Archives de catégorie : Chroniques

Avril 2013

Le plus gros mois de l’année en terme de sorties jusqu’à présent. Il y en avait tellement (même sans compter le Record Store Day) que j’en ai fort probablement oublié, merci de me le signaler en commentaire!

Voici une sélection très subjective, n’hésitez pas de me dire ce que j’ai oublié. Je commence avec mon trio d’albums préférés de ce mois d’avril 2013.

The Thermals - Desperate GroundThe Thermals – Desperate Ground. Après deux albums s’éloignant de la lo-fi inventive des débuts, le sixième album des Thermals est peut-être leur meilleur. Intense, court, sans relâche, il se base sur une imagerie guerrière étonnante pour livrer une demi-heure de punk lo-fi parfaite, jouée à toute allure, comme si la vie du power trio en dépendait. Pour paraphraser Banksy, ils ne réinventent pas la roue mais la détruisent en mille morceaux.

J’ai aussi énormément apprécié My Shame is True d’Alkaline Trio, qui sera sans doute l’album que j’aurai le plus écouté cette année (oui, je le sais déjà). Fidèle à une ancienne et fantastique tradition, les meilleurs morceaux du groupe se trouvent sur un EP, Broken Wing, sorti en marge de l’album mais constituant ses 4 bonus tracks en édition digitale. Leur meilleur album en dix ans (voire plus), il a aussi le bon goût de laisser s’exprimer plus que de coutume le bassiste et second compositeur/chanteur Dan Andriano.

Pour terminer le podium, je placerai (de justesse) Milk Music, dont l’album très attendu m’avait initialement déçu, mais plusieurs écoutes m’ont permis de l’apprécier à sa juste valeur. Piochant un peu plus dans le rock classique (version Neil Young) que l’extraordinaire EP Beyond Living, Cruising Your Illusion (titre de l’année, au fait) reste bien ancré dans un passé où Dinosaur Jr n’a jamais quitté SST et où Nirvana a splitté après Bleach.

Derrière tout ça, on en aura eu, des sorties en avril. Des albums, des EP, des anciens trucs aussi. Voire des nouveaux anciens trucs, comme Found de Rival Schools, alias le légendaire second album du groupe, jamais sorti pour cause de séparation, mais qui circulait sur les internets. Walter Schreifels, qui est de nouveau sans Ian Love (comme à l’époque de Found, mais on vous reparle de Ian Love très bientôt) a décidé de mixer tout ça correctement et de sortir un 3e/2e album pour Rival Schools, alors qu’il est toujours occupé avec Gorilla Biscuits et Quicksand. On aura eu, comme toujours, des reissues avec bonus, comme l’unique album de The Postal Service (Give Up) enrichi de deux nouveaux morceaux ou celui de Mad Season (Above) où Mark Lanegan est venu poser sa voix sur trois chutes de studio. Christopher Owens nous a déjà livré une nouvelle version, totalement acoustique, de son joli Lysandre alors qu’Art Brut n’a pas attendu la période classique pour envoyer un sympathique best of, forcément appelé Top of the Pops.

En ce qui concernent les vraies nouveautés, avril était aussi le mois des retours, souvent foirés. Une tentative de raviver les démons (et l’inspiration) du passé n’a pas vraiment réussi aux Yeah Yeah Yeahs (Mosquito), alors que la maturité (et l’exclusion de deux membres fondateurs) n’a pas été très tendre avec Paramore. L’album du même nom est parfois brillant mais beaucoup trop long et ambitieux pour être réussi. Bonus points en ukulélé, par contre. Mais tout cela est déjà mieux que le retour navrant et très surévalué de Fall Out Boy, dont l’exubérant Save Rock and Roll (featuring Courtney Love et Elton John, quand même) a atteint des sommets de vulgarité musicale. Phoenix tape aussi pas mal dans le genre, avec une production puissante et peu subtile. Heureusement, quelque part derrière les presets « Foire du Trône », Bankrupt comprend quelques moments de brillance et de chouettes popsongs. Puis, les paroles jouent la carte d’une certaine autodérision (Drakkar Noir). Deux autres vétérans proposaient aussi un nouvel album. Vanishing Point, le neuvième Mudhoney renoue avec une certaine simplicité mais n’arrive pas à convaincre (sans que cela soit son but, de toute façon) alors que The Terror, le treizième Flaming Lips est encore plus étrange et tordu qu’on ne pouvait imaginer de la part d’un groupe qui est littéralement capable de tout.

Cependant, le titre d’album le plus étrange et tordu du mois revient à The Knife, leur premier en sept ans. Empruntant une structure éclatée (96 minutes, un drone de 20 minutes en plein milieu), Shaking the Habitual porte bien son titre et fourmille d’idées souvent déconcertantes et toujours originales. Mais ce n’est pas une écoute facile du tout, avec peu de points de repère, notamment vocaux. Toujours en indé, j’ai apprécié le premier album de Bleached (Ride Your Heart), deux soeurs qui font de l’indie rock immédiat, catchy, charmant, lo-fi, intemporel et juste chouette. Si les nouvelles chéries du NME Haim arrivent à faire aussi bien, je serais bien surpris. Less is more aussi pour Bored Nothing (il commence à avoir autant de groupe en nothing qu’il y en avait en bear voici quelques années) qui est aussi un projet solo (Fergus Miller, Melbourne) et qui est aussi axé lo-fi sérieusement slacker. L’art étant de réussir à donner l’impression de ne rien foutre tout en sortant des mélodies de génie. Miller n’est pas encore Malkmus mais il se rapproche de Baldi. Ou de Kurt Vile, qui est nettement moins concis : les morceaux de Wakin on a Pretty Daze sont longs, psyché et se perdent souvent en chemin. Vile pourrait être un songwriter nettement plus connu, il se contente d’être excellent.

Merchandise passe la vitesse supérieure, avec leur premier album disponible via un label indé (et gratuitement directement chez eux). Totale Nite ne fait pas de compromis pour autant, 5 morceaux longs et inventifs, qui partent parfois dans tous les sens. Le mystère reste entier. Fantastique titre pour Marnie Stern (The Chronicles of Marnia), dont la musique commence à devenir vaguement accessible, même si sa tendance à sauter d’une idée à l’autre presque aussi vite que ses mains sur le manche de sa guitare reste très désarçonnante. Je dois aussi parler de Dead Confederate (In the Marrow), à qui je n’avais pas vraiment accordé d’attention auparavant, à tort. On parle d’eux comme un mélange entre Nirvana et My Morning Jacket, la réalité est heureusement plus complexe mais tout aussi intéressante. Enfin, de l’autre côté de l’océan Atlantique, on retrouve les oubliés Neils Children, qui ont un peu délaissé leurs guitares pour un son plus synthétique (Dimly Lit), l’ex-guitariste de The Coral Bill Ryder-Jones (A Bad Wind Blows in My Heart) pour un second album solo guitare-piano très touchant.

J’en ai certainement oublié. Guided By Voices et Iggy and The Stooges n’étaient pas encore sortis au moment d’écrire ces lignes, donc j’en parlerai le mois prochain si nécessaire (oui, je respecte les dates de sortie). Par contre, je n’ai pas parlé de Tyler, the Creator à dessein, son album m’a bien emmerdé. Si celui d’Earl Sweatshirt ne remonte pas le niveau,je pense qu’on pourra définitivement enterrer Odd Future, à l’exception évidente de Frank Ocean. N’hésitez pas à me dire ce que j’ai oublié ou faire n’importe quel type de commentaire.

(edit : Thee Oh Sees Floating Coffin. Excellent aussi, trop de musique en avril. Et j’essaie seulement de comprendre Charli XCX)

Voici le playlist Spotify du mois avec des extraits de chacun de ces albums (ou presque) ainsi que quelques autres petites choses. (Beatallica!) Le playlist n’est pas arrangé du tout, donc shuffle mode fortement recommandé.

On se retrouve fin mai, en attendant, n’oubliez pas le Tumblr et ses mises à jour quotidiennes!

Mars 2013

Même si l’hiver n’en finit pas, le printemps des sorties commence, et avec lui une kyrielle de nouveaux albums avant l’arrivée des festivals d’été. Le mois de mars a vu quelques sorties majeures mais aussi des découvertes (ou redécouvertes) personnelles.

Waxahatchee - Cerulean SaltWaxahatchee, par exemple. Elle (Katie Crutchfield) a sorti son second album début du mois, à mi-chemin entre folk lo-fi et fuzz punkoïde, avec le son de basse de Kim Deal, une voix fantastique et une production sèche qui pourrait passer pour Steve Albini. Bien écrit, varié, Cerulean Salt est une belle découverte, et mon album du mois.

Mars a aussi vu le retour de quelques vieilles gloires plus ou moins avérées. D’abord, évidemment, David Bowie, dont l’annonce de l’album (The Next Day) fut la grosse surprise de ce début d’année. Mais l’autre surprise, c’est la qualité de l’album lui-même. Bowie n’était pas obligé de sortir un album, mais il a fait en sorte qu’il soit bon, étonnamment musclé et digne de sa légende. Puis, il fallait aussi assumer une telle pochette, c’est chose faite. Même si le sport à la mode en ce moment est de raconter un peu partout que l’album est mauvais, histoire de s’attirer un peu d’attention. Retour également pour Depeche Mode, avec un Delta Machine décent mais qui n’apporte pas grand chose, comme si ceux qui furent pionniers autrefois se contentent dorénavant de suivre. Par contre, on peut être surpris par le Bloodsports de Suede, qui prouve que des groupes qui se reforment initialement pour l’argent la nostalgie peuvent aussi toujours créer du nouveau et bon matériel. Finir par quatre ballades consécutives n’était peut-être pas une bonne idée, mais bon, on chicane.

Contrairement à ce que j’avais écrit à l’époque d’Angles, les Strokes existent toujours et sortent leur cinquième album, Comedown Machine. Il faut dire que ce n’était pas gagné, compte tenu du temps de gestation et du résultat médiocre de l’album précédent. Ce dernier n’est pas sans faille, loin s’en faut, mais il sonne comme celui d’un vrai groupe, même s’il est un peu bizarre quand même. On n’aura jamais de second Is This It, le groupe le sait et agit en conséquence. Pour Black Rebel Motorcycle Club, qui a connu le succès en même temps, c’est un peu différent. Specter at the Feast est trop dépendant de leur catalogue et réputation pour être vraiment considéré comme autre chose qu’un album de plus.

Mars a également vu les sorties d’albums de Trent Reznor et Dave Grohl, indépendamment de leur rôles principaux et habituels. Reznor a enfin lancé l’album de How to Destroy Angels (Welcome Oblivion), groupe qu’il forme depuis 2010 avec la chanteuse Mariqueen Maandig, son comparse de BO Atticus Ross et l’artiste visuel Rob Sheridan. Pour mieux apprécier l’importance que Reznor accorde à ce projet, pensez à ceci : il a choisi la semaine de la sortie de l’album pour annoncer le retour de Nine Inch Nails, en pause depuis 2009. Dave Grohl, quant à lui, s’est donné les moyens de réaliser deux rêves en un : un film sur l’histoire du studio californien Sound City et un album de nouveaux morceaux reprenant une liste all star d’artistes ayant enregistré là bas. Malheureusement, la révérence de Grohl envers certains artistes sérieusement AOR empêchent l’album de décoller, malgré des efforts louables de la part de Paul McCartney (Cut Me Some Slack, alias Helter Skelter part II) ou l’hypnotique Mantra, oeuvre de la dream team Grohl / Homme / Reznor.

Comme je vous disais, pas mal de gros trucs, et comme souvent, pas nécessairement les meilleurs. Niveau indie, on a tout ceci, ce mois-ci. D’abord, encore un nouvel album de The Men (New Moon), leur quatrième en quatre ans. Et ils continuent encore et encore une certaine évolution vers une musique plus « classique », tout en restant intense et excellente, peut-être juste un peu moins focalisée. Mais les fans de la première heure pourraient ne pas trop apprécier un virage qu’on pourrait stupidement qualifier de plus commercial. J’avais un peu oublié Devendra Banhart et j’avais sans doute tort : relativement éloigné du freestyle hippie d’il y a quelques années, Mala est un chouette album réfléchi, mélodique, personnel et tout de même un peu débridé. On connaissait Daughter et sa sad-cold-folk-quelque chose comme ça depuis 2010, et le premier album If You Leave (forcément chez 4AD) ne déçoit pas, ou du moins ne change pas d’orientation. Pas très varié, mais pour ce que c’est, c’est très bon.

En montant les amplis et la pédale fuzz, on retrouve Purling Hiss (Water on Mars), qui empoche provisoirement le titre de dévots de Dinosaur Jr. de l’année ; Suuns, dont Images du Futur serait un excellent album s’il n’avait déjà pas été enregistré par Clinic ; Wavves qui s’éloigne de plus en plus du surf rock pour aller faire coucou du côté de Seattle ou encore Golden Grrrls, trio indie-rock énergique, mélodique et catchy de Glasgow (Golden Grrrls). Enfin, après Palma Violets, c’est maintenant Peace qui fait la couverture de NME. Leur album, In Love, n’est pas mauvais du tout, mais je ne suis pas certain qu’il s’agit d’un plagiat, d’un pastiche ou simplement d’un hommage du rock anglais entre, disons, The Stone Roses et Definitely Maybe.

Le mois d’avril sera très chargé en sorties, on en reparle sur le Tumblr et ici dans un mois. En attendant, voici le traditionnel playlist Spotify du mois de mars!

Février 2013

Février a commencé avec une énorme surprise : m b v, l’album de My Bloody Valentine, le premier en vingt-deux ans, n’est plus un rêve, une chimère, un vague projet sans cesse repoussé. On pouvait l’écouter (et depuis quelques jours, le toucher), il existe vraiment. Ce qui est encore plus extraordinaire, c’est qu’il est vraiment très bon, totalement hors du temps, comme son génie géniteur Kevin Shields. J’ai rédigé une chronique pour Shoot Me Again, et il est facilement mon album du mois. Il est suivi de près par Iceage, gang danois de sales gosses qui poussent l’esprit punk très loin, avec une attitude authentique alliée à une manne d’influences très variées qui ont donné un second album (You’re Nothing) intense, sans compromis et d’une puissance rare.

mbv

On aura eu moins de « grosses » sorties qu’en janvier mais plutôt quelques extraits et streams d’albums importants à venir (Strokes, Phoenix, Bowie, How to Destroy Angels notamment). Cependant, quelques sorties sont à signaler. Côté UK, Foals aimerait probablement suivre la trajectoire de Biffy Clyro : commencer par un succès critique avant de conquérir les foules. Holy Fire est clairement leur album le plus accessible, mais manque de punch et reste sans doute trop cérébral. Malgré mes efforts et tout le respect que j’ai pour le groupe de Yannis Philippakis, je n’ai jamais pu vraiment aimer Foals.

Johnny Marr et Palma Violets sortaient leur premier album. Pour Johnny Marr (The Messenger), évidemment, ce n’est pas loin de l’abus de langage, il faudrait probablement un mois pour faire la liste des artistes et groupes avec qui Marr a joué. Evidemment anachronique, son album est très bon, même si assez anecdotique. Sa voix juste mais sans grande personnalité nous rappelle pourquoi il a toujours préféré être un peu (et brillamment) en retrait. Pas de carrière à la Smiths, ni même à la Bromheads Jacket pour Palma Violets. Leur début (180) est aussi bordélique que prévu, mais très inégal (= trois bons morceaux, beaucoup de remplissage). Une fois de plus, le NME aurait du la fermer plutôt que de foutre une pression insoutenable sur ces pauvres gars qui méritent de grandir tranquillement.

Heureusement, Veronica Falls (Waiting for Something To Happen) redore le blason de l’indie UK avec un chouette album qui arrive à faire au moins aussi bien que leur excellent premier tout en conservant leur son et leur fraîcheur. De l’autre côté de l’Atlantique, on monte le son avec Pissed Jeans, toujours sans compromis mais de plus en plus précis et dynamique (Honeys), The Bronx qui revient enfin au punk/hardcore intense après leur sympathique parenthèse mariachi (The Bronx IV) ou Screaming Females qui fait suite à l’excellent Ugly de 2012 avec un EP de sept titres (Chalk Tape) plutôt expérimentaux (et cinglés) et qui les voit évoluer comme jamais auparavant. Darwin Deez et Eels ont aussi sorti leurs nouveaux opus, qui ne m’auront pas spécialement marqué.

Shields et Marr ne sont pas les seuls vétérans de retour en ce début d’année. Nick Cave et ses Bad Seeds ont mis de côté les incendiaires Grinderman pour un magnifique Push the Sky Away aérien et limpide, Thom Yorke (Atoms for Peace) a rassemblé Godrich, Refosco, Waronker et Flea pour un Amok suite logique de The Eraser alors que Thurston Moore a réussi un petit exploit avec son nouveau groupe depuis la fin (définitive?) de Sonic Youth : Chelsea Light Moving le voit reprendre sa Fender Jaguar et ses pédales pourries puis son album le plus noisy depuis un sacré bout de temps. Une dernière mention à Fat Goth (Stud), sorte de garage punk math metal plus sérieux que leurs titres de morceaux ne le font penser. C’est sorti en janvier, mais l’auteur de comics Kieron Gillen me l’a fait découvrir récemment, et je pourrais peut-être en reparler bientôt.

(Presque) tout cela est en écoute dans le playlist Spotify, ainsi que quelques extraits d’albums sortant bientôt (et Pulp – After You parce que j’ai oublié la fois passée). N’hésitez pas à me dire en commentaire si j’ai oublié un album ou l’autre, et rendez-vous sur le Tumblr pour des mises à jour quotidiennes.

Janvier 2013

Plutôt que de ne rien écrire et de tout balancer fin de l’année, tout en oubliant la moitié de ce qui est sorti, j’ai eu l’idée d’écrire une sorte de récapitulatif mensuel, accompagné d’un playlist des morceaux marquants du mois + de ce qui sortira le mois suivant. J’y ai pensé un peu tard pour faire janvier à temps, mais bon, je fais janvier maintenant, février dans quelques jours, et puis ça sortira en fin de chaque mois. Je prévois aussi une possibilité de rattrapage pour ce que j’aurai évidemment oublié. Soit. Janvier 2013.

Il fut un temps où janvier était un mois dépourvu de sorties intéressantes. Ce n’est plus le cas maintenant, tant d’albums sortent qu’il faut bien les caser quelque part. Et l’année dernière, un des tous meilleurs albums de 2012, Attack on Memory, est sorti en janvier. On ne rigole plus avec janvier, donc. Par contre, décembre… Soit, encore.

La plus grosse sortie de janvier est sans doute Opposites, de Biffy Clyro. Absolument énormes en UK, ce qui n’était pas gagné du tout vu la bizarrerie de leurs trois premiers albums, ils tentent depuis de rester cohérents tout en devenant accessibles. Opposites est très casse-gueule, car c’est un double album. Comme à chaque fois (ou presque?) on aurait pu supprimer quelques morceaux et gagner en compacité, mais rien n’est mauvais, chaque piste se serait battue pour garder sa place. On regrettera peut-être le fait qu’ils n’ont pas trop profité du concept pour varier et évoluer musicalement, prendre un peu plus de risques, quoi. Opposites est quand même très bien, et Biffy Clyro est peut-être le seul groupe rock mainstream (et à succès, n°1 UK) crédible à l’heure actuelle.

THOAP

Mais mon album préféré (je ne parle plus de « meilleur », ça n’a aucun sens) est Out of View, de The History of Apple Pie. Un peu comme The Joy Formidable (on en reparle juste après), les très googlables THOAP ont sorti quelques morceaux depuis 2011, et maintenant enfin leur premier album, un fantastique mélange de mélodies pop dans un océan de guitares fuzz jouées par des musiciens qui regardent sans doute trop souvent leurs chaussures. La voix gentiment sucrée de Stephanie Min fonctionne parfaitement dans un album fun et adorable, même si légèrement anachronique. J’hésite juste entre See You et Mallory comme single de l’année. Pas du mois, de l’année.

The Joy Formidable, donc, ont sorti leur second album, et cela fait du bien d’enfin entendre des nouveaux morceaux. Wolf’s Law est un second album tout ce qui est de plus classique, le groupe qui continue sur la même lancée, en raffinant l’écriture. Rien à jeter, mais il ne me semble pas qu’il aura le même impact que The Big Roar, et qu’il permettra au groupe d’accéder à ce qui semble être leurs désirs, le statut de groupe sinon de stade, de grosses salles. Mais ils ont joliment progressé dans les mélodies comme le montrent Silent Treatment ou le cinématique (presque) final The Turnaround, sans oublier des morceaux plus directs comme Cholla ou le New Orderesque This Ladder is Ours. Et The Maw Maw Song, complètement cinglé.

On retiendra aussi le premier album solo de l’ex-Girls Christopher Owens, court album-concept autour d’une certaine Lysandre (oui, Lysandre est un prénom masculin, mais bon, c’est une française – c’est pour rire, hein). Romantique à souhait, l’album est construit autour d’un thème vaguement médiéval que l’on entend à plusieurs reprises le long d’un album qui sert plutôt d’introduction à Christopher Owens en tant qu’artiste solo. Je ne serais pas surpris d’avoir un nouvel album d’ici décembre.

Dans la catégorie indie, on n’oubliera pas Yo La Tengo, avec un Fade presque trop parfait, Everything Everything en mode arty ou Unknown Mortal Orchestra (II) confirmant le talent particulier de Ruban Nielson, peut-être le Kevin Parker de 2013. On a aussi Tegan and Sara (Heartthrob) qui se la jouent (très bien) synthpop, les révisionnistes indie Foxygen, les énergiques, entraînants et sans aucune honte (solos de guitare! trompette! cowbell!) Free Energy (Love Sign) et Parquet Courts, que j’ai découvert grâce à la ressortie de Light Up Gold, sorti tellement intimement en 2012 qu’on peut dire qu’il est vraiment sorti cette année (oui, ça m’arrange). Pensez Pavement avec la tension de Wire.

Un peu plus bruyant, le grand retour de Tomahawk et son all-star band (Mike Patton, John Stanier, Duane Denison et Trevor Dunn) pour un Oddfellows un peu moins tordu que d’habitude, qui rappelle même parfois Faith No More (conséquence de la tournée de réunion?). Bad Religion a sorti son seizième (seizième!) album (True North), mais j’ai surtout accordé de l’attention au gang surf/punk bordélique FIDLAR ainsi qu’à California X, nouveau groupe sludge/punk qui vient du même endroit que J Mascis et le prouve avec brio.

Vous pouvez écouter des extraits de tout cela dans ce playlist Spotify, avec en plus le premier extrait du futur album de Paramore (Now) et le premier morceau solo de Kim Deal (qui vient d’un 7″).

À dans quelques jours pour parler ce qui s’est passé en février.

Top albums 2012 : 1-20 et playlist Spotify

MB2012Avec un peu de retard, voici la dernière partie de mes cent albums préférés de 2012. Elle est accompagnée d’un long playlist Spotify reprenant un extrait de chaque album (sauf les rares qui ne font pas partie du catalogue Spotify) ainsi que des extraits de singles, EP ou albums hors du top 100. Le playlist est très long (110 morceaux, sept heures) et classé par ordre alphabétique, donc shuffle mode chaudement recommandé. Sans plus attendre…

20 Allo Darlin’ – Europe. Allo Darlin’ tourne autour d’Elizabeth Morris, Australienne résidant à Londres, et qui aurait pu être la chanteuse de Belle and Sebastian dans un univers parallèle. Indie pop parfois twee mais jamais prétentieuse, la musique d’Allo Darlin’ est douce, intemporelle et marquée par la superbe voix, l’ukulele mais aussi les paroles de Morris : “They could name a star after you and you’d still be complaining” est peut-être mon vers préféré de l’année. Elle a aussi un certain talent de conteuse, comme Tallulah le montre, et oui, c’est une référence à un autre groupe australien émigré à Londres, The Go-Betweens. Europe est une boîte contenant un rayon de soleil à ouvrir autant de fois qu’on en a envie.

19 And You Will Know Us By The Trail of Dead – Lost Songs. Trail of Dead ont retrouvé la mémoire, et se sont souvenu qu’ils sont un groupe punk aux influences prog et non le contraire.Sans nécessairement revenir à la rage de Madonna, Lost Songs est nettement plus direct et percutant que leurs derniers albums. On y ajoute une bonne dose de thèmes socio-politiques et on obtient un album dense et intense, peut-être un peu trop. Mais c’est leur meilleur album depuis un paquet d’années.

18 The XX – Coexist. Etrange album. Médiocre de prime abord, il requiert impérativement une écoute attentive, un risque démesuré dans une époque de consommation Kleenex effrénée. Mais avec un bon casque, seul, dans le noir, les couches superposées de main de maître par Jamie Smith se confondent, s’alliant aux douces basses et guitares ainsi qu’aux voix séparées ou simultanées de Romy Madley-Croft et d’Oliver Sim, qui chante d’ailleurs nettement mieux. Mais aussi, il fait part belle au silence, instrument à part entière. Pari difficile pour The XX, et son faible impact (comparé à leur début) semble jouer en leur défaveur. Mais je pense qu’ils l’ont réussi.

17 Swans – The Seer. Une des expériences auditives de l’année. Oppressant, puissant, très long (deux heures), des morceaux dépassant les vingt voire trente minutes, un groupe qui existe depuis plus de trente ans. Tout cela ne devrait pas fonctionner, et pourtant. Entre drones, explosions sonores, une batterie qui sonne comme des mitraillettes ou rend nauséeux et la voix étrange et inquiétante de Michael Gira, Swans a réussi un des meilleurs albums de l’année, et peut-être le plus intrigant. Quelques accalmies (le chant clair de Karen O sur Song for a Warrior) éclaircissent un ciel sombre et orageux, qui caractérisent un album qui pourrait être la bande originale d’un film d’horreur particulièrement malsain.

16 Sharon Van Etten – Tramp. En plus d’avoir une voix fantastique, Sharon Van Etten est aussi un auteur-compositeur fantastique, excellant de la même manière dans les morceaux acoustiques (Give Out) que dans ceux joués par un groupe entier (des National, Walkmen notamment). Très personnel tout en restant accessible, élégant et émouvant, parfois très intense (All I Can), Tramp hantera les moments sombres de personnes déprimées aux goûts musicaux avérés. Who the fuck is Lana Del Rey?

15 First Aid Kit – The Lion’s Roar. Deux jeunes soeurs suédoises, qui écrivent et chantent comme si elles avaient vécu plusieurs vies. Les chansons sont belles sans tirer sur la corde pathétique, et semblent ne pas avoir d’âge. Emmylou est une des plus belles chansons d’amour jamais écrites, point final. Espérons que leur songwriting continuera à évoluer.

14 Ceremony – Zoo. Après des débuts full hardcore, Ceremony soigne l’emballage, dépasse les deux voire trois minutes mais reste très intense, en clignant vers Mudhoney et Pixies.

13 Bad Books – II. Kevin Devine et Manchester Orchestra. 50% folk, 50% rock, 100% indie. Qui a besoin des reformations de Grandaddy ou Pavement quand on a de telles compositions et un flair mélodique rare.

12 Screaming Females – Ugly. Screaming Females, c’est surtout Marissa Paternoster, étrange hybride entre J Mascis et Carrie Brownstein, une guitariste très inventive à la voix particulièrement expressive. Mais elle sait aussi écrire de bonnes chansons, et s’entourer d’une section rythmique solide (d’autant plus que Steve Albini est derrière la console). La voix tourne autour de la guitare et inversement, en suivant des méandres et détours souvent étranges et inattendus, qu’on pourrait même parfois rapprocher de System of a Down en moins bourrin (Tell Me No). On regrettera peut-être la relative longueur de l’ensemble (53 minutes) mais l’inventivité compense amplement.

11 The Men – Open Your Heart. Second album en deux ans chez Sacred Bones Records, Open Your Heart élargit énormément la palette des Hommes. Toujours intense mais moins agressive, incoporant des éléments de krautrock, surfrock, psyché, post-punk et j’en passe (country?), leur musique passe la vitesse supérieure. La voix n’est pas toujours mise en avant, et quelques morceaux sont majoritairement voire totalement instrumentaux. De plus, The Men montre qu’ils sont encore capable de progresser, pour potentiellement atteindre des sommets. En attendant, Open Your Heart est déjà fantastique en soi.

10 Ty Segall – Twins. C’est peut-être seul qu’il est le meilleur. Comme si McCartney écrivait pour Mudhoney. Aucune idée de ce qu’il va faire en 2013 (se calmer? espérons que non), mais Ty Segall n’a aucune limite.

9 Melody’s Echo Chamber. Second des trois albums de ce top produits par Kevin Parker (Tame Impala), MEC est le projet de la chanteuse française Melody Prochet. La production de Parker est assez proche de ce qu’il fait pour son propre projet et pour Pond, mais les chansons de Prochet ont des influences plutôt dream pop. L’union des deux créent un son intéressant, plus dynamique de la dream pop “classique” mais moins psyché/out there que Tame Impala. L’album est très joli, très réussi et assez marrant quand Prochet chante en français. Une réussite de plus pour Kevin Parker, mais il n’est pas le seul à en être responsable.

8 Dinosaur Jr. – I Bet On Sky. De toutes les reformations qu’on a connu ces dernières années, celle de Dinosaur Jr est certainement la plus réussie, d’autant plus qu’elle était fort improbable. I Bet On Sky est leur album le plus tranquille, préférant les mélodies et rythmes mid-tempo aux brûlots punkoïdes joués à très haut volume. Ils se permettent même d’expérimenter (légèrement) avec des claviers. Mais quelle que soit la forme qu’elles prennent, les chansons de J Mascis restent inoubliables, grâce à sa voix et à son jeu de guitare inégalables. Stick a Toe In est bourrée d’émotion, Watch the Corners un chef d’oeuvre de maîtrise. On notera encoren la seule grosse accélération, Pierce the Morning Rain mais aussi les deux morceaux de Lou Barlow, surtout Recognition, probablement sa meilleure pour Dinosaur Jr. depuis leur retour. Vivement le nouvel album de Sebadoh en 2013. Encore un excellent album pour le trio, dont la seconde carrière est sans problème aussi réussie que la première, bien qu’assez différente.

7 Goat – World Music. La légende entourant ce groupe est assez barrée, ils sont censés venir d’un bled suédois perdu où se passent plein de choses bizarres comprenant des rituels vaudous et de la musique traditionnelle en perpétuelle évolution. Quoiqu’il en soit, World Music est bien cinglé en tant que tel, à la croisée de chemins entre rock, metal et afrobeat, le tout dans une esthétique punkoïde. Unique.

 6 Chromatics – Kill For Love. Qui a dit que l’album était mort? Chromatics prouve exactement le contraire, avec un opus de 77 minutes à la séquence absolument parfaite, qui le rapproche plus du déroulement d’un film que d’un album court comme on en a vu pas mal cette année. Il commence avec la meilleure reprise de Neil Young que je connaisse : Hey Hey My My, ici simplement renommée Into The Black, sans percussion mais avec une guitare répétitive sous delay ainsi que la voix de Ruth Radelet qui fait penser à celle de Nico. Ensuite, on retrouve quelques morceaux plutôt postpunk/synthpop qui précède un milieu d’album assez instrumental, tout en ambiances feutrées. Birds of Paradise est magnifique, avec ses craquements de vinyl intemporels, tout comme le lancinant Dust To Dust. Il se termine avec The River, pendant qu’on imagine les crédits défiler. En accordant une telle importance à la construction de l’album, mais aussi en soignant le fond, Chromatics réalise un des plus beaux albums de l’année.

5 Tame Impala – Lonerism. Second album pour Tame Impala, projet solo de Kevin Parker aussi impliqué cette année dans les albums de Pond et Melody’s Echo Chamber. Mais Lonerism est un niveau au-dessus de tout cela. Génie moderne, Parker s’inspire des meilleures heures du rock psychédélique des années 60 à nous jours pour sortir un album phénoménal, inventif et brillant. Même si Lonerism sonne souvent comme la suite de Tomorrow Never Knows chanté par le Lennon de A Day in the Life, il n’est pas dérivatif pour autant, et comprend son lot de mélodies et de rythmes qui claquent. Les mélodies laissent parfois la place aux textures, ambiances et bruits ambiants, et comprend aussi quelques longueurs, mais l’essence même de l’objectif parfaitement atteint de Parker, passe par une certaine répétition et abstraction. Il est difficile de penser qu’il pourra un jour surpasser cet album, mais s’il y arrive…

4 Japandroids – Celebration Rock. Rarement un album aura aussi bien porté son titre. Commençant et se clôturant sur des feux d’artifice, Celebration Rock l’est exactement, une fête célébrant la vie et le rock ‘n roll, tout au long de huit morceaux. Peut-être que rien n’est inventé, mais qu’importe : le duo Japandroids a capturé l’essence du rock comme peu d’artistes avant eux, et ils ont eu l’extrême intelligence de faire un album court, histoire de ne pas se répéter où de baisser d’intensité. Parfait de bout en bout, il contrebalance le mal être exprimé dans d’autres albums au sommet de ce top 100. Et c’est ça aussi, le rock, une somme de contradictions irrésolvables, mais cohabitantes.

3 Deftones – Koi No Yokan Meilleur album des Deftones? Nouveau White Pony? Ou juste un groupe dans sa zone de confort, une fois de plus? Probablement tout et rien à la fois. Après plus de vingt ans de carrière, sept albums et plus ou moins tous leurs contemporains oubliés, Deftones occupe une place à part dans le paysage musical actuel. Après avoir rénové le metal aux côtés de Korn et de Ross Robinson, ils l’ont plus ou moins quitté, ou en tout cas l’ont truffé d’influences 80s et d’une intensité romantique qui font généralement défaut dans le genre. Cependant, même si c’est sans doute l’album le moins metal du groupe, il n’est pas sans moments furieux, comme l’intro nu-metallesque de Gauze (intro suivie d’une voix mielleuse à souhait et d’un refrain Cure meets Smiths) ou d’entrée de jeu le riff bulldozer de Swerve City. Mais une fois de plus, tout est une question d’atmosphère, d’ambiance et de finesse, notamment dans l’habillage sonore précieux de Frank Delgado ou dans la basse de Sergio Vega, qui occupe maintenant sa vraie place au sein du groupe. Les morceaux montent en puissance, descendent, explosent et se calment, souvent en quelques minutes. Tout cela est lié par la voix de Chino Moreno qui, aussi cliché que cela puisse paraître, chante de mieux en mieux. Personne ne pourrait élever Entombed ou Tempest à ce niveau, entre murmures et hurlements. Rosemary représente peut-être la quintessence d’un album dont le seul reproche que je peux lui faire est son dernier morceau, un poil en deçà de ce qui précède. Mais ce n’est qu’un détail, lorsqu’on arrive à un tel niveau. Poignant, puissant, beau et intense, Koi No Yokan n’est pas mon album de l’année tout simplement parce que je savais qu’il serait mon préféré.

2 Cloud Nothings – Attack On Memory. En échangeant une pop-rock indé très lofi pour une production Albini et une ambiance, disons-le, grunge, Dylan Baldi a montré sans aucun effort qu’il n’avait pas à rougir de la comparaison avec Kurt Cobain. Comme lui, il sait écrire une pop song parfaite sans en avoir peur, comme lui il peut devenir enragé quasi sur commande. L’album déjà annoncé pour 2013 pourrait être celui de l’explosion d’un des plus grands talents contemporains.

1 Metz – Metz Je me suis parfois demandé ce qu’aurait été In Utero enregistré avant Nevermind, à savoir l’intensité violente et sans compromis de Cobain sans les sensibilités pop ni l’arrière-goût du succès. Et j’aime penser que cet album aurait pu vaguement ressembler à Metz. Sans aucune concession, parfois proche du noise rock, le premier album du trio (ben oui) claque fort, très fort, autant que les meilleures heures de Shellac (ben tiens) ou de Drive Like Jehu. Chaque morceau, chaque seconde ne tient que sur un fil, comme si la vie du groupe en dépendait (ce qui est apparemment le cas lors de leurs concerts). Si Dylan Baldi en est le pendant pop, alors Metz représente la partie disto/overdrive/big muff de Cobain (et de tous ceux qui venaient avant lui, devinez chez qui Metz est signé?). J’aurais même pu encore sortir le mot qui commence par G.