Avec le temps, on tend à oublier le passé de Dave Grohl, et c’est une bonne chose, même s’il revient étrangement nous hanter quelques fois sur In Your Honour, cinquième album du groupe, et double en plus.
Évidemment, on trouve toujours du monde pour critiquer Grohl, que ce soit pour son projet metal Probot (où, comme pour le premier album des Foo Fighters, il joue de tous les instruments) ou pour son ubiquité : ces dernières années, il a joué de la batterie pour Queens of the Stone Age (avec tournée en plus), Garbage, Nine Inch Nails, et sûrement d’autres, tout en préparant ce double album mammouth. Dave crée des jalousies, c’est évident, et comme les deux derniers Foo Fighters n’était pas vraiment géniaux, on pouvait s’attendre à un gros backlash en cas d’échec artistique d’In Your Honour, avec ou sans u selon le pays de vente.
Donc, l’idée de IYH, c’est un cd de morceaux hard, et un second de chansons plus calmes, ce qui semble quand même assez foireux comme idée. Finalement, on se rend assez vite compte que c’est en fait pas bête, et ça évite le premier cd de retomber après quelques morceaux énergiques. Parce que de l’énergie, il y en a : In Your Honour, le premier morceau est très dur, commence sur un mur de guitares, une batterie dévastatrice (le groupe se paye quand même le luxe d’avoir un batteur extraordinaire comme chanteur, tout en conservant un batteur effectif remarquable, Taylor Hawkins), et la voix hurlante et graineuse de Dave : « Can you hear me / Hear me screaming ». Comme intro, on ne fait pas mieux, et le reste est souvent à l’avenant, on connaît le single Best of You, on peut rajouter le glam-rock DOA, No Way Out, aux accents vaguement Queenesques, ou Free Me, qui pourrait même faire penser à un ancien groupe de Grohl.
Ce mur du son sans pitié laisse quand même place aux mélodies, surtout sur The Last Song, un gros single potentiel ou Resolve. End Over End termine un disque apocalyptique, décoiffant et sans aucun doute la collection de morceaux la plus compacte jamais enregistrée par le groupe, et qui ne nous donne pas le temps de respirer une seconde.
Et c’est pour cela que le second disque a été conçu. Problème : le modèle même de l’album acoustique enregistré par un groupe heavy et sans concessions, c’est Nirvana Unplugged in New York… Il est impossible de ne pas faire la comparaison, dès le premier morceau, Still, beau mais triste, emmené par des superbes mélodies, et un Dave Grohl qui montre une grande versatilité dans son chant. Le ton du disque est donné, des couches discrètes de guitares et de cordes, qui donne une impression aigre-douce assez juste. De plus, Friend of a Friend a été écrit lorsque Grohl était encore chez Nirvana, et tout cela ajoute encore plus d’introspection à ces morceaux émotionnellement chargés. Norah Jones (si) allège un peu tout ça sur le jazzy Virginia Moon, mais des morceaux comme Miracle ou Cold Day In The Sun (chanté par Taylor) sont remarquables dans leur cadre.
In Your Honour n’est pas fait pour une écoute de bout en bout, évitant ainsi la malédiction du double album égocentrique (cf The Beatles, Mellon Collie And The Infinite Sadness, entres autres), et rien que pour cela, il mérite d’être recommandé. Il n’y avait pas de chemin facile pour le groupe : ils voulaient éviter l’alternance loud/quiet sur l’album, mais il fallait quand même avoir une dizaine de morceaux sur chaque disque, et 20 morceaux de même qualité, c’est presque mission impossible.
Le projet était ambitieux, et on peut le qualifier de réussi. In Your Honour remet sur groupe sur la bonne voie, et même si The Colour and the Shape reste sans doute leur meilleur album, les Foo Fighters se créent petit à petit un chemin, si pas vers la gloire, au moins vers la reconnaissance publique et professionnelle, est c’est amplement mérité. La grande question est, vu que In Your Honour pousse le concept FF à son paroxysme, où aller maintenant?