, chaque journal parle d’eux comme « le plus grand groupe de l’histoire du rock Belge » (authentique, une fois). Donc, avoir le malheur de les critiquer, c’est un peu comme être américain et ne pas trop être fan des guerres pétrolières. Ben moi, figurez-vous, Ghinzu m’emmerde. Ce n’est même pas spécialement leur background bourgeois (j’aime bien les Strokes) ni la tête à claque du chanteur (même remarque) ni même son pseudo imbécile (« John Stargasm », déjà plus vendeur que David Israël, non?). Ce n’est pas non plus le fait que leur service presse est excellent, écrivant à l’avance les articles publiés par les grands quotidiens belges (l’article dans Le Soir était ridicule). Ce n’est même pas non plus leur accent anglais naze (Girls In Hawaii, heureusement, fera toujours pire) ou leurs paroles qui feraient se tordre de rire un scénariste de porno (« Let me in, let me out / Swallow me slowly / I’m down in your throat / I can hear singing / I can hear you screaming your joy? PLEASE, je m’en vais écouter Be Aggressive de Faith No More). Est-ce peut-être le fait que chaque morceau de l’album est aussi sous influence que le gosse caché de Pete Doherty et Amy Winehouse? Qu’ils ont tellement écouté Soulwax qu’ils ont oublié que Soulwax a été un chouette groupe rock? Que malgré tous les efforts fournis, Stargasm n’est pas Casablancas (Take It Easy, même les titre est plus Strokes que les Strokes). Que la pochette est assez honteusement pompée sur Battles? Non, même pas, rien de tout ça. C’est juste que Mirror Mirror ne me fait rien. Ce n’est pas désagréable, correctement joué (même si on fait de ces miracles, à notre époque…), évidemment très pute, mais c’est leur marque de fabrique, aussi. C’est un disque merveilleusement calculé, parfaitement formaté pour chaque occasion. DJ set dans une soirée chic, festivals bourrins en Flandre et ailleurs, nos fantastiques radios belges, le vieux con qui croit qu’il connaît un truc hype, l’enchaîneur de disques à un mariage, ça marche à chaque fois, taux de pénétration (faut se mettre au niveau) proche des 100%. Mais la vie est trop courte, et 2009 fort riche en sorties nettement plus intéressantes pour perdre son temps avec cet album. Même si le trip Dalida est marrant.
À intervalles réguliers, arrive un groupe qui nous fait replonger 5/15/30 ans en arrière (biffez la mention inutile suivant votre age). Pas spécialement en relation avec le genre de musique de l’époque, mais juste parce que le groupe est fun. Ca ne dure généralement pas longtemps : le groupe fun devient très vite trop sérieux (Idlewild) ou implose (Be Your Own Pet). Donc, profitons ici et maintenant de ce concentré d’énergie aussi futile qu’orgasmique : Danananaykroyd.Douze morceaux, 45 minutes, un bordel total et généralisé, des morceaux qui partent dans tout les sens, et apparemment un live show à la hauteur, Dana (plus simple) est une fameuse curiosité. Ils ne se refusent rien, quand ils poussent la disto à fond, c’est vraiment à fond, genre Sonic Youth/Dinosaur Jr. À FOND. L’album ne comprend pas vraiment de temps mort, mais le début est terriblement impressionnant, l’intro instrumentale titre, suivie de Watch This (comment caser deux chanteurs atteints de logorrhée aigüe) et du morceau qui les ai fait connaître, The Greater Than Symbol And The Hash (>#, donc). Ce morceau explique bien ce que Dana représente : une certaine mélodie, des paroles over-the-top, une instrumentation assez, disons, improvisée avant, après 1″20, de partir dans UN PUTAIN DU MUR DU SON DE MALADE. Ces gens sont dingues. Ca joue fort, ça joue vite, et c’est très très bon. Puis, forcément, ça ralentit, et ça devient carrément doom, une basse profonde, un feedback assourdissant et un type qui hurle on ne sait pas quoi. Il faut aimer le désordre et les mannes d’influences disparates, mais si c’est le cas, alors…Black Wax, c’est un peu leur côté pop. Problème : personne ne sait vraiment chanter, et comme l’instrumentation chaotique laisse ici la place à une structure classique, c’est déjà moins réussi. On imagine qu’ils voulaient un morceau accessible, et le voilà. Maintenant, chassez le naturel, etc etc, après 2″30 ça castagne sérieux, mais ça reste trop contenu par rapport au reste. Le calme relatif n’est forcément là que pour préparer le maelstrom cinglé qu’est Totally Bone, dont l’intro est sans doute jouée aussi vite qu’humainement possible. Le reste est à l’avenant, alliant parties rapides, parties violentes et parties rapides et violentes. Non, vraiment, ça ne s’arrête quasi pas, prenant ses influences dans le punk, le hardcore, le grunge et surtout le postcoren’importequoietons’enfout. Donc, je laisse tomber, et je repasse l’album une fois de plus.Essayer de décrire ce qui se passe dans cet album est inutile (surtout en l’écoutant en même temps), Hey Everyone est l’album le plus rock n roll de l’année, au sens propre du terme. Et en live, ça doit, je pense, être plus fun qu’Oasis. Fuckin’ kids.