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The Beatles – The Beatles (1968)

Que peut-on encore dire des Beatles qui n’ait pas déjà été dit ou écrit? Tout et son contraire, sans doute. Vu qu’absolument tout concernant les différentes sessions d’enregistrement de chaque morceau se trouve déjà décrit avec minutie dans trois tonnes d’ouvrages, je vais ici me concentrer sur un review « classique » d’un album du groupe. J’ai choisi leur album éponyme, mais j’aurais pu évidemment en choisir un autre. Ceci dit, je le trouve particulièrement intéressant, sans doute de par sa longueur, et ses faiblesses inhérentes.

Sans trop s’étaler, il faut garder en tête deux éléments importants de la vie des Beatles pour tenter de comprendre l’album. D’abord, les conflits étaient très nombreux à l’époque : entre autres, jalousie entre McCartney et Lennon, sentiment d’infériorité de Starr, et évidemment l’affaire Yoko, accusée d’exercer une mauvaise influence sur Lennon. Ensuite, leur pelerinage en Inde : les 4 Beatles ont suivi pendant plusieurs mois les enseignements d’un maitre spirituel local, ce qui les a clairement influencés, même si, comme on le verra, leur visite s’est mal terminée.

Back To The Music, et Back In The USSR pour commencer. Composition pop rapide, elle est emmenée, comme la plupart des morceaux semblables du groupe, par la rythmique impeccable du duo McCartney/Starr, mais elle est surtout chargée politiquement, même si le ton n’est pas très sérieux. Dear Prudence suit, et ne pourrait pas être plus différente, calme, douce et poétique. La principale caractéristique de l’album apparait dès ce moment : il est difficile de trouver une quelconque cohésion entre les morceaux, ce qui apporte une variété très intéressante, mais peut aussi dérouter. De plus, il faut savoir que les 4 Beatles ont participé à l’écriture de l’album (même si Ringo n’a écrit qu’un morceau), ce qui peut expliquer cela, même s’ils ont tous écrit dans des styles différents.

Glass Onion est le premier morceau bizarre du double album, et se moque de l’analyse que certaines personnes ont pu faire des chansons des Beatles (« the walrus was Paul », se référant au fameux épisode Paul is Dead). Malheureusement, l’histoire rattrapa Lennon, car Charlie Manson et son groupe de malades mentaux ont basé leur série de meurtres sur leur propre interprétation de l’album.

Juste après, Ob-La-Di Ob-La-Da est la dernière chanson purement pop d’un album qui sombre dans l’étrange : Wild Honey Pie, The Continuing Story of Bungalow Bill, le très politique Piggies, Rocky Raccoon ou encore Savoy Truffle. Aujourd’hui, jamais un groupe aussi populaire que les Beatles ne l’étaient à l’époque oserait inclure tant de bizarreries dans un album (sauf peut-être Radiohead mais eux en ont fait un album complet). Mais The Beatles reste toujours poignant : Blackbird, et surtout Julia, dédiée à la grand-mère de Lennon, comptent parmi leurs meilleurs ballades, tout comme le sous-estimé Long, Long, Long ; et engagé : Sexy Sadie est une violente attaque, à peine déguisée, contre le charlatan indien cité ci-dessus, Revolution 1 une réaction post mai-68 (la version single, face B de Hey Jude, est une terrible offensive rock n roll).

Restent enfin les morceaux immenses. Pour moi, j’en retiens trois, sans aucun doute. D’abord, Happiness Is A Warm Gun, pour son message pacifique puissant et ses changements de rythmes purement extraordinaires, qui influenceront énormément de musiciens, et influencent toujours aujourd’hui (voir le Paranoid Android de Radiohead, justement). Ensuite, While My Guitar Gently Weeps, probablement le meilleur morceau d’Harrison et agrémenté d’un solo d’Eric Clapton. Et enfin, évidemment, Helter Skelter, bombe atomique totale qui créa le heavy metal, exactement comme Tomorrow Never Knows a créé la musique électro.

Il faut toutefois constater que les aléas de l’enregistrement ont poussé le producteur George Martin à inclure quelques morceaux, disons moyens : Don’t Pass Me By est là uniquement pour ne pas que Ringo quitte le groupe, et Revolution 9 est un collage, certes innovateur, mais tout à fait déplacé ici. Il est probable que le morceau soit majoritairement l’oeuvre de Yoko Ono. Enfin, les deux derniers morceaux de l’album ne sont pas à la hauteur de ce qui précède, mais on mettra cela sur le compte de la désorganisation thématique de The Beatles.

The Beatles reste évidemment un album majeur, malgré, ou finalement grâce, à ses défauts. Il montre le talent immense des quatre Beatles dans sa splendeur incontrôlée, tout en montrant le début de la destruction du groupe. Il est très intéressant de noter que l’album suivant, Abbey Road, est sans doute le mieux arrangé, le plus précis dans son édition, surtout lors du Long Medley. Abbey Road contient moins de morceaux mineurs, mais ne laisse pas la même impression que ce The Beatles, oeuvre majeure des Beatles, du popart, et de l’art musical en général. Et je n’ai même pas parlé de la pochette, tiens…

The Beatles – Love

Alors que certains artistes doivent se retourner dans leur tomber quand on voit l’exploitation commerciale de leur oeuvre (l’exemple canonique étant Tupac Shakur, qui a sorti plus d’albums mort que vivant), le catalogue des Beatles a été assez respecté. Les trois anthologies de -fabuleux- matériel inédit en 1996, une compilation de n°1 en 2000, et c’est tout.

Love est un projet original, à mi-chemin entre best of et album de remixes. Conçu comme bande son pour un spectacle du Cirque du Soleil, il consiste en un gigantesque collage de plus de 70 morceaux, édités par George Martin et son fils Giles. On pourrait (et on a) crier très vite au scandale, au sacrilège ou que sais-je, mais il faut avouer que le résultat est assez bon.

Débutant avec une splendide version a cappella de Because (quatre musiciens qui savent tous chanter, c’est quand même assez rare), on entend furtivement un accord de Hard Day’s Night avant le début de Get Back. Et ce sera comme ça pendant toute la longueur du disque, où des morceaux entiers sont mixés avec des petites touches çà et là, qui sont facilement reconnaissables à qui connaît un tant soit peu la carrière du groupe.
Les vrais mashups sont en fait assez rares, notons juste Yesterday avec le fond sonore de Blackbird, et surtout Within You Without You avec celui de Tomorrow Never Knows. en fait, le travail de remix est assez sage, sans doute pour ne pas trop troubler les morceaux, qui de toute façon n’ont pas besoin de beaucoup de modifications.

Love est une idée sympa, sans plus, mais qui ouvre la porte à quelque chose de bien plus important : il faut absolument qu’on sorte des versions remasterisées des albums studio. Les morceaux n’ont jamais sonné aussi bien qu’ici, A Day In The Life et I Am The Walrus sonnent encore plus innovateurs maintenant qu’à l’époque, grâce au traitement sonore. Des dizaines d’artistes ont vu leur catalogue remasterisé, généralement en mieux. Il est donc temps que le groupe pop le plus important de l’histoire soit honoré de la sorte.

The Beatles – Let It Be … Naked

Un nouvel album des Beatles ? Oui et non. En fait, il faut savoir que l’album Let It Be, chronologiquement le dernier du groupe, a toujours été controversé. Il est tout d’abord considéré comme un de leurs moins bons albums, même si le groupe lui-même n’est pas montré du doigt. Á l’époque, la maison de disques n’était pas satisfaite du ton de l’album, trop garage, trop naturel à leur goût. Ils ont donc engagé le célèbre producteur Phil Spector pour remixer l’album, sans l’avis du Fab Four. En a résulté un album plein d’imperfections, donc la majeure est certainement l’orchestration invraisemblablement pompeuse de Spector. 33 ans après, les bandes originales ont été restaurées, et l’album peut être écouté (plus ou moins) comme il aurait du l’être. Sans participer à la polémique (d’aucuns ont qualifié cet acte de révisionnisme, ni plus ni moins), il faut reconnaître que l’album est meilleur. Les différences sont de quatre types : on a enlevé trois morceaux faibles, rajouté la face B Don’t Let Me Down, réarrangé le tracklist (l’album commence par un dévastateur Get Back) et enfin viré la surproduction de Spector, ce qui améliore grandement certains morceaux, dont The Long and Winding Road. Les points faibles ont été gommés, et on se trouve face à un album plus que valable, qui est certes loin derrière les meilleurs productions du groupe, mais qui reste un must, surtout dans cette époque de revival rock garage. Ceci dit, avec ou sans Spector, Let It Be (la chanson) reste toujours ennuyeuse et monotone. Á (re)découvrir sans trop de préjugés, même si le vrai dernier album en tant que tel reste Abbey Road.