Stone Gods – Silver Spoons And Broken Bones


The Darkness. La blague n’a pas duré longtemps, mais elle était marrante. Emmené par le flamboyant Justin Hawkins, le groupe a tourné dans toute l’Europe et amusé pas mal de monde, avec leur glam-metal très second degré (enfin, je crois) et pantalons moule-couilles. La suite fut moins réjouissante : un second album pas terrible du tout, un frontman ingérable qui a fini par partir/se faire virer. Aux dernières nouvelles, Hawkins a formé un nouveau groupe (Hot Leg) après avoir échoué aux préselections anglaises de l’Eurovision (authentique, je e saurais pas inventer un truc pareil). Et Stone Gods dans tout ça? Stone Gods, c’est trois quarts de Darkness (le batteur Ed Graham, le guitariste Dan Hawkins et le bassiste ici passé chanteur Richie Edwards) et Toby McFarlaine (Thirteen/13, Graham Coxon). Moins Kiss mais tout aussi metal, voici leur premier album, Silver Spoons And Broken Bones.

Que peut-on rapidement en dire? Qu’Edwards chante assez bien, dans un registre nettement plus discret que Hawkins (et rappelant parfois Sebastian Bach, celui qui annonce la sortie de Chinese Democracy toutes les deux semaines), mais le contraire eût été impossible. Que pour un album metal assez classique, il se défend bien, touchant le glam, le heavy et des refrains à boire. Ils ne se prennent pas pour autant trop au sérieux : leurs morceaux s’appellent Don’t Drink The Water ou You Brought A Knife To A Gunfight plutot que The Rime Of The Ancient Mariner. Ceci dit, ils s’inspirent assez souvent de la mauvaise partie des années 80. On peut tolérer le début, mais on fur et à mesure, on glisse très dangereusement en territoire Bon Jovi (Lazy Bones), et ça, c’est pas bon. De même, ne pas se prendre au sérieux c’est une chose, nommer le dernier titre de l’album Oh Whero My Beero une autre. Et je passe sur Knight Of The Living Dead. Ha ha.

On se retrouve face à un disque techniquement assez bon, ce qui avait permis à l’époque à The Darkness de s’élever du lot : oui, Justin Hawkins faisait ses conneries, mais derrière, les morceaux étaient très bons, et bien exécutés. Ils sont moins catchy ici, mais on voit que les musiciens savent ce qu’ils font, et le font bien. Maintenant, ils ne révolutionnent rien, et livrent assez simplement un album sympathique même si dispensable, sans génie, mais sans trop d’irritations épidermiques non plus. Les fans de Poison devraient aimer.

The Subways – All Or Nothing

La question était posée lors de la sortie de leur premier album : qu’allait-il advenir des Subways après que le chanteur/guitariste Billy Lunn et la bassiste Charlotte Cooper se soient séparés. On a maintenant la réponse, plus impressionnante que prévu..

Un pas de géant a été franchi entre les deux albums. Le premier, éminemment sympathique mais assez bricolé, était produit par Ian Broudie, ex-Lightning Seeds ; celui-ci par Butch Vig, batteur de Garbage et producteur, entre autres, de Nevermind et Siamese Dream. On ne doit pas chercher midi à quatorze heures : Vig applique sa formule efficace, à défaut d’être magique : les morceaux sonnent très pro, les guitare et basse puissantes, et tout va très bien.
Tout va d’autant mieux que malgré les évidentes influences (Kalifornia rappelle la recette Nevermind, elle-même chipée aux Pixies), All Or Nothing sonne bien, du moins quand les attentes ne sont pas invraisemblables : The Subways n’allaient jamais révolutionner quoi que ce soit.

Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec un album punk-pop de bonne qualité, lorgnant parfois vers le côte plus hard du spectre (sans toutefois être comparable, à Kyuss ou Therapy?, comme un récent article typiquement dithyrambique du NME le laissait entendre). Non, les paroles ne volent pas très haut (pas vraiment le but), ça ne chante pas super bien non plus, mais on s’amuse bien, ce qui fait du bien, une fois de temps en temps. On regrettera peut-être le feeling plus intime et moins K-ROQ de Young For Eternity, mais ils ont voulu amplifier leur son, ce qui est assez légitime en soi, et tout à fait réussi.

Girls & Boys, All Or Nothing, Shake Shake et plein d’autres sont suffisamment mouvementés pour faire bouger les foules estivales, et c’était sans doute leur but. Parfois, les influences sont un poil trop évidentes, comme l’assez mauvaise imitation de Black Francis dans Turnaround, ou quelques sons vraiment trop Nirvaniens, mais cela leur donne un certain champ de manoeuvre pour un troisième album dans lequel ils devront trouver leur propre style.

Malgré l’américanisation peut-être excessive, on peut sourire en écoutant Move To Newlyn, où Billy Lunn pense retourner dans son bled natal, retrouver son cousin Ricky. C’est peut-être ce qui les fera perdurer, ces Subways : ils ne semblent pas trop se prendre au sérieux, et on souhaite qu’ils gardent la tête froide tout en continuant à produire des albums sympathiques, frais et agréables. Parfois, il n’en faut pas plus.

The Music – Strength In Numbers

Hype. Expression aussi vide de sens qu’impitoyable. Peu de groupes considérés comme « les nouveaux Beatles/Stones/Nirvana/etc) ont pu confirmer sur la longueur, et ceux qui l’ont fait ont du évoluer ou du moins diminuer d’intensité. Oasis est pour cela un cas d’école : comment faire quand on atteint la quasi perfection dès le début. On en reparlera sans doute l’an prochain, quand Arctic Monkeys sortiront leur potentiel Be Here Now. The Music était à fond dans le hype, à l’époque : le premier album les propulsèrent comme nouveaux Stone Roses, Tony Wilson ayant exprimé à l’époque son regret de ne pas avoir pu leur faire signer un contrat.

Il est vrai que le disque était fort bon, malheureusement, comme souvent, le second ne fut pas à la hauteur. Longue pause, séjour en désintox, les clichés ont défilé, ce qui fait qu’on ne mourait pas spécialement d’impatience d’entendre le nouvel album du quatuor de Leeds.

Tant mieux : l’effet de surprise est d’autant plus grand. Parce que Strength In Numbers, même s’il n’inversera pas le réchauffement climatique, est un album tout à fait décent, avec quelques morceaux brillants.

Le morceau-titre entame l’album avec un rythme infernal et un refrain à soulever le Stade de Wembley. La voix de Robert Harvey fonctionne très bien, et a évolué en diversité, tout en gardant ce caractère fédérateur. Quand la machine tourne, The Music sonne comme une über-version des Chemical Brothers (l’album est coproduit par l’ex-Orbital Paul Hartnoll) avec une douzaine de John Squires, le tout scandé par Richard Ashcroft. On trouvera pire, comme comparaison. Fire est carrément immense, Get Through It irrésistible, et Drugs commence par la ligne de basse de Heart Of Glass, ce qui leur apporte directement toute ma sympathie.

Restons réalistes, tous les morceaux ne sont pas du même niveau, et clairement, les chansons lentes n’arrivent pas à décoller. De plus, les paroles de Harvey gagneraient à être un peu plus imagées. Un titre comme « Drugs » ne va pas inspirer grand monde. Il n’empêche, le mur du son mis en place est d’une efficacité redoutable, et serait totalement dévastateur dans une plaine de festival. De plus, malgré un sentiment d’homogénéité, les morceaux possèdent généralement un petit quelque chose, un élément individuel qui les rendent intéressants : parfois c’est le jeu de guitare (No Weapon Sharper Than Will) ou l’utilisation de l’électronique (The Last One).

Et même si Cold Blooded sonne vraiment comme une version 2008 des Stone Roses (ce qui n’est après tout pas une mauvaise chose), on ne boudera pas son plaisir : non seulement Strength In Numbers est un chouette album, mais il relance ses concepteurs dans le paysage musical contemporain, leur rendant une place qu’ils n’auraient pas du quitter.

Sigur Rós – Með Suð Í Eyrum Við Spilum Endalaust

Ecrire sur Sigur Rós, c’est souvent un exercice de style que n’aurait pas renié Raymond Queneau : comment éviter les clichés, les lutins, geysers et glaciers qu’évoquent forcément la musique des islandais? Contre toute attente, Sigur Rós eux-même nous fournissent la réponse : le nouvel album est assez différent des précédents, et n’évoque plus vraiment les mêmes images.

Le premier morceau, Gobbledigook (?) choque, parce qu’il ne ressemble absolument pas à la production connue du groupe, mais plutôt à Animal Collective reprenant The Yeah Yeah Yeah Song des Flaming Lips, en Islandais (quand même). L’espèce de drone lancinant caractéristique du groupe est, sinon totalement absent, nettement plus discret tout au long de l’album, comme s’ils avaient voulu marquer distinctement le changement. Bien leur en a pris : c’est leur meilleur depuis un petit bout de temps.

Le début de l’album est constitué de morceaux relativement courts, aérés, avec une impression générale de légèreté estivale, de bien-être. Si seulement ils chantaient en anglais, ils connaîtraient un succès à la Arcade Fire, voire plus. (Góðan Daginn, Vid Spilum Endalaust) . Mais il ne le font pas, ils ont raison, et transcendent toute comparaison. Festival, pierre d’achoppement de l’album, est formidable, tout. au long de ses neuf minutes divisées en deux parties : émotionnel d’abord, nettement plus rythmé ensuite, un chef d’oeuvre. Dans le genre épique, Ára Bátur fait encore plus fort, avec un final monumental, fait de choeurs, de percussions puissantes et d’une orchestration qui rappelle d’un coup tous les clichés repoussés ci-dessus.

Mais le point fort de l’album, ce qui leur a manqué ces dernières années, c’est la variété des ambiances. Með Suð Í Eyrum débute avec une magnifique intro au piano, rappelant à quel point les débuts du groupe (le superbe Agaetis Byrjun) a inspiré Thom Yorke. Illgresi est quant à lui emmené par une simple guitare folk et la voix inspirée de Jón Birgirsson. En passant de la multi-instrumentation à la simplicité, Sigur Rós se rapproche du sublime.

Le relatif dynamisme du début de l’album se dilue assez rapidement, et au final, on retrouve nettement plus de morceaux « typiques » que de Gobbledigooks. On pourrait regretter que la volonté de changement n’ait pas été plus prégnante, mais quand on se retrouve face à des morceaux de cette qualité, on peut plus facilement le comprendre. Fljótavik mériterait d’avoir un film écrit pour elle, rien que pour qu’on puisse utiliser visuellement son énorme potentiel émotionnel.

Même si l’album n’est finalement pas si surprenant que ça, il se conclut par une grande première, qui sera peut-être interprété comme un indice sur le futur du groupe. Oui, All Alright est bien en anglais, et oui, c’est la première fois.

Með Suð Í Eyrum Við Spilum Endalaust est un album important, qui tend aussi bien vers le passé (il surpasse () et Takk, en retrouvant le sublime des débuts) que le futur (les expérimentations sonores, le titre en anglais). On peut donc s’interroger sur l’avenir d’un groupe qui a commis la petite faute de s’être un peu endormi, mais le réveil aura été aussi efficace qu’impressionnant. Mais avant de se poser trop de questions sur le futur, profitons du présent, et d’un album splendide.

The Offspring – Rise And Fall, Rage And Grace

Coup de vieux de l’année #65 : j’ai wikipédié Offspring, et ils ont allégrement dépassé la quarantaine… Smash a accompagné mon adolescence, et évidemment, je me suis écarté du groupe dès qu’ils ont commencé leur phase gimmicks stupides (Pretty Fly, Original Prankster). Ils s’en sont rendu compte : Rise and Fall, Rage and Grace, leur huitième album, est annoncé comme leur retour vers leurs racines punk californiennes.

En réalité, c’est plus ou moins le cas. On ne trouve pas de novelty songs, mais une majorité de morceaux punk classiques, qui auraient pu sortir de n’importe qui (Bad Religion, Rancid, …) n’importe quand. Half-Truism, You’re Gonna Go Far Kid, Hammerhead, Takes Me Nowhere et surtout Stuff Is Messed Up sont donc tout à fait acceptables. L’ennui, c’est qu’en essayant de revenir à une vieille formule, ils provoquent une inévitable comparaison, et niveau inspiration, on est loin de Smash ou de Ixnay On The Hombre. On fait peut-être les meilleurs plats dans les vieilles casseroles, mais les ingrédients (et les cuisiniers?) ne sont plus de première fraîcheur.

Mais il y a pire : les ballades. Offspring avait déjà commencé sur Ixnay, avec un Gone Away aux relents de Bon Jovi. On en trouve quelques unes ici, et on les zappera sans remords. Sinon, on sera indulgent, cette fois : ce n’est pas mauvais, juste un succédané du passé, une sorte d’anachronisme, là où Green Day s’est réinventé (avec des fortunes diverses).

Oubliable, loin d’être indispensable mais acceptable au vu des circonstances, Rise and Fall etc (c’est quoi cette tendance aux titres kilométriques?) se laisse écouter une fois ou deux, avant de ne plus sortir de l’armoire/du disque dur/de l’iPod.

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