AC/DC – Back In Black (1980)

ACDC_Back_in_BlackUn fait pour débuter. Back In Black est, derrière Thriller, l’album original le plus vendu de tous les temps. Et vu que l’album approche de sa fin inéluctable, il le restera. Je ne prends pas ça comme critère de qualité (le disque le plus vendu, toutes catégories confondues est le Greatest Hits des Eagles, ce qui remet les choses en perspective), mais de distribution : énormément de monde a écouté (ou en tout cas possède, ce qui est autre chose) l’album phare d’AC/DC, succès aussi énorme qu’improbable.

En 1980, AC/DC avait déjà un bon paquet de hits derrière eux, avec notamment l’album Highway To Hell, et un vocaliste exceptionnel, Bon Scott. On connaît la suite : Scott meurt, et est remplacé par Brian Johnson. Back In Black est un hommage à Bon Scott, mais beaucoup d’autres choses aussi.

L’intro mythique, pour commencer. Les cloches, simultanément hommage au chanteur mais aussi annonciatrice de chaos. Un riff, lent, lancinant, qui fait à lui tout seul qu’Angus Young a sa page dans l’encyclopédie des tous grands. AC/DC n’a jamais eu besoin de jouer fort (Iron Maiden), vite (Motörhead), ou de manière malsaine (Black Sabbath) : ils ont leur propre genre, mélange de riffs, de la voix, hmm, particulière de Brian Johnson, et les paroles plus double-entendre qu’une conversation ouija entre Freud et sa mère.

Hells Bells, le premier morceau en question est juste un riff, donc, mais quel riff. AC/DC a repris la racine du rock n roll, le blues, en y ajoutant – forcément – l’électricité et un nombre incalculable de métaphore sexuelles (You Shook Me All Night Long, Let Me Put My Love Into You (!!!) voire parfois sexistes (What You Do For Money Honey).

Mais ne reprendre que ça serait assez réducteur : au creux de l’album, un discret morceau traîne son riff monumental : Back In Black. Continuons le thème : le moment où Johnson commence à chanter est carrément un des moments les plus orgasmiques du rock ‘n roll. Et c’est bien ce qu’AC/DC a apporté : rien grand chose de complexe, ni de bien sérieux (z’avez déjà vu Angus Young?). Mais une dose maximal de plaisir et d’enthousiasme, combiné avec un sens de l’accroche inouï; et inégalé.

Oh, bien sûr, ils vivent depuis des années sur leur légende (même si on annonce un nouvel album en 2008), on parle plus de l’accessoire que de l’essentiel (les canons et les cloches, n’importe quel jeu de mot avec “balle” dedans – regardez la pochette du leur dernier dvd), mais quelle légende : AC/DC a créé, et continuera à créer, des groupes qui auront plus ou moins compris l’idéal de Angus, Malcolm, bon, Brian et les autres : rock n’ roll ain’t noise pollution. Back In Black est la référence.

Hells Bells

 

The Raconteurs – Consolers Of The Lonely

On ne s’attendait peut-être pas à ce que Jack White, qu’on imagine peu vérifier Facebook tous les jours, suive les pas de Trent Reznor et Radiohead. Il l’a fait, mais avec un twist évidemment traditionnel. Le second album des Raconteurs a été annoncé une semaine avant sa sortie, qui fut générale : l’album n’était pas seulement disponible sur internet, mais aussi en magasin Des vrais magasins, avec des murs, un vendeur et des prix exorbitants. Mais je m’égare.

The Raconteurs, c’est un groupe formé par le singer-songwriter Brendan Benson, la section rythmique des Greenhornes et Jack White qui a ici le droit de porter des chaussettes bleues et ne pas être le frère du batteur. Le premier album était court mais explosif, et a même permis à White de scorer un autre hit, avec Steady As She Goes.

Etonnamment (ou pas?), The Raconteurs version 2008 n’est pas trop éloigné du boulot principal de White : riffs incisifs, guitare psychopathique, batterie souvent limitée, et hululements déchaînés. Salute Your Solution aurait pu se retrouver tel quel sur Icky Thump. Mais avec une basse, et même si je ne reprocherai jamais à Jack et Meg de ne pas en avoir, autant ici, ça fait du bien. Excellent morceau, même si les voix de Benson sont souvent au second plan : Jack est clairement un natural-born leader et retrouve la place qu’il n’avait pas osé prendre au début.

On sera peut-être moins heureux de retrouver quelques obsessions de Jack White, comme le piano music hall, les mariachis et les éléments de musique traditionnelle celtique. Conquest, c’était fantastique, mais en one shot ç’eût été encore mieux. Ceci dit, les balades tiennent bien la route, justement grâce à Benson, qui apporte une voix un peu moins mélodramatique. Il y a de l’Elliott Smith là-dessous. L’assez kitsch Many Shades Of Black porte la marque de Brendan Benson, et apporte un contrepoids intéressant aux compositions dominées par White, comme le très brut et jouissif Five On The Five qui suit. (une basse c’est quand même bien, je dis ça je dis rien mais bon)

Consolers Of The Lonely est suffisamment varié pour ne jamais ennuyer, malgré qu’il soit plus long que le précédent. Alliant qualité d’écriture et grains de folie, les Raconteurs valent plus que la somme de leurs parts, ce qui est tout à fait exceptionnel. L’album reste passionnant jusqu’au bout, avec le progblues (si!) Rich Kid Blues ou le terrible final Carolina Drama et son histoire tragique d’amours compliquées et de bouteille de lait tueuse.

On concluera de la même manière que pour chaque album de Jack White. Un talent fou, un excellent compositeur et un exceptionnel guitariste, capable de se fondre dans un groupe sans en plomber la raison d’être (on se rappelle de Tin Machine?). On pourra toujours regretter que ce second album se rapproche plus des Stripes que du premier Raconteurs, mais personne ne pourrait vraiment penser que c’est un réel défaut. Et puis, de manière tout à fait personnelle et subjective, j’adore le ton de la guitare de White, sa sonorité crasseuse propre qui est peut-être ma préférée depuis J Mascis.

Cavalera Conspiracy – Inflikted

Dans la grande série de réunions de groupes plus ou moins légendaires, celle de Sepultura revient régulièrement à l’avant-plan. Petit historique : le groupe se sépare assez acrimonieusement au sommet de sa gloire, après la sortie du mythique Roots. Le chanteur Max Cavalera part fonder Soulfly alors que le reste (Andreas Kisser, Paulo Jr et Igor Cavalera) garde le nom Sepultura mais remplace Max par Derrick Green. Les deux groupes coexistent en parallèle, sortant du nouveau matériel mais s’appuyant sur leur passé commun.

L’élément déclencheur de changement fut le départ du batteur (et frère de Max) Igor Cavalera. Il n’en fallut pas plus pour que ces deux-là se retrouvent sur scène, et mettent sur pied ce projet, avec l’aide de Marc Rizzo (Soulfly/Ill Niño) et Joe Duplantier (Gojira). Ce n’est pas (encore) la réunion du lineup classique de Sepultura, mais on s’en rapproche.

Ce qui est sensiblement moins drôle, c’est que malgré les bonnes intentions, Inflikted n’est pas un grand album. Semblant constamment hésiter entre le metal à la Sepultura et un hardcore plutôt Soulfly, il se cale dans une direction plus technique et hésitante, toutefois relevée par les solos excellents de Marc Rizzo. On connaît l’histoire derrière l’album, et l’importance de la réunion des frères, mais à cause de ça, on ne peut s’empêcher de trouver qu’Igor en fait un peu trop. Pas de solos interminables, mais il montre sa présence, et déforce parfois la simplicité des morceaux.

Max, quant à lui, prête sa voix inimitable, avec ses qualités et défauts, mais on est contents d’entendre un peu de variété, comme sur Doom Of All Fires. Comme évoqué précédemment, la vraie vedette de CC c’est en fait Marc Rizzo, dont le nom est maintenant porté assez haut au panthéon des guitaristes metal. Il en profite même pour montrer un peu de ses influences flamenco, sans son son signe distinctif principal. Excellent choix fait par Cavalera, même si son style clashe parfois avec la simplicité brutale des quatre cordes rythmiques de Max.

Inflikted est loin d’être mauvais (comme Soulfly III par exemple) mais ce n’est pas Roots non plus, il est généralement trop peu inspiré pour ça. Il ne fallait pas s’y attendre, et considérer l’album comme ce qu’il est, sans trop s’inquiéter de la longue histoire des musiciens qui sont derrière. On pourra d’autant plus (et mieux) apprécier ses bons moments.

The Black Crowes – Warpaint

Sept ans se sont écoulés depuis la sortie de Lions. Depuis, ils ont changé de membres, le chanteur Chris Robinson a connu les pages des tabloïds suite à sa relation avec Kate Hudson, et retrouvent une petite polémique avec la récente affaire Maxim. Maxim, magazine “masculin”, a récemment publié une chronique de Warpaint alors que le rédacteur n’avait pas écouté l’album. Pris sur le fait, il a refusé de s’excuser, s’est confondu en explications foireuses (certaines personnes à la DH vont sans doute s’en inspirer pour leurs prochaines tromperies) et a été assez justement ridiculisé par le groupe lui-même.

Ceci dit, on peut voir où Maxim voulait en venir : ils pensaient que l’album serait tellement facile à prédire qu’on ne serait même pas obligé de l’écouter. Ils n’avaient pas entièrement tort… Warpaint est un bon album, bien exécuté, surtout au niveau de la guitare de Rich Robinson. Maintenant, il faut s’en rendre compte, Warpaint aurait pu sortir dans les années 70. Á vous de décider si c’est une bonne chose ou pas.

L’ambiance est poussiéreuse, enfumée, et nous plonge assez vite dans le rock classique, Kinks, Faces, Stones, Led Zep, jusqu’aux derniers travaux similaires d’autres grands innovateurs comme Oasis (Noel Gallagher peut, et va probablement, pomper sévèrement Wounded Bird). Un peu comme Ben Harper, les frères Robinson nous font part de leur version du monde, nécessairement réductrice mais personnelle, et somme toute assez efficace : Goodbye Daughters Of The Revolution ferait bonne impression dans un épisode de That 70s Show.

Les Corbeaux poussent le mimétisme jusqu’aux paroles, avec presque autant de métaphores sexuelles douteuses que dans l’oeuvre de Robert Plant, et on peut se rappeler que l’enfer est sans doute toujours pavé de bonnes intentions : “Oh Josephine / You’re dressed in black / Oh Josephine / Your eyes are blue.”

Je ne veux pas être trop méchant non plus, musicalement, on ne peut pas leur reprocher grand chose, ils ont excellement émulé leurs idoles. Mais la relevance d’un tel album en 2008 est proche de l’intérêt de Maxim.

Be Your Own Pet – Get Awkward

J‘adore Be Your Own Pet. En tout cas, j’adore leur premier album, gros bordel tellement rock n roll qu’il devrait y avoir la photo de Lemmy dessus. Le second était attendu et craint : combien de groupes ont succombé au célèbre sophomore slump, ou syndrome du deuxième album.

Pas eux. Get Awkward est exactement ce qu’un deuxième album doit être, et encore plus. Ils ont gardé le caractère frénétique, juvénile de leur début, tout en y ajoutant un souci d’écriture, et une voix plus assurée dans le chant. Ca va très vite, très fort, et on peut même sourire des paroles et considérations adolescentes qui vont parfois loin (Becky voit l’héroïne tuer son adversaire en popularité à l’école). On s’amuse, et c’est clairement l’objectif, irrésistible, et absolument pas résisté.

Les musiciens du groupe ont aussi élargi leurs influences, avec des ambiances Misfits et du riffage à la Sabbath, tant mieux. On ne s’ennuie pas une seule seconde, et les morceaux changent assez souvent de motif, de tempo. Mais cela reste bien bordélique, et parfois chaotique (Blow Your Mind ou Bummer Time).

BYOP lève parfois le pied du plancher, ce qui permet d’accorder plus d’attention à la recherche mélodique, et aux efforts consentis par Jemima pour chanter, et elle le fait assez bien. You’re A Waste est le premier morceau un peu plus lent, et nous accorde une petite respiration. Mais les paroles sont toujours aussi acérées, ce qui est vraiment une des marques de fabrique du groupe. (“Now I’m glad you got a broken heart / ‘Cause I’ve been trying to fix mine from the start”). Sans aucune surprise, cela ne dure pas longtemps : Food Fight sonne exactement (paroles et musique) comme on pourrait le penser, tout comme Zombie Graveyard Party (Zombie Graveyard Party!). Vers la fin de l’album, Creepy Crawl est plus basé sur un riff bien stoner que sur la pure frénesie, mais il reste une – bonne – exception. Be Your Own Pet semble incapable d’être mauvais.

Get Awkward est un fantastique second album, qui, sans perdre ce qui caractérise BYOP depuis le début, amplifie la formule sans trop la modifier. On n’est pas en présence d’un album, ou d’un groupe, qui compte changer la face du monde, mais ce qu’ils font, il le font bien. Rien ne semble calculé, on entend simplement le son de trois types et une fille qui font plein de bruit, juste parce qu’ils envie d’en faire. Et ça, c’est très bien.

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