Playlist Spotify : 2011, deuxième partie

Ce n’est pas parce que je n’écris presque plus que je n’écoute plus rien, heureusement… Le deuxième quart de l’année se termine dans quelques jours, et voici donc un playlist Spotify pour récapituler ces trois derniers mois. Théoriquement, j’aurais du vous parler de tous ces albums et j’espère pouvoir en chroniquer le plus possible, mais…

Quatorze morceaux et une petite heure avec Foo Fighters, The Kills, Beastie Boys, Miles Kane, Arctic Monkeys, WU LYF, Raveonettes, Eddie Vedder, J Mascis, Thurston Moore, Frank Turner, Ben Harper, Fucked Up et Battles.

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Eddie Vedder – Ukulele Songs

Eddie Vedder. Vingt ans de carrière avec Pearl Jam. L’ukulele. Cent trente ans de carrière avec des gros hawaiiens et autres attrape-touristes. À première vue, le duo est aussi incongru que celui d’Eminem avec Elton John, le jour où l’ex-rappeur le plus connu du monde a voulu prouver qu’il n’était pas homophobe. Pourtant, leur histoire commune remonte à plus de dix ans. Lors des sessions d’enregistrement de ce qui deviendra leur dernier classique (Binaural, évidemment), Eddie Vedder était en retard en ce qui concerne les textes. Angoisse de la page blanche. Pour tenter de retrouver l’inspiration, il s’imposa un sacrifice : tant que les paroles de l’album ne sont pas terminées, il ne touchera plus à la guitare.

Mais au détour d’un night shop à Hawaii (où, forcément, il allait surfer), il tomba sur ce semblant de guitare à quatre cordes et au manche court. Et comme c’est Eddie Vedder, il rentra dans la boutique et ressortit avec l’instrument (et deux bacs de bière, quand même). Vedder s’est alors probablement dit ‘aaaahhhh fuck it, that’s not, huh, a guitar’, et comme son héros Pete Townshend avait écrit un morceau à l’uke (Blue Red and Grey), Eddie emprunta les accords, composa Soon Forget et voilà, page blanche terminée, il termina ce chef d’oeuvre (j’insiste) qu’est Binaural.

Depuis, l’ukulele est sorti quelques fois, pour jouer Soon Forget lors des concerts de Pearl Jam, ou pour les prestations solos de Vedder, notamment deux mini-concerts de 2002 où il joua quelques morceaux inédits. Du moins, inédits jusque maintenant, car Ukulele Songs, qui voit le jour grâce au surfer Kelly Slater qui aurait tanné Vedder pour qu’il le sorte, est une collection de quatorze chansons enregistrées de 2002 à 2011, et qui ont comme point commun de d’avoir comme instrumentation qu’un seul ukulele. Ce qui semble un peu limité quand même. C’est mignon, un ukulele, ça fait vacances, colliers de fleurs et lotion au monoï, mais de là à en faire un album entier, il y a un pas, pourtant aisément franchi par Vedder qui a passé l’âge de se préoccuper de ce genre de choses. Surtout que Vedder à un double avantage par rapport aux orthodoxes de la quatre-cordes et du pagne : d’abord, il en joue comme d’une guitare, et arrive à en sortir des sons pas typiques du tout, et en plus, sa putain de voix, quoi. L’ukulele apportant une instrumentation très légère, il fallait une voix profonde en contre-poids, et Vedder la délivre sans efforts. De plus, comme les morceaux ont été écrits sur une longue période de temps, on retrouve des compos sombres et intenses, plus proches de Riot Act que de Backspacer.
En parlant de Riot ActUkulele Songs s’ouvre avec Can’t Keep, qui débutait déjà cet album. Directement, on comprend que Vedder approche l’instrument avec une mentalité de punkrocker : on ne jouera pas le morceau pour accueillir des allemands friqués qui descendent d’un bateau. Toute l’essence du morceau, et de là, l’état d’esprit de Vedder circa 2002 (en résumé : il n’était pas bien) est concentré dans cette petite guitare étrange qu’on va se mettre à apprécier pendant une bonne demi-heure. Sinon, quand je disais qu’il n’était pas bien, il n’était pas bien. Finies les niaiseries infâmes de Just Breathe, ici, on retrouve un Vedder post-11 septembre et pré-mariage-avec-top-modèle-et-deux-jolizenfants. Sleeping by Myself : « I should have known there was someone else ». Broken Heart : « I’m alright, it’s just a broken heart ». Goodbye : tout le morceau. Et ainsi de suite.

Lourd de sens, mais délivré avec exactement la bonne dose d’émotion. Pas trop de pathos, mais aucune légèreté non plus : Vedder, et on n’a pas eu l’occasion de dire ça depuis quelques années, est pile dans la nuance. Et la nuance en question fait contrebalancer les chansons d’amours déçues par d’autres au point de vue plus optimiste, comme Without You (cette intro!), Light Today (bien qu’il soit sans doute le morceau le moins consistant de l’album) ou le joli You’re True (« nothing here ever comes my way », mais elle est arrivée et depuis ça va mieux). Bon, évidemment, Vedder s’est senti obligé de parler d’océan et de lune dans chaque morceau, mais il fait ça depuis vingt ans, et personne ne s’en plaint. Deux autres highlights de l’album proviennent de ces fameuses sessions de 2002. Satellite, écrite selon le point de vue de l’épouse d’un des West Memphis Three apporte des choeurs et un peu de relief, alors que Longing to Belong enfreint la règle de départ en ajoutant un discret violoncelle. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’émotion est au rendez-vous, ni trop, ni trop peu, et ce n’était pas facile (« I’m falling faster than I ever fell before »).

Voilà pour les originaux d’Eddie. Parce que ce n’est pas tout : en bon américain qui connaît ses classiques, Vedder a posé son baryton et son uke sur quelques standards du music hall US. Malheureusement, le résultat semble plus plat, et aussi plus artificiel, même si Vedder n’est pas à pointer du doigt : ses morceaux à lui collent simplement mieux à l’ambiance de l’album. Dream a Little Dream, qui conclut l’album, est chanté avec tant de sérieux qu’on pourrait croire à une parodie. Une fois n’est pas coutume, un de ces morceaux est sauvé par quelqu’un d’autre, à savoir Cat Power, qui duette bien joliment sur le craquant Tonight You Belong To Me. Et Glen Hansard fait de même sur le Sleepless Night des Everly Brothers, et pour réussir à tenir un duo avec la voix d’Eddie Vedder, il faut le faire, n’est-ce pas, Andrew Stockdale?

Ukulele Songs est tout sauf un album solo traditionnel, et absolument l’opposé du trip égocentrique. Vedder ne cherche pas à se faire aimer, ni à rendre sa musique trop accessible (Backspacer, anyone?). Il livre juste une collection de morceaux, certains oubliables, d’autres comptant parmi les meilleurs écrits par Vedder ces dix dernières années. A qui se destine l’album? Certainement à la masse de fans irréductibles de Pearl Jam qui aimeront avant d’avoir écouté. Probablement aussi à ceux qui n’aiment pas vraiment le rock, mais qui ont bien aimé les chansons du film de Sean Penn avec le type qui va mourir dans les bois. Mais étonnamment, il peut aussi être très apprécié par les déçus de la production récente de Pearl Jam. Qui redeviennent alors, une fois de plus, indécrottablement optimistes pour leur dixième album, qui devrait sortir l’année prochaine…

The Strokes – Angles

Il aura fallu six ans et une certaine somme de conflits internes et d’egotrips en tout genre pour que les Strokes se décident enfin à sortir enfin leur quatrième album, soit plus de temps que pour leurs trois premiers réunis. Pourtant, l’attente n’était pas vraiment insoutenable : les membres du groupe avaient plus ou moins tous sortis leur album solo/projet parallèle et aucun n’aura déchaîné les passions, que ce soit le carré Nickel Eye au suranné Little Joy, en passant par l’assez mauvais essai de Julian Casablancas. Seul Albert Hammond Jr. s’en était bien tiré avec deux albums certes peu originaux mais solides. Donc, Angles arrive dans une relative indifférence, seuls semblent intriguer l’hideuse pochette et les anecdotes des interminables sessions d’enregistrement. Tout était donc réuni pour qu’Angles soit une petite surprise, un album du type « ah, ben on ne les attendait plus, ceux-là ».

Angles commence bien. Machu Picchu (?) commence avec un rythme reggae (bizarrement, ça marche) avant que Casablancas n’invoque le bon côté des années 80 (il avait épuisé le mauvais sur Phrazes for the Young, j’imagine), tout en chantant, comme au bon vieux temps, dans un vieux téléphone en bakélite noir. Les guitares passent de ludiques à gentiment énervées, et nous rappellent comme l’interaction Hammond/Valensi est un des élements qui ont fait de Is This It un album qui a défini la décennie passée. Casablancas n’a pas spécialement appris à chanter, mais y met (enfin) tout son coeur, et s’énerve même un peu à la fin. Même quand il parle de Lady Gaga (« wearing a jacket made of meat »), on y croit. Surtout que le morceau suivant, Under Cover of Darkness, a beau être un Strokes-by-numbers, c’est le meilleur depuis Room on Fire. Everybody’s singing the same song for ten years, mais il y avait encore une place pour les cinq de NY, finalement. Et ça fait du bien, tout comme Two Kinds of Happiness, où Casablancas semble toujours s’en foutre, et ne même pas essayer de faire des phrases complètes et compréhensibles. On connaît son obsession pour les trucs un peu kitsch des eighties (la dernière fois que je l’ai vu, il avait une mèche blonde et un pantalon moulant en cuir rouge, quand même), mais généralement, le groupe arrive à retourner cet aspect en leur faveur. Oui, You’re So Right est assez synthétique, oui, Fab Moretti y a été (vraiment) remplacé par une boîte à rythmes, mais cela reste un excellent morceau même si assez étrange, avec ses effets vocaux et la guitare de Street Spirit (Fade Out) enregistrée dans une piscine. Games pourrait se retrouver sur la BO de Back to the Future, mais ailleurs, Taken for a Fool croise Elvis Costello avec Blondie : quand on vous parlait du bon côté des eighties. La fin de l’album continue dans la même veine hit and miss, mais quand ça marche, c’est l’excellent Gratisfaction, qui sonne comme Thin Lizzy (si) ou Life is Simple in the Moonlight, qui rappelle en quatre minutes que les Strokes ne sont pas (encore?) finis.

Angles est un album étrange. Après une si longue absence, leur retour est discret, pas vraiment satisfaisant mais loin d’être mauvais non plus, notamment si on tient en compte l’énorme élargissement de leurs influences et de leurs qualités de musiciens. L’album est inégal, parfois brillant, parfois juste oubliable. Malheureusement, vu la mauvaise ambiance qui entoure le groupe, il me semble probable qu’on ne retrouvera plus jamais la force créatrice qui fut la leur voici déjà une décennie. Espérons alors qu’ils auront la décence de jeter l’éponge plutôt que de continuer coûte que coûte. Ou alors, encore mieux : ils peuvent simplement me prouver que j’ai tort.

Spotify : The Strokes – Angles

Foo Fighters – Wasting Light

Et le Grammy de meilleure promotion de l’année va aux… Foo Fighters! Parce que franchement, il fallait le faire. On commence, typiquement, avec Dave Grohl qui raconte que ce sera l’album le plus heavy de l’histoire du groupe, et on ne demande qu’à le croire, surtout qu’avec le retour de Pat Smear, les FF comptent dorénavant trois guitaristes. Ensuite, on apprend que l’album sera enregistré dans son garage, en analogique, par Butch Vig, et que Krist Novoselic et Bob Mould viendront donner un coup de main. Puis vient le moment des shows secrets, annoncés le jour même sur Twitter, où le groupe joue l’album (encore sans nom) intégralement, histoire de pousser (mais pas trop) aux fuites sur Youtube. Au même moment est diffusée une vidéo pour l’effectivement très heavy White Limo, qui voit le groupe en full mode déconne se faire conduire (en limousine blanche, forcément) par Lemmy. Enfin, ils leakent eux-même l’album sur leur page Soundcloud (il y est d’ailleurs toujours dispo), et on peut effectivement se rendre compte que oui, c’est l’album le plus heavy du groupe jusque maintenant. Et ce pouvoir du marketing leur offre un numéro un partout dans le monde, avec un album qui est donc écoutable légalement et gratuitement. L’incitant à l’achat? Rien de moins qu’un morceau de la bande magnétique originale sur lequel a été enregistré l’album.

L’album, donc, Wasting Light. Pas une guitare acoustique, disait le batteur de Tenacious D. Effectivement. Le premier morceau, Bridge Burning, est une démonstration de force. Une guitare, puis deux, puis trois, puis une attaque de batterie surpuissante, et Dave Grohl qui hurle pour la première fois du disque. Bam dans les dents. Oh, évidemment, ce sont les Foo Fighters, et le reste du morceau (et de l’album) restera mélodique, mais on a déjà l’impression que le quintet est totalement libéré. Des riffs dans tous les sens, des fills de batterie qui prouvent s’il le fallait encore que Taylor Hawkins n’est pas juste un batteur de figuration, et surtout la construction du morceau qui semble enchaîner pré-refrains, refrains, post-refrains, bref, Dave a mis le paquet.

La suite est du même acabit : même si presque chaque morceau offre ses moments de répit (ces passages typiquement FF où Grohl, le groupe, et le public reprennent leur respration avant que tout explose, encore), l’album file à très grande vitesse, puissant, rapide, mais toujours facile d’accès. Dave Grohl continue la tradition de rendre une musique relativement heavy accessible au plus grand nombre, comme son ancien chanteur l’avait fait il y a presque vingt ans. Mais dire que Wasting Light, c’est juste des morceaux heavy bourrés de riffs et de vieux solos serait une insulte au talent réel d’auteur de Grohl : Dear Rosemary, Arlandria, Walk ou encore le stupéfiant I Should Have Known comptent parmi les meilleurs morceaux composés par un type qui a quand même écrit Everlong. Et même si Dear Rosemary ressemble parfois un peu trop à Steady As She Goes des Raconteurs, ça reste un très grand morceau, vraiment.

Wasting Light n’est pas un album parfait. Dave Grohl est très généreux, et sa bonne volonté le force parfois à en faire un peu trop. Comme, justement, les trois refrains différents par morceau, une dynamique quiet/loud/very loud/encore plus loud ou un niveau de testostérone que le jeune Eddie Vedder n’aurait pas renié. Butch Vig a peut-être aussi surmixé sa voix, mais c’est un avis personnel. D’ailleurs, garage ou pas, Vig a quand même emballé le tout dans une production expansive qui fait nettement plus Wembley Stadium que CBGB.

L’album offre relativement peu de variété : outre les brûlots rock comme Bridge Burning ou le single Rope, on a aussi des compos un peu plus pop comme These Days, Miss the Misery (avec des whoohoo très Bon Jovi, il ne manque plus que l’effet à la Sambora déjà entendu sur Generator) ou Walk qui commencerait presque comme Kings of ColdMuse, des morceaux plus sombres (I Should Have Known) ou totalement débridés (White Limo, donc), le template reste identique (ah, cette guitare rythmique…). Mais quand les morceaux sont si bien écrits, quand les musiciens frôlent l’excellence, pourquoi changer?

Wasting Light est un album concept, en somme, et le concept était de réaliser le meilleur album de rock ‘n roll possible en 2011. Probablement anachronique, certainement futile, mais absolument réussi, Wasting Light est non seulement le meilleur album d’un groupe pas assez pris au sérieux, mais aussi la place assurée de Dave Grohl au Panthéon des compositeurs contemporains. Surtout, Wasting Light est fun, agréable, et appréciable. Pas d’artiste torturé et incompris, pas de complexité à deux balles pour décrocher un BNM chez Pitchfork, pas de poses mystérieuses pour être rebloggé sur Tumblr. It’s only rock ‘n roll and you should like it.

Spotify : Wasting Light et Wasting Light deluxe edition (avec un remix de Rope par Deadmau5 et l’inédit Better Off). Et tant qu’on y est, ma playlist Foo Fighters.

Et si vous n’avez pas (encore?) Spotify, le groupe a le bon goût de nous laisser le stream Soundcloud jusqu’à nouvel ordre.

Playlist Spotify : Foo Fighters

Tout le monde s’accorde à dire que Wasting Light est un grand retour en puissance pour les Foo Fighters, et sans doute leur meilleur album depuis The Colour and The Shape.

En attendant la chronique, j’ai compilé une playlist Spotify de trente-quatre morceaux, résumant en deux heures l’ensemble de leur carrière. J’ai sélectionné la plus grande partie de leurs hits, mais aussi des extraits d’albums et quelques faces B, comme le morceau-titre de The Colour and the Shape ainsi que des reprises des Wings et d’Arcade Fire.

Naturellement, la playlist se conclut avec des extraits de Wasting Light et une version acoustique d’Everlong.

La playlist se trouve ici, et pour vous abonner à mon profil Spotify, il suffit de cliquer sur le logo Spotify dans la colonne de droite.

La suite des chroniques (Wasting Light, Angles et bien d’autres) arrive « bientôt »…

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