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Pukkelpop 2013 : compte-rendu

Évidemment avec un peu de retard, voici mon compte rendu du Pukkelpop 2013 ou plus exactement du jeudi 15 août, premier jour du festival. Je l’ai peut-être déjà écrit auparavant, mais les festivals, je n’en fais plus. Trop de monde, trop cher, performances artistiques rarement au niveau des concerts et salle, etc etc. Mais bon, une fois de temps en temps, si l’occasion se présente, je m’octroie le droit d’aller voir des groupes que je n’ai jamais vu (Pavement aux Ardentes, Faith No More au Pukkelpop) ou, dans ce cas-ci, une affiche particulièrement intéressante pour moi.

Pukkelpop 2013On le sait, le coup de génie du Pukkelpop, c’est de commencer le jeudi, et donc d’éviter la concurrence des festivals du même weekend (Lowlands, plein de trucs en Allemagne qui changent de nom chaque année) tout en profitant des groupes qui sont en tournée des carnavals européens. Le jeudi était de loin la journée la plus intéressante du weekend, encore plus suite à l’annulation de Neil Young le lendemain.

Ma journée a commencé assez tôt de de manière surréaliste, avec Oathbreaker dans The Shelter. The Shelter, c’est la scène punk/hardcore/metal, et elle se trouve tout au fond du site, il est assez difficile de s’y trouver par hasard. Et Oathbreaker, c’est un groupe belge qui marie joliment black metal et hardcore (leur dernier album est sorti chez Deathwish Inc. et est produit par Kurt Ballou de Converge). On a donc eu ce mélange réussi vers midi, avec des lumières stroboscopiques, des canons à fumée et la voix inquiétante de la chanteuse Caro.

Arrivait ensuite, dans le Club (la plus petite scène « majeure ») Mikal Cronin, auteur d’un de mes albums de l’année et qui était en train d’installer son équipement quand je suis arrivé, tranquillement, m’installer devant lui. Même si c’était, selon Cronin, « the biggest tent we’ve ever played », il était encore trop tôt pour la remplir (même si c’était quasi le cas toute la journée, on y reviendra). Pourtant, Cronin et son groupe étaient impeccables, jouant une quarantaine de minute de pop songs parfaites extraites de ses deux albums solo. Et malgré deux cordes cassées (sur douze, heureusement) tout au début, il a continué comme si de rien n’était. Classe.

Retour sous le Shelter pour la fin des Menzingers, impeccable groupe punk qui m’a toujours fait penser à un Gaslight Anthem qui aurait gardé l’esprit punk. Excellentes chansons à scander, rien à dire. Ensuite, Parquet Courts, qui confirme sur scène leur réputation de Pavement punk, c’est bordélique, chanté par plus ou moins tout le monde, mais c’est aussi très bien. Je me fais ensuite entraîner de nouveau au Club pour rencontrer un ami (coucou Julien) mais je me fais aussi bien chier, parce que déjà que sur disque, je n’ai jamais compris la dithyrambe autour d’Allah-Las, mais sur scène, c’était, donc, chiant. Pas mauvais du tout, juste répétitif.

Autre must-see de ma journée, Surfer Blood, dont l’album Pythons sera probablement dans mon top 10 2013. Le concert était aussi fort bon, avec une majorité d’extraits de leur premier album. Le bedonnant chanteur John Paul Pitts s’est promené dans le public avant d’emmener son groupe dans un final plein de feedback et de bonheur, c’était bien. À un moment de la journée, j’ai vu Kendrick Lamar sur la grande scène, je pourrai donc dire que je l’ai vu quand il sera devenu la mégastar interplanétaire qu’il est censé être. Mais je n’avais pas le temps (enfin, disons que j’avais fait mes choix).

Parce que les choses sérieuses allaient commencer avec Deftones, un de mes groupes préférés de tous les temps, simplement. Et après les avoir vu pour la première fois il y a une quinzaine d’années, cela fait un bien fou de les retrouver en meilleure forme qu’à l’époque, et avec une discographie récente exceptionnelle, ce qui n’est le cas d’aucun de leurs contemporains. En une petite heure de concert, impossible d’avoir une longue setlist, mais le groupe a pioché dans presque tous ses albums : mention spéciale à Elite chanté (hurlé) dans le public, la merveilleuse Sextape ou un final avec deux morceaux d’Adrenaline, pour le bon vieux temps. Malgré la tragédie qui a frappé le groupe (l’accident suivi du décès du bassiste Chi Cheng), il a réussi à garder la tête très haute, notamment grâce à un remplaçant de choix, Sergio Vega. Un Sergio Vega qui faisait double emploi, car il jouait également avec Quicksand, légende du post-hardcore emmené par Walter Schreifels, aussi membre de Rival Schools et Gorilla Biscuits. C’est là que la fatigue a commencé à se faire sentir, et je n’ai pas pu apprécier Quicksand assez longtemps, malheureusement. Les festivals, sur papier, c’est très bien, mais en vrai…

Un peu comme Miles Kane, tiens. Je l’aime bien, ses compos sont chouettes même quand ce n’est pas Alex Turner qui les écrit, et son groupe est bon, même quand Alex Turner n’est pas là. J’ai juste du mal avec sa voix, mais c’est très personnel. Mention spéciale à son code vestimentaire qui l’oblige à porter un col roulé sous les projecteurs du Marquee.

En me dirigeant vers la grande scène, pour ne pas être trop loin pour Nine Inch Nails (m’empêchant d’ailleurs de voir Johnny Marr massacrer des chansons des Smiths), j’ai été jeter un oeil sous le Club où jouait Glen Hansard et une fanfare de 350 personnes au moins. Ce qui change beaucoup de ses concerts en solo. Pas mieux, pas moins bien, juste différent. Mais un festival n’est pas non plus le meilleur endroit pour apprécier cet artiste unique sous bien des aspects.

Nine Inch Nails, donc. Mes efforts étaient inutiles, j’aurais pu facilement me retrouver assez près de la scène tant le public ne semblait pas intéressé… Pourtant Trent Reznor, de retour en tant que NIN après cinq ans, apporte un show grandiose avec murs de LED, écrans mobiles et mise en scène très précise faisant la part belle aux cinq musiciens qui changent constamment d’instruments. Mais Reznor a toujours eu un tempérament disons, imprévisible : il n’a pas apprécié de commencer en plein jour et encore moins de jouer devant un public majoritairement composé de fans d’Eminem attendant le retour du fils prodigue. En « punition », il n’aura pas joué ses deux morceaux les plus célèbres (Closer et Hurt), terminant le concert dix bonnes minutes à l’avance. Heureusement qu’il était irréprochable, le concert, mêlant nouveaux morceaux (Copy of a, Came Back Haunted) et anciens parfois réarrangés (Sanctified), passages instrumentaux intenses (Help Me I Am In Hell) à un barrage final de hits (Only, The Hand That Feeds, Head Like a Hole). Ceci dit, à Reading, T-Rez a fait encore mieux : fâché de jouer avant Biffy Clyro, il a complètement réarrangé son set en ne jouant aucun hit.

Dernier passage par le Club pour voir Savages de loin, aussi intense que prévu, mais j’avais faim, mon ami et grand esthète Arnaud aussi, la vie est une question de choix et de priorités.

À partir de là, tel deux saumons remontant les rivières, nous avons bravé les armées de fans d’Eminem (sérieux, c’était dingue) pour nous retrouver de l’autre côté du site, passant à côté de Hurts qui avait attiré la grande foule, pour finir au premier rang d’un Shelter probablement décimé par ce qui est passé avant, j’ai quand même loupé Fucked Up et The Bronx. Mais je n’allais certainement pas rater Alkaline Trio, groupe de mon coeur et de maintes crises existentielles. J’étais même par hasard au premier rang, mais quand tu es au premier rang du concert d’un groupe dont tu connais tous les morceaux, et que tu n’as pas la moindre idée de ce qu’ils jouent, soit c’est Radiohead, soit le son est pourri parce que tu es trop près. Je me suis reculé, recentré, et c’était tout de suite nettement mieux. Une heure d’Alkaline Trio, c’est peu (même si nettement trop pour mes compagnons d’un jour qui ont quitté la tente, voire le site) mais Messieurs Skiba, Andriano et Grant ont fait un maximum, piochant dans presque tous leurs albums, passant d’un chanteur à l’autre pour un set sans temps mort, sans point faible. S’il y avait un Dieu, il devrait les bénir.

Il était alors 1h du matin, mes pieds étaient en compote, mon dos une autre métaphore fruitée, mais ce n’était pas fini, oh non… Car dans le Marquee allaient commencer ces sauvages punk cinglés de Godspeed You! Black Emperor. Alors, oui, j’aime beaucoup GYBE. Leur dernier album est fabuleux, et leur concert était magique, une dizaine de musiciens qui jouent 3 morceaux en 1h30, des morceaux qui vivent, qui évoluent, des musiciens qui se nourrissent les uns des autres. Mais à ce moment-là, dans cet état physique, c’était assez dur à supporter. Mais un peu comme un concert de My Bloody Valentine, ou de Fucked Up justement, c’est une expérience physique intense, et c’est ça aussi, la musique : une expérience physique.

C’était donc aussi bien que possible, ce Pukkelpop 2013, on pardonnera même à Trenty son ptit caca nerveux. Mais comme évoqué plus haut, je continue à penser qu’un festival tel que celui-ci, c’est comme un repas qui sent meilleur qu’il ne goûte. Les clashes horaires, le son souvent à la ramasse, des sets toujours courts voire raccourcis, un public absent (mais heureusement pas hostile, on n’est pas en UK) : c’est l’évidence même de le dire, mais les concerts en salle, c’est quand même mieux. Malheureusement, l’état actuel de l’industrie musicale et l’insignifiance générale de ce pays en termes de salle de taille décente (plus grand que l’AB, plus petit que le Sportpaleis, moins pourri que la Lotto Arena) font que beaucoup de ces groupes (au hasard, NIN, Deftones, Alkaline Trio, Eminem, et j’en passe) ne s’arrêteront ici que pour jouer à Werchter/Dour/Pukkelpop. C’est donc ça, ou rien. Même si c’est souvent rien, parfois, je choisis ça. Et je ne le regrette pas.

edit : j’ai honteusement oublié de dire que j’ai aussi retrouvé mon pote Tony avec qui j’ai vu Deftones, et qui a écrit un compte-rendu des trois jours (parce que lui, il est cinglé) sur son excellent blog, Music Doesn’t Exist in my Country.

Top albums 2012 : 1-20 et playlist Spotify

MB2012Avec un peu de retard, voici la dernière partie de mes cent albums préférés de 2012. Elle est accompagnée d’un long playlist Spotify reprenant un extrait de chaque album (sauf les rares qui ne font pas partie du catalogue Spotify) ainsi que des extraits de singles, EP ou albums hors du top 100. Le playlist est très long (110 morceaux, sept heures) et classé par ordre alphabétique, donc shuffle mode chaudement recommandé. Sans plus attendre…

20 Allo Darlin’ – Europe. Allo Darlin’ tourne autour d’Elizabeth Morris, Australienne résidant à Londres, et qui aurait pu être la chanteuse de Belle and Sebastian dans un univers parallèle. Indie pop parfois twee mais jamais prétentieuse, la musique d’Allo Darlin’ est douce, intemporelle et marquée par la superbe voix, l’ukulele mais aussi les paroles de Morris : “They could name a star after you and you’d still be complaining” est peut-être mon vers préféré de l’année. Elle a aussi un certain talent de conteuse, comme Tallulah le montre, et oui, c’est une référence à un autre groupe australien émigré à Londres, The Go-Betweens. Europe est une boîte contenant un rayon de soleil à ouvrir autant de fois qu’on en a envie.

19 And You Will Know Us By The Trail of Dead – Lost Songs. Trail of Dead ont retrouvé la mémoire, et se sont souvenu qu’ils sont un groupe punk aux influences prog et non le contraire.Sans nécessairement revenir à la rage de Madonna, Lost Songs est nettement plus direct et percutant que leurs derniers albums. On y ajoute une bonne dose de thèmes socio-politiques et on obtient un album dense et intense, peut-être un peu trop. Mais c’est leur meilleur album depuis un paquet d’années.

18 The XX – Coexist. Etrange album. Médiocre de prime abord, il requiert impérativement une écoute attentive, un risque démesuré dans une époque de consommation Kleenex effrénée. Mais avec un bon casque, seul, dans le noir, les couches superposées de main de maître par Jamie Smith se confondent, s’alliant aux douces basses et guitares ainsi qu’aux voix séparées ou simultanées de Romy Madley-Croft et d’Oliver Sim, qui chante d’ailleurs nettement mieux. Mais aussi, il fait part belle au silence, instrument à part entière. Pari difficile pour The XX, et son faible impact (comparé à leur début) semble jouer en leur défaveur. Mais je pense qu’ils l’ont réussi.

17 Swans – The Seer. Une des expériences auditives de l’année. Oppressant, puissant, très long (deux heures), des morceaux dépassant les vingt voire trente minutes, un groupe qui existe depuis plus de trente ans. Tout cela ne devrait pas fonctionner, et pourtant. Entre drones, explosions sonores, une batterie qui sonne comme des mitraillettes ou rend nauséeux et la voix étrange et inquiétante de Michael Gira, Swans a réussi un des meilleurs albums de l’année, et peut-être le plus intrigant. Quelques accalmies (le chant clair de Karen O sur Song for a Warrior) éclaircissent un ciel sombre et orageux, qui caractérisent un album qui pourrait être la bande originale d’un film d’horreur particulièrement malsain.

16 Sharon Van Etten – Tramp. En plus d’avoir une voix fantastique, Sharon Van Etten est aussi un auteur-compositeur fantastique, excellant de la même manière dans les morceaux acoustiques (Give Out) que dans ceux joués par un groupe entier (des National, Walkmen notamment). Très personnel tout en restant accessible, élégant et émouvant, parfois très intense (All I Can), Tramp hantera les moments sombres de personnes déprimées aux goûts musicaux avérés. Who the fuck is Lana Del Rey?

15 First Aid Kit – The Lion’s Roar. Deux jeunes soeurs suédoises, qui écrivent et chantent comme si elles avaient vécu plusieurs vies. Les chansons sont belles sans tirer sur la corde pathétique, et semblent ne pas avoir d’âge. Emmylou est une des plus belles chansons d’amour jamais écrites, point final. Espérons que leur songwriting continuera à évoluer.

14 Ceremony – Zoo. Après des débuts full hardcore, Ceremony soigne l’emballage, dépasse les deux voire trois minutes mais reste très intense, en clignant vers Mudhoney et Pixies.

13 Bad Books – II. Kevin Devine et Manchester Orchestra. 50% folk, 50% rock, 100% indie. Qui a besoin des reformations de Grandaddy ou Pavement quand on a de telles compositions et un flair mélodique rare.

12 Screaming Females – Ugly. Screaming Females, c’est surtout Marissa Paternoster, étrange hybride entre J Mascis et Carrie Brownstein, une guitariste très inventive à la voix particulièrement expressive. Mais elle sait aussi écrire de bonnes chansons, et s’entourer d’une section rythmique solide (d’autant plus que Steve Albini est derrière la console). La voix tourne autour de la guitare et inversement, en suivant des méandres et détours souvent étranges et inattendus, qu’on pourrait même parfois rapprocher de System of a Down en moins bourrin (Tell Me No). On regrettera peut-être la relative longueur de l’ensemble (53 minutes) mais l’inventivité compense amplement.

11 The Men – Open Your Heart. Second album en deux ans chez Sacred Bones Records, Open Your Heart élargit énormément la palette des Hommes. Toujours intense mais moins agressive, incoporant des éléments de krautrock, surfrock, psyché, post-punk et j’en passe (country?), leur musique passe la vitesse supérieure. La voix n’est pas toujours mise en avant, et quelques morceaux sont majoritairement voire totalement instrumentaux. De plus, The Men montre qu’ils sont encore capable de progresser, pour potentiellement atteindre des sommets. En attendant, Open Your Heart est déjà fantastique en soi.

10 Ty Segall – Twins. C’est peut-être seul qu’il est le meilleur. Comme si McCartney écrivait pour Mudhoney. Aucune idée de ce qu’il va faire en 2013 (se calmer? espérons que non), mais Ty Segall n’a aucune limite.

9 Melody’s Echo Chamber. Second des trois albums de ce top produits par Kevin Parker (Tame Impala), MEC est le projet de la chanteuse française Melody Prochet. La production de Parker est assez proche de ce qu’il fait pour son propre projet et pour Pond, mais les chansons de Prochet ont des influences plutôt dream pop. L’union des deux créent un son intéressant, plus dynamique de la dream pop “classique” mais moins psyché/out there que Tame Impala. L’album est très joli, très réussi et assez marrant quand Prochet chante en français. Une réussite de plus pour Kevin Parker, mais il n’est pas le seul à en être responsable.

8 Dinosaur Jr. – I Bet On Sky. De toutes les reformations qu’on a connu ces dernières années, celle de Dinosaur Jr est certainement la plus réussie, d’autant plus qu’elle était fort improbable. I Bet On Sky est leur album le plus tranquille, préférant les mélodies et rythmes mid-tempo aux brûlots punkoïdes joués à très haut volume. Ils se permettent même d’expérimenter (légèrement) avec des claviers. Mais quelle que soit la forme qu’elles prennent, les chansons de J Mascis restent inoubliables, grâce à sa voix et à son jeu de guitare inégalables. Stick a Toe In est bourrée d’émotion, Watch the Corners un chef d’oeuvre de maîtrise. On notera encoren la seule grosse accélération, Pierce the Morning Rain mais aussi les deux morceaux de Lou Barlow, surtout Recognition, probablement sa meilleure pour Dinosaur Jr. depuis leur retour. Vivement le nouvel album de Sebadoh en 2013. Encore un excellent album pour le trio, dont la seconde carrière est sans problème aussi réussie que la première, bien qu’assez différente.

7 Goat – World Music. La légende entourant ce groupe est assez barrée, ils sont censés venir d’un bled suédois perdu où se passent plein de choses bizarres comprenant des rituels vaudous et de la musique traditionnelle en perpétuelle évolution. Quoiqu’il en soit, World Music est bien cinglé en tant que tel, à la croisée de chemins entre rock, metal et afrobeat, le tout dans une esthétique punkoïde. Unique.

 6 Chromatics – Kill For Love. Qui a dit que l’album était mort? Chromatics prouve exactement le contraire, avec un opus de 77 minutes à la séquence absolument parfaite, qui le rapproche plus du déroulement d’un film que d’un album court comme on en a vu pas mal cette année. Il commence avec la meilleure reprise de Neil Young que je connaisse : Hey Hey My My, ici simplement renommée Into The Black, sans percussion mais avec une guitare répétitive sous delay ainsi que la voix de Ruth Radelet qui fait penser à celle de Nico. Ensuite, on retrouve quelques morceaux plutôt postpunk/synthpop qui précède un milieu d’album assez instrumental, tout en ambiances feutrées. Birds of Paradise est magnifique, avec ses craquements de vinyl intemporels, tout comme le lancinant Dust To Dust. Il se termine avec The River, pendant qu’on imagine les crédits défiler. En accordant une telle importance à la construction de l’album, mais aussi en soignant le fond, Chromatics réalise un des plus beaux albums de l’année.

5 Tame Impala – Lonerism. Second album pour Tame Impala, projet solo de Kevin Parker aussi impliqué cette année dans les albums de Pond et Melody’s Echo Chamber. Mais Lonerism est un niveau au-dessus de tout cela. Génie moderne, Parker s’inspire des meilleures heures du rock psychédélique des années 60 à nous jours pour sortir un album phénoménal, inventif et brillant. Même si Lonerism sonne souvent comme la suite de Tomorrow Never Knows chanté par le Lennon de A Day in the Life, il n’est pas dérivatif pour autant, et comprend son lot de mélodies et de rythmes qui claquent. Les mélodies laissent parfois la place aux textures, ambiances et bruits ambiants, et comprend aussi quelques longueurs, mais l’essence même de l’objectif parfaitement atteint de Parker, passe par une certaine répétition et abstraction. Il est difficile de penser qu’il pourra un jour surpasser cet album, mais s’il y arrive…

4 Japandroids – Celebration Rock. Rarement un album aura aussi bien porté son titre. Commençant et se clôturant sur des feux d’artifice, Celebration Rock l’est exactement, une fête célébrant la vie et le rock ‘n roll, tout au long de huit morceaux. Peut-être que rien n’est inventé, mais qu’importe : le duo Japandroids a capturé l’essence du rock comme peu d’artistes avant eux, et ils ont eu l’extrême intelligence de faire un album court, histoire de ne pas se répéter où de baisser d’intensité. Parfait de bout en bout, il contrebalance le mal être exprimé dans d’autres albums au sommet de ce top 100. Et c’est ça aussi, le rock, une somme de contradictions irrésolvables, mais cohabitantes.

3 Deftones – Koi No Yokan Meilleur album des Deftones? Nouveau White Pony? Ou juste un groupe dans sa zone de confort, une fois de plus? Probablement tout et rien à la fois. Après plus de vingt ans de carrière, sept albums et plus ou moins tous leurs contemporains oubliés, Deftones occupe une place à part dans le paysage musical actuel. Après avoir rénové le metal aux côtés de Korn et de Ross Robinson, ils l’ont plus ou moins quitté, ou en tout cas l’ont truffé d’influences 80s et d’une intensité romantique qui font généralement défaut dans le genre. Cependant, même si c’est sans doute l’album le moins metal du groupe, il n’est pas sans moments furieux, comme l’intro nu-metallesque de Gauze (intro suivie d’une voix mielleuse à souhait et d’un refrain Cure meets Smiths) ou d’entrée de jeu le riff bulldozer de Swerve City. Mais une fois de plus, tout est une question d’atmosphère, d’ambiance et de finesse, notamment dans l’habillage sonore précieux de Frank Delgado ou dans la basse de Sergio Vega, qui occupe maintenant sa vraie place au sein du groupe. Les morceaux montent en puissance, descendent, explosent et se calment, souvent en quelques minutes. Tout cela est lié par la voix de Chino Moreno qui, aussi cliché que cela puisse paraître, chante de mieux en mieux. Personne ne pourrait élever Entombed ou Tempest à ce niveau, entre murmures et hurlements. Rosemary représente peut-être la quintessence d’un album dont le seul reproche que je peux lui faire est son dernier morceau, un poil en deçà de ce qui précède. Mais ce n’est qu’un détail, lorsqu’on arrive à un tel niveau. Poignant, puissant, beau et intense, Koi No Yokan n’est pas mon album de l’année tout simplement parce que je savais qu’il serait mon préféré.

2 Cloud Nothings – Attack On Memory. En échangeant une pop-rock indé très lofi pour une production Albini et une ambiance, disons-le, grunge, Dylan Baldi a montré sans aucun effort qu’il n’avait pas à rougir de la comparaison avec Kurt Cobain. Comme lui, il sait écrire une pop song parfaite sans en avoir peur, comme lui il peut devenir enragé quasi sur commande. L’album déjà annoncé pour 2013 pourrait être celui de l’explosion d’un des plus grands talents contemporains.

1 Metz – Metz Je me suis parfois demandé ce qu’aurait été In Utero enregistré avant Nevermind, à savoir l’intensité violente et sans compromis de Cobain sans les sensibilités pop ni l’arrière-goût du succès. Et j’aime penser que cet album aurait pu vaguement ressembler à Metz. Sans aucune concession, parfois proche du noise rock, le premier album du trio (ben oui) claque fort, très fort, autant que les meilleures heures de Shellac (ben tiens) ou de Drive Like Jehu. Chaque morceau, chaque seconde ne tient que sur un fil, comme si la vie du groupe en dépendait (ce qui est apparemment le cas lors de leurs concerts). Si Dylan Baldi en est le pendant pop, alors Metz représente la partie disto/overdrive/big muff de Cobain (et de tous ceux qui venaient avant lui, devinez chez qui Metz est signé?). J’aurais même pu encore sortir le mot qui commence par G.

Deftones – Diamond Eyes

Quatre ans entre deux albums, c’est une éternité pour certains (en quatre ans, Arctic Monkeys sort trois albums), ou rien grand chose pour d’autres (Tool, évidemment). Dans le cas des Deftones, c’est le délai le plus long jamais enregistré entre deux albums, mais pour une raison hélas assez bonne. Saturday Night Wrist est sorti fin 2006, sous d’excellentes critiques qui louaient en groupe en danger, qui avait profité des difficultés pour se sublimer. Le groupe travaillait sur son nouvel album, l’agressif Eros, quand un accident de voiture envoya le bassiste Chi Cheng dans un coma duquel il n’est toujours pas sorti. Après réflexion, Deftones a décidé de ne pas sortir Eros tant que Chi était absent, et d’écrire un nouvel album reflétant leur état d’esprit. C’est dans ce contexte très particulier qu’il faut placer Diamond Eyes, album d’une nouvelle énergie, d’une nouvelle force de vie… et meilleur Deftones en dix ans.

Aussi cliché que cela puisse paraître, Diamond Eyes est vraiment le son d’un groupe qui s’est retrouvé. Chi est donc absent, remplacé par Sergio Vega (ex-Quicksand), mais ce n’est pas la seule différence visible : le chanteur Chino Moreno a subi une modification physique assez impressionnante, perdant ses (nombreux) kilos en trop pour retrouver une forme proche des débuts, mais aussi une voix : Chino n’a simplement jamais chanté aussi bien. Même s’il était facile de les catégoriser dans le mouvement nu-metal, les ‘Tones ont toujours eu quelque chose en plus, et Chino incarne en grand partie ce quelque chose. Personnalité attachante et émotive, fan de Cure et des Smiths, il semblait assez loin des considérations gothico-cocasses de Jonathan Davis ou du rap macho stupide de Fred Durst. Chino approche la dualité de la musique de son groupe à la perfection : ses cris sont toujours perçants et puissants (Royal, Rocket Skates), mais ils sont généralement entrecoupés de passages mélodiques qui voient parfois Chino crooner. Souvent, les deux facettes du personnage se suivent dans une même respiration, rappelant avec plaisir White Pony, pour moi, un de mes albums préférés de tous les temps. Le morceau-titre et introduction de l’album donne le ton, avec des guitares crunchy et un refrain hypermélodique. Le duo Royal/CMND-CTRL est aussi agressif que possible, le guitariste Stephen Carpenter semblant jouer avec des lames de rasoir, mais Chino chante et hurle comme bon lui semble, emmenant deux morceaux apparemment simples vers des niveaux étonnants d’émotion.

On pouvait se douter que l’album posséderait une charge émotionnelle forte, mais rien ne fait directement allusion à la condition de Chi. Cependant, chaque morceau est à fleur de peau, surtout à partir de Beauty School, où la voix de Chino arrive à un niveau littéralement jamais atteint, sur un riff de guitare hypnotique et lancinant. Une des meilleures choses jamais réussies par le groupe, qui place Diamond Eyes dans la catégorie chef d’oeuvre sans hésitation. La suite ne fera que confirmer, que ce soit le mouvementé Prince (où Sergio Vega montre qu’il n’est pas juste un remplaçant), l’agressif et répétitif Rocket Skates ou l’extraordinaire final. Parce que comme White Pony, Diamond Eyes est un album qui s’écoute du début à la fin sans une seconde d’ennui. Il est peut-être l’album le plus « calme » du groupe, il est aussi le plus maîtrisé : outre Beauty School, Sextape et Risk (« I will save your life ») atteignent des niveaux inouïs de beauté pure tandis que This Place Is Death conclut magistralement un album passionnant, qui prend aux tripes, qui tire sur la corde de l’émotion sans jamais verser dans l’emo.

Passionnant, parce que Deftones n’a jamais essayé de faire du bruit, de faire un truc du genre « c’est pas juste, notre bassiste n’a rien demandé et il est dans le coma le monde c’est de la merdeAAAARGHHH » alors qu’ils auraient facilement pu le faire, et tout le monde aurait trouvé ça normal. Au contraire, la seconde partie de l’album serait très confuse pour l’auditeur qui se serait arrêté à Around The Fur : pas specialement de passage mosh-friendly, mais beaucoup de sentiments et d’émotion. Chino Moreno, et tout le groupe se place vraiment à part dans le paysage musical contemporain. Un des meilleures groupes metal de l’histoire vient encore de sortir un album extraordinaire. Maintenant, il faut juste attendre que Chi se porte mieux pour enfin entendre Eros, et encore beaucoup, beaucoup d’autres albums : les Deftones sont incapables d’autre chose que l’excellence.

Blip.fm : Royal, Sextape, Prince

Deftones – White Pony (2000)

WhiteponyUn des premiers groupes nu-metal (avec Korn, qui a débuté à la même époque), Deftones est considéré comme un des plus gros groupes metal actuel (ce qui sera le seul jeu de mot de l’article). Saturday Night Wrist, leur cinquième et dernier album à ce jour confirmait ce fait avec classe. Mais c’est avec White Pony que le groupe a pu passer du statut de groupe metal underground à potentiel vers celui de grand groupe populaire et intéressant. Les deux premiers ne sont pas mauvais, très loin de là, mais ne montrait pas encore ce dont ils étaient capable, ces variations atmosphériques qui sont leur force et particularité.

Feiticeira, le morceau d’ouverture, ne donne pas dans la dentelle, avec son superriff comprimé et un Chino Moreno (voix) qui alterne entre cri primal et chant habité, une schizophrénie qui ne le quittera jamais. Personne d’autre n’est Chino Moreno, personnalité imprévisible (YouTube est plein d’extraits de concerts montrant un Chino complètement bourré, et faisant littéralement n’importe quoi), mais génial. Si l’on excepte peut-être son comparse de douleur introspective Jonathan Davis, personne dans le metal ne chante mieux les tréfonds de l’âme humaine, la difficulté d’exister, le tout avec une pureté et une authenticité remarquables. Et c’est clairement le point fort du groupe : oui, Deftones est un groupe metal, mais qui doit autant à The Cure et aux Smiths qu’à Slayer et Black Sabbath.

La suite immédiate alterne entre calme provisoire et violence non dissimulée. On peut facilement remarquer des influences ambient et new wave, ce qui n’était pas très commun dans le metal de l’époque, peu enclin à être influencé par cette période que certains esprits étroits jugent peu recommendables. Les paroles sont aussi un voyage peu reposant dans l’esprit de Chino Moreno, ou du ses personnages, la différence étant sans doute ténue. Musicalement, aucun des membres n’est à proprement parler un virtuose, mais le but est de créer une atmosphère propre, et pas une simple collection de morceaux. Le but est évidemment atteint, en grande partie grâce aux bidouillages sonores de Frank Delgado.

Teenager pousse cette recherche d’ambiance jusqu’à éliminer complètement la guitare, alors que Korea expose un Chino plus bipolaire que jamais. En parlant de bipolaire, que dire de l’exceptionnel The Passenger, duo somptueux avec Maynard James Keenan, frontman d’un des autres groupes metal inventifs contemporains, Tool. Suit l’encore plus étrange Change (In The House of Flies) – exemple de paroles : « I watched you change / Into a fly » – et l’album peut se clôturer calmement avec Pink Maggit, qui créa assez rapidement une controverse.

En effet, leur label, se rendant compte que l’album ne comptait aucun single potentiel, leur demanda – força – d’écrire un 7 Words, ou un My Own Summer. Et de manière assez flamboyante, Moreno décida d’écrire le morceau le plus facilement commercial de leur carrière. Basé sur les accords de Pink Maggit, Back To School voit Chino rapper à la rap-metal classique, créant un hit alternatif dispensable mais terriblement efficace. Mais même s’il est présent sur certaines ressorties de l’album, Back To School ne fait pas partie de White Pony.

La suite ne sera pas une promenade de santé pour le groupe, confronté aux problèmes personnels de Chino Moreno, dont les différentes addictions le rendent complètement ingérables. Après un album (Deftones) moyen, une compile de faces B et le projet parallèle de Moreno, le groupe a très douloureusement accouché de l’excellent Saturday Night Wrist, et aux dernières nouvelles, la tournée 2007 se déroule très bien.

On ne peut qu’espérer que Chino aille mieux, car son groupe, qui a décroché une place dans la panthéon du metal, peut aller encore bien plus loin. White Pony, bien que très importante, n’est qu’une étape dans la mission de Deftones, rendre le monde tolérable, via une musique organique, personnelle et enivrante.

Deftones – Saturday Night Wrist

On les croyait morts, les Deftones, minés par le conflit interne imposé par le chanteur, l’imposant (il a triplé de volume en 10 ans) Chino Moreno. Après le semi-échec commercial et critique de l’éponyme quatrième album, Chino décida de quitter le groupe, sans prévenir, durant les sessions d’enregistrment du cinquième. En résulta une grosse tension qui a failli faire éclater le groupe, mais aussi le projet parallèle de Chino (Team Sleep) et une compilation de raretés des Deftones. Quelques mois plus tard, après moults retards, Saturday Night Wrist voit le jour, et surprise : c’est peut-être leur meilleur album à ce jour.

Les Deftones ont toujours compté sur deux éléments pour rendre leur musique unique : la voix de Chino, murmure habité, et les atmosphères musicales, pouvant aller du (très) bruyant au calme, quasi ambient. Et c’est évidemment le cas ici, dès le morceau d’ouverture et premier single Hole In The Earth. L’album est homogène, mais compte sur quelques modificaitons de la formule pour ne pas céder à la facilité : Rapture et Rats! Rats! Rats! comptent parmi les morceaux les plus violents jamais enregistrés par le groupe, Mein voit la collaboration réussie de Serj de System of a Down, et on retrouve même un superbe instrumental dont le titre fera sourire ceux qui comprennent la (semi) private joke (U,U,D,D,L,R,L,R,A,B,Select,Start).

On peut toutefois se demander ce qui Pink Cellphone vient faire au beau milieu de l’album : ce monologue borderline ridicule de Annie Hardy (Giant Drag) n’a pas sa place dans l’album (mais la fin est tordante, si vous avez la version non censurée), mais heureusement la suite vient confirmer ce qu’on pensait déjà : SNW est un des meilleurs album s del’année, tous genres confondus, et se retrouve avec White Pony au panthéon des meilleurs albums métal contemporains. Etonnant, mais vrai.