Comme leurs illustres pairs de l’époque, les Stones ont débuté avec des reprises de standards rock ‘n roll : Chuck Berry, Buddy Holly, et même un original de Lennon/McCartney. Peu de temps après, le premier original signé Jagger/Richard (Keith n’avait pas encore ajouté le "s") voit le jour. C’est à partir de 64 que la grande majorité des morceaux des Stones seront originaux. Même si Jagger a bien appris ses leçon : le double sens de Little Red Rooster sera repris tout au long de sa carrière, jusqu’au récent A Bigger Bang.
Les choses sérieuses ne commencent qu’avec le dixième morceau, The Last Time. Puis, la déferlante de morceaux exceptionnels. (I Can’t Get No) Satisfaction, forcément, mais aussi Get Off Of My Cloud, Paint It Black (sérieusement une des meilleures chansons de tous les temps, rien à dire), Mother’s Little Helper et ses traits acide de critique sociale chère à Jagger. Under My Thumb, s’il fallait le prouver, montre les talents de Charlie Watts, batteur d’une grande finesse avant que l’excellent Have You Seen You Mother Baby, Standing In The Shadows clôture le premier disque. On l’a déjà dit, le riff de Satisfaction pourrait déplacer des montagnes, et les différentes significations du texte ne font que renforcer son status d’icône. Mais je le répète, Paint It Black est vraiment un morceau exceptionnel, la voix de Jagger est légendaire, menaçante, terrifiante. Le premier crash de batterie de Watts vaut bien tout le heavy metal du monde.
Pas grand chose à dire, évidemment. Des débuts hésitants et forcément peu originaux, mais le rock ‘n roll était si jeune. La paire d’auteurs/compositeurs Jagger/Richards ne fera que monter en puissance, ce que le second disque montre parfaitement. Ruby Tuesday, She’s A Rainbow, Jumpin’ Jack Flash, Sympathy For The Devil, et un final ébourriffant : Gimme Shelter, You Can’t Always Get What You Want, Brown Sugar, Honky Tonk Woman et Wild Horses. Les mots ne suffisent pas, il faut se taire et écouter. Mais Gimme Shelter… Difficile, après tout ça, ne ne pas considérer le Stones, ces Stones, comme le plus grand groupe de rock du monde. Ils l’étaient.
Alors, forcément, ça a méchamment dégénéré. La paire Jagger/Richards vire au pathétique, entre concerts privés pour détenteurs de carte de fidelité de supermarché suisse et chute de cocotier, en passant par des albums dont personne n’a quoi que ce soit à foutre. Les Beatles n’ont eu que dix ans de carrière, Nirvana huit, les Stones quarante-cinq, et ce n’est pas fini. Alors, forcément, on perd de sa puissance, de son intensité, de son utilité. Ils auraient définitivement du raccrocher il y a bien longtemps, mais ce n’est pas notre décision. Notre décision, c’est de se souvenir des Stones par, et pour, Rolled Gold, qui compile leurs plus grands moments. On pourra toujours s’attaquer aux albums après Pirates des Caraïbes.