Troisième album en autant d’années pour Alex Turner, leader d’Arctic Monkeys qui s’associe ici à Miles Kane (Rascals, on en reparlera) pour créer un projet et un album qui ne ressemble non seulement pas aux Monkeys mais non plus à quoi que ce soit de connu actuellement.
La légende dit que nos deux acolytes eurent envie d’explorer de nouvelles directions après avoir découvert (ben oui, ils ont quoi, 20 ans) David Bowie ou Scott Walker. En résulte cet album, qui regorge d’arrangements classieux, de cordes, de trompettes et d’ambiances inattendues. Plus précisément, c’est le London Symphonic Orchestra qui apparaît sur chaque morceau, et qui est dirigé par Owen Pallett, plus connu en tant que Final Fantasy mais surtout comme arrangeur d’Arcade Fire.
Le single/morceau titre exprime tout cela à la perfection : un rythme galopant, des violons mais la voix et les paroles totalement inratables d’Alex Turner. Oh, on peut trouver ça et là des influences venant de son groupe principal, surtout si on tente de faire abstraction des arrangements, et qu’on se rapproche de morceaux atypiques des Monkeys comme 505 ou Despair In The Departure Lounge, mais c’est bel et bien un autre groupe. Toujours en parlant des paroles, Turner s’est encore amélioré, et arrive maintenant à un très haut niveau, sublimant ses anciennes habitudes de poésie urbaine pour arriver à quelque chose de plus englobant, de plus littéraire aussi, sans tomber dans le pédant à la Divine Comedy.
On ne sous-estimera pas l’apport de Miles Kane, dont la voix souvent hargneuse apporte un contrepoids à Turner, comme sur I Don’t Like You Anymore, un des points forts d’un album qui en compte beaucoup : on peut ausi rajouter le futur classique Standing Next To Me, qui semble ne pas avoir d’âge, et certainement pas celui des protagonistes. D’ailleurs, on peut presque entendre I Don’t Like You Anymore en se remémorant des scènes classiques de vengeance d’un Tarantino.
On a appris récemment que la très chimique Amy Winehouse allait chanter le thème du prochain James Bond, l’intraduisible Quantum of Solace. On aurait préféré Calm Like Me ou In My Room (le début est totalement John Barry). Chaque extrait peut prêter à exégèse, comme Separate And Ever Deadly, évoquant d’étonnantes influences (Jacques Brel via Scott Walker, j’imagine) ou le menaçant Only The Truth.
Mais un grand album, c’est surtout des bonnes chansons. Et la où Favourite Worst Nightmare privilégiait parfois la forme au fond (mais avec brio), on se rend compte que Turner n’a rien à envie aux songwriters anglais classiques. Noel Gallagher a souvent cité Burt Bacharach comme influence, mais aurait-il pu écrire My Mistakes Were Made For You?
Comme Arctic Monkeys nous a habitué, la fin de l’album est stupéfiante. Meeting Place est calme, relaxant et butine de voix en voix, nous laissant avec un sentiment de bonne humeur et de légèreté, malgré le thème (qui se retrouve sur tout l’album) d’amours évidemment contrariées. Enfin, The Time Has Come Again conclut l’opus en deux petites minutes réflexives, comme le dernier morceau d’un film, pendant que les crédits se déroulent et que quelques spectateurs ne veulent pas sortir de l’ambiance, ni revenir dans le monde réel.
Vous l’aurez compris, The Last Shadow Puppets, j’aime bien. Pourtant, j’avais des gros doutes, qui ont été totalement dissipés à l’écoute de l’album, qui prouve toute une série de choses, notamment qu’Alex Turner est clairement le songwriter le plus doué de sa génération. Là où beaucoup prévoyaient une chute Gallagherienne, The Age Of The Understatement est une réussite majeure. Il montre qu’il ne perd pas de sa superbe et est tout à fait capable, déjà maintenant, de tenter des nouvelles choses, de se renouveler. Le futur est ouvert, et terriblement excitant.