On ne reviendra pas sur ce qui s’est passé ces dernières années, avec l’avènement de Trent Reznor comme pape du Music Business 2.0, mais force est de constater qu’il fait des émules. (Reznor entame actuellement sa reconversion comme gourou du marketing pour groupes débutants, offrant quelques conseils très intelligents sur son forum)
Par contre, je pense que je soulignerai régulièrement les initiatives que je trouve intéressantes, en commençant par ces deux-ci.
Beastie Boys
Dans le business depuis environ 70 ans, ils auraient pu tranquillement suivre un modèle classique. Alors qu’ils vont sortir leur premier album « complet » depuis 1998 (après le pur hip-hop To The 5 Boroughs et l’instrumental The Mix-Up) en septembre, ils sont actuellement en train de remasteriser et de ressortir leurs albums principaux. Ils ont commencé par Paul’s Boutique, puis Check Your Head, et maintenant Ill Communication.
La particularite de cette sortie (outre l’excellente remasterisation et 12 bonus tracks), c’est qu’elle est variée, et complète, histoire que tous les goûts et tous les budgets puissent s’y retrouver. Jugez-en plutôt : l’album est disponible en version digitale (mp3 320 kbps, FLAC ou ALAC, pas de merde à la iTunes ici) pour 17 dollars, le double cd pour 20, le double vinyl (180 grammes) pour 26 et l’édition de la mort, triple vinyl dans coffret luxueux de 1500 exemplaire pour 90.
Autre point d’intérêt : à l’achat d’un format physique, le téléchargement est compris, les B-Boys ont compris que la meilleure manière d’éviter le leak d’un album, c’est encore de leur mettre à disposition soi-même.
Pour ajouter encore une couche, ces 4 packages peuvent être agrémentés d’un tshirt exclusif, pour une quinzaine de bucks supplémentaires.
Je suis 100% pour ce genre de distribution, car personne n’est lésé : en ce qui concerne la musique, même celui qui achète la version à 90$ n’a pas un morceau de plus que celui qui n’achète que le download. On a clairement pensé aux fans, à tous les fans, d’abord.
J’espère pour eux qu’ils auront la même surprise que pour le double vinyl de Check Your Head : certains albums comprenaient un 7″ de deux morceaux inédits, futurs extraits de Hot Sauce Committee, Volume One.
Jack White
Jack White, des White Stripes, Raconteurs et plus récemment The Dead Weather, a aussi un label et un studio, nommé Third Man.
Il va encore une étape plus loin, en créant une sorte de Fan/Record Club appelé The Vault . Le système est plus complexe, mais voici un résumé.
On peut être membre de deux manières. Soit en payant 7$ par mois (3 mois minimum) pour obtenir un accès aux préventes des artistes Third Man, des streams exclusifs, photos, chats, articles, etc etc. Une sorte de fan club multimédia, en somme.
Mais c’est surtout l’autre formule qui attire l’attention : pour 20 dollars/mois (3 mois minimum aussi), on a tout cela mais en plus un vinyl 12″, un 7″ et un tshirt exclusif. Exclusif, au sens le plus restrictif du terme : non seulement rien de tout cela ne sera vendu ailleurs, mais en plus les vinyls ne seront pas repressés. Encore plus : l’inscription pour le premier trimestre se clôturera le 21 juillet, et on pressera autant de vinyls que de membres inscrits. Impossible de faire plus exclusif, et la faq du site insiste sur le caractère collectionnable/ebayable des articles.
Je trouve que c’est assez osé comme démarche, et je n’ai pas la moindre idée (eux non plus, apparemment) si ça va marcher. On ne sait pas précisément pourquoi on paie : oui, on pourrait avoir le nouvel album des White Stripes avant tout le monde, mais on pourrait aussi se retrouver avec deux faces B des Raconteurs enregistrées dans le garage de Jack White (en fait, pourquoi pas?).
C’est sans doute pour cela qu’ils ont lâché le morceau sur les premiers disques disponibles : un mix mono inédit (on rappelera que la version vinyl était nettement préférable au cd, très mal masterisé) de Icky Thump des White Stripes, en double 180 grammes et un 7″ de deux reprises du Dead Weather.
Reste quand même une question cruciale : 60 dollars (45 euros environ) pour du contenu digital qui sera sans doute disponible ailleurs, une chance de préventes (pour des artistes dont les tickets sont encore accessibles), un vinyl d’un album connu, deux reprises et un tshirt?
Si je pouvais, je pense que je le ferais, que ce ne soit que pour les encourager à nous surprendre. Mais j’aurais quand même préféré quelque chose de plus dingue pour lancer le produit. On en veut toujours trop…