Oceansize – Frames

Fait : Oceansize est un des meilleurs groupes rock du Royaume-Uni. Peut-être le meilleur, avec les autres Mancuniens d’Amplifier. Deux albums, un EP, tous excellents. C’est maintenant l’heure du troisième album, sans trop de pression commerciale. La musique d’Oceansize n’est pas à proprement parler anti-commerciale, mais les morceaux sont longs (de 6″32 à 10″40), sans recherche particulière de refrain. Mais c’est tellement bon. En fait, Frames est proche de la perfection dans ce qu’ils font. tout est extrêmement bien exécuté, chaque instrument prend une place importante, les voix sont bien chantées, et le ton reste poignant, malgré que la musique peut sembler fort technique.

Commemorative 9/11 T-Shirt entame l’album par un long motif guitare/piano, avec que chaque instrument rentre dans la danse, dont la voix, après 3 minutes 30. Difficile de faire mieux, et au moins aussi difficile de mettre des mots sur quelque chose qui doit être écouté, vécu. Si on soit trouver un point de comparaison, on peut penser à Mogwai. Comme les Écossais, Oceansize aime abuser des effets et des variations de volume ; mais eux le font de manière plus progressive, moins brusque, mais au final, tout aussi puissamment. Unfamiliar est là pour le prouver. Oceansize accorde aussi beaucoup d’importance au chant : Only Twin en est d’autant plus chargée émotionnellement; ainsi qu’aux petits trucs musicaux qui font varier et évoluer les morceaux, comme le double bass drum à la fin de Trail Of Fire ou les cordes de Savant, qui lui confèrent un sentiment classique, presque intemporel.

La fin de l’album apporte encore plus de variété, avec l’instrumental expérimental An Old Friend Of The Christies, le schizophrène Sleeping Dogs And Dead Lions (batterie drum and bass, hurlements à la Deftones) ou enfin Frame, un des rares morceaux qui peut être qualifié non péjorativement d’emo.

Alors, que dire d’un tel album? Le groupe s’est peut-être enfermé dans un style musical très personnel, qui ne laisse que peu de place à l’accessibilité. Mais il est tellement bien fait, aussi bien techniquement qu’émotionnellement, qu’on ne peut que l’admirer.

Joy Division – Unknown Pleasures (1979)

UnknownpleasuresAlors qu’on approche le trentième anniversaire du premier album de Joy Division, différents événements nous évoquent le groupe. La sortie du film Control, réalisé par Anton Corbijn, mais aussi la mort de Tony Wilson, le légendaire propriétaire de Factory Records et celui qui a découvert et popularisé Joy Division. Ces raisons sont amplement suffisantes pour se plonger dans un groupe exceptionnel, qui influence toujours des tonnes de groupes, notamment Interpol ou Editors.

Joy Division, c’est surtout Ian Curtis, génie disparu trop tôt, comme souvent. Il s’est pendu à 24 ans, d’une manière tristement prévisible. La musique, et les textes de Curtis n’étaient pas très marrants, et ont fini par être prophétiques. Unknown Pleasures, premier des deux albums du groupe, est sombre, glacial, romantique et mélancolique.

Ce n’est même pas la peine d’isoler un morceau, tant c’est l’ensemble qui est important, qui est impressionnant. La batterie métronymique et truffée de reverb, la basse lead de Peter Hook et les coups secs et brusques de la guitare de Bernard Sumner ont été fabuleusement mis en valeur par le producteur Martin Hannett, qui a créé une atmosphère tellement désagréable qu’elle en devient attirante. La voix de Curtis plane au dessus de tout cela, comme un Jim Morrison conscient de sa propre mortalité. Il suffit d’écouter la fin de Day Of The Lords, avec Curtis qui répète "Where will it end?" sans fin. Curtis, qui à une vingtaine d’années, était déjà capable d’écrire une terrible réflexion sur la vieillesse, le temps qui passe : Insight.

L’intensité ne diminue jamais, que dire de New Dawn Fades, de She’s Lost Control (avec un intro électro en avance sur son temps), du caverneux Shadowplay. Le final enfonce le clou, si l’on peut dire : I Remember Nothing, 6 minutes puissantes, pleines de vie, de mort, de tout ce qu’il y a entre les deux. On dit souvent que certains albums peuvent changer une vie, ce qui est généralement ridicule, ou alors, ça prouve que la vie en question ne valait pas grand chose. Unknown Pleasures a changé des vies, et va encore continuer à le faire.

Interzone

Babyshambles – Shotter’s Nation

Pete Doherty est toujours là. Pour payer son crack, pour assurer sa légende, l’un ou/et l’autre. Shotter’s Nation est vu comme son retour en force, sa première déclaration publique post-Kate Moss, post-30% de la surface totale des tabloïds. Il est vrai qu’il a cette fois opté pour un vrai producteur (Stephen Street remplaçant le navrant Mick Jones) et raccourci l’album : 20 minutes en moins que Down In Albion, et 100% en moins de reggaeman taulard.

De fait, le son est très différent. Le groupe joue en même temps, et en rythme, rien de moins. Bon, Doherty ne sait toujours pas trop chanter, mais cela n’a pas empêché le grand frère Gallagher de sortir quelques hits. De plus, j’aimerais vous y voir, chanter avec la capacité pulmonaire de Doherty. Delivery, single et premier grand moment de l’album, sort tout droit de l’héritage pop anglais, avec une intro très Jam, et des paroles explicitant l’optique prise par Doherty (« This song might deliver me / From the harshness of misery »). Shotter’s Nation permet aussi d’enfin prouver le fait qu’il est capable d’écrire de grandes et belles mélodies, comme Unbilotitled ou Unstookietitled.

Maintenant, même si l’album est amplement supérieur à son prédécesseur, on peu quand même froncer les sourcils à quelques reprises : les paroles de Doherty ressemblent plus au journal intime d’un trentenaire râleur qu’à la poésie dont il nous avait habitué, et son groupe, même si Street le maîtrise bien, n’est pas aussi bon que The Libertines, où la section rythmique était impeccable. Heureusement, Doherty a soigné ses compositions, ce qui permet de ne pas trop s’ennuyer : le sentiment de similitude craint n’arrive pas, grâce notamment à quelques éclairs de génie. Dans cette catégorie, on peut retrouver les passages pied au plancher de Side Of The Road, le très serré Crumb Begging, le jazzy There She Goes ou la ligne de basse Motown funky de French Dog Blues, malheureusement à la recherche du morceau qui va avec, problème récurrent d’un disque encore trop égocentrique.

Bert Jansch contribue au dernier morceau, superbe complainte acoustique qui conclut un album encourageant, même si encore clairement imparfait. Alors, qu’attendre de Doherty? Si on tient cet album en compte, difficile à dire. Il a prouvé qu’il savait faire mieux que Down In Albion, mais pas beaucoup mieux, en tout cas pas au point de justifier sa réputation. Il faut se rendre à l’évidence : le premier album des Libertines ne sera pas égalé, ni par Doherty, ni par Dirty Pretty Things. Une reformation, sans doute tôt ou tard inévitable, fera peut-être l’affaire, mais on peut en douter. Allez, did you see the stylish kids in the riot…

Pink Floyd – The Piper At The Gates Of Dawn (1967)

PinkFloyd-album-piperatthegatesofdawn_300Pink Floyd. Je n’aime pas Pink Floyd. Les grandiloquences scéniques, les solos qui n’en finissent pas, The Wall, les morceaux connus, ceux qui ne le sont pas, Waters et Gilmour, tout ça, c’est pas mon domaine, vraiment pas. Oh, j’ai rien contre un peu de prog (mais un peu), mais là, non. Ceci dit, je considère Syd Barrett comme un excellent compositeur, qui a réussi à détruire quelques barrières avant de devenir littéralement dingo et passer les trente dernières années de sa vie en réclusion chez sa mère.

Barrett n’a en fait joué que sur le premier album de Pink floyd, avant qu’il soit effectivement remplacé par David Gilmour. The Piper At The Gates Of Dawn est aussi, mais de peu, le plus digeste. Car parfois, derrières les artifices, on trouve quelques chansons, et même des mélodies. Il faut parfois chercher, mais quand on se rend compte des progressions d’accords étranges et novatrices d’Astronony Domine, on n’est pas loin de crer au génie.

Et un génie, ça fait de tout. Y compris trafiquer les sons avec des échos et de la reverb, parler de son chat, balancer des solos de synthé à la masse (Richard Wright) et raconter la vue d’un gnobe s’appellant Grimble Gromble. Mais aussi tirer dix minutes d’un riff efficace mais limité (Interstellar Overdrive) ou faire quand même n’importe quoi (Pow R Toc H). D’un autre côté, Barrett est capable de sortir des pop songs par essence, comme The Gnome, Bike, ou les singles non album Arnold Payne et See Emily Play, deux deux plus grands moments du compositeur. On peut retrouver ces derniers dans la toute récente version 40ème anniversaire, qui comprend l’album en mono original, un mix stéréo et un troisième cd de singles, faces B et raretés.

Mais rien ne me fera changer d’avis : Pink Floyd me semble fort surrévalué, et même si Piper a ses moments, l’album est trop cinglé (et pas dans le bons sens) pour vraiment fonctionner. Dans cette optique, le pire restait à venir, mais je préfère ne pas m’y aventurer, vu le trolling probablement élevé que cet article va provoquer. Mais au moins, j’en aurai parlé.

Astronomy Domine

 

Down – Over The Under

Down n’est pas un jeune groupe, loin de là : il s’est formé en 1991, et si Over The Under n’est que le troisième album, c’est parce que les membres étaient tous occupés dans d’autres groupes majeurs, dont Pantera et Corrosion Of Conformity. Entre 2001, année de leur second album, et 2007, beaucoup de choses se sont passées, notamment dans le chef du vocaliste Phil Anselmo.

Pantera, un des grands groupes heavy US, s’est séparé avec douleurs et rancoeurs, qui ont persisté jusqu’au meurtre du guitariste Dimebag Darrell, assassiné sur scène par un malade mental. Anselmo n’a jamais pu enterrer la hache de guerre avec Dimebag, et certains morceaux de l’album reviennent sur la tragédie, même si indirectement. Anselmo a du également faire face, avec succès, à ses addictions, alors que d’un point de vue plus général, la ville où Down est basé, New Orleans, a connu une énorme tragédie aussi bien météorologique que politique. Le contexte était donc malheureusment fécond, et Anselmo et ses comparses en ont profité pour créer un album totalement monstrueux.

Là où Pantera faisait plutôt dans le hardcore, Down suit les pas de Black Sabbath, reprenant leur science du riff et de la rythmique lourde pour créer un sludge/doom metal puissant, violent et très intense. Anselmo confirme facilement qu’il est un des plus grands vocalistes heavy de tous les temps, et le reste du groupe assure, tout en force et retenue. Il est d’ailleurs difficile de sortir des morceaux du lot, tant le lot est virtuellement sans faute. Le riff de Pillamyd est plus puissant que Katrina, en tout cas, alors que certains passages sont plus atmosphériques, comme le presque prog Never Try (leur Planet Caravan?). Pour revenir à la section rythmique imparable, l’intro de Mourn suffit pour prouver le talent au service du groupe de la paire Rex Brown/Jimmy Bower, tandis que Beneath The Tides évoque les marais de Louisiane, à coups de pédale fuzz. Oui, c’est bizarre, mais c’est vrai. Les neuf minutes finales apportent une respiration bienvenue qui permet de mieux digérer ce qui vient de se passer durant l’heure écoulée.

Over The Under sera sans doute vu comme un retour en force pour Anselmo, qui a littéralement été en enfer avant de revenir. On ne pourra que nourrir d’éternels regrets pour Pantera, mais il conserve un groupe excellent, qui pourrait finalement être son meilleur. Over The Under est, en tout cas, un des meilleurs albums de l’année.

This is my music box, this is my home. Since 2003.