Le but de ce blog n’a jamais été d’apporter des news, d’autres le font mieux et bien plus rapidement. J’aimerais toutefois apporter un commentaire aux deux nouvelles qui ont fait débuter 2010 sur les chapeaux de roues, à savoir le retour de deux groupes cultes du rock alternatif des 90s, Soundgarden et Hole.
Ce type de nouvelle parle forcément aux gens de la génération qui a grandi au son de tout ce qui sortait de Seattle. J’avoue que Soundgarden était sans doute le groupe que j’aimais le moins du « Big 4 » (avec Alice in Chains, Nirvana et Pearl Jam), notamment parce qu’ils ont commencé un peu plus tôt (1984), et comme j’ai pris le train en marche, ils n’ont pas vraiment pu être « mon » groupe. De plus, j’ai souvent eu du mal à apprécier les acrobaties vocales parfois exagérées du frontman Chris Cornell. Soundgarden était toutefois un groupe fantastique, aux influences classic rock/metal/punk, avec un côté Led Zep fortement marqué.
Soundgarden a connu un certain succès commercial, surtout grâce à Black Hole Sun, dont la vidéo surréaliste fit les beaux jours de MTV. Puis, quelques années après, suite à un album flop et les classiques disputes internes (surtout entre Cornell et le guitariste Kim Thayil), Soundgarden est devenu le premier (et seul à ce jour) du Big 4 à se séparer. Thayil et le bassiste Ben Shepherd se sont fait discrets, par contre, le batteur Matt Cameron est devenu membre de Pearl Jam en 1999. Reste le cas Cornell…
On connaissait la propension du gars aux prouesses vocales parfois peu justifiées (dans le genre je fais ma Céline Dion quand je veux), mais il reste un excellent vocaliste et (surtout?) compositeur. Au cours des 10 dernières l’années, l’ami Cornell s’est un peu perdu. Le tout a commencé avec un album solo tiède (Euphoria Morning) puis par un nouveau groupe, Audioslave. L’idée pouvait être intéressante (Cornell + les trois musiciens de Rage Against The Machine) mais la collaboration a vite perdu tout intérêt, au point que pour le second album, ils jouaient autant de reprises (Soundgarden et RATM mais pas seulement) que d’originaux, et pour le troisième, ils n’ont même pas bougé de chez eux.
Un retour prévisible
Cornell s’est barré d’Audioslave avec fracas, a sorti un second album solo embarrassant et un thème de James Bond très oubliable, avant d’avoir l’idée farfelue de se la jouer RnB et de se faire produire par Timbaland. Le résultat, Scream, fut tellement ridicule qu’il n’avait plus qu’une seule option pour relancer sa carrière.
Les rumeurs se sont accentuées, notamment lorsque tout le groupe (sans Cornell) a rejoint un concert organisé par Tom Morello pour jouer trois morceaux de Soundgarden avec Tad Doyle au chant, ou lorsque Cornell a rejoint Pearl Jam pour chanter Hunger Strike (de Temple of the Dog, soit à l’époque deux Soundgarden et trois Pearl Jam), avec la présence backstage des deux autres membres. Officiellement, on ne parlait que d’un album de raretés, voire d’un boxset mais nous avons finalement droit à une véritable réunion.
Pas plus d’info en ce moment, si ce n’est un site internet (www.soundgardenworld.com) qui ne mentionne rien d’autre que la fin du « break » (tiens, il semble me souvenir que la réalité était autre…) du groupe, sans mentionner de plans, mais on sait que les festivals européens sont friands d’anciennes gloires qui reviennent, et ils offrent généralement un paquet de fric qui est, il faut l’accepter, la raison principale de cette vague de comebacks plus fracassants les un que les autres.
Matt Cameron et Pearl Jam
On aura l’occasion de reparler de tout cela. Une grande question demeure : quid de Matt Cameron? Une bonne année après la séparation de Soundgarden, Pearl Jam perd son batteur Jack Irons avant la tournée Yield de 1999. Cameron était évidemment proche du groupe (il était d’ailleurs le batteur de leur toute première démo, celle qui a été envoyée à un surfer de San Diego appelé Eddie Vedder pour qu’il y pose sa voix), et a accepté de faire la tournée.
Ce qui ne devait être qu’un interim s’est transformé en CDI, et Matt Cameron est maintenant membre de Pearl Jam depuis onze ans, ce qui est plus que le total de leurs trois premiers batteurs. Même si l’actualité de Pearl Jam devrait être relativement calme en 2010, ils ont une tournée européenne planifiée à un moment où Soundgarden aurait pu tourner, en plein été. Il n’y a forcément que trois solutions : Cameron quitte Pearl Jam pour rejoindre « son » groupe, et Pearl Jam trouve quelqu’un d’autre, avant ou après la tournée (peu probable, vu la place occupée par Cameron au sein de PJ), Cameron choisit de ne pas participer à la réunion de Soundgarden (aussi peu probable, même si l’annonce officielle de la reformation n’a pas précisé les membres du groupe) ou alors, Cameron trouve un moyen de s’organiser pour gérer les deux. Je pense que cette solution est la bonne : Pearl Jam n’a rien de prévu avant l’été (si ce n’est un concert one-off à New Orleans), ce qui laisse du temps à Cameron pour répéter avec Soundgarden, et après les deux semaines de PJ en Europe, il pourra y retourner.
Qu’en penser?
Cornell n’avait pas vraiment d’autre choix que de réactiver son ancien groupe, de plus, la mode actuelle des reformations des anciennes gloires des années 90 est toujours très lucrative, surtout en Europe. Musicalement, c’est une autre histoire. Cameron est bien ancré chez PJ, Thayil a, quant à lui, travaillé avec Sunn 0))). On sait que la voix de Chris Cornell n’est plus ce qu’elle était, mais soyons un minimum honnête : il est impossible qu’elle n’ait pas changé avec le temps, comme celle d’Eddie Vedder, par exemple. Cependant, il me semble peu probable que la réunion soit un échec, notamment parce qu’ils ont eu le temps de réfléchir du bien fondé de l’opération, et que les musiciens sont assez talentueux pour offrir une bonne performance. Sera-t-elle au niveau de Faith No More, dont les shows de réunion de l’an dernier furent souvent extraordinaires, cela reste à prouver. Mais on le saura dans le courant de cette année, peut-être lors des festivals européens de fin d’été.
Quant à l’éventuel nouvel album, je suis toujours partagé. D’un côté, on a la crainte légitime de sortir un album qui n’est pas du même niveau que les précédents (raison pour laquelle les Pixies, cinq ans après leur retour, n’ont toujours pas de nouveau matériel) mais de l’autre, un retour au but uniquement nostalgique perdrait vite de son intérêt artistique. Alice in Chains a réussi à revenir avec un nouvel album excellent, même si très profondément ancré dans « leur » époque.
Soundgarden en 1997
Mais chaque chose en son temps : maintenant, c’est simplement le moment de se réjouir du retour d’une des icônes des années 90, et/ou se plaindre du fait que tout ça, c’est juste une affaire de pognon.
En parlant de pognon, je vous parle de Hole la prochaine fois…