MGMT – Oracular Spectacular

C’est l’évidence même : je ne saurais jamais chroniquer tous les albums (que je juge) intéressants, par manque de temps, simplement. L’album de MGMT est sorti depuis déjà quelques mois, mais j’en parle seulement maintenant, pour je ne sais plus quelle raison. Au moment où les (web)zines vont commencer à publier leurs traditionnellement emmerdantes listes de fin d’année, il est probable qu’Oracular Spectacular s’y retrouvera, donc, pourquoi ne pas en parler. Surtout qu’il possède son lot de fulgurances.

Sous leurs apparats branchouilles, vetêments débiles et nom très zeitgeist (MGMT est la contraction de leur ancien nom, The Management – une référence à Carnivale?), MGMT cache deux gars clairement influencés par une décade (les 70s du prog, des Bee Gees, d’Elton et des claviers Korg) durant laquelle ils n’étaient peut-être même pas nés. Mais heureusement, ils ne sont pas uniquement passéistes. Time To Pretend entame l’album d’une bien belle manière. C’est d’abord une profession de foi semi-ironique (« Let’s make some music, make some money, find some models for wives »… « We were fated to pretend ») mais surtout un morceau vraiment très bon, propulsé par une basse monstrueuse et des synthés étranges (étrange dans le genre « faut oser ressortir ces vieux trucs »). Cheesy, cliché, mais aussi efficace et étonnant : rien de tout cela n’est original en soi, mais un mélange glam-electro réussi, ça fait plaisir à entendre, et ça fait bouger. On pouvait dès lors s’attendre à ce qu’Oracular Spectacular soit une succession de tubes, tous calqués sur le modèle. Ce qui ne sera pas le cas, fort heureusement.

Le truc de MGMT, c’est de tout enfouir sous des couches de guitare, de synthés, de basse vrombissante (sans doute la plus puissante lead bass depuis Death From Above 1979). Ce qui n’est pas une mauvaise chose, mais montre assez vite les limites du chant, assez faible, et qui plombe certains morceaux (Weekend Wars, The Youth). Mais le one-two punch dévastateur Electric Feel (le morceau disco de l’année, sans aucun doute)/Kids (le second Time To Pretend) fait de la première partie de l’album une réussite, surtout pour un premier album (même si le groupe n’est pas si récent). L’important, c’est que MGMT ose. Même si cela ne marche pas toujours (le solo de synthé « flûte de Pan » d’Electric Feel est vraiment too much), ils essaient. Malheureusement, comme on pouvait le craindre, l’album ne tient pas trop sur la durée. On retrouve les mêmes ingrédients, mais le produit fini devient lourdingue, et parfois vraiment dispensable, tout en restant parfois complètement cinglé.

Oracular Spectacular n’est pas Is This It, mais il est prometteur. Et même là où il échoue, il vaut toujours la peine d’y jeter une oreille, tant les idées lancées un peu partout par le duo Goldwasser/VanWyngarden sont intéressantes. il faudra juste un peu organiser tout cela, y ajouter un peu de substance et de constance, et on risque d’avoir un bien bon album dans le futur.

Guns N’ Roses – Chinese Democracy

Non, je ne reviendrai pas sur la genèse de l’album, les treize ans et treize millions de dollars nécessaires à sa production : tout le monde en a parlé, et l’info est disponible partout. Je vais uniquement m’intéresser à Chinese Democracy, sixième album de Guns ‘N Roses (dont Axl Rose est le seul membre fondateur restant), qui sort ce 23 novembre. Oui, c’est tout à fait incroyable, mais franchement, on s’en fiche : ce qu’on veut savoir, c’est ce qu’il vaut, et si Axl Rose nous a donné le bâton ultime avec lequel il adore se faire frapper.

Une bonne partie des morceaux sont connus de longue date, pour avoir été joués en concert ou pour s’être retrouvés « par hasard » sur internet. Maintenant, on a enfin entre les mains le produit fini, et il commence par un choc, un avertissement. Chinese Democracy, le morceau, débute lentement, par un bruit de fond, puis par quelques accords de Buckethead et un megariff industrieux avant qu’Axl ne pousse un cri primal, qui rappelle immanquablement le premier morceau d’Appetite For Destruction, Welcome To The Jungle. Shackler’s Revenge revendique aussi ces influences industrielles, et lorgne bizaremment vers le Tanzmetall, avec un Axl enfouissant sa voix sous des couches d’effets. So far, peut-être pas so good, mais en tout cas, ça va.

Comme si. Better commence à inverser la tendance, avec deux refrains débordant de saccharine mais une vraie mélodie. Probablement le hit de l’album, il nous ramène à l’époque du rock FM, dans laquelle Axl Rose vit sans doute toujours. Mais il manquait un élément majeur du rock FM, le piano. Ouaip, un piano qui ficherait la honte à Elton John, et qui est responsable de l’intro du déjà légendaire Street of Dreams. Si jamais (et c’est pas gagné) des terroristes se trouvent vraiment à Guantanamo, alors je conseille à Barack Obama de faire passer ce morceau (et les suivants) en boucle avant de fermer la prison, Ben Laden, Al Zawahiri, tout le monde serait retrouvé en trois minutes. C’est pire que Nothing Else Matters.

Il semble qu’en treize ans, Axl n’a écouté personne qui aurait pu donner un avis critique. A la place, Rose compile et empile les excès et le mauvais goût manifeste, comme If The World qui commence sympathiquement avant de devenir une mauvaise ballade des derniers jours de Faith No More, ou encore There Was A Time (dont l’abréviation est ô combien adéquate) qui dure au moins cinq minutes de trop (« it was a long time for me / it was a long time for you / it was a long time for anyone », on a attendu treize ans pour ça?)

Bien sûr, la voix d’Axl occupe toujours le premeir plan. Elle est trafiquée une fois sur trois, et quand elle ne l’est pas, on est parfois surpris du fait qu’elle a relativement bien passé les années. Ceci dit, le multitrack systématique fait qu’on se sent vite agressé par une vingtaine d’Axl prépubères qui nous hurlent dans les oreilles. Pas toujours une bonne idée. Musicalement, malgré le fait qu’il se soit entouré d’excellents musiciens, on ne peut pas dire que cela vole très haut. Rose a payé Bryan « Brain » Mantia à prix d’or, tout ça pour qu’il rejoue à l’identique les parties de Josh Freese (!), ou pire, pour le remplacer par une boîte à rythmes. Niveau guitares, Axl en a engagé cinq, qui jouent d’ailleurs sur quasi tous les morceaux. Oui, ça veut donc dire que parfois, on a trois lead guitaristes (Buckethead, Ron « Bumblefoot » Thal et Robin Finck) et deux rythmiques (Richard Fortus et Paul Tobias) en même temps. Même chose pour la batterie, ou Brain et Frank Ferrer sont crédités simultanément.

Cette longue liste de dramatis personae (et encore, je passe les claviers) est symptomatique : Chinese Democracy a été tellement difficile à enregistrer qu’il ressemble plus à un énorme patchwork de copiés/collés de studios (sept personnes sont crédités pour Pro-Tools) qu’à un album cohérent de vrai groupe. Mais on le sait, le « Guns ‘N Roses » actuel, c’est juste Axl Rose. Encore pire : l’album est tellement produit qu’il est parfois difficile d’entendre qui joue quoi. En d’autres termes, Axl a réussi à faire jouer Buckethead comme n’importe quel autre guitariste, ce qui est vraiment dommage. Les passages où il est vraiment reconnaissable sont trop peu nombreux, mais se retrouvent facilement parmi les meilleurs de l’album.

Chinese Democracy est aussi bien trop long. OK, il a fallu treize ans blah blah mais quand même, les morceaux de six minutes, les albums de 71, c’est limite. Surtout quand certains passages sont étendus inutilement, comme l’intro de Riad N’ The Bedouins, pourtant un des meilleurs morceaux ici (compte tenu de la chute vertigineuse des espérances). Et quand on se demande ce que Rose peut encore sortir de son chapeau pour nous faire marrer/pleurer, il ne trouve rien de mieux qu’une collaboration avec un autre vieux type semi-oublié, Sebastian Bach. Ce dernier avait décrit Sorry comme un morceau doom metal avec un beat grind, il est donc encore plus cinglé que Rose. Même si le refrain a effectivement une certaine puissance. Dans le même ordre d’idées, l’album est souvent surproduit et bourrés d’artifices divers et variés. Exemple, There Was A Time. On a un orchestre, un choeur, des percussions tribales, des cordes de BO ciné, un break hip-hop, une backing track à l’envers (sans doute pour Charlie Manson), un solo de guitare et Axl. Et ce, durant les vingt premières secondes : après c’est moins sobre. Rose a sans doute voulu caler le plus de trucs possible, mais c’est très vite fatigant, comme l’est aussi la sur-représentation des ballades.

Si l’album a un point positif, c’est de nous rappeller ce que c’était, les fameuses ballades « de l’époque ». « And III will loooooove you babyyyyy aaalwayyyyys », de ces braves gens de Bon Jovi, remember? Messieurs K. Cobain et L. Staley y ont donné leur vie, mais ce putain de cadavre est toujours en train de frétiller, et Dr Axl Frankenstein a tenté de le faire marcher. Catcher In The Rye (quelle insulte) y réussit peut-être, je ne veux pas me prononcer, ignorant totalement ce qu’est une bonne ballade rock FM, si seulement ça existe. Mais en tout cas, c’est loin d’être un bon morceau. La tendance ne se démentira pas, avec une grande partie des morceaux comprenant au moins un passage lent, souvent au piano, avec un Axl vraiment triste (peut-être n’aime-t-il pas le Dr. Pepper). This I Love serait ridicule, s’il ne venait pas d’un vieux type paranoïaque et psychopathe. Là, c’est juste pathétique.

Dommage, car la fin de l’album comprend son lot de passages sympathiques à aller chercher, comme dans IRS, Scraped, Madagascar ou Prostitute. Mais la folie mégalo mal placée de Rose ne permet jamais à un seul morceau, à une seule simple mélodie de se développer tranquillement. Ok, Axl Rose n’a jamais voulu être calme, et cela lui a réussi dans le passé. Chinese Democracy, malgré tout, déçoit (forcément) mais montre une image sans doute fidèle de son géniteur. Si seulement l’album portait son seul nom, je suis sur que les choses seraient très différentes. Malheureusement, Chinese Democracy est un album de Guns N’ Roses, doit être jugé comme tel, et se plante. Avec panache, certes, mais il se plante.

Cradle Of Filth – Godspeed On The Devil’s Thunder

Cradle Of Filth… Rarement un groupe aura suscité autant de haine dans le milieu du metal « extrême ». Pourris, sellouts, poseurs, on leur aura tout lancé à la gueule, avec finalement assez peu d’arguments. En fait, Cradle a eu la mauvaise idée de tourner le black metal en dérision, notamment avec la video parodique hilarante de From The Cradle Of Enslave. De plus, il faut reconnaître que leur musique n’était pas spécialement difficile, mais je ne pense pas que c’était une mauvaise chose de rendre le black metal plus accessible. Mais évidemment, les puristes n’étaient pas de cet avis.

Vendus ou pas, Cradle of Filth n’a quand même plus sorti grand chose de terrible ces derniers temps, et a multiplié les albums-remplisseurs, genre live, best of, compiles diverses et variées, éditions spéciales. Et voilà que Godspeed On The Devil’s Thunder est le meilleur album de CoF depuis Midian (2000), au moins. Comme souvent chez le groupe du ptit Dani Filth, il est basé sur un concept, cette fois le tueur en série, déviant sexuel et contemporain de Jeanne d’Arc Gilles de Rais. L’album raconte ses oeuvres jusqu’à sa rencontre finale avec le vieux barbu, et est entrecoupé de narrations de l’artiste, une fois de plus réalisées par Doug Bradley (Pinhead!).

Après une intro symphonique, Shat Out Of Hell (ah, ce raffinement…) est ravissant d’agressivité, comme on ne l’attendait plus trop chez CoF. Tout n’est pas de cet acabit, mais Godspeed comprend suffisamment de morceaux décents pour être écouté (en jouant à D&D). Malheureusement, même si c’est le meilleur album de Cradle Of Filth, c’est aussi… un album de Cradle of Filth.

La voix de Dani Filth, même si toujours efficace, est quand même parfois irritante, et finalement, c’est quand même encore toujours la même chose, en juste un peu mieux, plus agressif. Mais rien ne peut excuser l’infâme The Death Of Love, dont le refrain serait rejeté pour un album d’Evanescence. Cradle Of Filth, même s’ils ne méritaient pas la terreur médiatique dirigée contre eux, ne méritent pas non plus leur titre de plus gros groupe metal UK depuis Iron Maiden. Godspeed a beau être leur meilleur album depuis huit ans, cela ne veut pas dire grand chose, hélas.

The Bronx – The Bronx (3)

Les groupes qui donnent leur nom à un album (ou qui n’en donnent pas, question de point de vue), ça m’énerve. Quand c’est un premier album, passe encore : l’artiste se dit « voilà, c’est moi, je donne mon nom à l’album ». Prétentieux, mais ça se défend. Quand c’est un album ultérieur, c’est déjà moins logique, et sans doute encore plus prétentieux. Mais là où le problème se passe, c’est lorsqu’un artiste le fait plusieurs fois dans sa carrière. La dernière bouse de Korn n’avait pas de nom, comme leur excellent et novateur premier album.,Weezer a déjà sorti trois albums sans nom, mais ils s’en sont sortis avec des couleurs (bleu = excellent, vert = bof, rouge = au secours), et dans le cas qui nous occupe, The Bronx n’a jamais donné de nom à ses albums, et ceci est le troisième. Irritant, non? Ben non, parce que The Bronx, c’est tellement bien qu’on peut tout leur pardonner.

Le premier album (2003) était une avalanche de puissance et de violence punk, d’une intensité remarquable. Le second (2006) était plus varié, mais gardait le même esprit. Pas de grande variation ici, mais des morceaux plus posés, mieux écrits, et qui ne dépendent pas uniquement de la vitesse à laquelle ils sont joués. Ceci dit, l’album est sans concession du début à la fin, orgie d’accords destructeurs et de voix vindicatives. Inveich aurait d’ailleurs pu se retrouver sur le premier album, tandis que montre le talent musical du groupe, qui n’a fait que s’améliorer depuis leurs débuts. Même choix pour la voix de Matt Caughthran, qui n’hésite plus à chanter. Past Lives bénéficie d’un refrain pour lequel Offspring tuerait (même si Offspring n’a évidemment jamais fait quelque chose d’aussi bien) et Six Days A Week est juste phénoménal. Trente-trois minutes parfaites.

The Bronx, troisième du nom, n’a pas l’immédiateté du premier, mais il est sans doute leur meilleur album, et un des plus efficaces de 2008. The Bronx est un groupe dans lequel on peut croire, un groupe qui change des vies. Même s’ils menacent de sortir un album de mariachi l’année prochaine.

The Cure – 4:13 Dream

Un album de Cure, même si c’est le treizième, reste toujours un événement. Histoire de ne pas passer à côté, les marketeers ont décidé de jouer avec le chiffre 13, en sortant un single chaque treizième jour des quatre mois précédant la sortie, prévue le 13 septembre. Sauf que tout cela a pris du retard, qu’il a fallu bidouiller en vitesse un single pour septembre (l’EP de remixes Hypnagogic States), et que finalement, 4:13 Dream est sorti… le 27 octobre. Toujours dans la symbolique, le chiffre quatre annonce qu’il reste quatre membres dans le groupe, modifié avec le retour du fidèle Porl Thompson et qui abandonne les claviers pour deux guitares (Thompson et Smith). C’est bien beau tout cela, mais quid de l’album? Cure, malgré quelques faux pas, n’est jamais tombé trop bas. Le précédent album, The Cure, produit par Ross Robinson montrait un groupe désireux de revenir à ses racines, vers une musique peu complexe et assez organique : cette recherche sonore continue ici.

4:13 Dream commence très bien, avec le long et lancinant Underneath The Stars qui ne dépareillerait pas sur Zuma, oui, carrément. On se sent tout de suite dans une atmosphère tendue mais familière, avec forcément le Roi des corbeaux qui vient poser sa foutue voix inimitable. C’est bien, mais… Mais c’est le meilleur morceau de l’album, et d’assez loin. Smith l’avait annoncé, 4:13 Dream serait assez light. Mais on ne s’attendait pas à quelques singles trop évidents (Freakshow), ni à des pompages quasi incessants de leurs propres moments de gloire.

The Cure version 2008 fait donc dans le légèrement menaçant (The Real Snow White pour attirer les fans de NIN, sans doute), le légèrement acoustique (Siren Song) et le légèrement agressif (Sleep When You’re Dead, du moins l’intro). On retrouve quand même quelques trucs assez intéressants, comme The Perfect Boy qui est tellement Cure que le rouge à lèvres coule des écouteurs, et This. Here and Now. With You qui est mieux que son titre. Typiquement, It’s Over conclut l’album avec Bob qui prévient que maintenant, c’est fini. Personne ne le croit, et c’est peut-être bien dommage, il serait peut-être temps de penser à raccrocher.

L’importance de Cure dans l’histoire de la musique n’est pas vraiment sujette à débat, et la qualité de 4:13 Dream non plus. Ce n’est pas Wild Mood Swings, ok, mais il reste assez anecdotique, et surtout, on pouvait attendre plus et mieux d’un Cure sans clavier (même si Porl Thompson et loin d’être mauvais). Ce qui est questionnable, par contre, c’est la pertinence du groupe. Heureusement que leurs concerts valent toujours la peine, parce que 4:13 Dream, pas trop.

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